Chereads / Les Cendres de l'Aube / Chapter 4 - Chapitre 3 : Le Sacrifice

Chapter 4 - Chapitre 3 : Le Sacrifice

La lumière vacillait dans la pièce, créant des ombres mouvantes sur les murs. Mounir avait l'impression que tout autour de lui se dissoudrait dans l'obscurité, comme si la réalité elle-même était en train de se décomposer. Les murmures lointains d'un chant inconnu semblaient s'élever dans l'air, se mêlant aux bruits étouffés des flammes dansantes. Ali se tenait devant lui, son visage impassible, une expression presque divine. Il semblait contrôler chaque élément de l'espace autour d'eux, comme s'il avait orchestré l'ensemble de ce moment.

Mounir, quant à lui, était en proie à un tourbillon intérieur. Ses pensées s'entrechoquaient, le doute et le désir se confondant. Il avait accepté le marché, sans vraiment comprendre ce que cela impliquait. Il n'avait jamais cru à la magie, aux sacrifices, à ce genre de pratiques. Mais tout ce qu'il avait vécu jusque-là, chaque échec, chaque frustration, chaque moment d'impuissance, le poussait à croire qu'il n'y avait plus d'autre option. Si Ali avait la clé pour le libérer de cette vie morne, il n'avait pas le choix.

Ali se tourna lentement vers la table. D'un geste précis, il prit un des cristaux noirs qui y reposaient et le plaça dans le chaudron. Un éclat vert fluo jaillit immédiatement de l'objet, illuminant la pièce d'une lueur surnaturelle. Mounir sentit une pression croissante sur sa poitrine. L'air semblait se raréfier autour de lui, une chaleur presque insupportable émanant du chaudron. Le temps semblait suspendu, comme si le monde entier retenait son souffle, attendant quelque chose, un événement décisif.

— Ce rituel est un passage, dit Ali en posant les yeux sur Mounir. Un passage vers un autre monde. Un monde où les règles que tu connais n'existent plus. Où tes limites seront effacées. Mais tout ceci a un prix.

Les mots résonnaient dans l'esprit de Mounir comme un écho lointain. Il était conscient qu'il n'avait plus de retour possible, mais la tentation de pouvoir, de pouvoir réel et tangible, avait pris le dessus. Il voulait cette chance. Il voulait tout ce qu'Ali pouvait lui offrir. C'était la seule chose qui comptait désormais. Mais une peur insidieuse se frayait un chemin à travers ses pensées. Et si tout cela n'était qu'une illusion ? Et si, après tout, il était condamné à regretter ce choix ?

Ali posa ses mains sur la table, les yeux fixés sur le chaudron. Un sourire subtil, mais menaçant, se dessina sur ses lèvres.

— Tu ne peux pas revenir en arrière, Mounir, dit-il doucement. C'est maintenant ou jamais.

Un frisson parcourut l'échine de Mounir. Il se sentait pris au piège, comme une proie sans échappatoire. Mais une voix intérieure, ténue mais insistante, lui chuchotait que c'était son seul moyen de s'échapper. Il n'avait pas de famille, pas de foyer, pas d'amis proches. Tout ce qu'il avait, c'était cette offre. Une chance de devenir quelque chose de plus, de briser le cycle de la pauvreté et de l'échec. Il se rappela les jours sombres, les nuits sans fin où il se demandait pourquoi il n'arrivait pas à s'en sortir. Ce choix était sa seule issue.

— Oui, dit-il, sa voix tremblante mais déterminée. Je suis prêt.

Ali hocha lentement la tête. Il se tourna vers le chaudron, saisissant un poignard finement gravé. Il s'approcha de Mounir, le regard plus perçant que jamais. L'air autour d'eux devenait de plus en plus lourd, et Mounir avait l'impression que chaque battement de son cœur résonnait dans l'espace clos de la pièce. C'était le moment. Le rituel allait commencer. Il n'y avait plus de place pour les hésitations.

— Le sacrifice est essentiel, Mounir, expliqua Ali d'une voix solennelle. Sans lui, il n'y a pas de pouvoir, pas de transformation. Nous devons nous lier à cette force, mais cela nécessite un échange. Tu vas donner une partie de toi-même, et en retour, tu recevras ce que tu désires.

Mounir sentit une main froide se poser sur son bras, le forçant à lever les yeux. Le regard d'Ali était presque hypnotique. Ce n'était plus un homme, mais une entité. Mounir se sentit petit, insignifiant, comme un simple pion dans un jeu plus grand que lui. Mais il ne pouvait plus revenir en arrière.

— Le sacrifice, dit Ali, n'est pas toujours ce que l'on croit. Il ne s'agit pas de sang, ni de violence. Il s'agit de ton essence, de ton âme. Le sacrifice, c'est accepter de renoncer à ce que tu es, de te vider de ton passé, pour faire place à ce que tu peux devenir.

Il prit une petite coupe d'or et la tendit à Mounir.

— Bois. Cela scellera ton engagement.

Mounir hésita un instant. Le liquide dans la coupe brillait d'un éclat métallique, d'une couleur rouge sombre. Il n'avait jamais vu quelque chose d'aussi étrange, mais il savait qu'il n'avait pas le luxe de choisir. Il porta la coupe à ses lèvres, et en un geste rapide, la vida d'un seul coup. La chaleur du liquide se répandit dans sa gorge, s'infiltrant dans chaque fibre de son corps. Il sentit une brûlure intense se propager dans ses veines, comme si chaque cellule de son corps était en train de se décomposer et de se reconstruire simultanément.

Une vision floue se forma devant lui, des éclats de lumière et des ombres dansantes, des formes indistinctes qui se mouvaient dans un espace sans gravité. Mounir se sentit sombrer, son esprit vacillant. Les bruits autour de lui s'estompaient, et un silence profond l'envahit. Il avait l'impression de se déconnecter de son propre corps, comme s'il flottait dans un autre royaume.

Ali s'approcha alors de lui, son visage lumineux dans la pénombre.

— Tu l'as fait, Mounir, dit-il avec une satisfaction évidente. Tu as franchi le seuil. Ce que tu ressentiras maintenant, ce n'est pas la fin, mais un commencement. Tout ce que tu as connu jusqu'ici va se dissoudre dans l'obscurité, et tu émergeras transformé.

La vision de Mounir s'éclaircit soudainement. Il se retrouva debout, bien que ses jambes semblent peser des tonnes, comme si la gravité elle-même était devenue plus forte. Autour de lui, la pièce semblait s'étirer et se tordre, les murs se déformant et se repliant sur eux-mêmes. La chaleur qu'il avait ressentie se mua en une froideur glaciale, et l'air devint plus épais, presque tangible. Il tenta de respirer profondément, mais chaque inspiration semblait plus lourde que la précédente.

Puis, il sentit quelque chose changer en lui. Un pouvoir, une force qu'il n'avait jamais connue, se déployait lentement à l'intérieur de lui. C'était comme si chaque cellule de son être se remplissait d'énergie pure, d'une énergie qu'il ne comprenait pas mais qui, étrangement, lui semblait familière. Une sensation d'extase, mais aussi de terreur, l'envahit. Il était devenu plus que ce qu'il avait été, mais à quel prix ?

Il tourna les yeux vers Ali, qui souriait de manière énigmatique.

— Bienvenue dans ton nouveau monde, Mounir, dit-il. Mais n'oublie pas, tout pouvoir a un prix. Et ce prix, tu le paieras un jour.

Mounir, sous le poids de ces mots, se sentit soudainement plus petit que jamais. Il n'avait pas de retour possible. Il avait franchi la porte, et il savait que, d'une manière ou d'une autre, il était désormais lié à ce pouvoir, à cette force sombre qui grandissait en lui. Ce qu'il était devenu, il ne le savait pas encore, mais il le découvrirait bien assez tôt.