Le vent chaud de la ville soufflait autour de Mounir alors qu'il suivait Ali à travers les rues animées, les bruits de la circulation se mêlant aux murmures des passants. Le contraste entre l'agitation qui l'entourait et la tranquillité presque inquiétante d'Ali le perturbait. L'homme marchait d'un pas lent, mesuré, comme si le monde entier lui appartenait. Mounir, quant à lui, se sentait de plus en plus en décalage avec tout ce qui se passait autour de lui. La décision qu'il venait de prendre, de suivre cet inconnu, pesait lourdement sur ses épaules. Il ne savait pas où il allait, ni ce qu'il allait découvrir, mais quelque chose dans l'air semblait promettre une sortie de ce cercle vicieux qu'il vivait depuis trop longtemps.
Ali ne parlait pas. Il marchait simplement, et Mounir avait l'impression qu'à chaque tournant, il se retrouvait un peu plus éloigné de la réalité qu'il connaissait. Les rues devenaient plus désertes, les immeubles plus sombres, comme si le monde lui-même se fermait derrière lui. Finalement, ils arrivèrent devant une porte discrète, enfouie dans une ruelle étroite. Aucune enseigne, aucun signe distinctif. Simplement une porte en bois massif, patinée par le temps, avec une poignée de fer qui semblait avoir vu des siècles de service.
— C'est ici, dit Ali d'un ton calme, mais qui portait une certaine autorité.
Mounir s'arrêta à quelques pas de la porte, son cœur battant plus fort dans sa poitrine. Il avait des doutes, un flot de questions qui se bousculaient dans son esprit. Où l'avait-il emmené ? Que se passait-il derrière cette porte ? Pourtant, il n'arrivait pas à détourner les yeux. Il sentait une étrange attraction, une force magnétique qui le poussait à franchir ce seuil, à découvrir ce qui l'attendait.
— Entrez, dit Ali, comme s'il savait exactement ce que Mounir ressentait, comme s'il avait anticipé ses hésitations.
Mounir prit une profonde inspiration et tourna la poignée. La porte s'ouvrit dans un grincement sourd, un bruit qui résonna comme un avertissement dans son esprit. Mais il n'hésita plus. Il franchit le seuil et entra.
L'intérieur était baigné dans une lumière tamisée, d'une teinte rouge-orangée qui lui donnait l'impression d'être dans une autre dimension. Les murs étaient recouverts de tapisseries anciennes, des symboles gravés dans le bois et la pierre, comme des dessins mystiques, des formules oubliées. L'odeur de l'encens flottait dans l'air, envahissante, envoutante, comme si cet endroit avait été conçu pour perturber les sens.
Ali l'invita à s'asseoir sur un fauteuil en velours rouge, au centre de la pièce. L'atmosphère était presque irrespirable, lourde de mystère. Autour d'eux, des objets étranges étaient disposés çà et là : des statues en pierre noire, des livres antiques aux reliures usées, des bougies allumées sur des tables basses, créant des ombres dansantes sur les murs. Tout ici semblait appartenir à un autre monde, un monde qui n'avait rien à voir avec celui dans lequel Mounir avait vécu jusqu'à présent.
— Tu te demandes pourquoi tu es ici, n'est-ce pas ? dit Ali, les yeux brillants d'une lueur étrange.
Mounir hocha la tête, incapable de répondre. Ses lèvres étaient sèches, sa gorge serrée. Il sentait que la pièce elle-même semblait l'observer, attendant sa réponse. Le regard d'Ali, plus pénétrant que jamais, ne cessait de scruter le moindre de ses mouvements, comme s'il déchiffrait son âme à chaque seconde qui passait.
— Ce que tu cherches, Mounir, ce n'est pas un simple emploi, n'est-ce pas ? Ce que tu veux, c'est une chance de changer ta vie. Une chance de sortir de cette routine, de cette prison invisible dans laquelle tu t'es enfermé.
Mounir se figea, une vague de honte le traversa. Ces mots résonnaient tellement juste, trop juste. Il avait toujours pensé que l'emploi qu'il cherchait, que l'argent qu'il voulait gagner, suffiraient à le sauver, à le libérer. Mais il se rendait compte maintenant qu'il n'avait jamais vraiment su ce qu'il recherchait. Il ne faisait que courir après quelque chose d'intangible, espérant que cela résoudrait tous ses problèmes.
— Que me proposez-vous ? demanda-t-il enfin, sa voix rauque.
Ali sourit, mais ce n'était pas un sourire amical. C'était un sourire qui semblait en savoir plus que lui, qui semblait avoir percé son âme.
— Ce que je te propose, Mounir, c'est un pouvoir. Un pouvoir pour briser les chaînes de ta vie ordinaire, pour dépasser tes limites. Tu veux plus que ce que la société peut t'offrir. Tu veux pouvoir manipuler la réalité, devenir plus que ce que tu es. Et je peux t'aider.
Il s'approcha de Mounir, qui se sentit instantanément plus petit sous le regard pénétrant de l'homme. Ali posa une main sur son épaule, et un frisson glacé parcourut l'échine de Mounir. La chaleur qui émanait de la main semblait soudainement trop intense, comme une marque brûlante laissée sur sa peau.
— Je peux te donner tout ce que tu désires, Mounir. Mais à un prix. Ce prix, c'est ton âme. Et une fois que tu l'auras donnée, il n'y a plus de retour en arrière. Tu seras lié à ce pouvoir, à ce monde, et tu n'auras plus jamais la possibilité de revenir à ta vie d'avant. Es-tu prêt à accepter ce marché ?
Les mots d'Ali résonnaient dans la tête de Mounir comme une cloche lointaine, mais il n'arrivait pas à détourner son regard. Il sentit son cœur battre plus fort, un mélange de peur et de désir brûlant. Était-il prêt à tout sacrifier pour obtenir ce qu'il désirait tant ? Pour enfin se sentir vivant, pour enfin avoir une chance de s'échapper de cette vie morne et sans avenir ?
Il se leva lentement, ses jambes tremblantes sous lui, comme si chaque muscle de son corps était en conflit avec l'idée qu'il venait de concevoir. Mais il savait aussi que cette chance ne se représenterait peut-être jamais.
— Oui, dit-il enfin, d'une voix grave. Oui, je suis prêt.
Ali sourit à nouveau, ce sourire qui n'était ni cruel ni bienveillant, mais qui semblait tout savoir.
— Très bien. Le processus peut commencer, Mounir. Prépare-toi à tout.
Il se tourna alors vers une grande table en bois, où des objets mystérieux étaient étalés : des cristaux, des écrits en langues anciennes, des bougies noires allumées, et au centre, un petit chaudron en fer forgé. Ali s'approcha de la table et prit un petit couteau d'apparence ancienne, avant de se tourner vers Mounir.
— Ce rituel doit être accompli, dit-il d'une voix grave, presque rituelle. Si tu veux vraiment pouvoir changer ta vie, tu dois d'abord franchir cette étape. C'est la clé pour accéder à ce que tu cherches.
Mounir observa la scène avec une appréhension croissante. Mais ses yeux, malgré sa peur, ne pouvaient détacher leur regard de ce qui se passait. Il avait franchi le seuil, il ne pouvait plus revenir en arrière. Il était déjà trop tard pour les doutes. Il était sur le point de se transformer, de découvrir un pouvoir qu'il n'aurait jamais imaginé posséder.