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Chapter 11 - Porte dérobée

Je me trouvais dans la chambre en dessous des escaliers. Elle avait autrefois appartenu à mon grand-père. Malgré l'odeur persistante de moisissure, elle avait un avantage : elle m'épargnait les éclats de voix de mes parents à l'étage. La chambre était simple, presque austère, avec un lit en bois, une armoire du même style et une table de nuit. Il n'y avait pas de fenêtre, mais la lumière froide de la lampe halogène au-dessus de ma tête suffisait à éclairer les pages de mon livre.

Trente-quatre nuances à servir, je l'avais relu. Encore. Mes bas instincts avaient fait surface. Je m'étais laissée emporter, caressant ma rose, sans réfléchir. C'était un geste presque mécanique, devenu un refuge.

Alors que je m'apprêtais à reposer le livre, je remarquai quelque chose : il y avait une suite. Cela m'avait échappé la première fois. À cet instant, mes yeux s'illuminèrent. Il me fallait cette troisième partie.

Je saisis mon téléphone, le cœur battant, et commençai à chercher une librairie qui pourrait encore avoir des exemplaires. Quelques-unes étaient encore ouvertes. J'étais si excitée que je me mis à taper des pieds sur le lit, un petit éclat de rire nerveux échappant de ma gorge. Mais bien vite, cette joie s'éteignit. Je ne pouvais ni sortir, ni acheter en ligne. Mon mot de passe semblait avoir été changé à mon insu. Je tentai plusieurs fois de le récupérer, mais en vain. C'était absurde.

La frustration m'envahit. Avec un cri de colère étouffé, je lançai le livre contre le mur. Il se heurta violemment à la paroi, et un bruit étrange résonna, beaucoup trop creux pour un mur plein. Ce n'était pas possible... Je m'apprêtais à inspecter le mur quand le bruit d'une porte se refermant en haut de l'escalier me fit sursauter. Ce devait être ma mère. Elle est toujours pressée de nous quitter. Dans sa bulle de silence, encore plus distante à chaque fois. Le vide qu'elle laissait derrière semblait me peser. Juste quelques instants. La haine et mon ressentiment le noyant avec mes souvenirs. Nous n'avions plus de place dans le monde de l'une comme de l'autre.

Je récupérai mon livre, sentant un mélange de honte et de colère monter en moi. Mes pensées se dispersèrent, et je me précipitai hors de la chambre, évitant de croiser ma mère. À la fin des marches, je m'arrêtai net. Barbara se tenait là, l'oreille collée à la porte, un verre en main, qu'elle avait transformé en stéthoscope improvisé. J'hésitai un instant avant qu'elle ne me fasse un geste furtif pour que je me rapproche.

— Tu écoutes toujours à cette porte ? Je la fixai, abasourdie. Elle haussait les épaules, un sourire malicieux flottant sur ses lèvres.

— Quoi ? Il y a des secrets que tu n'as pas envie de connaître ?

Barbara, toujours aussi curieuse, me lança un regard. À 35 ans, elle n'avait rien perdu de ses manières de commère. Elle avait des formes généreuses, des joues pleines et une chevelure d'un noir profond. Et, bien sûr, son intérêt pour les histoires des autres semblait sans fin. Elle me tendit le verre, comme si elle savait que j'avais un besoin irrépressible de comprendre ce qui se passait derrière cette porte. Puis elle me fit signe de garder le silence et se remit en place, le visage masqué d'un sourire malicieux.

À peine le verre effleurait-il la porte qu'un bruit de pas se rapprocha de nous. En un éclair, Barbara avait disparu, dévalant les escaliers avec une agilité étonnante. Je la suivis, et me dirigeai précipitamment vers ma chambre. En traversant la porte, mon pied heurta quelque chose. Je m'attendais à un meuble, mais ce n'était pas cela. Mon cœur s'emballa alors que mes yeux se fixaient sur la penderie. Elle... elle s'était mise à tourner. Comme une porte secrète. Une ouverture vers un autre monde.

L'air lourd et moisi m'enveloppa, m'étouffa. L'odeur de bois pourri et de terre oubliée colla à ma peau. Chaque pas fit grincer le sol, un silence oppressant me suivit. Mes mains glissèrent sur un mur froid, un frisson me traversa. J'étais terrifiée.

Mes yeux s'écarquillèrent. Je n'arrivais pas à comprendre. Est-ce que c'était réel ? Était-ce moi qui perdais pied ? Ou avais-je vraiment découvert quelque chose que personne d'autre n'avait vu ? La panique commença à me submerger, mais je me forçai à garder mon calme. Si je ne réfléchissais pas, tout cela risquait de m'échapper. Le froid glacial qui m'envahit me tira brusquement de mes pensées. L'excitation et la confusion m'envahirent, mais je n'avais pas le temps de réfléchir plus longtemps.

Une porte frappée. Mon cœur se serra dans ma poitrine. C'était la manière qu'avait mon père de frapper. Je reconnaissais ce rythme. Un mélange de précaution et de tension. Mes doigts effleurèrent le mur derrière moi. Il était granuleux, sans ouverture. Une étrange vibration me traversa. Ce n'était pas le simple frôlement d'un mur de briques. Je me figeai, le souffle court...J'hésitai. Et si je rêvais encore ? Si cela n'était qu'une illusion née de la folie qui m'envahissait ? La panique commença à me gagner.

Je me mis à tâter frénétiquement le mur. La chaleur montait dans mon corps, mes membres tremblaient. J'avais du mal à respirer. L'angoisse me serrait la gorge. Mes doigts finirent par se poser sur une petite poignée. Je tentai de la faire tourner, mais le mécanisme semblait défectueux. La porte ne céda pas. Je m'apprêtais à m'abandonner à l'angoisse quand, dans un dernier acte désespéré, je tirai la poignée. Cette fois, elle céda. J'étais de l'autre côté.

Je tombai à genoux, le souffle court, complètement épuisée. Mon cœur battait si fort que je croyais qu'il allait exploser. L'air était lourd, humide. Chaque respiration semblait me rapprocher d'un abîme. Qu'avais-je découvert ? Qu'est-ce que ce mur ?

Je n'avais pas vu mon père entrer, mais il me retrouva dans cet état, tremblante, un regard figé sur moi. Il se figea lui aussi en me voyant dans cet état. Il tenta de retrouver son calme, mais je pouvais voir qu'il était tout aussi déstabilisé que moi.

Quand papa entra dans la penderie, je ne savais pas combien de temps il m'avait observée, là, accroupie dans l'ombre, les yeux grands ouverts mais figés. Je n'entendis même pas la porte s'ouvrir. Je levai la tête, et nos regards se croisèrent, comme si nous venions de nous retrouver après une éternité. Son visage se figea, et il fit un pas en avant, comme s'il venait de réaliser que quelque chose ne tournait pas rond.

Je n'avais pas remarqué que mes mains tremblaient, mais il les remarqua bien assez tôt.

— Naël... Il approcha, et il y avait cette intonation dans sa voix, comme un avertissement, ou peut-être juste une incompréhension. Il se figea en me voyant, accroupie, le souffle court, le regard vide, comme une poupée de chiffon jetée négligemment au sol.

Sans un mot de plus, il s'agenouilla à mes côtés, les mains hésitantes, presque tendues vers moi, comme s'il avait peur de me briser d'un simple contact. Ses doigts se posèrent sur mon épaule, et la chaleur de sa paume me ramena à la réalité. Je frissonnai sous ce geste, encore secouée par tout ce que j'avais vu et ressenti dans l'autre monde. Mais quelque chose en moi se détendit. La tension dans mes muscles se dissipa peu à peu, et mes tremblements se calmèrent.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il, sa voix douce mais pleine de cette autorité protectrice qui le caractérisait. Son regard était plus intense maintenant, cherchant des réponses dans les miens.

Je voulais répondre. Je voulais tout lui dire, mais les mots se coinçaient dans ma gorge. Que pouvais-je bien lui dire ? Que j'avais trouvé un passage secret dans ma penderie ? Que j'avais l'impression de devenir folle ?

Je secouai la tête, incapable de formuler quoi que ce soit. Je n'avais pas envie de l'inquiéter davantage, mais il savait, d'une manière ou d'une autre, qu'il y avait quelque chose qui clochait. Il passa une main sur mon front, comme pour vérifier si je n'étais pas malade, mais il savait que ce n'était pas ça. Il me scrutait avec cette attention particulière, comme s'il était prêt à plonger dans mes pensées pour y déchiffrer chaque mystère.

Ses bras m'enveloppèrent alors, fermes, protecteurs. Je me laissai faire, m'abandonnant à ce moment de réconfort, même si une partie de moi restait figée, figée par la peur et l'incertitude. Il ne me demanda rien de plus, pas tout de suite. Il savait qu'il n'aurait aucune réponse. Mais, tout en me tenant dans ses bras, il murmura à mon oreille : "Tout ira bien. Je suis là."

Il resta là, quelques instants, juste à me soutenir, à me rassurer. Le simple fait qu'il soit là me permettait de respirer à nouveau. Même si tout en moi criait à cette découverte hors du commun.

Après que papa m'eût laissée, je me levai. Mes jambes tremblaient sous le poids de l'émotion.

Je m'empressai de verrouiller la porte de ma chambre, comme pour protéger mon secret. Je me dirigeai vers le dressing. Ce meuble étrange, ce passage secret, me hantait désormais.

Une partie de moi voulait le fuir, l'oublier. Mais l'autre, une part plus profonde, savait que quelque chose m'attendait encore là-bas, derrière ce passage. Je n'étais plus seule dans cette maison. Je ne savais pas encore ce que j'allais y trouver, mais tout en moi me criait que ce n'était que le début.

Je pris une profonde inspiration et me mis à chercher. Je déplaçai les vêtements avec impatience, cherchant une solution, une logique qui me permettrait de comprendre. Mais rien ne se produisit. Je passai ma main sur la surface, mais rien. Une sensation étrange, un vide.

Exaspérée, je jetai le livre Trente-quatre nuances à servir sur la bibliothèque. Il heurta un autre livre et fit tomber une bordure en bois de sa reliure. Le bruit résonna dans la pièce, familier. Un son sec et distinctif. Ce n'était pas le bruit de la chute du livre. Non, ce bruit-là, il avait une résonance différente, comme un secret qui se cache entre les étagères de la penderie. Une sensation me parcourut. Elle m'évoqua quelque chose de lointain... La bibliothèque... ce bruit... Ce bruit, je l'avais déjà entendu ce matin. C'était le même. Le cutter !