La salle d'entretien résonnait encore des paroles de Damien lorsque Sophia en sortit, les mains légèrement tremblantes. Elle ajusta son sac sur son épaule et tenta de masquer son trouble en reprenant son allure professionnelle. Mais au fond, elle savait que ce premier entretien avait ébranlé ses certitudes.
Elle avait croisé le regard d'un homme dont l'aura était presque surnaturelle, une présence écrasante qui semblait pouvoir dévoiler les pensées les plus profondes de quiconque osait l'affronter. C'était bien plus qu'un simple client, elle en était certaine.
Dans sa voiture, garée sur le parking du pénitencier, Sophia s'accorda un instant pour reprendre ses esprits. Elle ouvrit le dossier qu'elle avait emporté. Les photographies des scènes de crime semblaient lui hurler leur horreur. Des corps mutilés, des visages figés dans une peur indicible. Les rapports détaillaient les preuves accablantes : empreintes digitales, témoins oculaires, vidéos de surveillance. Damien Wolfe était coupable, tout le prouvait.
Et pourtant, il avait ce sourire.
Ce sourire qui semblait dire : Vous n'avez aucune idée de la vérité.
Sophia ferma le dossier brusquement. Elle avait une carrière à protéger, une réputation à maintenir. Si elle s'impliquait trop dans cette affaire, elle risquait de s'y perdre. Mais une voix en elle murmurait déjà qu'elle était prise dans un engrenage dont elle ne sortirait pas indemne.
Elle démarra le moteur et prit la direction de son bureau, bien décidée à disséquer chaque détail de cette affaire.
Quelques heures plus tard, dans son cabinet, Sophia plongea dans les documents. Elle voulait comprendre Damien, comprendre ce qu'il voulait dire par "innocence". Pourquoi affirmait-il ne jamais avoir dit qu'il était innocent, tout en clamant qu'il méritait la liberté ? Était-ce une ruse, un moyen de jouer avec elle ?
En parcourant les pages, elle trouva un détail troublant. Les meurtres en prison, attribués à Damien, suivaient un schéma particulier. Les victimes avaient toutes un casier judiciaire chargé et un lien direct avec des affaires criminelles complexes : trafic de drogue, blanchiment d'argent, traite humaine. Chaque homme que Damien avait prétendument tué était un prédateur.
Un justicier ? Non. Cela ne collait pas avec son profil. Mais alors, pourquoi ces choix ?
Une idée commença à germer dans son esprit. Et si Damien avait un objectif plus grand qu'elle ne pouvait imaginer ?
Deux jours plus tard, Sophia retourna au pénitencier pour un nouvel entretien. Elle avait préparé ses questions avec soin, décidée à prendre l'avantage cette fois-ci.
Damien l'attendait dans la même salle. Il était assis, les menottes serrant ses poignets, mais son visage était détendu.
« Vous êtes revenue, » dit-il en souriant. « Je commençais à me demander si je vous avais fait peur. »
Sophia ignora la provocation et posa son attaché-case sur la table. « Nous avons beaucoup à couvrir aujourd'hui. Je veux des réponses claires. Pas de jeux, pas de manipulations. »
Damien éclata de rire. « Voyez-vous cela. La lionne montre enfin ses griffes. Très bien, allons-y. »
Elle ouvrit le dossier et lui montra une photo. Un homme, la gorge tranchée, allongé dans une mare de sang.
« Luis Mendoza. Il était en détention pour trafic d'armes. Vous l'avez tué dans la cour de la prison. Pourquoi lui ? »
Damien observa la photo sans ciller. « Pourquoi pas lui ? »
« Ce n'est pas une réponse. Vous ne tuez pas au hasard. Vous choisissez vos victimes. Pourquoi ? »
Il la regarda, son sourire s'effaçant légèrement. « Peut-être que j'ai mes raisons. Des raisons que vous ne comprendriez pas. »
« Essayez-moi, » insista Sophia, ses yeux brûlant de détermination.
Damien pencha légèrement la tête, comme s'il évaluait sa sincérité. Puis il se redressa et répondit lentement. « Les hommes comme lui méritaient de mourir. C'est tout ce que vous devez savoir. »
Sophia fronça les sourcils. « Mériter de mourir ? Vous vous placez en juge et bourreau ? Ce n'est pas la justice, Damien. C'est du meurtre. »
« La justice ? » Il éclata de rire, mais cette fois, son rire était empreint d'amertume. « Vous pensez que cette société offre la justice ? Regardez autour de vous, Maître Carter. Les vrais monstres, ce sont eux. Je n'ai fait qu'équilibrer la balance. »
Sophia recula légèrement sur sa chaise, troublée par la passion dans sa voix. Mais elle ne se laissa pas distraire. « Vous voulez me convaincre que vous avez une morale ? Que vos meurtres avaient un but ? »
Damien la fixa, ses yeux glacials plongeant dans les siens. « Peut-être que je ne cherche pas à vous convaincre. Peut-être que je veux simplement que vous voyiez les choses comme elles sont. »
Sophia sentit un frisson la traverser. Damien ne plaisantait pas. Il croyait sincèrement en ce qu'il disait. Mais cela ne faisait que rendre la situation plus dangereuse.
Elle referma le dossier et le rangea dans son attaché-case. « Si vous voulez que je vous aide, il va falloir être plus coopératif. Sinon, vous resterez ici pour le reste de votre vie. »
Damien sourit de nouveau, mais cette fois, il y avait une pointe de défi dans son expression. « Peut-être que je resterai ici. Ou peut-être pas. Mais dites-moi, Maître Carter, combien de temps pouvez-vous regarder dans l'abîme avant qu'il ne commence à vous regarder en retour ? »
Sophia se leva, prête à partir. Mais avant de franchir la porte, elle se retourna une dernière fois. « Vous ne me faites pas peur, Damien. »
Il la fixa, son sourire devenant presque carnassier. « Pas encore. »
Et pour la première fois, Sophia sentit que ses mots n'étaient pas une menace, mais une promesse...