★ 1 ★
Sophia Carter avait toujours été une avocate brillante, respectée dans le milieu juridique. À 32 ans, elle était déjà une figure montante dans le monde de la défense pénale. Elle ne se laissait jamais émouvoir par les émotions, prenant chaque affaire avec une froideur professionnelle qui forçait le respect. Son bureau était un sanctuaire où chaque document avait sa place, où chaque cas était méticuleusement étudié. Rien ne semblait pouvoir l'atteindre. Mais il y avait toujours ce vide, un vide qu'elle n'arrivait jamais à combler.
La sonnerie du téléphone la tira de ses pensées. Elle décrocha avec un calme professionnel.
— Maître Carter ?
La voix de son assistante était anxieuse.
— Une affaire urgente. Un certain Damien Wolfe vous demande personnellement comme avocate. Il insiste.
Sophia frissonna à l'évocation du nom. Damien Wolfe. Il n'était pas simplement un criminel ; il était une légende. Un tueur en série de la pire espèce, responsable de cent meurtres dans plusieurs prisons. Les détails de ses crimes étaient à la fois horrifiants et choquants. Tout le monde savait qu'il était dangereux, mais personne ne savait pourquoi. Certains disaient qu'il aimait jouer avec ses victimes, qu'il prenait plaisir à les manipuler avant de les tuer. D'autres, comme les gardiens des prisons où il était enfermé, disaient qu'il avait quelque chose d'anormal en lui, une sorte de pouvoir maléfique qui capturait les esprits des autres.
Mais ce qui captait l'attention de Sophia était autre chose : son silence. Damien n'avait jamais avoué ses crimes. Non seulement il les niait, mais il avait toujours gardé un mystère autour de ses actions. Il n'était pas le genre d'homme à se laisser dominer par la peur ou la culpabilité. C'était un stratège. Un manipulateur.
Sophia se leva brusquement de son bureau, éteignant l'ordinateur. Son esprit analysait les implications de cette demande. Pourquoi elle ? Pourquoi lui ? Elle était spécialisée dans les affaires de corruption, pas dans les affaires de meurtres en série. Elle n'avait jamais pris en charge une affaire aussi médiatisée. Mais en même temps, quelque chose dans cette demande lui semblait... différent. Elle avait entendu des rumeurs sur lui, des témoignages. Une aura mystérieuse l'entourait. Il était un monstre, oui. Mais était-il aussi une victime ? Ou était-ce son pouvoir de manipulation qui attirait tant d'attention ?
Le besoin de comprendre la vérité la poussa à accepter.
Le lendemain, elle se rendit à la prison de haute sécurité, l'air chargé de gravité. Dès qu'elle entra dans le bâtiment, une lourde atmosphère de danger l'enveloppait. La lumière crue des néons éclairait les murs d'acier, et l'air sentait l'humidité et le métal. Les gardiens la regardaient d'un œil méfiant, comme s'ils la jugeaient. Sophia n'avait pas peur. Elle avait toujours su garder son calme face aux situations les plus tendues. Mais ce n'était pas une simple affaire juridique. Ce n'était pas juste un tueur qu'elle devait affronter. C'était un homme qui semblait avoir un contrôle total sur les âmes des autres.
Lorsqu'elle entra dans la salle d'interrogatoire, elle le vit. Damien Wolfe. Il était assis, les mains jointes sur la table, l'air détendu. Il n'avait rien d'un monstre dans l'apparence. Ses cheveux noirs étaient soigneusement coiffés, et son regard était perçant. Il ne semblait pas du tout effrayé par sa situation, ni par l'arrivée d'un avocat aussi renommé que Sophia. Au contraire, il la dévisageait comme si elle n'était qu'une pièce de jeu sur son échiquier.
— Sophia Carter, dit-il avec une voix grave, presque amicale. Je suis heureux que vous soyez venue. J'ai entendu beaucoup de choses sur vous. Vous êtes la meilleure de la ville, paraît-il.
Sophia se sentit légèrement déstabilisée par son calme. Elle s'assit en face de lui, restant silencieuse un instant, observant sa posture, son attitude. Cet homme avait tué cent personnes, et pourtant il semblait si... humain. Cela la perturbait. Mais elle ne montra rien de son trouble.
— Qu'est-ce que vous voulez exactement de moi ? demanda-t-elle d'une voix ferme, brisant enfin le silence.
Damien haussa légèrement les épaules.
— Rien de plus que ce que vous êtes capable de me donner. Vous êtes ici pour me défendre, n'est-ce pas ?
Elle acquiesça, mais la question qui se formait dans son esprit était bien plus personnelle.
— Pourquoi moi ? Il y a d'autres avocats bien plus expérimentés dans les affaires criminelles que moi. Vous ne pouvez pas ignorer cela.
Il sourit légèrement, un sourire qui n'atteignait pas ses yeux.
— Parce que vous êtes différente. Vous comprenez l'ombre. Vous avez vu ce qu'il y a au-delà de ce que tout le monde perçoit. Vous n'êtes pas comme les autres.
Son regard perça son esprit, et Sophia sentit un frisson glacial l'envahir. Que voulait-il dire par « comprendre l'ombre » ? Elle n'avait pas de réponse immédiate, mais l'inquiétude grandissait en elle.
— Je suis ici pour résoudre une affaire, pas pour jouer à des jeux, Damien.
Il la regarda fixement, un éclat presque amusé dans ses yeux gris.
— Oh, mais nous sommes déjà en plein jeu, ma chère. Vous êtes ici, après tout.
Les mots flottaient dans l'air, lourds de sous-entendus. Il parlait comme si toute cette situation était déjà scellée. Il ne lui offrait aucune échappatoire. Et Sophia, malgré sa volonté de rester professionnelle, ne pouvait ignorer le frisson qui courait sur sa peau.
— Vous savez ce que vous voulez. Mais vous ne m'avez pas dit pourquoi vous voulez sortir de prison. Vous avez tout. Pourquoi chercher à vous échapper maintenant ?
Damien sembla réfléchir un instant, ses yeux s'éteignant dans une sorte de contemplation.
— Parce que la prison n'est qu'une autre forme de souffrance, Sophia. Et je ne suis pas fait pour la souffrance. Je veux la liberté.
Il la regarda longuement, comme si chaque mot qu'il prononçait était une clé pour déverrouiller quelque chose en elle. Et c'est là, dans ce regard glacial, qu'elle se rendit comptequ'il ne voulait pas simplement sortir de prison. Non, il voulait bien plus que cela. Il voulait l'amener à douter de tout ce qu'elle croyait savoir, de tout ce qu'elle pensait comprendre sur le monde, sur la justice, et sur lui.
Le jeu, elle en était certaine, venait tout juste de commencer...