Le destin d'un royaume est fragile, souvent plus fragile que les rêves de ceux qui l'habitent. Lorsque la guerre ne surgit pas de l'extérieur, elle prend racine au cœur même des murs du palais, là où la loyauté est censée régner. Edwyn, héritier d'un héritage guerrier, ne pouvait accepter que son frère Eudes prenne le pouvoir aussi facilement. L'alliance secrète de ce dernier avec des seigneurs du voisinage, la trahison silencieuse de certains vassaux, avaient transformé le comté de Vannes en un champ de bataille politique, où chaque parole échangée pouvait se transformer en un coup de poignard.
La nuit, en dehors, était noire comme l'encre. La mer déchaînée rugissait contre les falaises, comme un monstre enragé prêt à engloutir le monde. Dans cette obscurité menaçante, Edwyn se leva de son lit. Ses pensées étaient enfiévrées, et ses muscles, endurcis par des années de combats, étaient tendus comme des ressorts prêts à éclater. Le bruit de la mer battant les rochers semblait résonner avec la turbulence qui habitait son esprit. Il n'avait pas l'intention de laisser son frère, ce manipulateur rusé, prendre le contrôle sans qu'un prix soit payé. La guerre qui approchait n'était pas une simple bataille de pouvoir. C'était la guerre de la volonté, de la loyauté, de la famille, et surtout de l'honneur.
Edwyn s'habilla rapidement, chaque geste un rituel préparatoire à l'inévitable. Son regard perça la pénombre de la chambre, fixé sur un but qui le guidait sans détour. Ses yeux, qui avaient vu trop de batailles et de sang versé, étaient désormais fixés sur une autre forme de lutte. Il n'avait pas besoin d'être guidé, car son héritage de guerrier le portait, le poussait à agir avant que les choix ne lui échappent. Il se dirigea sans bruit vers la salle où se trouvait son père, Aldemar, l'homme qui avait forgé l'empire de Vannes. Son esprit était déjà en alerte, anticipant les étapes suivantes de son plan. Son cœur battait fort, non seulement à cause de la guerre imminente, mais aussi du poids de la trahison qui pesait sur lui.
Lorsqu'il entra dans la pièce, ses yeux rencontrèrent ceux de son père, et ce fut comme un choc de forces contraires. Aldemar, un homme fatigué par les années de lutte et de politique, se tenait là, l'air abattu mais toujours digne. En face de lui, Edwyn, son fils encore jeune, mais déterminé à ne pas se laisser écraser. Le poids de l'héritage familial, des années de guerre et de stratégies politiques, pesait sur leurs épaules. Edwyn se tenait là, l'héritier d'une lignée guerrière, prêt à revendiquer ce qui lui revenait de droit.
"Il est trop tard pour la paix, père," dit Edwyn d'une voix basse mais ferme, pleine de la force de ses convictions. Les mots semblaient sortir d'un homme transformé, empli de la lourde certitude que la guerre était désormais inévitable. "Le moment de l'action est arrivé. Si nous ne réagissons pas maintenant, nous serons engloutis. Nous devons frapper d'abord."
Aldemar, qui avait observé son fils se dresser face à lui avec la force d'un homme prêt à tout, posa une main ferme sur son épaule. Mais dans ses yeux, une profonde tristesse et une peur silencieuse brillaient, reflet de l'expérience qu'il avait acquise au cours des années de batailles et de politiques. Sa voix, grave, semblait porter tout le poids du monde : "Sois prudent, Edwyn. Si tu choisis la guerre, elle te détruira. La Bretagne est un endroit où la trahison et la rébellion sont monnaie courante. Même l'héritier d'un royaume peut se voir englouti par les flammes de la guerre."
Les mots d'Aldemar résonnèrent dans l'air comme une mise en garde, mais Edwyn les rejetait presque avec une violence intérieure. Il savait, au fond de lui, que le monde de son père n'était plus le sien. Le temps des compromis était terminé. La guerre, avec toute sa brutalité, était la seule solution. Il fallait agir avant que les forces adverses ne prennent une avance irrattrapable.
Et ainsi, la guerre éclata. Non pas comme une simple bataille pour le pouvoir, mais comme un affrontement de volontés. Ce conflit serait plus que des épées croisées. Ce serait une lutte de loyautés brisées, de familles divisées, et de survivants qui allaient redéfinir à jamais le destin de Vannes.