Alessio et Achille demeuraient stable, dos à dos, l'épée au poing, chacun s'occupant de son antagoniste respectif. Le jeune prince, était, pour sa part, chargé d'un monstrueux hybride, faisant office d'un habile mélange entre l'apparence, d'un taureau de mûre âge ainsi que de la corpulence d'un humain moyen. Toutefois, il fallait également admettre que sa taille, d'aspect pis que déraisonnable, n'avait rien à envier à son atypique physique, avoisinant, au premier coup d'œil, les trois mètres de haut. Achille, quant à lui, faisait face à une sorte de scorpion d'une formidable envergure, qui plus est, long de quatre mètres, à l'image de son colossal coéquipier. Les ods, en ce qui les concernaient, étaient essentiellement concentrés sur le reste des ennemis de plus bas niveau.
"Ces deux-là sont visiblement les plus forts de ce groupe, Alessio, alors tâches de faire attention, précisa par nature le vigoureux capitaine.
— Tu peux compter sur moi, sous-estimé mon adversaire n'a jamais été dans mes habitudes !"
Ils engagèrent, après coup, le combat, accompagnant dans leurs hâtifs mouvements, de perçants cri de guerre poussé, pour la plupart, à l'unisson, symbole indéniable d'une inflexible combativité. Cependant, au moment de la rencontre entre les deux puissances, une influente, mystérieuse et sombre énergie fit, sans sommation, son apparition, traduisant sa présence par la manifestation de deux colossales tornades d'un noir d'ébène. Ces dernières, d'une effroyable puissance, emportèrent, sans distinction quelconque, toute chose s'interposant à leur rapide progression, tel de vulgaires feuilles sur le vaste champ dévasté.
Face à Alessio, situé à environ cinq pas de lui, une brèche d'un obscur semblant se révéla à la surface du sol, de laquelle en émergea un homme de grande taille, muni de longs cheveux blancs, de même vêtu d'un large éphod de sombre teinture.
"Euuuuh, Achille, je crois qu'on a un problème..."
Celui-ci se retourna alors immédiatement, et fut surpris de ce qu'il vit.
"En effet, on a un problème, un très gros problème..."
L'être s'avança, par la suite à leur rencontre, d'un pas lent, mais cependant assuré, affichant une mine sournoise, reflétant similairement un désir, pour le moins douteux, à l'égard des deux frères Vissaris.
"Achille, quelle joie de te revoir, articula-t-il d'un air serein.
— Ce n'est pas réciproque !" Rétorqua avec précipitation le commandant vissarien.
A la suite de cette soudaine et froide réponse, l'énigmatique personnage détourna son regard au profit d'Alessio, dévisageant ainsi la figure du jeune prince de la tête au pied.
"Il disait donc la vérité ! Le jeune prince prodige, Alessio Vissaris.
— Qui êtes-vous donc ? Lui demanda-t-il dents et poings serrés.
— Alessio, divulgua de manière calme son présent ainé, la personne que tu as en face de toi, n'est autre que le bras droit d'Alastyn, et porte-parole du royaume Istareks : Dorlis."
Alessio sentit, à cet instant précis, l'intégralité son corps se figer. Articulation, muscle, sens, plus rien de tout cela n'avaient la moindre signification aux yeux de sa conscience, du fait que, dans l'instant, seul la peur et le stress parvenaient à guider le moindre de ses faits et gestes, à savoir aucun. L'infantile altesse s'avérait tétanisé, par ailleurs incapable de prononcer une quelconque parole. Il ne pouvait se résoudre à croire ce qu'il venait d'entendre. Tout cela lui était purement et simplement impossible. Mais alors que le déni prenait peu à peu le contrôle de son être, de nombreux souvenirs évoquant, pour la plupart, de multiples dires et légendes entendus jusque-là au sujet de son opposant, se bousculèrent avec acharnement dans sa tête, à tel point qu'il lui fut rapidement impossible de discerner la vérité de la chimère.
"C'est un peu bruyant ici, ne trouvez-vous pas ?" Reprit alors l'homme tout en balayant rapidement du regard le spectacle de carnage avant de rediriger ses yeux sur ses adversaires.
L'œil de Dorlis se mit, dans les secondes qui suivirent ses brèves paroles, à luire d'une sombre étincelle. Soudain, aux abords de sa sinistre personne, aussi étrange que maussade, un paysage, de sombre allure, semblait se dessiner sous leurs inquiètes expressions, transcendant, sur le moment, toute chose s'interposant à lui, comme si une nouvelle réalité vint, sans crier gare, les rattraper de court. De la vulgaire épée à l'impressionnante demeure en passant par l'être vivant, rien ne semblait manifestement désigné pour arrêter cette chose dont la progression semblait si évidente. A la place, de nombreux murs en brique remplir peu à peu, dans un ordre aléatoire, l'espace sur lequel ils reposaient. De plus, dans le même instant, les deux guerriers vissariens, désormais seuls face à la nouvelle menace, remarquèrent aux abords desdites parois murales, une sobre variété de plante, donnant à l'inédite surface une apparence aussi hideuse que repoussante.
"Qu'as-tu fait de nos compagnons ? S'écria avec précipitation le juvénile prince Vissaris.
— Du calme, le marmot, je nous ai simplement transporté dans un espace plus isolé et plus calme. Ici, on pourra se déchaîner à loisir et je pourrai, par la même occasion, tester ton niveau, réputé exceptionnel !"
Alessio, sans en connaître l'exacte raison, pressenti son corps bouillonner intérieurement dans les secondes qui suivirent. Il serra parallèlement ses dents d'une force inexprimable, tandis qu'une volonté de tuer sans précédent se manifesta de plus en plus dangereusement sur son jeune et beau visage. Bientôt, il ne pourrait plus contenir cette dernière, mais il savait par ailleurs que les dégâts de son acte inconscient seraient d'une importante gravité, à tel point qu'il n'osait à peine y songer...
"Alessio, calme-toi. Ne tombe pas dans son piège. Il sait pertinemment que tu ne lui arrives pas à la cheville." Lui communiqua par voie cérébrale Achille sur un ton légèrement inquiet.
Alessio, en résultat du conseil avisé de son supérieur, rangea prudemment sa lame qu'il avait inconsciemment dégainée quelques secondes plus tôt sous le coup évident de l'animosité.
"Tu as peur mon garçon ? Ou peut-être n'es-tu point aussi vigoureux que je ne me l'imaginais. C'est cela, tu ne vaux pas mieux que ces lépreux que tu t'obstines à protéger !!" S'exclama-t-il en poussant un exubérant rire d'une noirceur si prononcée qu'il en gelait le sang presque sans délai.
"Ne l'écoute pas Alessio et concentre-toi." Riposta verbalement Achille d'un ton, cette fois-ci plus strict et résolu, tandis que la voix de ce même commandant résonnait dans la tête du jeune Alessio.
"Bien, en admettant le puissant adversaire en face de nous, l'espace inconnu auquel nous faisons face ainsi que le manque drastique de temps, nous pouvons facilement en conclure que nous sommes actuellement dans une belle merde !
— Et j'imagine que notre brillant commandant à un plan pour nous sortir de tout ceci...
— Eh bien, maintenant que tu le dis, j'en ai en effet un sous la manche... Foncer dans le tas !! Si l'on combine respectivement nos styles de combat, dans une certaine cohésion dynamique, on pourrait, en outre, tenter de le déstabiliser grandement.
— Cela impliquerait une importante vitesse d'exécution, mais soit. La stratégie reste simple, mais réaliste face à la situation actuelle. Dans ce cas, c'est parti !!"
Alessio fondit au même instant sur Dorlis, qui, dans une excessive confiance intérieure, l'attendait de pied ferme, ne craignant vraisemblablement pas la tournure que prendrait cet affrontement. Arrivé au point de rencontre, le jeune prodige, cribla l'immondice de coups, notamment à travers un enchaînement de coups-de-poing et de coudes, mélangeant directs, crochets droits, crochets gauches ainsi que de nombreux heurts dirigé de bas en haut, tous plus précis les uns que les autres. Fâcheusement, Dorlis, tel un maître face à son élève, se limita à éluder ces derniers, comme si ceux-ci ne représentaient pas une once de danger à l'égard de sa malicieuse personne.
"Eh bien alors, mon garçon, c'est là tout ce que tu vaux ?" L'interrogea Dorlis d'en une optique de moquerie
Malgré la rage qui montait en lui, Alessio trouva en revanche le moyen de se contenir.
"A toi, Commandant !!"
Il mit soudain un genou à terre, et Achille prit le relais en surgissant par-derrière lui. Ce dernier poursuivit sur un agencement de jeu de jambes en combinant coups de pied retournés circulaires, chassés tout en assénant de même de hautes frappes et bien d'autres encore, le tout dans un rythme effréné, difficile à suivre aux yeux d'Alessio. Dorlis, quelque peu surpris de ce changement soudain de vitesse entre les deux adversaires, accentua par voie de conséquence sa garde. En réponse à cette inattendue réaction adverse, et sans perdre un instant supplémentaire, Alessio survint à revers de son partenaire, l'épée brandit. Il abattit celle-ci de toutes ses forces, mais le mystérieux homme l'esquiva avec une précision incomparable alors même qu'en face de lui, à environ deux ou trois mètres, Achille fit de même en tirant vélocement sa lame de son fourreau.
"Vous voulez jouer à cela ?" Demanda Dorlis de son habituel et insidieux timbre.
C'est alors qu'une longue épée noire muni d'un manche rouge obscur fit son apparition dans la main droite de celui-ci.
"Approchez !"
Sur ce seul ordre, l'affrontement repris de plus bel, débutant en outre sur un rapide et violent échange de fer durant lequel les deux habiles épéistes tentèrent de ne serait-ce qu'effleurer le maître démon, néanmoins sans résultats concluants. Au bout d'un moment, comme pour mettre fin à tout ceci, celui-ci projeta au loin les deux vissariens d'un simple geste de main comme on le ferait d'un objet dont on n'en a point l'usage. Il reconduit cela de la même façon, en faisant déferlé cette-fois-ci, sur leur tête à moitié sonnées, une gigantesque attaque, prenant, pour le coup l'apparence d'un long et fin cylindre enflammée, d'une étrange teinte bleu émeraude, bondissant sur eux tel un serpent famélique sur sa docile proie.
Lorsqu'il le vit arriver, Alessio, d'une manière on ne peut plus spontanée, réagit en concevant une chose s'apparentant de toute évidence à une barrière de terre, se servant de ce fait de cette dernière à des fins protectrices pour sa propre personne mais également pour son aîné. Achille, profita, par ailleurs de la fumée ambiante générée par tout ce tohubohu afin de prendre par surprise son adversaire. Par malheur, lorsque celui-ci le remarqua, de façon plus rapide que prévue, le chevalier vissarien s'empressa alors de lui planter sans retenue quelconque son alfange dans le thorax, faisant ainsi retentir une tranchante sonorité, loin des plus agréable.
Quelques secondes s'écoulèrent ensuite sans que l'on obtienne la moindre nouvelle de la situation. Avait-il réussi ? Non ! A l'endroit où devait normalement s'écouler un important flux de sang, une sorte de liquide visqueux d'une couleur étrange s'en échappa à la place. L'être fixait dorénavant le fin bretteur de ses yeux vides, dénués de tout ressenti. Il saisit, pour poursuivre, son bras, au bout duquel demeurait constamment la robuste lame, puis acheva son action en rompant fermement le membre de ce dernier au niveau de la jointure entre le bras et l'avant-bras. Achille, sous le coup de la douleur, poussa un prononcé hurlement qui, à lui seul, permettait aisément de réaliser la souffrance à laquelle il faisait actuellement face. La créature, en ce qui la concernait, ne fit que le repousser d'un simple coup de coude, pris de toute évidence d'agacement, se débarrassant dans un même temps de l'épée qui ne faisait, depuis lors, que le handicaper inutilement.
Lorsqu'Achille tenta de se relever, celui-ci en fut malheureusement bien incapable, comme si une force dont il n'avait le contrôle l'obligeait à rester dans cette humiliante posture, contraint de ne participer à cela qu'en tant que spectateur impuissant. Pendant ce temps-là, par devant lui, le démon à la chevelure blanche avançait insensiblement en direction de l'héritier vissarien.
"ARRÊTE, NOOOOOOON !!!" Protesta Achille.
Par ailleurs, en dépit des protestations du jeune guerrier, le démon ne réagit qu'en faisant fi de tout cela avant de disparaître sous ses yeux pour finalement reparaître en face du prince prodige.
"Il est temps que je te montre ce qu'est la vraie puissance, lui chuchota-il en lui assenant un intense coup de poing dans le ventre. Volée d'Esprit !!"
Par la suite, Alessio, en plus de percevoir une indescriptible douleur tant cette dernière était atypique, se sentit soudain de même plus léger. Beaucoup plus léger. Effectivement lorsque celui-ci tenta d'évaluer plus spécifiquement l'ampleur des dégâts, il pressentit également l'absence de ses jambes, mais en outre de ses bras, ainsi que de ses doigts, et bien plus encore, comme s'il ne subsistait de son être plus rien de physiquement palpable. Pourtant, en s'y penchant de plus près, on pouvait aussi bien constater qu'il ne s'agissait là que d'un ressenti, car, en effet, ces derniers demeuraient néanmoins présents. La raison de tout cela ? Celle-ci était en effet bien simple : Alessio, dans l'instant présent lévitait tandis qu'en contre bas, son corps depuis lors en inactivité, se rétrécissait petit à petit à ses yeux en raison de l'altitude qu'il prenait au fur et à mesure que les seconde s'écoulaient.
"Ne me dis pas que..."
Il n'eut à peine le temps d'achever sa pensée qu'un distinct paysage, cette fois-ci bien plus familier, se dessina de nouveau sous ses yeux ébahis. Il pouvait désormais contempler la cité dans son ensemble, mais cependant, seul un lieu spécifique de celle-ci reflétait plus de détails que le reste de l'immense capitale. Sur place, comme partout dans la ville, de nombreux monstres istareks livraient bataille de façon incessante face aux désavantagées troupes vissariennes. Mais ce qui retint plus amplement son attention, fut les deux membres qui dirigeaient ce groupe de vaillants combattants : il s'agissait là de Julkov et Adonis.
"Alors, surpris ? L'interrogea alors Dorlis.
— Espèce d'ordure, que m'as-tu fait ? Riposta-il.
— Si tu te demandes si tu es mort, saches que la réponse est non. Certes, j'ai extrait ton âme de ton corps, mais certainement pas dans le but de mettre fin à tes jours. Si je l'ai fait, c'est uniquement pour te faire admirer ceci..."
Il tendit alors sa main vengeresse en direction de la zone de conflits.
"NE FAIT PAS CELA !! S'écria Alessio d'une voix tremblante.
— Dans ce cas, viens m'en empêcher..."
Alessio fonça alors sur lui, élançant de manière simultanée ses deux robustes bras afin maîtriser son adversaire au niveau de la taille. Cependant, malgré cette courageuse tentative, celle-ci ne parut qu'une énième fois vaine aux yeux du turpide être se situant en amont de sa propre personne. En effet, à l'inverse de s'agripper vigoureusement sur ce dernier, ses bras ne firent, à ce moment-là, que le traverser, tel un corps au contact de l'eau. C'était précisément comme si Dorlis ne fut alors plus qu'un simple reflet que le jeune prince contemplait sans pour autant avoir la moindre influence sur ses agissements.
"Pour information, nous nous situons dans un espace situé entre ce bas monde et l'au-delà. De ce fait, les attaques physiques ou magiques sont ici inutiles, dit-il tout en esquissant un narquois rictus. En revanche, il est possible pour des âmes maniant la magie de pouvoir exercé leur pouvoir depuis cette zone que l'on nomme "espace transitoire"."
Alessio dirigea de nouveau son regard face à la scène. C'était un cauchemar ! Dans le firmament, plusieurs centaines de rayons noirs, s'apparentant plus à diverses épines, d'une taille approximative de vingt à trente centimètres de long, fusèrent en direction du champ de bataille, et ce d'une extravagante célérité. Dans le présent cas de figure, nul besoin de se prétendre expert pour affirmer que ceux-ci n'épargneraient personne ou presque, n'apportant de la même façon que discorde et division au sein même des troupes istareks. Aux yeux d'Alessio, la tournure que prenait les évènements résonnait dans son esprit tel un imbroglio dont il n'en saisissait point la logique :
"Il serait donc prêt à mettre en péril de nombreuses vies de son peuple afin d'assouvir ses fins macabres et nuire au notre par la même occasion ? Non, ce n'est pas suffisant ! Il m'insiste également à riposter, et vue la situation dans laquelle il vient de me plonger, je n'ai d'autres choix que d'obtempérer et rentrer dans son jeu..."
Il tendit alors, dans un élan de précipitation, ses deux bras en avant, tous doigts déployés en ce qui concernait ses mains. Celui-ci, dans les secondes qui suivirent, transcenda, à la seule force de ses pouvoirs, le flux naturel du vent présent sur les lieux, afin de concentrer cette immense masse en un point fixe sphérique, située non loin de ces imposantes aiguilles vindicatives.
Les multiples attaques de Dorlis, aussi rapides furent elles, se firent, à la suite de ce geste, en grande partie annihilées, du simple fait de l'abattement de cette bourrasque sur ces dernières. Et, comme si cela ne fut point suffisant, celle-ci engendra, dans un même temps, une sonorité tout aussi étrange que fracassante, ne manquant évidemment pas d'attirer l'attention des nombreux combattants se trouvant à même le sol.
En contrebas, la situation semblait, elle aussi, différée de ce qu'elle fut antérieurement. En effet, Alessio constatait, aux travers de ses jeunes yeux étonnés, une grande confusion mêlée de panique en ce qui concernait les troupes istareks, d'autant plus que bon nombre d'entre eux en payait le prix fort du fait de leur manque d'organisation, à l'instar de plusieurs soldats vissariens. Néanmoins, Julkov, empli de sa plus ferme volonté, tenta tant bien que mal de pallier à ce handicap vis-à-vis de ses propres hommes en déviant ou dégageant un certain nombre d'épines, de sorte à faciliter la tâche desdits chevaliers. De son côté, Adonis, dans une optique similaire, s'évertua à façonner, depuis le front de tout ceci, une façade à l'aide du sang alentour, lui donnant, pour ainsi dire la forme d'un quart de cercle. Ça y est ! La défense était posée. Néanmoins, rien n'était encore joué pour autant.
"On dit souvent que c'est dans le désespoir que se révèle la véritable force d'un homme. Encore une fois, serait-ce là tout ce dont tu es capable ? Tes capacités me semblent bien moindres pourtant, lui divulgua Dorlis d'un ton hautain
— LA FERME, BRINDILLE BLANCHE !!!" s'écria alors férocement Alessio, tandis que celui-ci s'évertuait corps et âme à stopper l'offensive de son opposant.
En se concentrant de nouveau sur la l'atroce scène au-dessous de lui, il observa, il est vrai, le déclin aussi rapide que fulgurant des troupes istareks, provoqué sous l'impressionnant effet des imprévues salves noires, ne laissant à leur trépas qu'un épais liquide rougeâtre. Mais alors qu'Adonis et ses hommes prenaient peu à peu l'avantage sur l'ennemi, gagnant de surcroît du terrain, un manticore vint regrettablement se jeter sur le Roi. Par chance, Adonis, de par son impressionnante lucidité, intervint à temps, s'occupa à part de son cas, suspendant néanmoins temporairement sa paroi hémoglobinaire.
C'est alors que, tandis que le noble chevalier achevait sa besogne, le drame se produisit : une épine, d'une envergure approchant cette fois-ci les un mètre de long, surgit alors par derrière Julkov, perforant par extension un point précis de son dos, pour finalement émerger du cœur de ce dernier. Julkov tomba en conséquence sur le coup tout en évacuant à travers de nombreuses quintes de toux de conséquentes quantités de sang. Adonis accourut alors immédiatement vers lui, tentant par tout moyen envisageable d'enlever cet imposant objet, mais ce ne fut malheureusement plus alors que peine perdue. Le Roi, après quelques instants d'agonie, mourut dans les bras de son fils, duquel n'en ressortit de sa mine dévastée que de chaudes larmes en guise de rédemption à l'égard de feu son père.
De son côté, Alessio avait tout vu, tout contemplé dans ses détails les plus subtils. Il n'en revenait pas. En bas de lui, il observait, à présent, le corps sans vie de ce qui fut par le passé son Roi mais également et surtout son géniteur, son confident, sa boussole face à l'immensité de ce monde. Dans son for intérieur, un mélange de tristesse profonde et de haine sans précédent se manifestèrent à ce moment précis. Derrière lui, les rires interminables de Dorlis, tels de machiavéliques échos, résonnèrent à n'en plus finir dans sa tête surchargée. Il ne savait plus où se mettre. C'était comme si tous ses repères s'étaient écroulés à la suite de cette brutale situation, tel un marin égaré dans la plénitude des eaux troubles. Il se sentit détruit intérieurement, comme un vase de cristal que l'on aurait fait tomber violemment au sol.
"Voilà que nous partageons dorénavant un objectif commun, débuta au même instant Dorlis. Ceci n'est donc qu'un avant-goût de ce qui nous attend réellement. Tâche de devenir plus fort si tu souhaites un jour me détruire, car, en ce qui me concerne, je n'aurai, à l'avenir, pas l'intention de te ménager !"
Soudain, en résultat de ce bref propos, l'espace sur lequel ils demeuraient se dématérialisa de nouveau, entrainant en outre dans sa disparition, le corps immatériel du démon. Pour finir, Alessio se retrouva de plus belle, sur le précédent champ de bataille en compagnie de dizaines d'ossatures istareks, des ods, mais également d'Achille, qui, depuis lors, avait retrouvé sa libre mobilité,
"Alessio... Alessio, tout va bien ?!" Demanda-t-il en se précipitant à sa rencontre.
Il le fixa dans les yeux tandis que des vagues de larmes se mirent à ruisseler sur son fin visage.