Alaya
Lorsque Kael disparut dans l'ombre, un silence étrange s'abattit sur le couloir.
Je restai immobile, le souffle court, mes mains encore tremblantes après tout ce qui venait de se passer. La chaleur qui m'avait envahie près du livre n'avait pas complètement disparu ; elle s'attardait dans ma poitrine, comme une flamme étouffée mais tenace.
Je posai une main contre le mur froid pour m'appuyer, fermant les yeux un instant.
Qu'est-ce que je fais ici ?
La question tournait dans ma tête, encore et encore. Depuis que j'avais mis les pieds dans cette forêt et que je m'étais égarée jusqu'à ce château, tout avait changé. Ma vie entière, auparavant simple et prévisible, semblait désormais étrangère, comme si elle appartenait à quelqu'un d'autre.
Et puis, il y avait Kael.
Je me souvenais de la manière dont il m'avait regardée dans cette pièce, son visage tendu, ses yeux dorés emplis de mille émotions contradictoires. Ce n'était pas seulement de la colère ou de l'inquiétude : c'était plus profond. Une lutte intérieure qu'il semblait s'efforcer de cacher.
Mais il y avait aussi autre chose.
Son aura.
Quand il s'était approché de moi, je l'avais sentie. Une force brute, presque animale, qui émanait de lui et enveloppait tout autour. Pendant un instant, j'avais eu l'impression qu'il n'était pas entièrement… humain.
Cette pensée me fit frissonner.
Je secouai la tête, essayant de chasser les souvenirs. Ce n'était pas le moment de céder à la peur. Si je voulais comprendre ce qui se passait ici, je devais rester forte.
Un bruit résonna soudain dans le couloir, brisant le silence.
Je relevai la tête brusquement, mon cœur battant à tout rompre.
— Kael ? murmurai-je, bien que je savais que ce n'était pas lui.
Un mouvement dans l'ombre attira mon attention. Quelqu'un – ou quelque chose – était là.
Je reculai instinctivement, mes mains cherchant une prise contre le mur.
— Qui est là ? demandai-je, tentant de masquer la panique dans ma voix.
Une silhouette émergea lentement de l'obscurité. Je reconnus immédiatement la capuche et la posture rigide : l'homme masqué que j'avais vu dans la pièce du livre.
— Tu ne devrais pas être ici, répéta-t-il, sa voix grave résonnant comme un écho.
Je serrai les poings, refusant de reculer davantage.
— Et toi ? Qui es-tu ?
Il s'arrêta à quelques pas de moi, mais je pouvais sentir son regard, bien qu'il soit dissimulé par l'ombre de sa capuche.
— Une personne qui veut t'aider, dit-il finalement.
— M'aider ? répétai-je, un rire nerveux m'échappant. Tu disparais chaque fois que je te pose une question, et maintenant tu prétends vouloir m'aider ?
Il ne répondit pas immédiatement. Puis, lentement, il leva une main, révélant une marque gravée sur sa paume : une lune encerclée de griffes.
— Tu ne comprends pas encore ce que tu es, murmura-t-il. Mais bientôt, tu n'auras plus le choix.
Je déglutis avec difficulté.
— Et qu'est-ce que je suis censée être ?
Cette fois, il se pencha légèrement en avant, et bien que je ne puisse pas voir ses yeux, je sentis leur intensité.
— Le début… ou la fin, dit-il simplement.
Un frisson glacé parcourut mon échine.
— Qu'est-ce que ça veut dire ?
Mais il recula avant de répondre, disparaissant une fois de plus dans l'ombre.
Je restai figée, mon esprit tourbillonnant sous le poids de ses paroles.
Le début ou la fin.
Je ne savais pas ce que cela signifiait, mais une part de moi comprenait que ces mots n'étaient pas une simple métaphore. Ils portaient un avertissement, une promesse que je ne pouvais pas ignorer.
Soudain, un grondement sourd résonna dans les profondeurs du château, suivi d'un hurlement qui fit vibrer les murs.
Ce son, à la fois animal et humain, me glaça le sang.
Je courus dans la direction opposée, ne sachant même pas où j'allais. Mon instinct me hurlait de fuir, de m'éloigner de cette chose qui rôdait dans l'ombre.
Les couloirs semblaient s'étirer à l'infini, chaque tournant menant à un autre, comme si le château jouait avec moi. Mais finalement, je trouvai une porte entrouverte.
Je m'y précipitai, refermant rapidement derrière moi.
La pièce était sombre, mais une faible lueur émanait d'une fenêtre haute. Je m'adossai à la porte, reprenant mon souffle.
— Alaya.
Cette voix.
Je relevai brusquement la tête, et mon cœur manqua un battement.
Kael se tenait là, au centre de la pièce, son regard doré fixant directement le mien.
— Tu m'as suivie ? demandai-je, ma voix à peine plus qu'un souffle.
Il s'avança lentement, mais quelque chose dans sa démarche était différent. Plus prédateur.
— Tu n'aurais pas dû fuir, murmura-t-il, mais il y avait une note étrange dans sa voix.
— Je… Il y avait un hurlement, balbutiai-je. Quelque chose… ou quelqu'un me poursuivait.
Kael s'arrêta à quelques pas de moi, et l'ombre sur son visage accentuait son expression indéchiffrable.
— Ce château est ancien, dit-il doucement. Il cache des secrets que même moi je ne connais pas tous.
Je fronçai les sourcils, encore tremblante.
— Mais toi… Tu sembles en connaître beaucoup plus que ce que tu me dis.
Kael ne répondit pas immédiatement. Son regard resta fixé sur moi, et pour la première fois, je crus y voir autre chose. Pas seulement de la détermination ou de la colère. Mais de la peur.
— Tu ne sais pas ce que tu demandes, dit-il finalement.
— Alors explique-le-moi ! m'exclamai-je, incapable de retenir l'émotion dans ma voix.
Il fit un pas en avant, et l'air entre nous sembla s'électriser.
— Parce que si je te dis tout, tu voudras fuir, murmura-t-il. Et je ne pourrai pas te laisser partir.
Ces mots, dits si calmement, me frappèrent comme une tempête.
— Pourquoi ? soufflai-je.
Kael s'approcha encore, jusqu'à ce qu'il soit si proche que je pouvais sentir la chaleur émaner de lui.
— Parce que tu es à moi, dit-il, et dans son regard, je vis une promesse et une malédiction à la fois.