Kael tourna lentement la tête, les yeux encore embués par les larmes du souvenir qui venait de le hanter. Le garçon qui se tenait devant lui était jeune, probablement pas plus de douze ans. Ses traits étaient tirés, et son corps frêle témoignait d'une vie marquée par la souffrance et le manque. Cependant, dans ses yeux dorés, une étincelle d'espoir subsistait, fragile mais tenace.
« Tu es… tu es celui de l'arène, n'est-ce pas ? » répéta le garçon, sa voix tremblante mais emplie d'admiration.
Kael, encore sous le choc de ses souvenirs et de sa fuite, mit un moment avant de répondre. Il observa le jeune garçon, cherchant des indices sur ses intentions. Ce dernier semblait tout aussi méfiant, reculant légèrement lorsque Kael se redressa sur ses genoux.
« Oui, c'était moi, » répondit-il enfin d'une voix rauque. « Qui es-tu ? Et que fais-tu ici ? »
Le garçon hésita, jetant un coup d'œil nerveux autour de lui avant de s'avancer de quelques pas. Il semblait lutter pour trouver les mots, comme si parler était un effort qu'il n'avait plus l'habitude de fournir.
« Je… je m'appelle Rin, » finit-il par dire. « J'étais esclave au domaine. Quand le garou a brisé la cage… et que tout le monde a commencé à fuir, j'ai saisi ma chance. Je t'ai vu combattre. Personne n'a jamais défié Lloris comme ça. »
Kael baissa les yeux, ses griffes raclant inconsciemment le sol gelé. « Ce n'était pas du courage, » murmura-t-il. « C'était de la survie. »
Rin fronça les sourcils, son expression se durcissant légèrement. « Peut-être, mais tu as montré quelque chose que les autres n'oseraient jamais faire. Tu as affronté leur terreur… et tu as gagné. »
Un silence s'installa entre eux, seulement troublé par le bruissement des feuilles sous la brise nocturne. Kael releva finalement la tête et scruta le jeune garçon. Malgré son apparence fragile, Rin avait un air résolu, comme s'il portait un fardeau bien trop lourd pour son âge.
« Pourquoi m'as-tu suivi ? » demanda Kael, brisant le silence.
Rin détourna les yeux un instant, cherchant ses mots. « Parce que… parce que je ne peux pas survivre seul. Mais surtout parce que je veux comprendre. Comprendre comment tu as pu faire ça. Comment tu as eu cette force. »
Kael se leva lentement, ses membres engourdis par le froid. Il posa une main sur l'épaule de Rin, qui tressaillit légèrement sous le contact mais ne recula pas.
« Ce n'est pas une force, Rin. C'est une douleur. Une douleur si profonde qu'elle te pousse à te battre, même quand tu veux abandonner. »
Rin leva les yeux vers Kael, son regard empli de questions et d'un respect naissant. « Alors… peut-être que moi aussi, je peux trouver cette force. »
Kael esquissa un faible sourire, le premier depuis des jours. « Peut-être que tu peux, » dit-il doucement. « Mais pour l'instant, nous devons trouver un endroit sûr. Ces bois ne seront pas sûrs longtemps. »
Ensemble, ils commencèrent à marcher à travers la forêt, leurs pas écrasant doucement le tapis de feuilles mortes. Alors qu'ils avançaient, Rin brisa à nouveau le silence.
« Tu… tu avais quelqu'un, toi ? Une famille ? »
Kael serra la mâchoire, le souvenir de Maria remontant brutalement à la surface. « Oui, » répondit-il simplement. « Mais ils sont morts. »
Rin hocha la tête, comme s'il comprenait, bien que son jeune âge n'ait probablement pas encore connu une perte similaire. « Moi aussi. Mes parents ont été tués quand j'étais petit. Les soldats… » Il s'interrompit, sa voix se brisant légèrement.
Kael posa une main réconfortante sur l'épaule du garçon. « Alors tu sais pourquoi nous ne pouvons pas rester ici à pleurer nos pertes. Nous devons avancer et nous venger, pour eux. »
Rin acquiesça, une nouvelle détermination illuminant ses traits. Ensemble, ils continuèrent leur chemin, s'enfonçant plus profondément dans la forêt, guidés par l'instinct et la vengeance.