Ander semblait troublé, ses pensées tourbillonnant. Maya, qui se tenait face à lui, s'approcha doucement. Esme, qui assistait à la scène, fronça les sourcils, mais un éclat de compréhension traversa son regard. Elle esquissa un sourire discret et dit :
— Oh, je vous laisse seuls.
Esme quitta la pièce, fermant doucement la porte derrière elle, laissant Maya et Ander face à face.
Maya posa un regard bienveillant sur le jeune homme, remarquant l'angoisse qui marquait ses traits. Elle brisa le silence avec douceur :
— Ander, fais-tu souvent ces rêves ? Et… depuis quand ont-ils commencé ?
Ander resta silencieux un moment, perdu dans ses pensées, avant de répondre d'une voix hésitante :
— Ils ont commencé lors de l'attaque.
Sa voix s'assombrit, et il s'approcha de Maya, prenant ses mains dans les siennes, ses yeux suppliants.
— Dame Maya, aidez-moi, je vous en prie. Je suis perdu, confus. Je ne sais plus quoi penser.
Touchée par son désarroi, Maya serra légèrement ses mains pour le rassurer.
— Ander, mon garçon, que t'arrive-t-il ? Je ne t'ai jamais vu dans un tel état.
Ander soupira, son corps tremblant légèrement alors que des souvenirs flous refaisaient surface. Sa voix était empreinte de douleur lorsqu'il reprit :
— Pendant l'embuscade, j'ai été blessé et séparé du groupe. Lorsque je me suis retrouvé seul, des chevaliers ennemis m'ont encerclé. Je savais que je n'avais aucune chance de m'en sortir.
Il marqua une pause, les mains crispées.
— Et soudain… j'ai eu une sorte de vision. Je me voyais, enfant, emmené de force par des hommes. Je criais, je me débattais. Une petite fille pleurait, me regardant, mais les hommes voulaient aussi l'emmener. J'ai hurlé qu'ils la laissent tranquille, mais ils ne m'ont pas écouté.
Ander fixa Maya, ses yeux brillants d'émotion.
— Dans un dernier acte de désespoir, j'ai tendu ma main vers elle. Je me suis concentré, et… un bouclier est apparu, la protégeant des agresseurs.
Maya écoutait attentivement, son regard empreint de surprise. Ander continua, la voix plus basse :
— Je ne sais pas comment, mais… j'ai imité ce geste. Et tout à coup, les chevaliers devant moi ont été projetés en arrière. Mon corps ne m'obéissait plus, j'avais l'impression de rêver. Quand je me suis réveillé, ils étaient tous à terre, certains blessés, d'autres…
Il s'interrompit, cherchant ses mots. Maya posa une main sur son épaule.
— Continue, Ander.
Il hocha la tête.
— Hier soir, j'ai fait un rêve. Je me voyais en train de projeter des chevaliers au loin, de frapper le sol et de faire jaillir des flammes de mes doigts. Et à un moment…
Ander s'arrêta, ses mains tremblant légèrement.
— Quand ils se sont jetés sur moi de tous les côtés, j'ai fermé les yeux. Quand je les ai rouverts, ils étaient figés, comme des statues. Je me suis déplacé, et dès que j'ai claqué des doigts… ils ont repris vie et se sont rentrés dedans.
Un silence pesant s'installa. Maya semblait réfléchir profondément. Mais Ander tourna son regard vers elle, le visage sombre.
— Maya… il y a autre chose.
Elle leva les yeux, attentive.
— Après avoir battu les chevaliers, j'ai eu une vision. J'ai vu un garçon allongé par terre, les mains et les pieds liés, une blessure à la tête. Il appelait à l'aide, demandait sa mère et son père. Et puis, à la deuxième fois, je me suis vu à travers lui. C'était moi. Je pleurais, j'appelais mes parents.
Sa voix se brisa légèrement.
— Et alors… une silhouette encapuchonnée est apparue. Elle m'a détaché, et quand elle a enlevé sa capuche… c'était ma mère. C'était maman Doria.
À l'évocation de ce nom, Maya plaqua une main sur sa bouche, choquée. Ander la regarda, perplexe.
— Pourquoi êtes-vous dans cet état ? Que signifie tout ça ?
Maya ferma les yeux, cherchant à se ressaisir.
— Ander, ce que tu as vu… ce sont tes souvenirs. Certains étaient enfouis, d'autres oubliés.
Ander écarquilla les yeux, abasourdi.
— Mes… souvenirs ?
Maya hocha lentement la tête.
— Doria ne t'a jamais raconté comment elle t'avait trouvé ?
Ander réfléchit un instant.
— Elle m'a juste dit qu'elle m'avait trouvé dans une forêt, sans jamais entrer dans les détails. Je n'ai jamais cherché à en savoir plus. Avoir une mère comme elle me suffisait.
Maya soupira, le visage empreint de gravité.
— Ander, Doria t'a trouvé dans la forêt sombre de l'est.
Ander recula d'un pas, choqué.
— La forêt sombre de l'est ? Mais… c'est une forêt dangereuse où peu de gens osent s'aventurer. Que faisais-je là-bas ?
Maya posa une main apaisante sur son épaule.
— Doria était chevalière au service de la reine, mais elle avait aussi du sang de mage. Sa mère était mage, et son père chevalier. Grâce à ses talents, elle pouvait survivre dans cet endroit.
Ander la regarda, incrédule.
— Mais qu'allait-elle chercher dans cette forêt ?
Maya esquissa un sourire nostalgique.
— Elle y cherchait des ingrédients rares pour aider la reine à concocter des médicaments. Elle m'a souvent promis de ne pas s'aventurer dans ces lieux, mais elle n'écoutait jamais.
Son visage s'assombrit légèrement.
— Un jour, alors qu'elle était dans la forêt, elle a entendu des bruits. Elle s'est approchée prudemment et a vu un jeune garçon tomber dans un ravin. Ce garçon, mains et pieds liés, appelait désespérément ses parents.
Elle marqua une pause, le regard baissé et sa voix devenant douce.
— Elle n'a pas hésité une seconde. Elle a descendu le ravin, t'a détaché, t'a prodigué les premiers soins, et t'a porté jusqu'au château. C'est ainsi qu'elle t'a trouvé, Ander.
Ander resta figé, le souffle court, absorbant cette révélation.