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Chapter 5 - 5- Après la pluie vient le beau temps

28 août 1186 ap. La Brèche- demeure principale de la famille Vissaris-

Ce cauchemar n'avait de cesse de la hanter. Autour de lui, dans la salle rectangulaire, plusieurs somptueuses mosaïques faisaient office de décoration, laissant, par la même occasion, entrer les timides rayons de soleil du matin. Les autres, dont Alessio, formaient un large cercle autour d'un long tombeau. Ce dernier, de couleur gris foncé, était par ailleurs orné de motifs tous plus froids les uns que les autres. A l'autre bout de la pièce, une grande porte en bois s'ouvrit, laissant deviner, au-delà d'elle-même, une dizaine d'hommes masqués vêtus de tenues blanches. Ceux-ci s'approchèrent, par la suite, du cercueil, se répartirent aux abords de celui-ci, s'agenouillèrent, puis prononcèrent, pour finir, des prières à voix haute dans une langue vraisemblablement inconnue du jeune prince.

Après cinq minutes d'incompréhensibles oraisons funèbres, qui lui semblèrent pourtant une éternité, les énigmatiques personnages se retirèrent de l'espace, donnant ainsi le loisir au reste des invités d'entrer en scène. Ils déposèrent après coup, chacun leur tour, une petite offrande au défunt, tout en essayant, au mieux, de contenir leurs mines attristées. Puis, lorsque se fut finalement son tour, le jeune prince Alessio se sentit, pour sa part, bien mal à l'aise face à la présente situation.

Tandis qu'il avançait, tête dressée, posture soignée et assurée, il sentait par ailleurs autour de lui les regards aussi nombreux que malveillants des autres convives se poser sur lui. De plus, ce dernier remarqua que la distance le séparant du cercueil semblait étonnamment grande par rapport à ce qu'elle paraissait quelques instants auparavant.

Cela dit, une fois en face dudit catafalque, celui-ci y déposa, en guise d'ultime salut vis à vis du corps en décomposition, deux pièces dorées sur lesquels y figurait une imposante et admirable chaine de montagne, semblable en tous points à de nombreux paysages similaires qu'offraient les terres du Nord.

Malgré les maints murmures résonants dans son dos, Alessio, après un définitif et discret mot, se releva doucement puis tenta, après coup de retourner à sa place. Mais lorsque celui-ci releva la tête, la chose qu'il vit par la suite le laissa, pour ainsi dire, sans voix : Florian, Morgan, Ajax, Achille, Adonis, ni même aucun autre invité, ne possédait de visage. Ils en étaient, il est vrai, complètement démunis, offrant à la place de ce dernier, un vide profond, noir, enfermant toute lumière tentant de pénétrer dans la zone faciale.

De plus, comme si cela ne fut point suffisant, les êtres, dès lors sans figures, se rapprochèrent de plus en plus de sa position, certes à petit pas, mais clamant néanmoins d'une étrange voix "mort au traître !!", tout en tendant subséquemment leurs mains moisies en avant.

Alessio chercha alors naturellement un moyen de les fuir, mais aucune échappatoire ne lui semblait envisageable. La porte devant lui avait mystérieusement disparu, d'autant plus qu'il réalisa, par le biais d'une veine tentative, de sa complète incapacité à user de sa précieuse magie. Il devait pourtant bien y avoir une solution. Envers et contre tout, après quelques infimes instants de réflexion, ce dernier opta finalement pour ce qui lui sembla alors être la meilleure solution : saisir une épée trouvée à la va vite parmi le tas de diverses offrandes. Et maintenant, quelle option paraissait la plus judicieuse ? Les contenir ? Les blesser ? Ou pire encore, les tuer ? Toutes ces interrogations, aussi nombreuses furent elles, tournaient à n'en plus finir dans sa tête, tandis que l'évolution de la situation ne faisait qu'accentuer les battements de son cœur déjà bien haletants.

Mais alors que le prince vissarien s'évertuait à trouver une solution à l'irrésolvable, celui-ci se vit, après moultes mouvements aléatoires dans la salle, rapidement encerclé au point même où il entreprit sa fuite pour la première fois : au niveau du cercueil, dos à celui-ci. Soudain, une main putride, tel qu'une chair vielle et brulée, jaillit de ce dernier puis, sans tarder, l'attrapa, emportant ainsi son corps dans les profondeurs des abysses...

"Eh, Alessio, réveille-toi, bon sang, il est 8h30 !", déclara soudainement une voix familière. Celle- ci, de prime abord, peu audible, lui suffit malgré tout à reprendre ses esprits.

En face de lui, Achille se tenait là, accroupi. Par derrière lui, un magnifique jardin, fleurissant, les entourait, de même que trônait, cette fois-ci à revers d'Alessio, un gigantesque cerisier, d'un somptueux aspect rosâtre, sur lequel il demeurait adossé, la mine placide.

"Tout cela n'était donc qu'un simple rêve..." Se dit en premier lieu Alessio.

"Tu as passé toute la nuit ici, lui communiqua son grand frère. Quand j'y repense, ce n'est pas si étonnant. Même petit, tu aimais te réfugier dans ce beau jardin, lorsque tu avais commis une bêtise, quel qu'elle fut."

Alessio, face aux troublantes révélations de son frère, tourna subitement la tête, de toute évidence gêné de cette situation.

"Mais bon passons, renchérit alors le chevalier. Je ne t'apprends rien si je te dis qu'aujourd'hui est un jour particulier.

— Non. Maintenant que tu en parles, je ferai mieux de me dépêcher si je ne veux pas arriver en retard." Dit-il en se relevant rapidement, délaissant, de ce fait, ce qu'il caractérisait plus communément comme "son petit espace de paradis".

Après avoir enfin rejoint la Grande Cour, puis, par extension, traversée cette dernière, Alessio orienta ensuite ses pas vers ses appartements, s'évertuant à dénicher, une fois sur place, une tenue adéquate pour l'événement qui se déroulerai sous peu. Après de longues minutes d'intense considération, le juvénile vissarien tourna finalement son choix sur un haut bleu azur, qui plus est équipé de nombreuses dorures au niveau des fines manches mais également du col. Celui-ci, en plus de son splendide coloris, disposait en outre d'une atypique allure, qui ne laisserai certes point indifférent la grande majorité des personnes conviées à cette célébration. Son pantalon, quant à lui, était de couleur orange et comportait, pour sûr, divers motifs écrus, ondulés pour la plupart. L'ensemble, en parfaite et chaleureuse harmonie, ne fit alors que raviver en lui un semblant de joie intérieure, chose qu'il estimait hélas perdu, depuis maintenant, un bon mois, plus précisément au lendemain de ce que fut le siège de l'armée istarek.

Une fois qu'il eut fini de se préparer, Alessio redescendit de ce pas vers la herse principale. Devant cette dernière, une multitude de soldats royaux demeuraient postés là, accompagnés, bien évidemment, de l'intégralité, ou du moins une bonne partie, de la garnison des ods. Florian, Morgan et les autres, s'étaient également préparés pour l'occasion, chacun s'étant, par conséquent, parés de ses plus fastueuses confections. De plus, à l'occasion de la cérémonie, Alessio se vit ultérieurement remettre, en main propre, un robuste et imposant étalon d'un teint blanc uni. Le jeune prince, à présent fin disposé pour la suite, s'empressa alors de s'élancer au dos du destrier, d'une remarquable et élégante manière. En définitive, une fois tout ce beau monde prêt, un cor, d'une sonorité à la fois grave et perçante, se fit ouïr sur l'ensemble de la Grande Cour, donnant ainsi l'ordre d'ouvrir la marche de même que l'imposante barrière.

Au dehors, en plus des incessants et puissants bruits des troupes, alliant pas humains animales, mais également clamassions militaires, les routes de la cité étaient, par ailleurs, sévèrement endommagées, ce qui ne facilitait évidement point le fastidieux travail de marche des chevaux.

En chemin, la petite population, quant à elle, ne fit alors, à la simple rencontre des soldats royaux, que s'écarter docilement de part et d'autre des étroits passages. Mais si l'on pouvait croire, de prime abord, que celle-ci se limitait à ce simple geste, il en fut, dans les faits tout autre, et ce de manière positive. Il est vrai, cette dernière, en plus de faciliter au noble groupe l'ardu chemin, elle s'évertua de même, à cœur joie, de proférer de belles et glorieuses paroles à son égard. Enfin, en ce qui concernait Florian, qui depuis lors subsistait quelques mètres derrière Alessio, celui-ci accéléra alors subitement sa cadence, du haut de sa sombre monture, afin de se tenir à hauteur équivalente de son jeune ami.

"Tu vois Alessio, débuta le robuste guerrier, même si nombreuses sont les qualités que j'admire vis-à-vis de ta famille, celle-ci en est de très loin la meilleure.

— Où veut-tu en venir exactement ?

— Eh bien, regarde simplement autour de toi. Ce ne sont bien là que des petites gens, n'est-ce pas ?"

— En effet.

— Je pense que tu n'es pas sans savoir que la plupart des riches seigneurs de ce pays ne voient en eux rien de plus que de vulgaires manants et ne les prennent, de ce fait, pas plus en considération que cela. Pour vous, c'est bien là toute la différence. Que ce soit dans le meilleur, ou même dans les moments de faiblesse, vous vous donnez toujours autant de mal pour eux, allant même jusqu'à parfois en faire votre priorité, au détriment de soucis financiers ou territoriaux, dit-il avec un léger sourire aux lèvres. Ton père en était la preuve. Durant quatre longues années, de peur, de souffrance et de haine, j'ai survécu, seul, dans ce royaume, sans aucun espoir de retrouver un jour une situation stable. Et le jour où finalement, j'arriva à la capitale, le destin fit que le Roi Julkov daigna me prendre sous son aile, là où tous les autres me rejetaient pour ce que j'étais, sans même chercher à en savoir plus à mon sujet."

Après cela, le regard de Florian, à présent empli de fortes émotions face aux souvenirs du passé, se dirigea alors naturellement vers le firmament tandis qu'Alessio, de son côté, le fixa d'un air à la fois sérieux, mais également et surtout sincère :

"Florian, j'aimerais que tu saches qu'en ce qui me concerne, je n'égalerai nullement la prestance de Père, car je me trouve, à son égard, bien différent de lui. Mais sois, au moins sûr que je saurai me montrer digne de son héritage. C'est là le minimum que je me dois de lui fournir en honneur à sa mémoire, mais aussi pour tous ses apports bénéfiques fournis à notre royaume, rétorqua intelligiblement Alessio, tout en veillant à saluer de façon exemplaire la foule enjouée.

— Sur ce point-là, je ne doute nullement de ta parole ! Et tu verras, les gens comme nous savent rendre l'attention que vous nous apportez." Acheva-t-il avant d'accélérer de nouveau le pas, afin d'apporter soutien aux soldats postés plus loin devant.

Au bout de ce qu'Alessio estima tourner aux alentours des vingt minutes de route, le gigantesque groupe déboucha finalement sur un vaste lieu, et ce non moins sans bonnes raisons. Connu de tous, notamment comme un important emplacement religieux aux yeux du peuple, mais également comme un site plus que symbolique selon l'opinion des chroniqueurs, la Place du Fondateur demeurait, en toute logique, l'emplacement idéal à la célébration d'un tel évènement. Sur place, une large surface pouvant accueillir des centaines, voire même des milliers de citoyens se dressait sous les gris yeux écarquillés du jeune prince. Plus loin, plus précisément là où la cavalerie décida de stopper l'avancée, s'érigeait, tel une montagne surplombant le monde, une haute statue intégralement faite de bronze, décrivant un fier être, aussi grand qu'inébranlable, tenant aussi bien dans l'une de ses mains une sorte de sabre exposant une forme particulière. Alessio ne rêvait pas : il s'agissait bien là d'une superbe représentation artistique de ce que fut, il y a de cela fort longtemps, le glorieux et populaire roi Kaiser Vissaris 1er.

En s'appuyant sur les connaissances fournies par divers chroniqueurs aguerris du pays, Kaiser Vissaris 1er fut en effet le pionnier de ce qui était devenu, par la suite la grande et mythique cité d'Odiis, aujourd'hui capitale sociale, mais aussi législative du royaume Vissaris. Or, même si sa personne demeurait aujourd'hui un indéniable modèle pour tout roi qui se respectait, son parcours visant à s'élever au rang de légende n'en restait cependant pas moins intéressant.

En effet, il était dit, dans les anciens manuscrits, que le légendaire roi, avait été, durant sa plus tendre enfance, élevé parmi les sept clans de mages. Son éducation avait été telle qu'il avait rapidement assimilé les rudiments de la manipulation mystique, développant par la suite une astronomique quantité de techniques, toutes plus complexes et puissantes les unes que les autres. Cependant, la vie du jeune prodige avait basculé à l'âge d'environ 20 ou 22 ans -selon les sources- où sa patrie, à l'issue d'une ultime et grande prière, lui avait intimé de partir à la quête d'un nouveau peuple, dès lors esclave d'un vil et puissant seigneur. Il avait, de ce fait, bravé torrents, chaleur, blizzards, avant de trouver ledit peuple, qui, selon la légende, ne s'était avéré être autre que le genre humain. Subjugué par la beauté et l'intellect qu'avait offert ce dernier, Kaiser, en plus de le délivrer, lui avait également promis de le conduire vers ce que l'on avait aujourd'hui coutume de nommer la "Terre Promise". On racontait même qu'à la suite de cette merveilleuse annonce, le nouveau peuple, malheureusement en manque d'informations à son sujet, s'était réparti sur la totalité du royaume durant le long périple, provoquant ainsi une vaste diversité culturelle, encore aujourd'hui conservée. D'autre part, on mentionnait également que sous la menace grandissante des sorciers noirs, alliés primordiaux du tyran Dannoron Istarek, le Roi Kaiser Vissaris 1er avait façonné cette étrange lame à l'aide de son incommensurable puissance, lui permettant ainsi de repousser l'ennemi jusqu'au fin fond du pays. Durant les années qui avaient suivi cet intense bataille, le roi avait bâti, avec la précieuse aide des ods, la cité que nous connaissons aujourd'hui, se servant de celle-ci afin d'y loger le reste des humains restants.

Après cela, cette fois-ci de nouveau face à la présente scène, Alessio, de même que les trois autres frères, menés de toute évidence par Adonis, démontèrent rapidement puis achevèrent finalement le chemin à pied vers ce qui semblait être un titanesque escalier. De leur côté, se fut à présent au tour des spadassins de leur ouvrir la voie, singeant de ce fait la basse population en se répartissant de part et d'autre de celle-ci, tout en conservant leur posture impassible. Après quelques minutes de montée, le quatuor aboutit enfin sur ce qui visiblement, s'apparentait au sommet. Ici, hormis une surface plate, étonnamment spacieuse, rien de particulier, à première vue, ne s'y distinguait réellement. Ou peut-être que si tout compte fait. En effet, quelques mètres en amont, se remarquait une inhabituelle structure de pierres polies, toutes soigneusement empilées les unes sur les autres, donnant par ailleurs à l'édifice une forme semi-circulaire. Pas de doute possible : il s'agissait effectivement là du célèbre sanctuaire religieux à l'effigie de Rilan, déesse mère de ce vaste monde.

Une fois l'immense foule installée, Adonis s'avança près des marches, observant ses semblables d'un air sûr et déterminé. Alessio, pour sa part se tint à gauche de lui, tandis que les deux autres frères s'organisèrent à sa droite. Lorsqu'il réclama enfin l'attention de la population, cette dernière se tut, laissant ainsi la parole au doux silence, qui sans tarder, domina le lieu.

"Odiiens et ods, il y a de cela un mois environ, nous subîmes, de la part de nos ennemis jurés une attaque inattendue, causant pertes matérielles et humaines de façon colossale, comptant parmi elles notre bien aimé roi, Julkov Vissaris. Mes amis, que dis-je, mes chers frères et sœurs, aujourd'hui est un jour de deuil, car en effet, le roi est mort. Pour certains, il fut un père admirable, pour d'autres un roi imposant, et pour d'autres encore, une source d'inspiration et de motivation au quotidien. Dans tous les cas, tous s'accordent à dire qu'il fut un homme d'exception. Cependant, s'il s'agit là en effet d'une bien triste annonce, à l'égard de nous tous, celle-ci n'en demeurent pas moins annonciatrice de nouvelles réjouissantes. Tel le jour succédant à la nuit, le cycle éternel de la vie nous retire de ce fait des êtres précieux, mais non sans en apporter d'autres faisant ainsi office de relève à la défunte génération. Aujourd'hui, c'est avec tristesse que nous tournons la page d'un glorieux chapitre afin d'en commencer un nouveau dans la joie et l'espérance."

Il s'accorda à la suite de cette parole une aussi brève que silencieuse pause, avant de reprendre de plus belle, ses poumons de nouveau gorgés d'un air frais :

"Malgré les circonstances actuelles, je tenais à m'adresser directement à vous quant à ce qui va suivre. En effet, en me référant aux sages paroles de feu mon père : "un serviteur, quel qu'il est, se doit au minimum de savoir pour qui il ploie à présent le genoux", dit-il en dirigeant son regard vers le jeune prince. Alessio, je te le demande, à toi, mon frère, mon rival de toujours, acceptes-tu, à compter d'aujourd'hui, que je sois ton nouveau roi ?" Demanda-t-il accompagné de son ton le plus véridique.

Alessio posa alors sa main droite sur l'épaule de son frère, et ce, muni de son plus radieux sourire.

"Adonis, mon frère, sache que tu n'es et que tu ne seras jamais un rival à mes yeux. Au contraire, tu es pour moi comme un second père et se serait là une satisfaction de servir ce royaume sous tes ordres. Ainsi, sur mon honneur, de même que mon statut de prince, aux yeux des hommes et de Rilan, j'accepte que tu deviennes mon roi." Acheva-t-il en se courbant en avant, en guise de respectueuse approbation.

Adonis, affichant désormais un large sourire, se tourna alors vers Ajax et Achille, afin de leur poser une question tout aussi similaire. Au bout de quelques secondes d'échange, se concluant sans suspense par un accord unanime, l'aîné de la lignée Vissaris se tourna, pour finir, fièrement vers la foule impatiente.

"Maintenant, tout ne dépend plus que de vous. Si vous acceptez aujourd'hui ma nomination en tant que nouveau roi, je serai prêt à assumer toutes les tâches relatives à ce poste et m'engagerai également corps et âme à respecter et protéger l'héritage de mon père."

A la suite de cela, un silence profond. Des regards tous aussi fiers que réjouis se dessinèrent progressivement sur les visages de chaque membre de la foule. Le choix demeurait à présent scellé. Ods, odiiens, soldats royaux, tous brandirent ce qu'ils tenaient respectivement dans leurs mains, allant du simple tissu de couturière à l'épée du noble chevalier. Tous crièrent à l'unisson "longue vie au Roi Adonis Vissaris" tel un seul être pour un grand peuple.

Sur le chemin du retour, nombreux furent ceux à acclamer Adonis, de même qu'à le féliciter pour sa nomination, tout en recevant, pour sûr en retour les respectueuses salutations de son Altesse. Malheureusement, même si l'ambiance se voulait, d'ordre générale, festive, il n'en ressortit pas moins quelques débordements çà et là, par chance, efficacement maitrisés par la garde royale.

Une fois rentré au château, Alessio se précipita à regagner ses appartements personnels, afin de s'y changer, de toute évidence exténué par tout ceci. Il s'équipa, à la place, de simples accoutrements, plus spécifiquement d'un léger haut gris, ainsi que d'un sombre et ample pantalon. Il plia ensuite soigneusement ses habits de cérémonie, les rangeant par la suite, dans un grand coffre en bois situé non loin de l'entrée, avant de s'allonger sur son lit, les mains derrière la tête, la mine pensive.

"Ce Dorlis est encore plus puissant que ce qu'on m'a dit. Ses capacités d'anticipation et d'attaque sont tout simplement hors du commun, et la magie qu'il utilise reste encore à ce jour très mystérieuse. De plus, les dégâts et pertes causés par lui et son armée sont énormes, du moins pour un simple "avertissement". Mais le plus étonnant dans tout cela, c'est les habitants."

Il se leva alors de son lit, et, d'un pas lent, se dirigea vers sa fenêtre, se situant non loin à sa gauche. Il en ouvrit ensuite vigoureusement les deux battants en métal et fixa au loin la cité agitée.

"Cela ne fait qu'un mois que l'invasion a eu lieu, mais pourtant, ils n'ont pas l'air abattu ou même en détresse, du moins ils ne le montrent pas. Ils réussissent malgré tout à garder la tête haute même dans l'adversité. Père, pensa-il en regardant le ciel d'un œil absent, voilà une valeur essentielle que tu auras indirectement réussi à nous transmettre."

Mais alors qu'il refermait les battants de sa fenêtre, quelqu'un se mit soudain à toquer à sa porte, le sortant par la même occasion de ses vagues pensées. Alessio intima donc la personne à entrer, constatant par la suite son professeur Morgan.

"Bah alors, où étais-tu passé ? Demanda le mage. Tout le monde est dans la salle du Trône, à féliciter ton frère pour sa nomination. Je pensais que tu y serais.

— Dans ce cas-là, nous voilà deux à fuir ce genre de moments importants, dit-il sous le rire léger de son interlocuteur. Pour être honnête, reprit-il d'un ton plus sérieux, Je l'ai déjà fait au retour de la Place du Fondateur. Du coup, j'ai profité de ce temps pour réfléchir sur mon précédent combat contre Dorlis.

— Je vois ce que tu veux dire. Mais tu sais, aujourd'hui est un jour de fête, alors il faut en profiter. Tu auras tout le temps de repenser à lui une autre fois. Et puis, sache aussi, que même s'il ne s'agissait pas de Dorlis, je ne t'aurai pas entraîné aujourd'hui, parce que je n'en ai tout simplement pas envie.

— Voilà un fait qui clôture les négociations avant même qu'elles n'aient commencé.

— Exactement. Au fait, j'y pense, mais je compte également me rendre en ville pour prendre une commande que j'avais passé, tu m'accompagnes ?

— Puisque je n'ai plus que ça à faire, pourquoi pas." Dit-il en effilant un robuste tissu d'un bleu étonnamment foncé.

Quant au fait de sortir du domaine, la tâche se révéla, il est vrai, bien moins complexe que prévu. En effet, il fallait croire que la simple présence Morgan convainquit immédiatement Adonis qui en retour les laissa vaquer à leurs occupations personnelles.

Une fois de retour à la modeste capitale, les deux compagnons traversèrent assurément de nombreuses ruelles, tantôt éclairées et animées, tantôt sombres et désertes. Après d'innombrables détours à travers ces dernières, tel un étendu labyrinthe infini, ces derniers débouchèrent au-devant d'une boutique, de laquelle s'y distinguait une plaque en bois étrangement suspendue, dont seul le mot "magie" en demeurait encore lisible.

A l'intérieur de l'établissement, plusieurs étagères pouvaient être observés, ceux-ci répartis sur l'intégralité des murs balisant l'espace. Devant eux, une commode de bois, d'environ deux mètres de long, les séparait de ce qu'ils estimaient être le propriétaire des lieux. Celui-ci, plutôt âgé, chauve, portait de même un long tissu usé en guise de seul vêtement.

"Bonjour, cher ami, vous souvenez-vous de moi ? Demanda Morgan.

— Bien évidemment ! Je n'oublie jamais le visage d'un de mes clients, lui répondit-il avec vivacité.

— Parfait ! Dans ce cas-là, j'aimerais récupérer une commande que j'avais passé quelques jours plus tôt.

— Sans problème."

Il se dirigea alors vers une porte discrète se situant au fond du mur de droite. Après quelques secondes d'attente, le vieil homme revint, un curieux objet à la main. Il était ici question d'une sphère rouge-orange, entourée de plusieurs bandes de fer robustes. Au-devant de celle-ci, sur le haut, un point lumineux s'y distinguait ainsi qu'un cadenas situé juste en dessous.

"Il s'agit là... D'une artefact rare, constata Alessio.

— En effet. Je me disais qu'elle pourrait nous servir, dit Morgan.

— Et qu'est ce qui te fait dire cela exactement ?

— Oh, un présentiment, rien de plus..."