La guerre s'intensifia. Des pillages et des embuscades frappaient les seigneurs voisins, déstabilisant les alliances et incitant le royaume de Bretagne, dirigé par Alain II, à suivre les événements avec une inquiétude croissante. Le roi observait attentivement, partagé entre la nécessité de choisir un camp dans ce conflit interne, qui risquait de bouleverser l'équilibre des forces. Mais la guerre à Vannes n'était plus une simple question de territoire. C'était devenu une guerre de succession, de pouvoir, de loyauté, et surtout, une guerre de famille.
Les murs du château Luminar étaient désormais imprégnés de tensions palpables, et la salle du trône résonnait fréquemment des échos d'accusations et de défenses. Aldemar, fatigué et rongé par les trahisons qui l'entouraient, se battait pour maintenir un semblant de contrôle. Mais dans l'ombre, une guerre bien plus personnelle se préparait, une guerre que ni les armes ni les soldats ne pouvaient résoudre. C'était la guerre des fils, et à chaque heure, le poison de la trahison se répandait un peu plus.
Edwyn, quant à lui, ne se laissait pas intimider par les manigances de son frère Eudes. Il voyait en lui non pas un allié, mais un traître, et cette pensée le hantait. Chaque nuit, il se réveillait en sueur, les bras tendus vers des ombres invisibles, le sentiment de trahison le dévorant de l'intérieur. Il ne pouvait plus faire confiance à personne. Non seulement son frère, mais aussi ses plus proches conseillers et vassaux semblaient jouer un double jeu, habillant leurs mensonges de promesses et de sourires.
Une nuit, alors que le vent hurlait contre les murs du campement, Bastien de Saint-Cyr, son chevalier et ami de longue date, s'approcha d'Edwyn, inquiet de l'état de ce dernier. Le visage d'Edwyn était pâle, ses yeux cernés, comme ceux d'un homme luttant contre des démons invisibles.
"Seigneur Edwyn," dit Bastien d'une voix basse et grave, "la guerre ne se gagne pas seulement par la force brute. Parfois, il faut savoir se tenir dans l'ombre, attendre, frapper quand l'ennemi ne s'y attend pas."
Edwyn tourna lentement la tête vers lui, son regard perçant cherchant des réponses dans la nuit. "Tu as raison, Bastien. Mais à quel prix ? Si je laisse Eudes agir dans l'ombre, il prendra tout ce que j'ai construit. Il manipule les vassaux comme des pions, et ils tombent tous dans ses pièges. Il est plus dangereux que n'importe quel soldat."
Bastien posa une main rassurante sur son épaule, mais son regard était sévère, empreint d'une sagesse que seul un homme de guerre pouvait posséder. "Et si la vérité que tu cherches ne résidait pas dans la guerre ouverte, mais dans l'alliance avec un autre roi ? Alain II, le roi de Bretagne, n'a-t-il pas ses propres ambitions ?"
Un éclair de compréhension traversa les yeux d'Edwyn, et un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres. "Tu vois juste. Si la guerre ne se gagne pas sur le champ de bataille, elle se gagnera par l'alliance stratégique. Peut-être qu'il est temps de parler au roi Alain."
Soudain, il se leva, sa silhouette se découpant contre l'horizon sombre. "La loyauté n'est plus une garantie, Bastien. Nous devons penser à l'avenir. Mon avenir, celui de Vannes. Et si cela signifie s'allier avec Alain II, alors ainsi soit-il. Mais il n'y a qu'une seule règle désormais : ce n'est plus qu'une question de pouvoir."
Bastien ne répondit rien, mais son regard en disait long. Il savait que les décisions d'Edwyn seraient toujours marquées par la complexité de la guerre intérieure qui le dévorait. L'ombre de la trahison s'étendait bien plus profondément qu'aucun d'eux n'osait le penser.