Le matin était ensoleillé et la journée était parfaite pour une bataille.
Les petites escarmouches du matin n'avaient pas été annulées.
De ce fait, les soldats de Saitō avaient pensé que les choses allaient être comme d'habitude.
Leurs corps ne bougeaient plus que grâce à la force de leur volonté, mais le cœur qui soutenait cette volonté allait bientôt être brisé.
Le 14 avril de l'an 10 de l'ère Eiroku (1567), à 9h30, l'armée d'Oda lança enfin une attaque totale contre le château d'Inabayama.
"OOOOOHHHHH~ !!"
Mori Yoshinari, celui qui possédait les plus grandes prouesses martiales parmi les serviteurs d'Oda, menait l'avant-garde.
Les soldats de Saitō ne purent s'empêcher d'être figés face à son cri semblable au rugissement d'une bête.
Ses subalternes et ses troupes étaient juste derrière lui.
Comme les soldats du clan Saitō ne connaissaient pas la situation de la guerre, ils pensèrent que leur position allait devenir un champ de bataille et demandèrent des renforts comme d'habitude.
Hélas, la réponse qu'ils reçurent fut « Nous sommes lourdement attaqués par l'armée d'Oda, nous ne pouvons pas envoyer de renforts ! ».
"Ne vous retenez pas ! Déversez toute votre frustration sur eux !"
"Soldats ! Ne soyez pas à la traîne ! Abattez tous les ennemis qui se tiennent devant vous !"
Le moral de l'armée d'Oda explosa sous les encouragements de chaque général.
Leur passion couvrit presque entièrement le mont Kinka. Voyant que même l'arrière-garde brûlait de rage, les soldats de Saitō comprirent enfin.
L'armée d'Oda avait lancé une attaque totale avec tout ce dont elle disposait.
[Quelqu'un] donna l'ordre d'envoyer un messager au seigneur.
Mais en raison de la fatigue accumulée à cause des micro-conflits et de la surprise de l'assaut général, la plupart des soldats ne parvenaient plus à réfléchir correctement.
Ne sachant pas [qui] avait donné cet ordre et [à qui] cet ordre était donné, et ne pouvant pas réfléchir correctement, ils se contentèrent de continuer d'affronter les soldats d'Oda qui se jetaient sur eux.
C'était comme s'ils pensaient tous que [quelqu'un d'autre] serait le messager, alors ils avaient arrêté d'y penser.
Cette petite erreur due à la fatigue des soldats fut le coup fatal pour Saitō Tatsuoki.
Pendant ce temps, profitant du chaos provoqué par l'assaut général, Hideyoshi prit un raccourci à travers le mont Zuiryūji dans la vallée derrière le château d'Inabayama.
Il n'était suivi que par sept personnes dont Hachisuka Koroku et le chasseur Horio Yoshiharu.
Hideyoshi, qui avait envahi le château d'Inabayama depuis la falaise abrupte, se méfiait de son environnement, mais les hommes dans le château agissaient comme d'habitude, il semble que la nouvelle de l'assaut général ne les avait pas encore atteints.
Saisissant cette occasion, Hideyoshi pressa davantage, tua les gardes du château et mit le feu au bûcher.
Puis il enroula la gourde qui pendait à sa taille autour de la pointe de la lance d'un soldat vaincu et escalada un gros rocher (le Tengu Iwa), la lance dans sa main.
"EI EI OOOHHH !! EI EI OOOHHH !! EI EI OOOOOHHHHH !!!"
Hideyoshi poussa un grand cri de triomphe tout en agitant la lance avec la gourde de manière à ce que l'armée d'Oda à la porte principale puisse le voir et l'entendre.
Malgré le décalage, le cri d'Hideyoshi fut entendu par les deux camps.
Naturellement, leurs réactions furent opposées.
L'armée d'Oda avait pensé qu'Hideyoshi avait accompli une attaque surprise et intensifia son attaque tandis que l'armée de Saitō pensait que le château était tombé et son moral s'écrasa.
Les soldats de Saitō, le cœur brisé, laissèrent tomber leurs armes et se mirent à genoux, les épaules affaissées.
Lorsque l'armée d'Oda passa devant eux, personne ne résista.
Ce ne fut qu'après l'incendie du bûcher et la perte de la porte principale que Tatsuoki et ses vassaux seniors apprirent la situation.
Les attaques infructueuses de l'armée d'Oda au cours des six derniers jours les avaient rendus négligents.
Ils avaient pensé que l'ennemi ne pénétrerait pas dans le château cette fois-ci non plus. Mais ce ne fut pas le cas.
Mais il était trop tard. Hideyoshi et ses hommes avaient lancé une attaque surprise depuis la porte arrière et l'armée d'Oda entrait par la porte principale.
Le château était sur le point d'être conquis, Tatsuoki n'était plus capable de résister.
Il n'avait plus que deux options : la reddition ou le suicide.
La décision de Tatsuoki fut rapide.
Privilégiant sa vie, il choisit de se rendre sans avoir à croiser le fer avec l'armée d'Oda.
Ses vassaux se firent violence pour suivre cette décision, mais Tatsuoki et les plus lèches-bottes de ses serviteurs avaient autre chose en tête.
Après avoir envoyé un messager pour annoncer sa reddition, Tatsuoki quitta la salle, prétextant vouloir se changer.
Cela fut évidemment un mensonge, il rassembla hâtivement toute la fortune qu'il avait, se déguisa en soldat et se faufila hors du château.
Il pensait que s'il se rendait, quoi qu'il dise, il serait exécuté et mis en parade.
En d'autres termes, il avait abandonné sa responsabilité en tant que dirigeant de Mino pour sa propre protection.
Ses partisans avaient eu la même idée et l'ont rejoint avec tout ce qu'ils avaient.
Au moment où les vassaux qui étaient resté dans le château réalisèrent cela, ils avaient déjà descendu le mont Kinka et pris un bateau pour descendre la rivière Nagara.
En fin de compte, malgré les remontrances de plusieurs de ses vassaux, Tatsuoki n'avait jamais changé son comportement.
***
Immédiatement après avoir reçu la reddition de Tatsuoki, Nobunaga prit des mesures qui étaient assez inhabituelles en ces temps troublés.
À cette époque, il était monnaie courante pour le vainqueur de se déchaîner et de piller le château, mais Nobunaga l'avait strictement interdit à ses troupes, y compris ses officiers, menaçant d'exécuter quiconque violait son ordre.
Son ordre fut suivit à la lettre après que cinq ashigaru avaient tenté d'agresser des femmes et furent décapités sans qu'ils n'aient pu se défendre.
Ensuite, Nobunaga désarma tous les soldats de Mino qui avaient survécu et les laissa descendre de la montagne.
Il avait désespérément besoin des soldats de Mino pour compenser les points faibles des soldats d'Owari.
Une fois que les soldats avaient descendu la montagne, ce fut au tour des combattants auxiliaires et des non-combattants tels que les femmes, les enfants et les personnes âgées.
Et après avoir fait sortir les armes restantes dans le château, Nobunaga entra enfin dans le château d'Inabayama.
Immédiatement après être entré dans le château, Nobunaga reçut un rapport selon lequel Tatsuoki s'était échappé, mais il se contenta de rire sans dire quoi que ce soit.
Lorsqu'il entra dans la salle où Tatsuoki aurait dû se trouver, il fut accueilli par les serviteurs nerveux du clan Saitō.
Tous étaient vêtus de blanc.
"Vous étiez nos ennemis, mais vous avez vaillamment combattu."
Les vassaux du clan Saitō furent stupéfaits en entendant cela et ne comprenaient pas ses intentions.
Nobunaga les ignora et continua de parler.
"Mais avant de vous ouvrir le ventre, laissez-moi vous faire une proposition. Si vous acceptez de laisser vos vies entre mes mains, vous pourrez me servir en tant que « cadavres vivants ». Mais je ne vous force pas. Je vous laisse décider si vous voulez rester loyal envers votre seigneur ou me servir."
Après les avoir regardés une dernière fois, Nobunaga sortit calmement de la pièce.
Puis ce fut au tour des serviteurs principaux du clan Oda, ne laissant plus que quelques soldats pour les surveiller.
Ils ne purent cacher leur inquiétude face aux paroles de Nobunaga. Après tout, ce qu'il avait fait était sans précédent. Ne sachant pas son but, ils furent terrifiés comme s'ils faisaient face à quelque chose d'inconnu.
Mais au fur et à mesure que le temps passait et que la situation devenait plus claire, ils retrouvèrent leur calme.
Et après y avoir réfléchi, ils comprirent enfin.
Nobunaga leur accordait une seconde chance malgré leur défaite.
Leurs réactions furent variées, certains prirent cela pour une insulte, certains pour de la miséricorde et d'autres pour de l'indifférence.
Par conséquent, leurs réponses furent variées. Certains jurèrent vengeance et quittèrent Mino.
Certains se suicidèrent par fidélité au clan Saitō. Certains furent intéressés par Nobunaga et décidèrent de le servir.
Mais ils avaient un point commun : ils ne voulaient avoir rien à faire avec Tatsuoki.
Même ceux qui s'étaient suicidés l'avaient fait pour servir Saitō Yoshitatsu dans la mort.
Suite à ce coup de grâce de Nobunaga, leurs cœurs furent complètement séparés de Tatsuoki.
À l'avenir, même si Tatsuoki essayait de les contacter, personne ne lui prêterait la moindre attention.
Nobunaga n'essaya même pas de chercher Tatsuoki sur la rivière Nagara, pensant qu'il n'avait rien à craindre de lui.
Six ans après le décès de Saitō Yoshitatsu, Nobunaga avait enfin conquis la province de Mino.
***
Laissant le post-traitement à ses serviteurs, Nobunaga se mit en route pour retourner au château de Komakiyama lorsqu'une bonne nouvelle lui parvint.
Kimyōmaru s'était rétabli. Et ce, quelques jours seulement après que Shizuko l'ait diagnostiqué.
Mais Nobunaga ne fut pas surpris. Il pensait que cela était une conclusion évidente.
Si elle s'y connaît également en maladies, les gens risquent d'être curieux sur ses origines… Pour le moment, nous allons faire croire qu'elle vient d'une famille noble. Mais même si elle porte l'attirail d'un noble, il se peut qu'elle ne sache pas reproduire leur élégance et leur dignité.
Bien qu'il craignait que cela ne soit qu'un déguisement superficiel, Nobunaga fit arranger un ensemble de vêtements de noble dès son retour au château de Komakiyama.
Dans le pire des cas, il inculquerait diverses choses, dont l'étiquette, à Shizuko ; mais comme cela ne s'apprenait pas en un jour, il pensa qu'il valait y travailler au fil du temps.
Pendant ce temps, Shizuko, qui ignorait qu'elle recevait une telle évaluation, visitait fréquemment le manoir de Kimyōmaru.
"Mmm."
La raison à cela était les livres dans le manoir de Kimyōmaru.
Que ce soit pour son éducation ou parce que Nobunaga les collectionnait, le manoir abritait des centaines de livres.
Shizuko les dévora silencieusement. Mais comme elle lisait toujours au même endroit, des piles de livres avaient commencé à s'entasser.
"Je m'ennuie."
"Pourquoi ne pas suivre l'exemple de Shizuko-sama et lire quelques livres ?"
Kimyōmaru avait déploré son ennui en posant son menton sur sa paume, mais il se tut lorsque son éducateur toucha une corde sensible.
La raison pour laquelle Shizuko était devenue un rat de bibliothèque était que l'éducateur de Kimyōmaru avait apporté des livres pour son éducation pendant que le garçon se remettait de sa maladie.
"Hé, Shizuko. J'ai dit que je m'ennuyais."
"Mmm."
"Tu m'avais promis de parler des grands hommes qu'il y avait dans le reste du monde."
"Mmm."
"… Tu n'es clairement pas en train de m'écouter !"
"Mmm."
Kimyōmaru, résigné, haussa les épaules.
À ce moment-là, des bruits de pas arrivèrent de l'extérieur. Au moment où Kimyōmaru et son éducateur se demandèrent ce qu'il se passait, la porte coulissante fut violemment ouverte.
"On dirait qu'elle est vraiment devenue un rat de bibliothèque."
Le duo, choqué, ne put que regarder l'homme derrière la porte coulissante approcher Shizuko et abattre son poing légèrement fermé sur sa tête.
Un bruit sourd résonna dans la chambre de Kimyōmaru, suivi d'un cri semblable à une grenouille écrasée.
***
La toux de Kimyōmaru avait été complètement guérie grâce aux soins attentifs et efficaces de Shizuko.
Cependant, comme elle était presque exclusivement à son chevet, elle n'était presque jamais chez elle. Heureusement, grâce aux efforts de Daiichi et Kinzō, il n'y eut aucun problème du côté du travail agricole.
Mais il y avait quelqu'un qui attendait que Shizuko quitte sa maison pendant une longue période.
Les loups ne sont pas là non plus… parfait.
C'était Aya. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'être curieuse concernant la boîte fermement verrouillée.
Normalement, Wittmann et les autres étaient dans la pièce, mais comme Shizuko était souvent absente, ils s'étaient mis à l'attendre à l'entrée.
Aya vit cela comme une opportunité parfaite. Hélas, elle ne put défaire le verrouillage.
Cela était en partie dû au fait qu'il était robuste, mais c'était surtout parce qu'il avait été fabriqué à la manière d'un puzzle complexe.
Juste au moment où elle fut sur le point d'abandonner, Aya remarqua une petite boîte à côté du coffre.
Je n'ai jamais vu cette boîte… est-ce qu'elle était rangée dans le coffre ?
Comme les loups pouvaient revenir à tout moment, Aya n'eut pas le temps de réfléchir à l'origine de la petite boîte.
Elle ramassa la petite boîte. Elle n'était pas scellée, donc elle pouvait facilement l'ouvrir.
Aya jeta un coup d'œil à l'entrée. Confirmant qu'il n'y avait aucun signe des loups, elle ouvrit doucement le couvercle.
À l'intérieur de la boîte se trouvaient plusieurs cahiers. Cependant, Aya n'en avait jamais vu auparavant.
Aya toucha ces objets qui lui étaient inconnus et remarqua leur éclat et leur texture lisse.
Si elle avait su ce qu'était la soie, elle l'aurait comparée à la texture des cahiers.
Après une légère hésitation, Aya se résolut et ouvrit un cahier.
Durant ce moment, elle avait été légèrement secouée et n'avait pas remarqué le titre du cahier : [Considération de la science et de la technologie modernes à l'époque Sengoku].
En bref, il contenait l'imagination (histoire sombre) de Shizuko et pouvait être résumé en [si j'étais envoyée à l'époque Sengoku, voilà ce que je ferais].
Si Shizuko apprenait qu'Aya avait lu ce cahier, elle mourrait de honte.
Mais c'était ironiquement grâce au riche contenu de ce cahier que Shizuko avait survécu jusqu'à présent dans l'époque Sengoku.
… Je, je n'arrive pas à lire ce qui est écrit.
Mais il y avait un problème.
Les caractères écrits au pinceau durant l'époque Sengoku et les caractères écrits avec un crayon moderne, bien qu'ils soient dans la même langue, avaient des apparences complètement différentes.
À moins de savoir lire et écrire les caractères de l'époque Sengoku et les caractères de l'époque moderne comme Shizuko, le contenu du cahier était indéchiffrable.
En d'autres termes, Aya n'avait presque aucune idée de ce qui était écrit sur le livre noir de Shizuko.
Cela était en partie parce qu'Aya avait seulement appris ce qui était nécessaire pour lire et écrire des rapports.
Mais il y avait des passages que même Aya pouvait comprendre.
Le livre noir de Shizuko contenait également des photos et des dessins.
[Si les récoltes sont grosses, on pourra pas stocker tous les ballots de riz à temps. Donc il faudrait construire un silo en bois. Ils sont très utiles pour les trucs comme le riz, le blé, le maïs et le soja. Ça permet également de stocker et de conserver la nourriture pour le bétail. Avec un silo, le riz peut être stocké pendant un long moment. J'ai enregistré un schéma sur mon smartphone.]
Des notes de Shizuko étaient écrites à côté de la photo. Mais Aya était incapable de déchiffrer le mélange de kanji, de katakana et d'hiragana.
J'arrive à peine à lire quelques mots… stocker ? Mais cette image… c'est comme si le paysage avait directement été coupé… comment… non, je n'ai pas beaucoup de temps, regardons les autres pages.
Aya feuilleta les autres pages à la recherche d'une image qu'elle pourrait comprendre intuitivement.
[Pour la production de sel, on construira un marais salant. Kyōko-neechan avait dit que le sel était important pour faire des prunes séchées, du miso et de la sauce soja; donc si on veut unifier le pays, être capable de produire du sel en masse est un truc vital. J'ai lu une collection de livres sur l'histoire du sel à la bibliothèque, et ça m'a convaincue. La méthode de la membrane échangeuse d'ions est meilleure, mais ce serait difficile avec la technologie de l'époque.]
Du sel… ? Et qu'est-ce que c'est que cette image de bâtons alignés ? Hum, je ne comprends rien du tout… suivante.
[C'est dingue qu'on peut acheter des livres de stratégies militaires en un seul clic sur le net. La version originale de l'Art de la guerre de Sun Tzu ne coûte que 50 yen, c'est quasiment gratuit ! Le commerce avec le Nanban, c'était principalement le Portugal et l'Espagne, alors peut-être que je devrais également acheter des dictionnaires et des livres de cours basiques ? Mais ça pourrait ne pas être assez pour faire des conversations…]
C-C'est rempli de caractères qui ressemblent à des vers qui se tortillent… est-ce que c'est la langue du Nanban ? Page suivante.
[Pour faire du miso et de la sauce soja, il faut une production en masse de soja. Si je me souviens bien, grand-père avait dit qu'il avait mis au point une méthode spéciale pour produire 500 kg en 10a… je lui demanderai la prochaine fois. La sauce soja est le truc le plus important. Je peux pas m'imaginer vivre sans. Je le répéterai jamais assez parce que c'est vraiment important. Pour les japonais, l'assaisonnement numéro 1, c'est la sauce soja !]
… Suivante.
[Aujourd'hui, Kyōko-neechan et moi, on a parlé d'armes à feu. Comme prévu, on peut pas passer immédiatement aux modèles supérieurs, il y a pas assez de matériaux, Kyōko-neechan a dit qu'il faudrait aller chercher de la bauxite en Australie, mais… le processus de fabrication d'aluminium est très compliqué.]
Neechan… ? Shizuko-sama a une sœur ? … Je n'arrive pas à lire le reste… suivante.
[Il y a eu un chantier de construction dans mon quartier et ça m'a fait penser : est-ce qu'on peut utiliser du béton là-bas ? J'ai fait des recherches dès que j'étais rentrée et j'ai découvert que les matériaux étaient faciles à avoir. Il y avait même une méthode qui utilisait de l'eau de mer. J'ai sauvegardé la recette sur mon smartphone, comme d'habitude. Je pourrais probablement pas utiliser de fer pour faire l'armature, est-ce que le bambou fera l'affaire ? Pour le pavage des routes, il y a pas d'autre choix que le macadam. Ça peut facilement s'apprendre sur internet.]
Quelle est cette chose remplie de planches jaunes ? … La vivacité des couleurs est magnifique.
Aya soupira. Elle se surmenait plus qu'elle ne l'avait prévu, et maintenant ses épaules semblaient plus lourdes.
Elle se ressaisit et lut le reste du cahier. Réalisant qu'il allait falloir du temps pour déchiffrer chaque cahier, elle feuilleta plus rapidement celui qu'elle tenait.
[J'ai retrouvé mes vieilles notes sur la façon de construire une bobineuse de soie automatique alimentée par une roue à aubes. Ça rappelle des souvenirs… j'en avais parlé en long en large avec mon grand-père et les sériciculteurs du quartier. Ils m'avaient demandé pourquoi j'évitais d'utiliser du métal… et au final, j'ai quand même dû en utiliser. Mais bon… du moment que ça fonctionne. J'avais présenté ça pour mes devoirs d'été, ça a effrayé mon professeur…]
[Pour rendre Gifu plus animé, comme prévu, il faut rassembler du monde, reste à savoir comment… On pourrait améliorer les routes, établir des logistiques ou construire une banque… il y a plein d'options possibles. Je vais mettre tout ça sur une liste…]
[Section plaintes : Je me suis fait prendre par le professeur quand j'ai feuilleté le bouquin pendant les cours. Il allait le confisquer, mais quand il a regardé le contenu, il me l'a rendu en soupirant. Eh ben désolée d'avoir un cahier rempli de fantasmes d'enfant !!]
Il y avait des mots qui ne faisaient aucun sens mais Aya les ignora et passa à la page suivante.
[Une décortiqueuse Schlichten serait pratique pour faire de la chanvre. Pour la soie, une enrouleuse automatique fera l'affaire. Et pour finir, il y a le coton. Mais le coton pousse plutôt dans Mikawa. Il faudra trouver un moyen d'obtenir des graines. Pour le filage, modifier le fileur de soie devrait suffire. La soie sera vendue à la capitale et la moitié du chanvre et du coton seront vendus dans la région tandis que l'autre moitié sera exportée.]
[Il faudra vite propager les patates douces. Si elles sont suffisamment connues, elles ne seront plus traitées comme des mauvaises herbes. Et surtout, ça éliminera le besoin d'améliorer l'alimentation de la populace une fois le pays unifié.]
À ce moment-là, Aya réalisa que ses mains tremblaient.
Elle avait développé une peur instinctivement de ce cahier immensément étranger. Mais elle continua de persévérer.
[Pour le tableau noir, il suffit de peindre une planche en bois en noir puis de le vernir avec une teinture au kaki. Et les craies sont faites avec de la chaux, de l'eau et de la colle, c'est ça ? Si on arrive à les faire, on pourra établir des terakoya dans tout le pays. Élémentaire, mon cher Watson, l'éducation est quelque chose d'important.]
[Kyōko-neechan a dit que la pêche était également importante. Mais les technologies de construction navale et de navigation sont difficiles… ça devrait être plus simple de les acheter auprès du Nanban. Et j'imagine que les poissons seront séchés…]
[J'ai également réfléchi à la technologie forestière… j'imagine que juste planter des arbres et les laisser dans leur coin n'est pas une bonne méthode. Je vais devoir étudier ça sérieusement.]
[J'ai demandé à Kyōko-neechan « si on avait assez d'armes, est-ce que le pays serait unifié plus vite ? ». et elle m'a ri au nez en me demandant où est-ce que je trouverais les fonds nécessaires pour acheter les fusils et si je savais fabriquer de la poudre à canon. Hum, c'est vrai qu'ils ne s'obtiennent pas par magie comme dans les jeux. Je vais laisser une note pour me rappeler de faire des recherches sur le salpêtre, la base de la poudre à canon.]
[Quand j'ai demandé à Kyōko-neechan si la méthode Knaus-Ogino était une bonne idée pour la croissance démographique, elle m'a filé une claque. Elle avait crû que j'allais avoir un enfant. Ok, mais c'était quand même exagéré, comme réaction… Enfin bref, je vais écrire la méthode en-dessous―]
Et Aya avait atteint sa limite. Sa peur de l'inconnu avait surpassé son seuil de tolérance.
Elle referma le cahier avec ses mains tremblantes. Puis elle le remit dans la petite boîte comme si elle voulait le fuir.
Mais à cause de sa peur et de son impatience, combinées à son inquiétude que Wittmann et les autres ne reviennent, le cahier glissa de ses mains.
Oh non… les loups ont sûrement entendu ça.
Elle ramassa hâtivement le cahier et essaya de le ranger rapidement, mais calmement, dans la boîte en bois.
À ce moment-là, une petite feuille tomba du cahier.
Cette feuille semblait avoir été coincée entre les pages.
Aya la ramassa et la remit dans le cahier.
[Méthode de production (top secret)]
Les quelques mots qu'elle lut sur la feuille la fit s'arrêter dans ses mouvements.
Ces mots avaient attiré son attention, alors elle examina la feuille de plus près.
Le contenu de la feuille fut :
[Méthode de production (top secret)]
Résumé
Comment fabriquer du salpêtre d'excellente qualité.
C'est la méthode avec le meilleur ratio qualité/taux de production.
Cependant, importer une grande quantité de salpêtre d'Europe reste plus rapide.
Ingrédients
Millet japonais, tabac, sarrasin, saku, chanvre, udo, herbe à poivre, kusaya, shaki, excréments de vers à soie, urine humaine, terre fertile, terre de champ de chanvre.
Méthode de production
– Construire une cabane dans un endroit ensoleillé.
– Empiler une petite montagne de terre mélangée à de l'herbe et du fumier.
– Après ça, remuer régulièrement et ajouter du fumier entièrement décomposé.
– Répétez le processus pendant 3 à 5 ans
– Lorsque la terre devient boueuse, gratter et récolter la surface.
– Extraire, faire bouillir et sécher pour obtenir le salpêtre.
(C'est le même processus que la terra preta. Voir l'annexe.)
Réaction chimique
Ammoniac provenant des substances en décomposition et de l'urine → Acide nitreux dû au travail des bactéries.
2NH3+3O2→2H2O+2HNO2
↓
Acide nitreux oxydé → Acide nitrique
2HNO2+O2→2HNO3
↓
Acide nitrique + calcium dans le sol → Nitrate de calcium
2HNO3+CaO→Ca(NO3)2+H2O
↓
Nitrate de calcium + carbonate de potassium → Nitrate de potassium (salpêtre)
Ca(NO3)2+K2CO3→2KNO3+CaCO3
Note
Cette méthode de fabrication est une technologie ultra top secrète. Les seules autres au courant sont Gokayama et Shirakawa.]