Marc, c'était le genre de type qui en faisait toujours trop avec ses histoires de meufs. Et là, il m'attaquait avec sa question sur ma vie sentimentale.
— Au fait, Pet, t'as trouvé une copine ?
Je le regardai, blasé.
— J'ai pas la tête à ça pour l'instant.
Je l'ignorai en lui balançant un poing, sans même vraiment chercher à frapper. C'était juste un réflexe, une façon de faire passer la rage qui bouillonnait en moi. Marc l'esquiva facilement, en riant comme un con.
— Ne sois pas si râleur, Pet. La vie, c'est pas que des coups de poing.
Je lui répondis d'un sourire forcé. Puis il se tourna pour m'envoyer une attaque au niveau de mes côtes. Je l'esquivai de justesse, mais il réussit à me toucher.
— Alors, c'est qui qui n'est pas concentré, hein ? lança-t-il, moqueur.
Je me redressai, une lueur de défi dans les yeux.
— Ta garde, je t'ai déjà dit.
Il me fixa, défiant, attendant ma réaction. C'était une danse qu'on connaissait bien, une lutte silencieuse entre nous. Puis, sans prévenir, j'ai profité d'un moment où il était distrait pour balayer ses pieds d'un coup rapide. Il tomba comme une masse. Le sol résonna de son atterrissage.
— Whoua, mec, t'es vraiment pas allé de main morte...
Je tendis ma main pour l'aider à se relever, en esquissant un sourire. On se comprenait, même quand tout semblait aller de travers. C'était ça, notre amitié.
— Bref, sérieusement, Pet, tu devrais penser à t'incruster à la soirée de la semaine prochaine. Ça te ferait du bien de sortir un peu, t'es trop renfermé.
En temps normal, j'aurais accepté de l'accompagner à cette fête. Mais là, c'était comme si tout me passait au-dessus de la tête. Marc me proposait encore une sortie, comme s'il n'avait pas remarqué que je n'étais pas dans le coup. J'avais l'impression que l'on vivait dans deux mondes parallèles. Lui, il s'amusait à la surface de tout, moi je m'enfouissais sous la surface, sans savoir comment en sortir. Je pourrais bien faire semblant encore un moment, mais au fond, je savais que ça ne me ferait pas avancer. Peut-être que j'étais juste fatigué de jouer à ce jeu.
Je haussai les épaules, toujours aussi indifférent.
— Je ne vais pas y aller, Marc. Et puis, franchement, j'ai pas la tête à ça.
— T'es chiant, Pet. Mais bon, tu sais où me trouver si tu changes d'avis.
Et il partit sans plus de cérémonie, me laissant seul avec mes pensées, un peu de fureur et un pincement à la poitrine. Mais je n'allais pas céder. Pas aujourd'hui
L'ambiance changea soudainement. Le coach entra dans la salle, comme il le faisait toujours : une marche rapide, un regard intense. Mais aujourd'hui, il y avait quelque chose d'autre. Il avait l'air tendu, presque nerveux. Ce n'était pas dans ses habitudes. Habituellement, même lorsqu'il était en retard, il était calme, posé. Là, il avait l'air... pressé. Presque comme s'il essayait de cacher quelque chose. Son crâne rasé brillait sous la lumière, sa barbe grisonnante contrastait avec ses yeux sombres, perturbés.
— Désolé pour le retard, marmonna-t-il, sans expliquer davantage. Pas de cours pendant quelques jours, je vous laisse ça, et vous nettoyez la salle.
Il jeta des enveloppes sur le comptoir et s'éclipsa rapidement, sans un regard en arrière.
Je restai un instant figé, les enveloppes qu'il avait laissées sur le comptoir me fixaient comme des témoins muets de son étrange comportement. Pourquoi ne nous avait-il pas donné plus d'explications ? Pourquoi cet air de hâte, ce regard fuyant ? Je le voyais encore dans ma tête, son crâne rasé brillant sous la lumière, sa barbe grisonnante, mais surtout son air... inquiet. Ce n'était pas normal. Mais je n'arrivais pas à mettre le doigt sur ce qui clochait exactement.
C'était étrange. Trop étrange. C'était typiquement le genre de situation où un détail allait m'échapper, et où je finirais par regretter de ne pas avoir creusé plus profondément. Un frisson me parcourut l'échine. Il y avait quelque chose de pas normal là-dedans. Quelque chose clochait.
♧
Depuis trente minutes, le coach nous avait quittés. On avait fini de nettoyer la salle et décidé de filer chez Marc pour prendre une douche. La fatigue pesait sur nous, mais c'était toujours plus agréable de traîner avec lui plutôt que de rentrer chez moi.
Sur la route, on s'est mis à discuter pour passer le temps. Les rues étaient calmes, la nuit avait déjà englouti la ville, et le centre-ville, habituellement bondé pendant l'été, semblait avoir disparu sous un voile de tranquillité. Les lampadaires jetaient une lumière douce, et les phares des voitures découpaient l'obscurité, donnant à la scène une atmosphère presque magique.
— Alors, tu étais où l'autre matin ?
— Je t'ai déjà dit, je bossais chez Patty.
— Tu mens, mec, dit-il en riant. T'as fait autre chose ce matin, comme d'habitude.
— Ferme-la deux secondes, et bouge un peu, Gadget. Mon corps est en surchauffe et je colle.
— T'es qu'un casse-pied. Mais t'inquiète, je finirai par savoir où tu traînes chaque matin.
— Ouais, c'est ça, je lui réponds en arquant un sourcil, un sourire en coin.
— Au fait, t'as trouvé un autre job ? me demande-t-il, un peu plus sérieux.
— Toujours pas. C'est pas facile de décrocher quelque chose.
— J'espère que tu vas trouver, dit-il sincèrement.
Je souris à sa remarque. Ça me réchauffait le cœur, parce qu'il était l'une des rares personnes à se soucier vraiment de moi. Et ça, ça comptait.
Puis, tout à coup, Marc s'arrête devant une vitrine. Il semblait perdu dans ses pensées. Je m'approche et jette un œil. Je ne pigeais pas. Pourquoi il s'extasiait devant une vitrine de chocolat ? C'était loin d'être un de ses kiffs.
— Je suis quand même canon, c'est fou comme je suis beau ! C'est évident pourquoi Charlotte ne veut pas décrocher.
— Marc, le vaniteux est de retour, je souffle, secouant la tête. Mais c'est vrai que, avec tes cheveux blonds, ton teint parfait et ton corps de danseur, tu pourrais faire mannequin.
Je laisse échapper un petit rire.
— Mais de quoi tu parles ? s'offusque-t-il en riant. Tu sais bien que je déteste ce genre de mecs. Tu veux faire genre, mais t'es pareil que moi. À part tes cheveux noirs et ton teint basané, on est pareils. T'as le même corps que moi.
Je me marre et le tire pour qu'on reprenne la route.
— Allez, viens, on se tire d'ici, sinon on va finir comme des glaçons.
— C'est vrai, nos corps de mannequins ne doivent pas s'abîmer, ajoute-t-il en éclatant de rire.
Quand je me suis habillé avec des fringues que j'avais laissées chez lui – car oui, ça m'arrivait de squatter chez Marc – je suis descendu l'attendre dans la cuisine.
Marc, lui, avait la manie de se parfumer à outrance, de multiplier les chaînes et les bagues, d'en faire des tonnes. Moi, j'étais plutôt du genre simple : t-shirt, pantalon noir.
Assis à la table, je tripotais mon téléphone quand Monsieur Wind, le père de Marc, a traversé la pièce. Il m'a jeté son regard habituel, ce regard dur, chargé de mépris. Le regard de Monsieur Wind était toujours aussi glacé, comme si rien n'avait changé. Mais cette fois, c'était différent. C'était comme si ce regard disait plus que d'habitude, comme s'il me reprochait encore plus ce que j'avais fait, même si je n'avais rien à me reprocher. Le regard qu'il me lançait était chargé de plus que du simple mépris. Il portait tout un poids. Mais je savais qu'il ne m'avait jamais accepté, et ça, c'était quelque chose qui ne changerait probablement jamais.