Le silence de la nuit parisienne enveloppait l'appartement, et Chloé se tenait assise dans le salon, une tasse de thé fumante entre les mains. Les derniers jours avaient été un tourbillon d'événements, entre la réception de la haute société, les nouvelles rencontres et les questions sans réponses qui tournaient dans son esprit. Malgré l'apparence de complicité qu'ils affichaient en public, Alexandre restait une énigme pour elle, et chaque conversation semblait s'accompagner de non-dits.
Alors qu'elle contemplait la ville illuminée à travers les grandes baies vitrées, Alexandre apparut dans le salon, l'air plus détendu que d'habitude. Il portait une tenue décontractée, loin de son allure rigide habituelle. Cela le rendait presque plus humain, plus accessible.
« Vous ne dormez pas ? » demanda-t-il en s'asseyant sur le canapé en face d'elle, une lueur d'amusement dans le regard.
Chloé haussa les épaules, esquissant un léger sourire. « Je réfléchissais... à tout ça. À nous. À cette vie. »
Il la fixa, silencieux, comme s'il attendait qu'elle poursuive. Elle prit une grande inspiration avant de se lancer. « Vous m'aviez dit que ce mariage serait une sorte d'accord. Mais je pense qu'il est temps de clarifier les termes de cet accord, Alexandre. »
Un sourire en coin apparut sur ses lèvres, et il s'adossa confortablement contre le canapé. « Très bien, parlons des règles du mariage. » Il marqua une pause, semblant réfléchir. « Première règle : nous affichons une image irréprochable en public. Ce que les gens voient, c'est un couple uni, unis dans la réussite comme dans la vie privée. »
Chloé hocha la tête, comprenant cette exigence. C'était évident, surtout après la réception où chaque regard, chaque sourire avait été scruté. « Et en privé ? » demanda-t-elle, son regard cherchant une réponse dans les yeux sombres d'Alexandre.
« En privé, vous êtes libre de mener votre vie comme vous l'entendez, dans les limites du raisonnable, bien sûr, » répondit-il calmement. « Vous pouvez sortir, avoir vos activités, rencontrer vos amis... tant que cela n'affecte pas notre image. »
Chloé s'attendait à ce type de réponse, mais quelque chose dans le ton détaché d'Alexandre la piqua au vif. « Et vous, Alexandre ? Quelles sont vos limites ? »
Il soutint son regard, impassible. « Mes affaires et mes rencontres ne vous concernent pas. Ce mariage ne vous oblige pas à tout savoir de moi, Chloé. Il y a des choses que je préfère garder pour moi. »
Elle serra les dents, sentant une pointe de frustration monter en elle. « C'est donc ça, les règles du mariage pour vous ? Une façade à préserver et une distance à maintenir ? »
Il resta silencieux un instant, puis soupira. « Chloé, je vous ai choisi parce que vous êtes intelligente et que vous comprenez la complexité de cette situation. Ce mariage n'est pas une union d'amour. C'est un partenariat qui sert nos intérêts à tous les deux. Mais cela ne veut pas dire que je souhaite que vous soyez malheureuse. »
Chloé sentit une certaine sincérité dans ses paroles, même si cela ne répondait pas à toutes ses attentes. Elle s'efforça de calmer les battements de son cœur, de ne pas laisser sa déception transparaître. Après tout, elle savait dès le départ que cet arrangement ne serait pas simple.
« Très bien, » dit-elle finalement, en prenant une gorgée de son thé pour se donner contenance. « Mais j'aimerais au moins savoir pourquoi vous avez besoin de cette façade. Pourquoi moi, et pourquoi ce mariage maintenant ? »
Alexandre la regarda longuement, pesant ses mots. « Parce que le monde dans lequel j'évolue est impitoyable, Chloé. Il y a des alliances à forger, des rivalités à gérer. Avoir une épouse à mes côtés me donne une image de stabilité et de sérieux qui est cruciale pour mes affaires. »
Il fit une pause, ses traits se durcissant légèrement. « Et vous, de votre côté, vous y gagnez une sécurité financière et une vie que vous n'auriez peut-être jamais imaginée. C'est un compromis, Chloé, et je vous ai choisie parce que je croyais que vous étiez capable de le comprendre. »
Chloé retint son souffle, touchée par le mélange de pragmatisme et de vulnérabilité dans ses propos. Elle comprenait mieux les enjeux pour Alexandre, même si cela ne dissipait pas le sentiment de vide qu'elle ressentait parfois à ses côtés.
« Alors c'est ça, les règles de notre mariage, » dit-elle d'une voix douce, résignée. « Nous vivons ensemble, mais séparés. Nous faisons semblant, mais nous restons étrangers. »
Alexandre se redressa légèrement, une lueur étrange dans les yeux. « Ce que vous décrivez n'est pas une fatalité, Chloé. Cela dépend aussi de nous, de ce que nous choisissons de construire ou non. »
Leurs regards se croisèrent, et pour la première fois, Chloé eut l'impression de percevoir une lueur de sincérité, une ouverture dans l'armure impénétrable qu'il portait en permanence. Elle se demanda un instant s'ils pouvaient vraiment construire quelque chose de plus authentique, de plus profond, malgré les circonstances de leur union.
Mais elle se garda de formuler cette pensée à voix haute. Après tout, elle savait qu'entre les règles du mariage qu'Alexandre avait énoncées et les attentes qu'elle portait en elle, il y avait un gouffre difficile à combler.
Ils se souhaitèrent finalement une bonne nuit, et Chloé regagna sa chambre, le cœur lourd mais déterminé. Elle savait que ce mariage serait semé d'embûches et de compromis. Mais elle se promit de rester fidèle à elle-même, de ne pas se perdre dans les règles d'un jeu qu'elle n'avait pas choisi de jouer.