Kael dérivait dans cette obscurité lumineuse, une espèce de brouillard sans queue ni tête, là où le vide semblait peser sur son esprit comme une chape de plomb. Plus de corps, plus de voix—juste une sensation bizarre d'être là, suspendu dans rien, comme un vague souvenir de ce qu'il avait été. Il essayait de rassembler ses idées, de retrouver un semblant de logique dans ce chaos, mais à chaque fois, ses pensées se fracassaient contre un mur invisible. Le temps ? C'était devenu un concept flou, comme quand on sort d'un rêve sans trop savoir quelle heure il est.
« Où suis-je ? » se répétait-il, encore et encore, sans aucune réponse à l'horizon. Combien de temps avait-il erré ainsi, en mode étincelle perdue dans un océan de sable ? Impossible à dire. Chaque effort pour comprendre ce nouveau monde ne faisait que le renvoyer à son propre désarroi. Il n'était plus Kael, le scientifique sûr de lui. Il était devenu… autre chose. Une sorte de fantôme sans corps, sans passé clair.
Et puis, bam ! Un choc, comme une secousse qui déchire tout ce qui restait de lui. Sa perception se réaligna soudainement, et il se retrouva à "voir" de nouveau—si on pouvait appeler ça voir. C'était flou, bizarre, comme regarder à travers un verre déformé. Des sensations chaudes l'entouraient, un genre de lumière aveuglante, tout ça dans une espèce de ciel qui n'était pas vraiment un ciel. Juste une masse de poussière dorée, mouvante, étouffante.
Il comprit alors qu'il était sur une vaste plaine de sable, mais ce sable-là, c'était pas le genre qu'on trouve dans les déserts qu'il connaissait. Non, chaque grain avait une sorte de lueur propre, un peu comme des mini-étoiles jetées au sol. Le paysage entier semblait bouger, remodelé sans cesse par une force qu'il ne pouvait pas voir. Et le ciel, ou ce qui en tenait lieu, était comme une toile mouvante de bleu électrique et de rouge incandescent. On aurait dit un coucher de soleil sous LSD, un peu trop flashy pour être honnête.
« Merde, je suis vraiment là… » pensa Kael, se sentant soudainement écrasé par l'ampleur de sa situation. Ce n'était pas une simulation, ce n'était pas un trip. C'était bien réel, aussi réel qu'un mauvais rêve dont on ne se réveille pas. Il tenta de bouger, mais il n'avait pas de corps. Rien qu'une conscience flottante, perdue dans ce désert énergétique.
Il essaya de comprendre ce qu'il était devenu, cherchant les limites de sa nouvelle forme. Une vibration sourde l'entourait, comme un murmure constant, presque une mélodie jouée à l'arrière-plan de son esprit. Chaque grain de sable semblait avoir sa propre note, une fréquence unique qui, ensemble, créait un brouhaha délicat, presque harmonieux. Ça aurait presque été apaisant si ça n'avait pas été aussi dérangeant.
Kael commença à percevoir d'autres choses. Des formes, floues et indistinctes, passaient devant lui. Des ombres sans but, sans direction. Elles flottaient là, parfois s'approchaient, parfois restaient à distance, silencieuses. Il réalisa alors qu'il n'était pas seul. Ces ombres, c'était pas juste du vide. C'était des consciences, comme la sienne, perdues, piégées, ou nées ici, qui sait ? Peut-être des esprits d'autres gens, d'autres voyageurs égarés dans ce même foutu grain de sable.
Il tenta de les approcher, de les toucher d'une manière ou d'une autre, mais chaque fois qu'il essayait, les ombres s'évanouissaient, comme de la fumée soufflée par un coup de vent. Il se sentait incroyablement seul, encore plus qu'avant. C'était pas juste une solitude physique, mais une absence totale de sens, de repères. Son identité, autrefois aussi solide que du béton, était devenue un souvenir flou, une voix lointaine qui s'effaçait à chaque instant.
Puis, une lumière lointaine capta soudain son attention. Une lueur, plus intense que tout le reste, se dessinait à l'horizon. Elle était si brillante que Kael devait presque « détourner » sa perception pour ne pas être ébloui. C'était comme un phare dans une nuit sans fin, et Kael sentit qu'il devait s'en approcher. Il se laissa porter, comme s'il était aspiré par une force invisible.
À mesure qu'il avançait, cette lumière se transforma. Ce n'était pas un objet. Pas vraiment. Plutôt une accumulation d'énergie, une concentration de conscience. Une entité puissante, très ancienne, qui semblait l'attendre, là, patiemment.
« Qui… es-tu ? » essaya-t-il de demander, lançant sa pensée comme on lance une bouteille à la mer. Pas sûr que ça marche, mais il fallait tenter.
Une réponse arriva, mais pas en mots. C'était plus un écho dans son esprit, une sorte de frisson dans ses pensées. « Bienvenue, voyageur. Tu es l'un des nôtres désormais. Un être de conscience pure. Tu t'es perdu dans les sables. »
Kael sentit un frisson glacé. Cette chose savait. Elle savait qui il était, peut-être même plus que lui-même. « Je ne devrais pas être là… Je suis Kael, un scientifique… je dois revenir… »
L'entité émit une sorte de vibration, une onde de compréhension mêlée de tristesse. « Le retour n'est plus possible, Kael. Tu as franchi une limite que peu osent traverser. Ici, tu fais partie du tout. Tu n'es plus seulement toi, mais un fragment de cet immense réseau de consciences. »
Kael ne pouvait pas accepter ça. Son esprit humain, avec toutes ses limitations, ses doutes, luttait contre cette réalité. « Non ! Je refuse. Il doit y avoir un moyen ! »
L'entité resta silencieuse, continuant de briller paisiblement. Kael ressentit alors une marée de souvenirs étrangers, des vies qui n'étaient pas les siennes, des fragments d'autres esprits perdus ici avant lui. Des visions d'êtres piégés, fusionnés avec le sable, cherchant une sortie dans un labyrinthe sans porte.
À cet instant, un mot résonna dans sa conscience : transcendance. C'était plus qu'une technologie ou une théorie. C'était un état d'être, une transformation profonde. Pour comprendre ce monde, il devait dépasser ses propres limites, réapprendre ce que cela signifiait d'exister.
Mais il n'était pas prêt à lâcher prise. Tant qu'il pouvait encore penser, il pouvait se battre. Kael se jura qu'il trouverait une issue, qu'il comprendrait ce nouveau monde et récupérerait son identité. Ce désert de sable et de lumière ne serait pas sa fin. Il était encore Kael, avec toute la détermination qui l'avait mené ici. S'il devait naviguer cet océan de conscience, alors il le ferait, coûte que coûte.