Les années s'étaient écoulées, et Quatro, devenu un homme grand et imposant, était désormais forgé par l'acier et la souffrance. Son corps, marqué par des cicatrices de bataille, témoignait de la dureté de son éducation. L'esprit de son père, Troan, vivait en lui, mais il n'était plus qu'un écho lointain dans un royaume de fer et de cendres.
Il avait fait son devoir, mené les armées, honoré les traditions, et pourtant, une rage bouillonnait en lui, incontrôlable, brûlante. Chaque jour, il se levait avec la certitude qu'il n'était qu'un homme de guerre, mais ce qu'il avait perdu au fil des années pesait plus lourd que les victoires et la gloire.
Ce soir-là, alors que le crépuscule enveloppait le château, il se rendit dans la chambre de l'oncle, Troandum. Son regard, habituellement impassible, était teinté de fureur. L'oncle, maintenant vieilli, reposait dans un lit de fortune, le regard perdu, comme un lion blessé. Il avait toujours été un roc, mais ce soir-là, sa douleur était évidente.
Quatro s'avança, son regard tranchant comme une épée.
"Pourquoi ?!" hurla-t-il, la rage déchirant sa voix. "Pourquoi m'as-tu menti, toi aussi ? Pourquoi m'as-tu fait porter le poids de ton héritage sale, m'enseignant la guerre, le mépris, la froideur ?!"
Troandum leva lentement les yeux, son visage marqué par les années et la douleur.
"Tu ne comprends pas, Quatro... Il n'y a pas de place pour l'humanité dans ce monde. La guerre exige tout."
"Tout ?!" s'écria le prince. "Tu as détruit ma vie, oncle. Je ne suis plus qu'un monstre, forgé dans la douleur de tes leçons !"
La rage déformait le visage de Quatro, ses poings serrés, tremblants de haine.
"Tu as tué ma mère pour le pouvoir, n'est-ce pas ? C'était ton but tout ce temps, le pouvoir !"
Un silence lourd s'abattit. Les derniers mots de Quatro frappèrent Troandum comme un poignard. La vérité qu'il avait cachée si longtemps venait de surgir.
Le vieil homme ferma les yeux et, dans un souffle rauque, avoua, sans fard :
"Je l'ai fait… j'ai tué ta mère, Quatro. Je l'ai empoisonnée pour assurer ma place, pour prendre la régence et me garantir le trône. Elle était une faiblesse pour moi, un obstacle."
Le prince s'effondra, abasourdi par la vérité crue. Il n'arrivait pas à comprendre. "Ma mère… Ma mère…"
Troandum continua, sa voix brisée.
"Et ta sœur… Car oui, tu as une sœur... Je l'ai vendue. Alors qu'elle n'était qu'un bébé... Je l'ai vendu à Axiome, pour garantir une paix temporaire… Elle vit, mais à quel prix..."
Tout ce qu'il avait cru être vrai, tout ce qu'il avait honoré, était un mensonge. Il recula, ses yeux remplis de larmes de rage et de douleur.
"Pourquoi… Pourquoi me dire cela maintenant ?!"
Troandum soupira, sa respiration se faisant de plus en plus faible.
"Parce que je suis un homme déshonoré, Quatro. Je n'ai pas combattu sur le champ de bataille comme je l'aurais voulu. J'ai voulu mourir là-bas, parmi les tiens, mais j'ai fui. Et maintenant… Je n'ai plus de place ici."
Un sourire triste, empli de regrets tardifs, se dessina sur ses lèvres.
"Je suis désolé… Désolé de t'avoir fait cela. Mais tu es mon fils, et je te laisse cet héritage. Celui d'un homme brisé, qui a tout sacrifié pour le pouvoir."
Dans ses derniers souffles, Troandum se rendit, fatigué, déshonoré, laissant derrière lui un prince dévasté par la vérité. Ses yeux se fermèrent lentement, comme une flamme qui s'éteint dans la nuit.
Quatro, le cœur battant la chamade, se tenait là, figé, tremblant de colère. Son oncle, son propre père de substitution, venait de mourir, non dans la gloire, mais dans la honte. L'homme qui l'avait élevé, modelé, avait vécu sa vie dans l'ombre du pouvoir, et il emportait avec lui des secrets qui détruisaient tout ce que Quatro croyait.
Le prince s'agenouilla auprès du corps de Troandum, le regard dur, marqué par une rage froide et une culpabilité paralysante. Il se redressa lentement, le cœur battant dans sa poitrine, et prononça des mots que seul lui entendrait, mais qui marqueraient sa vie à jamais.
"Je renonce à ce trône. Je n'ai pas besoin de ce pouvoir maudit. Je vais retrouver ma sœur. Je vais la sauver, et je me vengerai de ceux qui ont détruit ma famille."
Le prince, désormais forgé par la douleur et la vérité, s'éloigna de la chambre du roi, sa silhouette s'effaçant dans les ténèbres de la nuit.
Le voyage de Quatro, animé par la rage et la culpabilité, venait tout juste de commencer.