Le vacarme assourdissant des sirènes déchirait la tranquillité nocturne, couvrant les cris désespérés et les ordres lancés dans le chaos. Les flammes, insatiables et dévastatrices, engloutissaient l'immeuble avec une voracité presque vivante, projetant une lumière infernale sur la scène. Chaque craquement sinistre des murs s'effondrant résonnait comme un glas, un écho funèbre annonçant la fin imminente d'une vie ordinaire.

L'air était saturé de fumée âcre, étouffante, brûlant mes poumons à chaque inspiration. Mes jambes, vacillantes sous l'épuisement, menaçaient de céder, mais je n'avais pas le droit d'abandonner. Pas maintenant.

« Dépêchez-vous ! Sortez ! » hurlai-je, ma voix à peine audible au milieu du rugissement des flammes. D'un geste désespéré, j'aidai l'un de mes amis à franchir l'encadrement incandescent de la porte, ma peau picotant sous la chaleur insoutenable.

Le temps semblait se distordre. Chaque seconde s'étirait douloureusement, chaque mouvement devenait un combat contre la destruction omniprésente. La peur et l'adrénaline étaient les seules choses qui me tenaient debout.

Lorsque je franchis enfin la sortie, l'air glacé de la nuit m'enveloppa comme une vague salvatrice. Mes amis, haletants, étaient regroupés à une distance prudente du brasier, leurs visages marqués par la terreur et l'incrédulité.

Puis leurs regards se figèrent, fixant quelque chose derrière moi. Non… sur moi.

C'est alors que je le ressentis. Une brûlure vive, suivie d'une douleur sourde qui irradia dans ma poitrine. Mon souffle se coupa. Je baissai les yeux et découvris mon corps, marqué de blessures et de brûlures profondes. Le sang s'échappait en un flot continu, imbibant mes vêtements déchirés.

« Non… pas maintenant… » soufflai-je, mes jambes cédant sous mon poids. Je m'effondrai, le froid mordant de la terre contrastant brutalement avec la chaleur infernale que je venais de quitter.

Allongé là, incapable de bouger, je regardai le ciel obscur au-dessus de moi. La douleur s'éloignait lentement, remplacée par une étrange sérénité.

« Alors… c'est comme ça que ça se termine… » pensai-je, tandis que le monde devenait flou autour de moi. Les cris de mes amis s'effacèrent, se transformant en murmures lointains. Une obscurité douce et apaisante m'enveloppa, m'entraînant vers un silence total.

Je n'avais jamais réfléchi à ce que signifiait mourir. Était-ce une fin brutale ou une transition vers autre chose ? Mais en y repensant, avais-je seulement vécu ?

Ma vie avait été une succession de jours ordinaires. Réservé et solitaire, je me contentais d'observer le monde depuis les marges. Mes seules véritables passions étaient les mondes imaginaires que je découvrais dans les livres et les jeux. Des univers où l'impossible devenait réalité, où les héros façonnaient leur destin.

Une pensée étrange émergea dans cette obscurité apaisante. Une pensée teintée d'ironie.

« Peut-être qu'au fond… à défaut de vivre comme un héros, je voulais au moins mourir comme tel. Juste une fois… »

Et avec cette dernière réflexion, je relâchai l'emprise que j'avais sur mon existence.

Quand j'ouvris les yeux, tout avait changé.

Il n'y avait plus de chaleur, plus de cris, plus de fumée. Seulement un vide infini, immaculé. Un espace paisible où le temps lui-même semblait s'être arrêté.

Une lumière éclatante, douce et réconfortante, émergea devant moi. Elle prit lentement une forme vaguement humaine, bien qu'aucun détail ne soit discernable. Une présence indescriptible émanait d'elle, mélange d'autorité et de bienveillance.

« Courageux, mais si imprudent… » murmura la voix, résonnant dans cet espace vide comme une symphonie harmonieuse. « Tu n'avais pas besoin de mourir ce soir. Et pourtant, te voilà devant moi. »

Je tentai de parler, mais ma voix sembla se briser dans le vide. Après un instant, je balbutiai enfin :

« Q-qui êtes-vous ? Où suis-je ? »

L'entité sembla sourire, bien que ses traits restassent indistincts. « Cela importe peu. Appelle-moi comme tu veux. » Sa voix se fit plus légère, presque joyeuse. « Ce qui compte, c'est ceci : j'exauce des souhaits. Alors dis-moi, jeune héros, que désires-tu ? Une autre vie ? Une chance de recommencer ailleurs ? »

Mes pensées tourbillonnaient. Une autre vie ? Une nouvelle chance ? Les souvenirs de mon existence précédente défilèrent en un éclair : l'ennui, la solitude… mais aussi les rêves et l'évasion que m'offraient les mondes fantastiques.

Une idée éclata dans mon esprit.

« Je veux… Je veux renaître dans un monde de fantasy. Un monde comme… The Beginning After the End. »

L'entité émit un rire cristallin. « Un choix intéressant. Et sous quelle forme ? »

Je pris une profonde inspiration, ou du moins j'en eus l'impression, et murmurai : « Je veux être Elze… Elze, le démon au cœur d'hiver. »

Un silence suivit, puis la lumière sembla se courber, presque amusée. « Fascinant. Très bien. Ton choix est fait. Prépare-toi à renaître, Elze. »

Une chaleur réconfortante m'enveloppa, tandis qu'un tourbillon de lumière m'emportait. Mon corps et mon esprit semblaient se dissoudre pour renaître ailleurs.

La voix résonna une dernière fois : « Ce monde a ses règles, mais ton choix sera adapté. Fais-en bon usage. Bonne chance. »

Lorsque mes yeux s'ouvrirent, une lumière éblouissante m'accueillit. Mon cœur se serra à la pensée de ce qui m'attendait.

« Bonjour, nouveau monde… » murmurais-je, prêt à construire ma propre légende.