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Chapter 3 - L'Arrivée à Ethélion

Le vaisseau entamait doucement sa descente vers le Royaume d'Ethélion, Sous ses pieds, Aran sentait les vibrations du vaisseau qui s'ajustaient aux courants d'air, alors qu'ils perçaient à travers les nuages. Il se tenait à l'avant du pont, aux côtés de Kelran, le regard fixé sur la terre qui se dévoilait progressivement sous eux. Le royaume d'Ethélion était une terre de mystère, de puissance, et Aran pouvait déjà percevoir l'aura presque palpable de la magie qui imprégnait chaque parcelle de son sol.

Le paysage qui se déployait à perte de vue était à couper le souffle. Des montagnes imposantes s'étendaient à l'horizon, caressant presque le ciel. En contrebas, des forêts denses et des plaines ondulées découpaient le territoire en une mosaïque de terres cultivées, entrecoupées de rivières scintillantes qui serpentaient entre les villages et les villes.

Le Royaume d'Ethélion, bien qu'isolé, n'était pas un petit domaine. Il était composé de sept villages, trois villes et une capitale qui trônait fièrement au cœur de la région : *Althiris*, une cité entourée de hautes murailles blanches où se dressait la légendaire Tour de Lumen. C'est là que résidaient les mages les plus puissants, les érudits et les chercheurs du royaume, dédiés à percer les mystères des Îles Célestes et des Fractures du monde. 

Ethélion fonctionnait sous un système politique complexe, régi par un conseil de mages appelé le *Cercle des Sages*. Ce cercle, composé de sept membres élus parmi les plus anciens et les plus puissants mages du royaume, dirigeait non seulement la capitale mais aussi l'ensemble des villages et des villes. Ils formaient une oligarchie intellectuelle, où le pouvoir se basait sur la maîtrise de la magie et la connaissance des anciens arts.

Cependant, la société était strictement hiérarchisée. À la base de cette structure se trouvaient les paysans et les artisans, qui vivaient principalement dans les sept villages : *Mirel*, *Nartha*, *Selaria*, *Toranth*, *Daleen*, *Zara* et *Kelmir*. Ils travaillaient la terre, élevaient du bétail et fournissaient les biens essentiels au royaume. Ces villages étaient autogérés par des *Intendants*, eux-mêmes désignés par le Cercle, souvent des mages de rang inférieur.

Les trois villes : *Ilméra*, *Tholas* et *Asera*, servaient de carrefours commerciaux et de centres administratifs. Les classes moyennes, composées de marchands, d'artisans spécialisés et de guerriers, y résidaient, jouissant d'un statut plus élevé que les villageois mais restant inférieurs aux mages de la capitale.

Enfin, la capitale Althiris, avec sa Tour de Lumen, était le siège du pouvoir, où vivaient les familles de mages les plus respectées, les érudits et les aristocrates du royaume. Ceux qui résidaient à Althiris bénéficiaient d'un accès privilégié aux ressources magiques et aux connaissances, et leur influence dépassait largement celle des habitants des villes et des villages.

Le système économique du royaume reposait en grande partie sur l'échange des produits agricoles et des matières premières des villages contre les biens manufacturés et les objets enchantés créés dans les villes. Ethélion étant une terre fertile et autonome, ses besoins en importations étaient limités, mais le commerce avec les royaumes voisins existait, sous l'œil vigilant du Cercle des Sages.

Alors que le vaisseau s'approchait du sol, Kelran posa une main sur l'épaule d'Aran. « Nous allons d'abord nous arrêter à Kelmir. C'est là où je vis. Le village est modeste, mais tu y trouveras la paix nécessaire pour poursuivre ton apprentissage. »

Le vaisseau finit par se poser doucement sur une large plate-forme en bois située à l'entrée du village. Kelmir, bien qu'un simple village, était magnifique dans sa simplicité. Des maisons de pierre aux toits de chaume s'alignaient le long des rues pavées, entourées de champs verdoyants et de forêts majestueuses. Un petit cours d'eau traversait le village, reflétant la lumière dorée du crépuscule. Aran respira profondément, sentant l'air pur et frais des montagnes.

« C'est… calme, » murmura Aran en descendant du vaisseau. Kelran sourit, hochant la tête.

« La tranquillité a ses vertus. Surtout pour ce que je vais t'apprendre maintenant. »

Ils traversèrent le village, où les habitants les saluaient d'un signe respectueux de la tête. Il semblait que Kelran était une figure connue et respectée ici. Ils atteignirent rapidement la maison de Kelran, une bâtisse simple mais élégante, faite de bois sombre, entourée d'un petit jardin. À l'intérieur, une chaleur réconfortante les accueillit.

Kelran se tourna alors vers Aran, son expression plus grave qu'à l'accoutumée.

« Maintenant que tu maîtrises les bases du Lamevent, il est temps que tu apprennes l'une de ses techniques les plus subtiles : *L'Écoute des Brises*. Cette technique est essentielle si tu veux vraiment comprendre l'art que je t'enseigne. Elle te permettra de ressentir, voire d'entendre ce que le vent transporte autour de toi. Ce n'est pas seulement une question de combat, mais de vigilance. Tu seras capable de détecter les mouvements, les sons, les présences, bien avant que tes yeux ne puissent les voir. »

Aran écoutait avec attention, fasciné par l'idée qu'une telle technique puisse exister. Il avait déjà senti l'effet du vent sur ses mouvements lors des combats, mais cela semblait différent, plus spirituel.

Le lendemain, l'entraînement commença. Kelran emmena Aran dans les collines environnantes, là où le vent soufflait librement, sans être entravé par les constructions du village. Ils se tenaient au sommet d'une falaise, dominant les plaines en contrebas, tandis que le vent sifflait autour d'eux.

« Ferme les yeux, Aran, » ordonna Kelran. « Oublie tout ce que tu sais du monde physique. N'écoute plus avec tes oreilles, mais avec ta peau, avec ton esprit. Le vent parle, il porte en lui les secrets du monde. Mais pour l'entendre, il faut être en silence total, non seulement autour de toi, mais en toi. »

Aran obéit, fermant les yeux. Au début, tout ce qu'il entendait était le sifflement du vent, le bruissement des feuilles. Mais peu à peu, alors qu'il se concentrait, il commença à percevoir des nuances. Le vent ne soufflait pas de manière uniforme. Il changeait de direction, de texture, presque comme s'il était porteur de murmures invisibles.

Pendant des heures, Aran resta là, les yeux fermés, immobile. Kelran le guidait par de simples mots, l'encourageant à sentir chaque vibration, chaque fluctuation dans l'air. Chaque jour, ils revenaient au même endroit, et Aran commença à comprendre ce que Kelran voulait dire par « écouter le vent ». Il n'entendait pas de sons précis, mais il ressentait des choses : la présence d'un animal qui passait, le mouvement des arbres bien avant de les voir bouger.

Au bout de la troisième semaine, quelque chose changea en lui. Un après-midi, alors qu'ils étaient en pleine méditation, Aran perçut une présence avant même qu'elle ne soit visible. Il ouvrit les yeux juste à temps pour voir un groupe de cerfs bondir hors des fourrés, traversant rapidement la plaine en contrebas. Il avait senti leur approche dans le vent. Kelran, qui se tenait à ses côtés, sourit.

« Tu commences à comprendre, » dit-il. « L'Écoute des Brises est un art subtil. Elle te donne un avantage, car elle t'alerte de ce qui t'entoure bien avant que tes yeux ne le fassent. Mais cela demande du temps pour en saisir toutes les nuances. »

Après un mois d'entraînement intense, Aran se sentait différent. Plus ancré, plus en phase avec son environnement. Il pouvait maintenant marcher dans le village de Kelmir, et sentir les courants d'air lui indiquer les mouvements autour de lui, comme s'il avait acquis une nouvelle forme de perception. Kelran avait raison : l'Écoute des Brises n'était pas seulement une technique de combat, c'était un moyen d'être constamment vigilant, d'anticiper les dangers et les opportunités.

Un soir, alors qu'ils étaient assis dans la petite maison de Kelran, ce dernier posa une main sur l'épaule d'Aran.

« Tu as beaucoup appris en peu de temps, » dit-il, un ton de fierté dans la voix.

Kelran, le regard empli de cette gravité qui ne le quittait que rarement. La lueur des bougies dans la petite maison dansait sur les murs, créant des ombres mouvantes qui donnaient à la scène une dimension presque mystique. Le vent soufflait doucement à l'extérieur, comme pour rappeler à Aran ce qu'il avait appris au cours du mois écoulé.

« Tu as beaucoup appris, Aran, » dit Kelran d'une voix posée. « Tu maîtrises maintenant les bases de l'Écoute des Brises. Mais ce n'est que le début de ton chemin. Ce que je t'ai enseigné ici est une fondation, un cadre pour ce qui doit venir. Ce que tu as acquis en termes de perception et de connexion avec le vent te rendra plus fort, mais tu as besoin de quelque chose de plus. »

Aran, qui écoutait en silence, fronça les sourcils. « Que veux-tu dire ? »

Kelran se leva de sa chaise et fit quelques pas vers la fenêtre, jetant un regard pensif sur l'obscurité qui enveloppait le village de Kelmir. Le vent s'engouffrait à travers les branches des arbres, et dans ce murmure constant, il semblait y avoir une intention que seul Kelran pouvait entendre.

« La théorie, l'entraînement, c'est bien. Mais maintenant, tu dois te confronter à la réalité. L'Écoute des Brises est un art qui prend toute sa force dans le feu de l'action. Pour perfectionner cette technique, tu dois apprendre à l'utiliser dans un environnement hostile, là où l'instinct de survie est plus fort que la simple concentration. Tu dois entendre le vent dans le chaos. »

Aran se redressa, devinant où cette conversation menait. « Où veux-tu que j'aille ? »

Kelran se retourna vers lui, son regard intense. « Tu vas t'entraîner dans les *Forêts d'Ombrelune*, à quelques jours de marche au sud d'ici. Ces bois sont connus pour abriter des créatures magiques, des bêtes anciennes que peu osent affronter. Elles sont imprévisibles, rapides, et souvent mortelles. Mais elles sont aussi les adversaires parfaits pour tester tes compétences. »

Aran se sentit à la fois excité et inquiet. Les Forêts d'Ombrelune étaient légendaires dans tout le royaume d'Ethélion. On disait que les arbres eux-mêmes étaient habités par une magie ancienne, et que les créatures qui y vivaient étaient des vestiges des temps d'avant la Fracture. Ce n'était pas un endroit où on s'aventurait à la légère. Mais il savait aussi que ce défi serait l'occasion de mettre en pratique tout ce qu'il avait appris.

« Que vais-je y trouver ? » demanda-t-il, ses yeux rivés sur ceux de Kelran.

Le maître d'armes croisa les bras, son expression grave. « Les bêtes qui résident là-bas sont appelées *Ventara*. Ce sont des créatures agiles et furtives, parfaitement adaptées à l'environnement forestier. Elles se déplacent aussi vite que le vent et sont capables de devenir invisibles à l'œil nu. C'est là que l'Écoute des Brises te sera indispensable. Tu devras sentir leur présence bien avant de pouvoir les voir. Elles t'attaqueront sans avertissement, mais si tu maîtrises vraiment ce que je t'ai enseigné, tu seras capable d'anticiper leurs mouvements. »

Un frisson parcourut Aran. Il savait que ce serait un test ultime, et peut-être même une épreuve de survie. Mais il n'était plus le jeune homme impulsif qu'il avait été avant ce voyage. Il avait appris la patience, la discipline, et l'importance d'écouter non seulement le monde autour de lui, mais aussi le vent lui-même.

Kelran se rapprocha et posa une main sur le fourreau de l'épée d'Aran, vérifiant la lame comme un maître qui s'assure que son élève est prêt. « L'entraînement que tu recevras dans cette forêt ne viendra pas de moi. Il viendra des éléments, des créatures, du danger. Utilise ce mois dans les bois pour perfectionner l'Écoute des Brises. Apprends à écouter le moindre changement dans le vent, chaque souffle d'air qui porte des informations invisibles. Seul, face aux Ventara, tu comprendras véritablement la puissance de cette technique. »

Aran hocha la tête. Il savait que Kelran avait raison. Il avait besoin de cet affrontement, de ce défi pour se transformer, pour parfaire ce qu'il n'avait pour l'instant qu'effleuré.

« Quand dois-je partir ? » demanda-t-il, la détermination dans la voix.

« Demain matin à l'aube, » répondit Kelran en relâchant doucement l'épée. « Prépare-toi bien. Les Forêts d'Ombrelune ne sont pas un endroit à prendre à la légère. Une fois là-bas, il n'y aura personne pour te venir en aide. Mais souviens-toi : tu as déjà en toi tout ce dont tu as besoin pour réussir. Écoute le vent, et il te guidera. »

Aran passa la nuit à préparer son équipement. Il vérifia ses provisions, affûta son épée et prit quelques heures pour méditer, se concentrant sur les enseignements de Kelran. Le vent sifflait doucement autour de la maison, et dans ce bruit familier, Aran sentait une certaine connexion, une anticipation presque palpable de ce qui l'attendait.

Le lendemain matin, Aran se tenait sur la place du village de Kelmir, prêt à partir. Le soleil était encore bas à l'horizon, et une légère brume couvrait les champs environnants. Kelran l'attendait, bras croisés, devant l'entrée du village.

« Tu es prêt ? » demanda Kelran.

« Aussi prêt que je peux l'être, » répondit Aran, ajustant son sac sur son épaule.

Kelran hocha la tête. « Souviens-toi, Aran. Ce voyage n'est pas seulement un test de force. C'est un test de maîtrise. Écoute les brises, ressens chaque changement dans l'air. Les Ventara sont rapides, mais tu peux l'être plus si tu anticipes leurs mouvements. Ne te précipite pas. Sois aussi fluide que le vent que tu écoutes. »

Aran serra la main de Kelran, un geste de respect silencieux entre maître et élève. Puis, sans un mot de plus, il se mit en route vers le sud, ses pas guidés par le vent qui soufflait doucement dans les collines. Derrière lui, Kelran le regarda s'éloigner, certain que le véritable apprentissage de son élève venait à peine de commencer.

Les Forêts d'Ombrelune l'attendaient, et avec elles, le véritable test de son habileté à maîtriser le Lamevent.