Alaya
L'air dans cette partie du château était différent. Plus lourd. Une odeur de bois ancien et de pierre froide emplissait mes narines alors que je parcourais un couloir que je n'avais encore jamais emprunté.
Je m'étais promis de rester dans les zones principales, celles où Kael m'avait conduite, mais quelque chose m'attirait irrésistiblement dans cette direction. Peut-être était-ce ma curiosité maladive, ou cette étrange sensation d'être poussée par une force invisible, comme un fil tirant doucement, mais fermement, vers une destination inconnue.
Chaque pas amplifiait mon malaise et mon émerveillement. Les murs semblaient porter des histoires, des souvenirs sculptés dans la pierre. Les torches accrochées vacillaient, projetant des ombres qui dansaient autour de moi, créant des formes que je ne pouvais expliquer.
Je m'arrêtai devant une porte massive. Ses gravures étaient si détaillées qu'elles semblaient vibrer de vie. Les symboles qui ornaient le bois me rappelaient ceux de la grande salle : des entrelacs de lunes, de loups et de racines. Pourtant, ici, les gravures avaient une qualité presque oppressante.
Je posai une main hésitante sur la poignée et la poussai lentement.
La pièce derrière la porte était petite, presque intime. La lumière d'une seule flamme, suspendue dans une lanterne antique, éclairait l'espace. Mon regard fut immédiatement attiré par une table au centre. Dessus, un objet scintillait faiblement : une pierre cristalline, d'un bleu profond, enfermée dans un socle métallique gravé.
Je m'approchai, captivée. L'objet semblait m'appeler, tout comme ce couloir l'avait fait. Ma respiration se fit plus lente, plus lourde, comme si l'air lui-même m'ordonnait de m'arrêter.
— Qu'est-ce que… ? murmurai-je en effleurant le cristal.
Dès que mes doigts entrèrent en contact avec sa surface froide, une onde de chaleur me traversa. Une image éclata dans mon esprit.
Un loup noir gigantesque, debout sur une colline, hurlait à une lune rouge comme le sang. Ses yeux brillaient d'un doré si intense que j'eus l'impression qu'il me regardait directement.
Ce n'était pas qu'une vision. Je sentais tout : la colère, le désespoir, une faim insatiable. Ce hurlement était plus qu'un cri ; c'était un appel, un besoin viscéral.
Je reculai, lâchant la pierre. Mon souffle était erratique, mes mains tremblantes.
— C'était quoi ? soufflai-je, ma voix résonnant faiblement dans la pièce vide.
Avant que je ne puisse réfléchir davantage, une voix glaciale brisa le silence.
— Tu n'as rien à faire ici.
Je me retournai d'un bond, mon cœur s'emballant à la vue de Lyanna. Elle se tenait dans l'encadrement de la porte, élégante et imposante, mais son sourire était cruel.
— Je… Je me suis perdue, balbutiai-je.
Elle rit doucement, un son aussi froid que ses yeux.
— Bien sûr. Une humaine, perdue dans un château qui n'est pas le sien. Quel cliché.
Je serrai les poings, essayant de cacher ma nervosité.
— Je ne fais rien de mal.
Son sourire s'élargit, et elle entra lentement dans la pièce, ses talons claquant sur le sol de pierre.
— Oh, mais tu fais tout de travers, murmura-t-elle. Toucher ce que tu ne comprends pas, te promener où tu ne devrais pas… Crois-moi, tu n'as aucune idée des conséquences de tes actes ici.
Elle s'arrêta près de la table et posa un doigt délicat sur le cristal, mais il ne réagit pas comme avec moi.
— Tu vois, continua-t-elle, cette pierre n'est pas un simple bibelot. Elle renferme une mémoire. Une mémoire ancienne et puissante. Et toi, Alaya, tu as osé réveiller cette mémoire.
— Réveiller ? répétai-je, reculant d'un pas.
Elle inclina la tête, ses cheveux blonds brillant faiblement sous la lumière.
— Tout ici est connecté, Alaya. Le cristal. Le hurlement que tu as entendu. Et lui…
Je fronçai les sourcils, confuse.
— Lui ? Qui ça ?
Elle sourit, mais cette fois, il y avait quelque chose de sinistre dans l'étirement de ses lèvres.
— Tu comprendras bientôt.
Avant que je ne puisse poser d'autres questions, un hurlement déchira le silence.
Ce n'était pas celui que j'avais entendu dans la forêt. Non, celui-ci était plus proche, plus… viscéral.
Lyanna sembla presque amusée, mais il y avait une étincelle de tension dans son regard.
— Eh bien, murmura-t-elle, il semblerait que tu sois déjà au centre de l'attention. Bonne chance, Alaya. Tu en auras besoin.
Sans un mot de plus, elle quitta la pièce, me laissant seule avec ce hurlement qui semblait se rapprocher.
Je me précipitai hors de la pièce, le cœur battant. Les couloirs, qui m'avaient semblé paisibles quelques instants plus tôt, étaient maintenant oppressants. L'ombre dansait avec une vivacité presque menaçante, et chaque bruit de mes pas résonnait comme un coup de tonnerre.
J'avais l'impression d'être suivie.
Mon souffle s'accéléra alors que je me pressai dans un couloir plus sombre. Le hurlement retentit à nouveau, cette fois accompagné d'un bruit distinct : des griffes raclant la pierre.
Je tournai brusquement la tête, mais il n'y avait rien. Juste l'obscurité qui semblait s'épaissir autour de moi.
— Alaya !
Je sursautai en entendant mon prénom. Cette voix… c'était Kael.
Je me retournai et le vis apparaître au bout du couloir, son visage grave, ses yeux dorés brillant faiblement dans la pénombre.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-il, sa voix basse et autoritaire.
— Je… J'ai entendu… quelque chose, répondis-je, encore essoufflée.
Il s'approcha rapidement, son expression passant de la colère à l'inquiétude.
— Tu n'aurais pas dû venir ici seule, murmura-t-il, presque pour lui-même.
Avant que je ne puisse répondre, le hurlement retentit une troisième fois, si proche que je crus sentir le sol vibrer.
Kael se tourna brusquement, son regard s'assombrissant.
— Retourne dans ta chambre, dit-il d'un ton tranchant. Maintenant.
— Et toi ? demandai-je, refusant de bouger malgré ma peur.
Il se tourna à nouveau vers moi, ses yeux brillant d'une intensité presque surnaturelle.
— Je vais m'occuper de ça.