"Comment j'ai guéri cette toux ?"
Shizuko répéta la question de Nobunaga tout en caressant la bosse sur sa tête.
La douleur disparut rapidement, Nobunaga avait retenu sa force.
Elle fut sur le point de se plaindre et de lui demander pourquoi il ne l'avait pas appelée de façon normale, mais les regards de Kimyōmaru et de son tuteur la firent détourner ses yeux.
"Je ne l'ai pas vraiment soigné, on devrait plutôt dire que j'ai créé un environnement dans lequel il pouvait plus facilement guérir tout seul. Il y a des centaines de façons d'attraper une toux, alors on ne peut pas vraiment créer un remède précis."
Il n'y avait pas de médicament spécifique pour guérir de la toux. Par conséquent, il fallait se reposer sur le système immunitaire du corps humain.
Shizuko avait simplement créé un environnement dans lequel le système immunitaire fonctionnerait efficacement.
"C'est tout ? Tu n'as pas utilisé une sorte de méthode secrète du Nanban ?"
La brève explication ne fit que pousser Nobunaga a avoir plus de questions.
"Comme je l'ai dit, pour autant que je sache, il n'y a pas de remède spécial pour la toux. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous reposer sur notre capacité de guérison naturelle."
Ce serait plus simple de dire que c'est le système immunitaire, mais les gens de l'époque Sengoku ne savaient rien à ce sujet. Urgh… la médecine, c'est pas mon fort, alors c'est dur à expliquer.
"Hum… vu qu'il y a des centaines de façons d'attraper la toux, il est impossible de créer un remède miracle, je vois."
"Diverses fonctions du corps sont utilisées pour guérir la toux. Peu importe le remède que vous prenez, la maladie ne guérira pas immédiatement. Dans certains cas, elle pourrait même empirer."
Dans le monde moderne, la croyance populaire était que la seule façon de guérir un rhume était de laisser le corps s'en charger.
Bien entendu, il fallait parfois prendre des médicaments symptomatiques tels que des antipyrétiques, des anti-inflammatoires et des analgésiques pour sauver une personne d'une fièvre soudaine.
Dans un sens, les antibiotiques pouvaient être considérés comme un médicament miracle, mais c'était une boîte de Pandore qu'elle ne voulait pas toucher.
En d'autres termes, cela était résumé en « quelque chose qui arrive ».
"Donne-moi une explication claire."
Insatisfait, Nobunaga exhorta Shizuko à poursuivre son explication.
"La toux provoque des symptômes tels que la fièvre, le nez qui coule, la toux, les éternuements, la perte d'appétit et les vomissements. Euh, pour autant que je sache, il y a des choses appelées des germes, des organismes tellement petits qu'on ne peut pas les voir à l'œil nu… ils entrent dans nos corps et provoquent les maladies."
"…"
"(Le corps chauffe sa température pour renforcer son immunité. Ça rend les globules blancs plus actifs… mais dit comme ça, il ne comprendra rien. Disons simplement que les germes sont faibles contre la chaleur) En général, ces germes sont sensibles à la chaleur. Pour cette raison, notre corps augmente sa température pour tuer ces envahisseurs… et ça nous donne une fièvre. Et quand la température augmente, le corps devient plus faible et ça devient une bataille d'usure contre les germes. Les éternuements sont une tentative du corps de réguler sa température. Et le nez qui coule, la toux et les vomissements sont des tentatives d'expulser les mauvaises choses dans le corps."
"…"
"Ensuite… la perte d'appétit est un peu plus difficile à expliquer. Pour ça, il faut d'abord parler du corps humain… quand on mange de la nourriture pour gagner des forces, on mâche d'abord la nourriture avec nos dents, puis on l'avale pour la faire traverser la gorge et tomber dans notre estomac. Après ça, la nourriture est dissoute sous une forme qui est absorbée dans le corps. Cette série d'étapes est appelée la digestion."
"…"
"(C-Ce silence est une torture… ! Urgh, peut-être que j'ai pas expliqué correctement) Euh, le truc, c'est que même ça, ça demande de l'énergie. Lorsqu'on mange quelque chose de dur, de lourd, ou beaucoup de choses, la digestion demande plus d'efforts. Sur le long terme, on gagne plus d'énergie qu'on en a utilisé, alors c'est un net positif. Mais dans les cas urgents comme une maladie, notre corps devient comme un champ de bataille… pour faire simple, c'est comme si le corps disait qu'il consacrait toute son énergie à éliminer un ennemi, les germes, et qu'il n'a pas le temps de cultiver les champs. Si on lit mal le signal, cela ne fera qu'empirer la toux."
Kimyōmaru détourna son visage comme si quelque chose lui était venu à l'esprit.
Shizuko pensa qu'il s'était probablement forcé à manger.
"Je vois. Il y a des choses que je ne comprends pas, mais tu dis que nous pouvons résister aux maladies dès le début, n'est-ce pas ?"
"Oui. Le corps humain peut éliminer les ennemis et maintenir sa santé grâce à sa capacité de guérison naturelle. C'est la meilleure arme pour lutter contre la toux."
"Et les armes doivent être entretenues à tout moment. Sinon elles deviennent inutiles au moment où nous en avons besoin."
"Oui, c'est comme vous le dites. Concernant les moyens d'entretenir son corps, les Ming avaient pour idée que l'alimentation elle-même était un médicament. Ils pensaient que les remèdes avaient la même origine que la nourriture qu'ils mangeaient tous les jours. Ils ont donc inventé ce qu'ils appellent un régime alimentaire qui consiste à faire attention à ce qu'ils mangeaient tous les jours pour éviter ou soigner les maladies. Une façon de pratiquer cela est la cuisine médicinale. Euh… pour faire simple, ça consiste à manger des choses qui répondent aux besoins du corps tous les jours."
"Tu m'en diras plus une autre fois. Maintenant, ma dernière question : quelle est la meilleure chose à faire lorsque l'on a une toux ?"
"Ne pas gaspiller son énergie, boire beaucoup d'eau, manger des repas mous comme du porridge en petites quantités et placer rapidement des seaux d'eau chaude aux quatre coins de la pièce pour la réchauffer (augmenter l'humidité). Il faut également s'habiller chaudement et bien se reposer. Et il ne faut pas se retenir de tousser. C'est un moyen naturel de se rétablir. Après avoir souffert de la toux, le corps se sentira mieux, comme un serpent qui est sorti de sa mue."
"Hum, une comparaison intéressante. Ça me plaît."
Shizuko voulut demander ce qu'il voulait dire par là, mais elle se ravisa.
Elle ne voulait pas crouler sous un autre barrage de questions suite à des propos imprudents.
Mais ça montre vraiment sa soif de connaissances.
Lorsque les explications de Shizuko avaient quelque chose qui intéressait ou inquiétait Nobunaga, il posait immédiatement des questions.
Lorsqu'il avait encore des doutes, il posait davantage de questions, et lorsqu'il n'était pas convaincu, il exprimait son opinion et ils se mettaient à débattre.
En raison de cela, même de simples explications prenaient beaucoup de temps.
"Ce livre rouge semble très utile. Fais-moi une copie du contenu. Les papiers te seront livrés comme d'habitude."
"Hein ?!"
Elle regarda le livre rouge. Nobunaga venait de lui dire de copier entièrement ce livre rouge qui faisait au moins 300 pages.
E-Est-ce que je peux au moins sauter les pages inutiles et la section juridique… ?
Hélas, Shizuko était si obéissante face à Nobunaga qu'elle ne put penser à refuser.
***
Environ une semaine après que Nobunaga ait conquis Mino.
"Ché'éb'er ?"
"Shizuko-sama, ne parlez pas la bouche pleine. Comme je disais, ils vont faire un banquet de célébration après cela."
Shizuko avala sa nourriture en ayant l'air désolé.
"Désolée. Bref, le seigneur va faire une remise des récompenses et un banquet. Qu'est-ce que ça a à voir avec moi ?"
Nobunaga avait prévu de donner une récompense spéciale à ceux qui avaient grandement contribué à la conquête de Mino.
Cette récompense était constituée d'un droit d'utiliser l'onsen, un banquet avec de la bonne nourriture et du saké, et quelques jours de congé.
Shizuko pensait que cette récompense était modeste et n'avait rien de particulièrement spécial, alors elle demanda des détails à Aya.
Il s'avère que cela était une récompense supplémentaire en plus des cadeaux tels que l'or, l'argent et les ornements.
Mais comme la capture de Mino était encore récente, le moment de la remise des récompenses n'avait pas encore été décidé.
"Ah, t'es en train de dire qu'on va avoir des voisins turbulents pendant quelques jours, c'est ça ?"
S'ils allaient utiliser l'onsen, il ne faisait aucun doute qu'ils séjourneraient dans la villa de Nobunaga.
Et comme Nobunaga et ses commandants principaux seront là, un grand nombre de gardes et de serviteurs seront également présents.
L'atmosphère dans le village allait certainement être tendue.
Shizuko pensa donc qu'ils allaient prévenir les villageois à l'avance pour éviter de causer de l'anxiété.
Mais ses attentes furent facilement trahies.
"Non… le seigneur vous ordonne d'y participer."
***
À la fin du mois d'avril, tous les villages avaient commencé à cultiver les semis selon les instructions de Shizuko.
Cependant, Shizuko ne les accompagnait pas dans cette tâche.
Si elle continuait de diriger le travail, le transfert des technologies agricoles ne serait pas parfait.
À la place, elle rédigeait un manuel pour les travaux agricoles.
Actuellement, tous les paysans apprenaient directement d'elle, mais cela ne sera pas le cas éternellement.
Dans certains cas, il y avait un risque que les connaissances soient déformées par une série de bouches à oreilles, il était donc essentiel de créer un manuel d'agriculture pour éviter cela.
Cependant, la création de ce manuel comprenait le risque qu'il soit transmis dans les autres régions.
Par conséquent, Shizuko avait décidé de laisser à Nobunaga le moment d'utiliser le manuel lorsqu'il serait complété.
Lorsqu'elle avait écrit environ un tiers du manuel, elle reçut une lettre.
"Haaa… qu'est-ce que je devrais faire…"
Après avoir lu la lettre, Shizuko affala son visage sur le bureau, les mains sur la tête.
"Je vous laisse décider, mais je pense que vous devriez faire attention avec votre réponse."
Aya, à ses côtés, semblait indifférente, mais ses mots contenaient une subtile réprimande.
La raison à cela n'était pas un mystère.
"Mais… j'ai jamais pensé qu'il enverrait vraiment une lettre."
L'expéditeur de cette lettre était Honda Heihachirō Tadakatsu.
De plus, il l'avait signée en tant que chef des hatamoto du daimyō de la province de Mikawa.
Le contenu pouvait être résumé de la manière suivante :
[Chère madame, comment allez-vous ? Je m'excuse pour la gêne occasionnée l'autre jour. Et je ne saurais jamais trop vous remercier pour avoir partagé autant de ces iburizuke. Par conséquent, je souhaiterais vous faire connaître les saveurs de Mikawa en guise d'excuses et de remerciements. Je suis sûr que vous apprécierez. J'attends votre réponse avec impatience.
PS : Quelles étaient ces choses jaunes dans les onigiris ?]
En termes simples, c'était une invitation à un repas. Et en termes modernes, il s'agissait d'une lettre d'amour et son contenu était une invitation à un rendez-vous.
La façon dont la lettre était écrite indiquait qu'il n'y avait aucun motif secret et que l'invitation était par pure bonté.
C'est pourquoi écrire un refus était un choix difficile.
Un refus pourrait ruiner sa réputation, et cela n'était pas une bonne chose.
Mais accepter l'invitation était également un problème.
Pour commencer, les routes n'étaient pas entretenues, rendant le voyage risqué. De plus, elle ignorait comment était la sécurité à Mikawa.
"… *Soupir*, que faire…"
Qu'elle accepte ou refuse l'invitation, l'enfer l'attendrait. Elle était coincée entre le marteau et l'enclume.
Après avoir passé un long moment à réfléchir sans trouver de réponse, Shizuko finit par utiliser son dernier recours.
"Aya-chan, qu'est-ce que le seigneur pense de cette lettre ?"
Son dernier recours était de laisser Nobunaga décider à sa place. Ainsi, elle pourrait donner une réponse qui préserverait la dignité de Tadakatsu.
Hélas, ses attentes s'effondrèrent rapidement.
"Je ne pense pas que le seigneur soit au courant."
"Je vois… alors je vais lui demander son jugement. Mais il me dira probablement de refuser…"
"En effet. Vous risquez de ne pas revenir."
"… Hé, Aya-chan. T'es sous mes ordres, pas vrai ? T'es pas devenue un peu plus stricte ces derniers temps ?"
"Mes excuses, mais c'est également le travail d'une servante de signaler la négligence de son maître."
Bien qu'elle avait dit cela sous la forme du critique, Aya pensa que cela était tombé dans l'oreille d'un sourd.
Cependant, Shizuko pensait que cela était mieux que son attitude initiale qui semblait imposer une barrière entre elle, alors elle décida de penser positivement.
"Mouais, mouais. Et sinon, comment se passe la construction du temple ?"
"La construction du complexe, y compris le temple, est presque terminé en avance. D'une manière ou d'une autre, Il semble que cela plaît beaucoup à Okabe-sama. Mais il a dit que son travail ici sera mis en attente car il doit participer à la construction du château de Mino."
"Hum, on peut rien y faire. Et l'annexe que j'ai demandée ?"
"Elle est terminée à environ 60 %. Cependant, certaines de vos consignes n'étaient pas claires, alors vous devriez aller confirmer."
"Pigé. Regardons maintenant du côté de l'agriculture… tout d'abord, est-ce que les cendres de bois ont été distribuées dans chaque village ?"
"Elles ont été dispersées dans tous les champs de chaque village. Le compost a également été dispersé. Le retournement et le nivellement du sol ont également été effectués, les terrains sont prêts."
"Oh ? Ils ont réussi à faire ça tout seuls ? J'ai pas d'outil pour mesurer l'acidité dans le sol, alors je vais devoir me fier à leurs instincts… et les semis ?"
"Daiichi-sama a dit que cela se passait bien. Notre village est habitué à le faire, alors ce sera rapide. Mais les paysans des villages qui ont été créés cette année sont un peu maladroits."
"Évidemment, ils y sont pas habitués. Ils devraient être plus rapides l'année prochaine, alors il n'y a pas de quoi s'inquiéter."
"Il n'y a aucun problème visible du côté des œufs. Les affaires agricoles avancent sans problème."
Le transfert des connaissances de Shizuko s'était déroulé sans trop de difficulté car elle avait éliminé les problèmes potentiels à l'avance.
Elle ne pouvait pas encore baisser sa garde, mais elle penser qu'il n'y avait pas de problème à tout laisser entre les mains de Daiichi et les autres pour le moment.
"Et pour le hishio expérimental fabriqué à Misomachi ?"
"Il y a eu quelques ratés, mais comme la méthode de fabrication était similaire, il n'y a pas de gros problèmes."
"Le hishio… ce sera appelé la sauce soja plus tard ; enfin bref, c'est un assaisonnement important. Et du côté d'Asamachi ?"
"Grâce à cette décortiqueuse schi… shishten que vous avez fabriquée, la production est plus élevée que jamais."
"Décortiqueuse Schlichten. Ça me fait penser, le fil de soie que notre village produit est enroulé automatiquement grâce à la roue à aubes. Comment ça se passe ?"
Légèrement gênée d'avoir raté sa prononciation, Aya se racla la gorge avant de répondre.
"La production a augmenté. Cependant, le fil montre des irrégularités lorsque nous travaillons trop longtemps. Nous devons faire une pause d'une demi-heure toutes les deux heures. Cependant, cela nous permet de produire du fil de soie de haute qualité en masse et le seigneur est ravi."
Après avoir retiré les fils de soie des cocons, certains fils étaient torsadés ensemble pour obtenir l'épaisseur souhaitée.
Puis elle étaient enroulées en une bobine.
C'était l'étape la plus longue et la plus laborieuse du processus. Par conséquent, Shizuko avait demandé à Kinzō de construire une bobineuse automatique alimentée par une roue à aubes.
Alors que la décortiqueuse Schlichten avait été fabriquée à partir d'un plan existant, la bobineuse était une conception originale de Shizuko.
Cela étant dit, ce n'était pas quelque chose qu'elle avait conçu après son arrivée dans l'époque Sengoku, elle avait déjà fait le design dans le monde moderne.
La raison pour laquelle elle avait conçu ce design était qu'elle avait vu une bobineuse manuelle et s'était demandée [Est-ce que je peux l'automatiser ?], ce qui était un raisonnement proche de celle d'un ingénieur.
Au final, elle avait créé un appareil automatique correct qui produisait des fils de soie dans un laps de temps décent, et elle en avait été fière.
En d'autres termes, elle avait déjà de l'expérience.
"On a du chanvre et de la soie, mais j'aimerais ajouter le coton à la liste."
"Qu'eau-t-on ?"
"Ouais. Mais bon, j'ai juste à attendre une opportunité. Il devrait déjà être introduit à Mikawa, mais ils n'ont pas découvert sa valeur alors je devrais pouvoir m'en procurer facilement via le troc."
"(Pas encore découvert sa valeur… ? Elle dit ça comme si cela avait déjà été décidé…) Pourquoi ne pas vous fournir auprès d'un marchand ?"
Shizuko secoua la tête face à la suggestion d'Aya.
"Je ne veux pas en avoir directement. Je veux un endroit où je pourrais en faire pousser. Du coup, j'ai besoin des graines."
"Je vois. Au passage, il n'y a pas de gros problème du côté de Mitusmachi et de Takemachi. Tout se passe bien chez eux."
"Hum hum, c'est un bon début. Mais s'il y a des problèmes, fais-le moi savoir."
"Entendu."
"… Bon, maintenant… je dois décider quoi faire de cette lettre."
Shizuko agita la lettre avec une voix trop joyeuse par rapport à son expression.