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Chapter 22 - Le masque, son unique protection

Les ténèbres, comme une mer noire, étouffaient chaque pensée, chaque espoir. Les bruits alentours, rares et indistincts, semblaient naître d'un monde à demi-réel. Quatro restait allongé, son corps courbé par la cage trop petite, son esprit prisonnier d'un espace sans fin. L'écho lointain d'un goutte-à-goutte incessant se mêlait aux bruissements des rats qui arpentaient les rives boueuses du ruisseau.

Le masque, son unique protection, était devenu une obsession. Quatro le touchait mécaniquement, comme pour s'assurer qu'il était toujours là. Le parfum qui s'en dégageait s'épuisait peu à peu, laissant la puanteur nauséabonde de l'endroit s'infiltrer dans ses narines. Quand la recharge venait, c'était une forme d'espoir temporaire, un répit dérisoire dans l'enfer. Mais il savait que le geôlier ne viendrait pas aujourd'hui. Ou demain. Peut-être jamais.

Son ventre se tordait de faim, mais il ne bougea pas. La douleur dans sa cuisse blessée l'avait rendu insensible à toute autre souffrance. Les pleurs d'un homme dans une cage voisine résonnèrent un instant avant de s'éteindre brusquement, remplacés par le silence oppressant des oubliettes.

Le temps n'avait plus de sens. Chaque réveil ressemblait au précédent. Chaque jour se fondait dans une monotonie suffocante. La seule chose tangible était la douleur. Et cette voix dans sa tête, toujours plus forte, toujours plus cruelle : Pourquoi continues-tu ? Pourquoi ne laisses-tu pas les ténèbres te dévorer ?

Mais il ne répondait pas. Pas encore.

Un frémissement dans l'eau le tira de ses pensées. Des éclaboussures, lentes et méthodiques, s'approchaient. Une lumière tremblante, vacillante, perça enfin l'obscurité. Le geôlier, vêtu d'un manteau imprégné d'odeurs rances, avançait avec la torche, sa silhouette tordue projetant des ombres grotesques sur les murs suintants. Il s'arrêta devant une cage à quelques mètres, marmonna quelques mots incompréhensibles, et glissa un bol et une boule de grimaud à travers les barreaux.

Quand il arriva enfin devant Quatro, leurs regards se croisèrent un instant. Le masque du prince cachait ses traits émaciés, mais ses yeux, rougis et cernés, brillaient d'une lumière que le geôlier semblait mépriser. Il jeta la nourriture sans un mot, puis, dans un geste presque calculé, s'éloigna, emportant la lumière avec lui.

De nouveau, Quatro fut englouti par l'obscurité. Mais cette fois, il sentit quelque chose naître en lui. Pas de l'espoir – il n'y en avait plus ici – mais une rage froide, tenace, qui refusait de mourir.

« Axiome… » murmura-t-il, ses doigts serrant le sol boueux.

Les mots lui échappèrent dans un souffle rauque, mais ils étaient là, gravés dans sa mémoire comme une promesse. Et même si les ténèbres semblaient infinies, même si chaque respiration semblait être une défaite, Quatro savait qu'il ne s'arrêterait pas.

Pas tant qu'il serait en vie.