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Chapter 7 - 7- Au-delà des remparts

1er septembre 1186 ap. La Brèche- ouest de la cité d'Odiis-

Face à la porte Marchande, trois jeunes voyageurs se tenaient là, à cheval, le regard rivé sur l'horizon. Plus loin devant, l'aurore se levait sur la capitale, amenant avec elle une brise matinale agréable sous un ciel prometteur d'une journée fort ensoleillée. Sur la route menant vers la cité, plusieurs charrettes, contenant poissons, fruits, épices et autres produits en tous genres, entraient et sortaient tels des meuniers dans un vaste moulin. Derrière eux, sur la place du commerce, le peuple vaquait à ses occupations quotidiennes avec, d'un côté les nombreux et actifs constructeurs, dont les bons et loyaux services à l'égard de la cité se faisaient sentir de jour en jour, et d'un autre les commerçants, installant progressivement leurs étales tout en priant pour une bonne journée de vente.

"Ce petit vent léger n'est pas pour me déplaire." Dit le premier homme en s'étirant.

L'individu était grand et portait, en grande majorité, des vêtements en cuir. Il possédait un visage pour le moins commun, mais également et surtout de négligés cheveux d'un noir de charbon, donnant à sa personne une allure quelque peu effrayante. Quant aux deux autres, l'un se distinguait par son torse nu, musclé, sur lequel demeuraient gravées de nombreuses cicatrices ainsi que par ses cheveux châtains mi-longs. Pour ce qui était du troisième, ce dernier réussissait aisément à attirer l'œil de par sa tête de forme légèrement ovale, similaire à une goutte d'eau renversée.

"Tant mieux pour toi, lui répondit le second. Je sens que la journée va être longue.

— Dans ce cas-là, commençons par le début : on doit tout d'abord vérifier qu'on a tout notre matériel !" Dit le troisième.

Ce n'est finalement que quelques secondes plus tard que les trois compagnons conclurent être en possession de tous leurs biens, comprenant ainsi trois chevaux, une bourse, une carte, une gourde d'eau, trois épées ainsi que quelques tranches de viande séchées.

Sans perdre plus de temps, l'étrange et petit groupe s'empressa de monter à revers de leurs imposantes montures, entamement par la suite le voyage d'une allure pour ainsi dire modeste, en ce qui concernait le premier et le second individu. Pour ce qui était du troisième, celui-ci s'accorda pour sa part quelques instants d'observation, le temps d'un ultime regard sur la ville renaissante comme pour signifier à cette dernière un long périple. A la suite ce bref instant, celui-ci s'évertua à rejoindre promptement ses camarades, marquant de même officiellement le commencement de leur aventure.

Ainsi, bien qu'à présent légèrement éloigné de ladite cité, nombreuses furent encore les locomotions de marchandises- en direction d'Odiis- que le groupe rencontra sur sa route, bien que leur contenu ne différait en rien à ce qu'ils avaient pu observer antérieurement. Bien plus loin encore, cette fois-ci plus en profondeur dans la forêt, cette dernière prenait à présent cet aspect tout aussi fantastique que ravissant lui étant propre. En complément de ceci, celle-ci réussissait habilement à marier cette incroyable particularité aux discrets rayons du soleil faisant ainsi lumière sur un sentier dont l'apparence offrait aux yeux un réjouissant spectacle, apportant de même dans la foulée d'agréables parfums, telle la lavande ou même l'encens. Il n'était également pas rare que les trois compagnons mettent la main sur diverses plantes autant somptueuses qu'atypiques, comme par exemple la jade d'été, symbole de guérison dans la région du sud d'Akham. Celle-ci était tout d'abord assez haute par rapport à de nombreuses espèces végétales et comportait également sur son pétiole, de multiples et grandes feuilles de couleur bleu azur ondulant majestueusement, caractère communément admis comme d'une grande beauté.

Par la suite, après s'être minutieusement assurée de la quiétude des alentours, le trio décida soudainement de faire halte dans un recoin néanmoins plus sombre de la frondaison, au niveau d'épais feuillage situé plus à l'écart du sentier.

"Bon, commença l'homme aux cheveux ébouriffés, maintenant que nous sommes à l'abri des regards indiscrets, nous pouvons, je pense, retirer cette couverture."

Sur ces brèves paroles, tous trois portèrent alors immédiatement deux doigts sur leur cou tout en prononçant dans un même temps une étrange incantation, ce qui ne manqua vraisemblablement pas de provoquer chez ces derniers un étrange phénomène au niveau de leurs corps. En effet, quelques secondes plus tard, leurs peaux, ou plus généralement leurs traits physiques, se mirent alors rapidement à se déformer de façon hideuse, telle une substance aqueuse modelable à souhait, avant de finalement se recomposer sous une forme pour ainsi dire plus humaine, qui plus est radicalement familière par rapport aux précédents corps. Ainsi donc, aisée fut alors la distinction du premier être, qui ne s'avérait être autre que Florian, aussitôt suivi de ses deux coéquipiers Alessio et Morgan.

"Du coup, c'est quoi le plan, demanda Alessio. Faut aussi dire Morgan que tu nous as pris de court ce matin."

En réponse à ces propos, le mage sortit de ce fait la carte est pointa pour poursuivre un lieu, situé à l'ouest d'Odiis, apparaissant sur celle-ci comme un imposant et haut pic montagneux.

"D'après les ordres du Roi, notre mission consistera dans un premier temps à se rendre vers le Grand Od. Le neveu de Varius a été informé de notre départ et est favorable à notre idée. On en saura plus sur la suite des directives une fois sur les lieux.

— Eh bien, eh bien, la stratégie a changé on dirait, ajouta Florian. Mais bon, quand on y repense ce n'est pas si étonn... "

A peine eut il achevé sa parole que le jeune guerrier se tut, levant subséquemment sa main de façon discrète, de façon à ordonner à ses camarades de garder le silence. De ce fait, une fois toutes paroles interrompues, on entendit plus, pendant un certain temps, que le feuillet des arbres, frémissants au gré du vent. Tandis que les trois demeuraient continuellement aux aguets, ces derniers perçurent soudain un léger mouvement, dont l'origine semblait venir du clair de la forêt. Ils avancèrent donc prudemment vers le point concerné, leurs mains portées aux fourreaux, prêt à réagir à la moindre occasion. Arrivé sur ledit lieu, le trio de guerriers ne distingua malheureusement aucune présence hostile à leur égard. Ceux-ci prirent néanmoins quelques secondes, le temps de bien sonder les alentours une dernière fois. Ne débusquant une fois de plus rien de suspect, Alessio ainsi que Morgan commencèrent à rebrousser chemin. Florian, quant à lui, se retourna également afin de faire de même, lorsque soudain...

"Coucou !"

Sous le coup de la surprise, Florian recula alors subitement de plusieurs pas, dégainant sa lame d'une vitesse tout aussi similaire. Ce n'est finalement que quelques secondes plus tard que ce dernier s'aperçut de l'identité de la personne se trouvant en face de lui, dont les longs cheveux argentés ne laissaient de doute à ce sujet.

"Alors, surpris, n'est-ce pas ? Dit-elle la mine enjouée. Comme quoi, le monde est petit.

— Content de savoir que tu t'es remis de tes blessures, lui répondit Florian, tout en rengainant son estoc.

— T'y es un peu pour quelque chose, tu sais, et pour cela, je te remercie."

Pour sa part, Florian, en guise de politesse, se contenta d'acquiescer ses dires, ne sachant exactement quel autre geste ajouter à tout ceci. Derrière lui, Alessio et Morgan s'engageaient à leur tour à leur rencontre d'un air tout aussi réjoui que la jeune adolescente.

"C'est donc la fameuse fille dont tu nous as parlé, dit subitement Alessio à présent à côté de Florian.

— Ouais, lui répondit-il dardar. J'ai rarement vu des personnes résister aussi bien aux attaques d'un griffon istarek. Cela m'a épaté sur le coup, je dois l'avouer.

— Je me présente, Morgan Vorgulis, dit-il à son tour, et voici mes compagnons et élèves, Alessio Vissaris et Florian Eliel, que tu connais déjà."

Sur le coup, la jeune fille resta bouche bée, surprise par ce qu'elle venait d'entendre. Elle n'en revenait pas : elle avait, en face d'elle, deux des plus grandes figures de tout Akham. Ne sachant pas quoi faire, cette dernière resta alors figée sur place pendant quelques secondes, avant de reprendre la parole, tout en bégayant légèrement.

"Euuh, en... enchanté. Je m'appelle Vanira Fermer." Dit-elle d'une voix timide et peu assurée.

Alessio, après l'avoir sondé rapidement d'un œil furtif, rebondit sur ses paroles d'une voix se voulant amicale :

"Ne t'en fais pas. Ce n'est pas parce que nous sommes des personnes importantes, que tu dois nous craindre. Certes pour ma part, je serai, un jour, amené à être votre roi, mais la plus grande qualité d'un souverain est avant tout la sagesse et la maturité. Dans les deux cas, celles-ci ne s'obtiennent pas avec l'âge, mais bien avec l'expérience. Le fait de connaître les attentes de mon peuple pourra me permettre de mieux comprendre quelles sont les leurs à mon égard. Quant à Morgan, il est tout simplement un des serviteurs les plus fidèles d'Akham et un très bon ami. Alors n'hésite pas à te confier à nous, et ne te sens pas mal à l'aise à nos côtés. "

Vanira , face à ces paroles, commença progressivement à retrouver une certaine assurance et acquiesça donc finalement de manière ferme tout en affichant un léger sourire.

Au bout du compte, après avoir échangé plusieurs mots sur sa personne, les quatre compagnons décidèrent de continuer la route ensemble en direction de l'ouest. En ce qui concernait la disposition, Morgan ouvrait la marche, accompagné de son bel étalon brun. Alessio, pour sa part, demeurait en milieu de cortège, tandis que Florian fermait ce dernier, avec derrière lui, Vanira , s'attachant à son bassin afin de ne point perdre l'équilibre.

"Mais j'y pense, que fais-tu dans cette forêt ? Demanda Morgan d'un air intrigué. C'est plutôt éloigné de la cité.

— A vrai dire, lui répondit-elle, je ne viens pas de la capitale comme vous seriez amené à le croire. Je viens en fait d'un petit village à l'écart, situé non loin du nom de Hiren.

"Hiren ? Ce nom ne m'est pas étranger..., pensa Alessio*. Mais oui, je me souviens. Dans la bibliothèque du château, je me rappelle être tombé sur un chapitre dédié à ce lieu. Il y était dit que ce village demeurait caché dans la forêt, rendant ainsi son accès très restreint. D'après l'ouvrage, les créatures qui l'habite seraient liées de très près à la forêt, et se montreraient particulièrement hostiles envers ceux qui oseraient la profaner. Vanira serait donc l'une d'entre elles ?! "*

"En réalité si j'étais venu à la capitale, c'était pour demander un soutien militaire au Roi. Depuis presque un mois, maintenant, les créatures de la forêt se comportent étrangement et n'arrêtent pas de s'entre-tuer. Si cela continue, notre environnement tout entier risque d'en souffrir grandement.

— Dans ce cas-là, pourquoi avoir emmené avec toi ton frère et ta sœur ? Lui demanda Florian en retour.

— Eh bien, je n'étais là-bas qu'en tant que messagère. Je pensais que les avoir à mes côtés aurait pu permettre au Roi de prendre en considération ma demande et de la faire passer dans les priorités, mais...les istareks ont attaqué la cité et tout mon plan est tombé à l'eau. Au final, j'ai transmis la lettre à un chevalier et est payé des escorteurs qualifiés afin de reconduire mon frère et ma sœur. Quant à moi, je suis resté sur place dans l'espoir d'une réponse favorable à ma demande. Malheureusement, deux jours plus tard, un messager est venu à ma rencontre en m'annonçant de la part du Roi, je cite : "Je dois faire passer en priorité mon peuple, les salgors attendrons. Toutes les forces militaires d'Odiis sont retenues à la capitale pour le moment."

— C'est étrange, fit remarquer Morgan. Bien qu'Adonis ne fût pas encore nommé officiellement Roi, il n'aurait jamais pris une telle décision dans un laps de temps si réduit.

— On s'en moque, ce n'est pas la priorité en ce moment, répondit Alessio du tac au tac. Maintenant que l'on est là, il est impératif de faire un détour vers Hiren afin de comprendre précisément le problème des salgors et, si possible, y remédier.

— Bien parler, jeune prince !!", S'exclama ironiquement le mage.

"Nous prenons néanmoins un grand risque en faisant cela, pensa au même moment Alessio*. Malgré le peu de connaissances dont nous disposons à leur sujet, rien, pour le moment, ne nous mentionne leur façon de penser de manière générale. Lorsque Vanira annoncera à son village le refus de soutien de mon frère, il sera tout à fait possible que l'on se retrouve avec les salgors sur le dos, comme ennemi."*

Plusieurs heures s'écoulèrent donc sans que personne n'émette le moindre mot sur leur précédente discussion, tandis que le crépuscule commençait à pointer, remplaçant petit à petit le ciel bleu de par sa vive lumière orangée. Un vent léger, quoique légèrement supérieur au doux vent de l'aube, se fit également sentir à ce moment-là, et qui, mélangé aux volatiles feuilles se faufilant entre leurs corps, donnait à cette forêt une mystique allure. Ces dernières décrivirent par la suite de larges cercles au-dessus de leurs têtes, laissant aisément songer là à des aurores forestières si l'imagination daignait se prêter au jeu.

Plus tard, alors que la nuit battait déjà son plein depuis maintenant un certain temps, la salgore signala au groupe de faire halte d'une façon tout aussi subite qu'inattendue, les laissant, sans grande surprise, à la merci d'un sombre paysage. Autour d'eux, de hautes herbes se firent voir ainsi que quelques hauts arbres aux troncs et branches épaisses çà et là avec, devant eux, le fameux sentier menant dès lors tout droit vers l'entrée d'une grotte aux attraits hostiles. Et pour cause : cette dernière ne se distinguait à peine et ne donnait, à première vue, que l'impression d'une large entrée vers un enfer infini. Malgré cela, Alessio et son groupe suivirent les indications de Vanira et ne tardèrent point à démonter afin d'au final se tenir légèrement en retrait. De son côté, la jeune villageoise s'avança sans délai vers l'immense trou béant et posa une main sur le côté gauche de celui-ci. Tout à coup, diverses inscriptions runiques d'une couleur bleu lumineuse firent leur apparition, recouvrant dans un même temps la paroi extérieure de l'antre ainsi que sa sinistre entrée.

"Allez-y !" Dit-elle alors d'une vive voix.

Les trois compagnons s'aventurèrent alors dans la mystérieuse grotte, tenant leurs montures à bout de bras. Une fois passé l'entrée, un paysage totalement différent de ce qu'ils imaginaient se dessina face à eux. Ici, les maisons n'étaient en rien comparables avec tout ce qu'ils avaient jusque-là connus au cours de leur existence : celles-ci étaient simples et belles à la fois, étant intégralement faites à partir du bois brut environnant. Certaines se complaisaient à prendre la forme d'oignons géants, tandis que d'autres trouvaient leur charme dans des structures plus géométriques. Plus rare encore, quelques-unes demeuraient bâties à même les arbres. En tout état de cause, quel que soit les formes des habitations, ce spectacle ne pouvait qu'être synonyme d'extase à leurs yeux. Mais le plus impressionnant de tout cela demeurait l'idée de s'imaginer que toute cette civilisation s'était développée sous leur nez, et que pourtant, nul n'en eut vent dans ce vaste royaume. Cette fois-ci plus haut dans le ciel, de multiples lucioles virevoltaient, telle une danse nocturne, créant ainsi une source de lumière s'accordant parfaitement avec les lieux.

Alors que le groupe continuaient d'observer les environs, une femme sortie soudain d'une des demeures, le regard empli d'espoir à leur vu. Cette dernière se précipita ensuite à leur rencontre, puis se jeta sans retenue sur Vanira , tout en lâchant des larmes de soulagement :

"Bienvenue à la maison, ma chérie."