Ale quitta son village, jetant un dernier regard sur les ruines enneigées qui avaient autrefois été son foyer. C'était peut-être la dernière fois qu'il voyait cet endroit rempli de souvenirs d'enfance. Le cœur lourd mais empli de détermination, il se tourna vers l'horizon. Il savait où il devait aller.
Il avait une idée précise pour la suite de son voyage : se rendre à Eldoria, la capitale de cette province frontalière située au sud-ouest de l'empire de Valoria. À l'ouest de la province, une chaîne de montagnes imposantes formait une barrière naturelle, et son village se trouvait niché dans l'une de ces montagnes.
Depuis l'âge de douze ans, deux fois par mois, Ale accompagnait son grand-père lors de la descente de la montagne. Ensemble, ils se rendaient à Eldoria pour vendre les herbes médicinales qu'ils recueillaient dans les hauteurs. Le marché de la place centrale de la ville était leur destination habituelle. Son grand-père y était connu comme un marchand honnête, fournisseur de produits d'une qualité exceptionnelle. Les clients l'accueillaient toujours avec respect et amitié.
Ale se souvenait avec nostalgie des moments passés sur le marché. Il s'était lié d'amitié avec des enfants de son âge, fils et filles de commerçants ambulants. Ils couraient dans les ruelles, jouaient près des fontaines et partageaient des histoires sous le soleil d'été. Ces souvenirs lui réchauffaient le cœur malgré la froideur de l'hiver présent.
Peut-être que les personnes qui connaissaient son grand-père pourraient lui en dire plus sur son passé, révéler des choses qu'il ignorait encore. C'était aussi une ville où de nombreuses opportunités s'offraient à ceux qui savaient les saisir. Avec les compétences qu'il possédait désormais, il ne doutait pas de pouvoir s'y installer et trouver sa place. Eldoria représentait l'espoir d'un nouveau départ, loin des tragédies qu'il avait vécues. Il resserra son manteau autour de lui pour se protéger du froid et entreprit la descente de la montagne, suivant les sentiers familiers qu'il avait tant de fois parcourus avec son grand-père.
Le voyage vers Eldoria fut à la fois nostalgique et empreint de solitude. Les sentiers escarpés étaient recouverts de neige, et le froid mordant rappelait à Ale combien de temps s'était écoulé depuis sa dernière visite. Il se demanda combien de mois s'étaient écoulés depuis sa chute dans le sanctuaire. Le printemps s'était transformé en hiver, et il avait perdu la notion du temps.
La route, autrefois tranquille et signe de paix, était désormais devenue plus dangereuse. Ale croisait des animaux sauvages agressifs, des créatures magiques qui, autrefois, ne sortaient pas en plein jour. Ces êtres, qui se cachaient jadis des chemins empruntés par les hommes, osaient maintenant attaquer sans provocation. Ces changements l'inquiétaient profondément. Depuis la nuit tragique dans son village, tout semblait avoir changé secrètement.
Heureusement, grâce à l'entraînement intensif avec Nyxion, ces menaces ne représentaient plus un réel danger pour lui. Ale éliminait les créatures hostiles en un rien de temps, utilisant sa magie avec une maîtrise nouvelle. Cependant, le fait même que ces créatures osent attaquer en plein jour était un signe alarmant. Quelque chose d'anormal se passait dans le monde.
En traversant d'autres villages sur son chemin, Ale remarqua avec consternation que beaucoup étaient dans le même état que le sien. Les habitations étaient en ruines, les rues désertes, et le silence régnait là où autrefois les rires et les conversations animaient les lieux. Les signes de destruction étaient évidents, et il n'y avait presque aucun survivant pour raconter ce qui s'était passé.
Ale sentit une profonde tristesse l'envahir. Il n'était pas le seul à avoir tout perdu. Le chaos semblait s'être répandu, touchant de nombreux endroits. Était-ce l'œuvre des fidèles des Ténèbres ? Ou bien une autre force était-elle à l'œuvre ?
Déterminé à comprendre ce qui se passait, Ale accéléra le pas vers Eldoria. La ville, capitale de la province, serait peut-être épargnée.
Après une journée et une nuit de descente, Ale atteignit enfin le pied de la montagne. Devant lui s'étendait une vaste plaine enneigée, suivie d'une forêt dense qu'il devrait traverser pour atteindre Eldoria.
Le voyage prenait généralement quatre jours et trois nuits, à condition d'arriver avant la fermeture des portes de la ville à vingt heures. Les souvenirs de ces voyages avec son grand-père affluaient, chaque détail rappelant une époque plus simple et heureuse.
Ils se préparaient toujours minutieusement : une tente pour dormir à la belle étoile, une casserole, des pierres magiques pour allumer le feu, du pain. La nourriture ne les préoccupait pas outre mesure, la montagne regorgeait de richesses naturelles. Champignons, herbes comestibles, miel sauvage, poissons des rivières cristallines—autant de ressources qui rendaient leurs voyages agréables.
Perdu dans ces souvenirs chaleureux, Ale fut soudainement ramené à la réalité par des cris perçants :
« Au secours ! »
Le regard d'Ale se porta vers l'origine des appels désespérés. À une centaine de mètres, à l'entrée de la forêt de Jura, une scène chaotique se déroulait.
Une diligence s'était renversée sur le côté, ses roues encore tournantes témoignaient de la violence de l'accident. Deux hommes étaient en difficulté. Le premier, un homme obèse d'une quarantaine d'années, aux cheveux courts et vêtu de riches vêtements, courait en direction d'Ale, le visage déformé par la panique. C'était lui qui criait à l'aide.
Le second, plus jeune, dans la trentaine, grand et mince avec des lunettes et des cheveux noirs, tentait désespérément de défendre leur position. Armé d'une simple épée, il reculait pas à pas face à trois assaillants à l'allure menaçante. Ces derniers, à la corpulence de guerriers, portaient des armures de cuir usées, typiques des aventuriers ou des mercenaires. Leur attitude agressive ne laissait aucun doute sur leurs intentions hostiles.
Près de la diligence, deux corps gisaient inertes sur le sol enneigé, le sang formant des contrastes cramoisis sur la blancheur immaculée. Leurs tenues exotiques indiquaient qu'ils étaient probablement des voyageurs venus de contrées lointaines.
Une colère froide monta en Ale en voyant cette scène. Les images de son village détruit, de son grand-père tombé, revinrent brutalement à sa mémoire. Ces hommes avaient tué sans remords, tout comme ceux qui avaient ravagé sa vie. Il ne pouvait pas laisser cela impuni. Sans hésiter, il décida d'intervenir.
Il savait qu'il devait être prudent avec l'utilisation de ses pouvoirs. Utiliser la magie des Ténèbres pourrait le faire passer pour un fidèle des Ténèbres, ce qu'il voulait éviter à tout prix. Il décida donc d'utiliser la magie du feu pour attaquer et la magie de la terre pour se défendre.
Les trois bandits remarquèrent sa présence. L'un d'eux, un homme à la barbe hirsute, ricana en le voyant approcher. « Regardez qui voilà ! Un gamin veut jouer les héros ? Dégage si tu ne veux pas finir comme les autres ! »
Sans répondre, Ale leva sa main droite, invoquant la magie du feu. Une flamme intense jaillit de sa paume, dansant avec puissance. Surpris, les bandits échangèrent des regards inquiets.
Ale fixa l'homme droit dans les yeux, une détermination glaciale dans le regard. « Vous avez tué ces gens sans pitié. Je ne peux pas vous laisser continuer. »
Le deuxième assaillant, un colosse au crâne rasé, s'avança en brandissant une hache imposante. « On va te faire regretter ton insolence ! »
Les bandits se ruèrent sur lui. Ale frappa le sol du pied, et un mur de pierre surgit entre lui et ses assaillants, bloquant leur avancée. L'un des bandits tenta de contourner l'obstacle, mais Ale l'attendait. Il lança une boule de feu qui frappa l'homme en plein torse, le projetant au sol.
Puis Ale leva la main et incanta rapidement un sort de feu. Une boule de flammes jaillit de sa paume et fonça droit sur l'un des bandits, le bandit recula en criant, son bras brûlé par les flammes.
Le dernier bandit, voyant ses compagnons neutralisés, hésita un instant. Ale profita de cette distraction pour créer des lianes de terre qui jaillirent du sol et entravèrent les pieds de l'assaillant, le faisant tomber lourdement.
Le conducteur de la diligence, qui s'était enfui et observait de loin, revint prudemment. Les marchands, soulagés, s'approchèrent d'Ale.
« Merci, merci infiniment ! Vous nous avez sauvé la vie ! » s'exclama l'homme aux vêtements riches, le souffle encore court.
« Nous ne savons pas comment vous remercier, » ajouta le plus jeune, réajustant ses lunettes sur son nez.
Ale hocha modestement la tête. « Je suis heureux d'avoir pu vous aider. Est-ce que vous allez bien ? »
« Grâce à vous, oui, » répondit l'homme. « Je me présente, je suis Baldwin, marchand de Marchand de fruits et de noix, et voici mon assistant, Luther. »
« Enchanté. Je m'appelle Ale, » dit-il simplement.
Baldwin reprit : « Nous nous rendons à la ville de Luminis, située au sud d'Eldoria, la plus grande ville portuaire de la région. Si vous voyagez dans la même direction, accepteriez-vous de nous accompagner ? Votre présence nous rassurerait grandement après cette mésaventure. »
Ale réfléchit un instant. « Je me rends à Eldoria, mais je peux vous accompagner jusqu'à ce que nos chemins se séparent. »
« Ce serait merveilleux ! » s'exclama Luther avec un sourire.
Ils remirent la diligence en état, Ale utilisant discrètement sa magie de la terre pour réparer une roue endommagée. Une fois prêts, ils reprirent la route ensemble.
Durant le trajet, ils discutèrent des nouvelles récentes dans la région.
« Les routes sont devenues bien plus dangereuses qu'avant, » expliqua Baldwin avec une moue inquiète. « Les bandits se font plus audacieux, et même les créatures sauvages semblent plus agressives. »
Luther ajouta : « Il y a des rumeurs selon lesquelles des forces obscures seraient à l'œuvre. Certains parlent de fidèles des Ténèbres qui rôderaient à nouveau. »
Ale écoutait attentivement. « C'est préoccupant. Avez-vous entendu parler d'attaques sur d'autres villages ? »
« Malheureusement, oui, » répondit Baldwin en hochant la tête. « Plusieurs villages ont été pillés ou détruits. Les autorités semblent dépassées. »
Baldwin changea ensuite de sujet, l'air plus enthousiaste. « Mais parlons de choses plus agréables ! Nous avons récemment découvert un fruit extraordinaire provenant d'une nation lointaine. Grâce à Luther, nous avons pu en obtenir une petite quantité, et nous voyons une opportunité de le vendre ici. »
« Un fruit ? » demanda Ale, intrigué.
« Oui, » répondit Luther en sortant un fruit de sa besace. Il s'agissait d'un fruit à l'apparence dorée, scintillant légèrement sous la lumière. « Nous l'appelons l'Eldor. Nous parcourons les villes et les villages pour le faire goûter aux gens. Le premier est toujours gratuit, » ajouta-t-il avec un sourire énigmatique.
« Il est délicieux et possède des saveurs uniques, » poursuivit Baldwin. « Nous espérons qu'il deviendra très populaire dans l'empire. »
Ale prit le fruit que Luther lui tendait. « Merci. Je le goûterai plus tard. »
Après plusieurs heures de voyage, ils atteignirent la bifurcation où leurs chemins se séparaient. La forêt derrière eux, ils s'arrêtèrent un moment.
« Nous prenons ce chemin vers Luminis, » indiqua Baldwin. « Vous continuez tout droit pour Eldoria. »
Ale sourit légèrement. « Très bien. Je suis heureux d'avoir pu vous accompagner jusqu'ici. »
Baldwin sortit alors une petite bourse de sa poche et la tendit à Ale. « Veuillez accepter ceci en signe de notre gratitude. Sans vous, nous n'aurions peut-être pas survécu à cette attaque. »
Ale hésita un instant, puis accepta la bourse avec reconnaissance. « Merci. Cela m'aidera beaucoup. Prenez soin de vous sur le reste du trajet. »
« Vous aussi, Ale. Si vous passez par Eldoria, n'hésitez pas à nous rendre visite à la guilde des marchands. Nous y aurons peut-être des affaires, » dit Baldwin avec un clin d'œil.
Luther tendit à nouveau un fruit Eldor à Ale. « En voici un autre, pour le chemin. N'hésitez pas à le partager avec quelqu'un si vous le souhaitez. »
« Merci, » répondit Ale en prenant le fruit.
Après un dernier échange de salutations, ils se séparèrent. Ale regarda Baldwin et Luther s'éloigner vers Luminis, puis reprit sa route vers Eldoria. La bourse d'argent qu'il avait reçue serait précieuse pour s'installer en ville. Il était désormais mieux préparé pour affronter les défis qui l'attendaient.
Sur le chemin, il jetait de temps en temps un regard au fruit Eldor. Son apparence dorée était fascinante, et il se demandait quelle saveur il pouvait bien avoir. Mais pour l'instant, il préféra le conserver, savourer le goûter plus tard.
Ale continua son voyage, le cœur empli de nouvelles questions. Les informations recueillies auprès de Baldwin et Luther confirmaient que le monde était en train de changer, et pas nécessairement pour le mieux. Il devait rester vigilant et découvrir ce qui se tramait réellement.