Chapitre 1 : Que le jeu commence
Lundi matin. Le lycée fourmillait d'activité. Dans les couloirs bondés, les conversations fusaient dans tous les sens, mêlant rires, soupirs et plaintes sur les devoirs à rendre.
Nerio marchait à grands pas, son sac bien ajusté sur ses épaules, un manuel de maths serré contre lui. À ses côtés, Lucas et Élise, ses deux meilleurs amis, discutaient avec animation de leur dernier projet en cours de sciences.
— Tu sais, si tu ne t'impliques pas un peu plus, tu risques de te retrouver avec un 10, lança Nerio à Lucas, son ton un mélange de reproche et de conseil bienveillant.
Lucas, un garçon à la tignasse ébouriffée, haussa les épaules avec un sourire désinvolte.
— Relax, Nerio. J'ai toujours une idée de secours.
— Oui, comme copier sur moi, ajouta Élise en croisant les bras. Intelligente et toujours prête à défendre son point de vue, elle était souvent celle qui calmait les ardeurs perfectionnistes de Nerio.
Nerio roula des yeux.
— Je vous préviens, je ne tolérerai aucune erreur dans notre présentation. Ce prof ne rigole pas.
Lucas et Élise échangèrent un regard complice derrière son dos. Ils connaissaient bien leur ami, un garçon brillant mais tellement obsédé par la perfection qu'il avait tendance à s'emballer au moindre imprévu.
Quelques mètres derrière eux, Ichika avançait à son rythme, les écouteurs vissés sur les oreilles. À côté d'elle, Claire et Hugo, ses compagnons de toujours, parlaient des dernières sorties de jeux vidéo.
— Je te dis que Dragon Quest Ultima est le meilleur jeu de l'année ! Pas moyen qu'un autre le dépasse, s'exclama Hugo, un garçon un peu rond avec des lunettes.
— Peut-être, mais il y a trop de quêtes secondaires, répliqua Ichika, les yeux rivés sur sa console portable. Moi, je préfère les jeux qui te plongent directement dans l'action.
Claire, une fille à la coupe courte et au sourire constant, hocha la tête.
— Et toi, Ichika, t'as avancé dans Elden Ring ? Je parie que t'as encore passé tout ton week-end dessus.
Ichika haussa les épaules avec un petit sourire en coin.
— Fini hier soir. Boss final battu. Une promenade de santé.
Ses amis la regardèrent, impressionnés. Ichika avait beau être désordonnée, dans le domaine des jeux vidéo, elle était une véritable prodige.
— Ta pauvre console va finir par exploser si tu continues, plaisanta Hugo.
— Pas grave. J'en achèterai une autre, répondit-elle avec un clin d'œil.
Le groupe arriva devant la salle de maths, juste avant que la sonnerie ne retentisse. Nerio, toujours ponctuel, les attendait déjà avec un soupir impatient.
— Enfin ! Tu comptes arriver à l'heure un jour, Ichika ? lança-t-il à sa sœur.
Elle haussa les épaules.
— Relax, c'est pas comme si on allait mourir pour cinq minutes de retard.
— Pas encore, murmura Nerio, exaspéré.
En entrant, ils passèrent devant Anne et son groupe, regroupés comme toujours autour du bureau du professeur. Blonde, grande et arrogante, Anne était la fille populaire par excellence, et elle ne ratait jamais une occasion de ridiculiser Ichika et son groupe.
— Tiens, les losers sont là, lança-t-elle d'un ton moqueur. Claire, tu comptes rester amie avec ces deux énergumènes toute ta vie ?
Ichika leva à peine les yeux de sa console.
— Anne, tes remarques sont aussi inutiles que tes chances de passer ce contrôle.
Un murmure amusé parcourut la classe, mais Anne ignora la réplique et fit volte-face avec un sourire méprisant.
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Le cours commença dans un calme relatif, mais avant que le professeur ne termine d'écrire au tableau, quelque chose d'étrange se produisit. Le tableau noir se mit à clignoter. Un bruit strident emplit la pièce, faisant sursauter tout le monde.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Élise, les yeux écarquillés.
Les lumières vacillèrent, et soudain, un vortex lumineux apparut au centre de la salle. Le sol disparut sous leurs pieds, et une force invisible les aspira tous dans un tourbillon aveuglant.
Quand Nerio rouvrit les yeux, il était allongé sur un sol froid et métallique. Autour de lui, les autres élèves se redressaient lentement, les visages tordus de confusion. Claire aidait Ichika à se relever, tandis que Lucas et Élise regardaient autour d'eux, hébétés.
Ils n'étaient plus dans leur salle de classe. Une plaine immense s'étendait devant eux, baignée par une lumière étrange provenant d'un ciel noir et pixelisé.
Une voix synthétique résonna soudain dans l'air, glaciale et mécanique :
— Bienvenue dans Les Profondeurs Suprêmes. Chaque joueur reçoit une classe et une filière. Progressez jusqu'à la Wave 500 pour retrouver votre monde. Attention : si vous mourrez, vous ne reviendrez jamais.
Les fenêtres holographiques scintillèrent devant chaque élève, projetant des mots et des chiffres qui semblaient danser dans l'air.
Ichika fronça les sourcils en découvrant la sienne :
— COM – Filière Achoire… Sérieusement ? Et je commence avec un sabre ? Pff, ça va être galère.
Elle soupira en levant les yeux au ciel.
Nerio esquissa un sourire, un mélange de satisfaction et de soulagement :
— VIT – Filière Arché. Parfait. Je vais pouvoir rester à distance, loin du danger.
Élise passa une main dans ses cheveux, l'air plus concentrée que jamais.
— LUM – Filière Souterrain. Pas mal, mais… je vais devoir surveiller mon mana. Si je me vide trop vite, ça risque de mal finir.
Hugo, lui, semblait ravi.
— TEN – Filière Barrière. Des murs d'ombre… Et avec une puissance doublée dans l'obscurité ? Là, c'est vraiment stylé.
Anne éclata de rire, attirant tous les regards.
— FOR – Filière Tireur. Des armes à feu. Je vais tous vous surclasser. Vous pouvez ranger vos jouets.
Les murmures s'intensifièrent jusqu'à ce que le délégué de classe prenne la parole, d'un ton posé mais ferme :
— Tout le monde, écoutez-moi. On doit rester calme. Si on veut comprendre ce qu'on fait ici, on a besoin de coopérer. Je propose que chacun partage sa classe et sa filière. Ça nous aidera à évaluer nos forces et faiblesses.
Le silence tomba, lourd, interrompu seulement par quelques protestations discrètes.
— Très bien, fit la voix synthétique, éclatante et glaciale. Que le jeu commence. Je vous souhaite de survivre.
Un rire métallique retentit, se répercutant comme un écho infini, suivi de cette phrase finale :
— Descendez à l'étage -1. Rendez-vous au -500… si vous êtes encore en vie.