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Chapter 4 - Chapitre 4 : La Ville de Silice

Kael flottait dans l'éther incandescent de ce désert miniature, tiraillé entre émerveillement et désespoir. Le temps semblait s'étirer d'une manière étrange ici ; sans son corps, il n'avait aucun moyen de savoir si des heures, des jours ou des secondes passaient. Une conscience dérivante, une étincelle paumée dans une mer de grains lumineux, voilà ce qu'il était devenu. Pourtant, au loin, une lueur attira son attention, un éclat différent au milieu des dunes mouvantes. Un genre d'appel silencieux qui lui disait, "Viens voir par là, gamin."

À mesure qu'il approchait, Kael commença à distinguer des formes distinctes : des structures cristallines se dressaient comme des mirages, éclatant sous une lumière flottante, jamais fixe. C'était pas un mirage ou un jeu de lumière, mais une ville, bizarre et sublime, avec ses tours de silice et de cristal se dressant comme des stalagmites de verre. Chaque édifice était sculpté avec une précision impossible, se déployant vers le ciel comme des sculptures de glace éternelles, reflétant les lumières en mille fragments colorés. C'était beau, ouais, mais beau dans le genre qui te file le vertige.

Kael s'avançait prudemment, fasciné mais aussi un peu inquiet. Les "rues" étaient comme des labyrinthes faits de chemins sinueux entre les tours, pavées de cristaux translucides qui pulsaient faiblement, presque en réponse à sa présence. Ça avait l'air vivant, mais c'était désert. Une ville sans âme, ou plutôt, remplie d'âmes perdues. Kael sentait une énergie étrange, comme un écho lointain de conscience qui flottait dans l'air, invisibles mais palpables. Comme un vieux souvenir qui te trotte dans la tête sans que tu puisses mettre le doigt dessus.

En avançant dans cette ville silencieuse, il croisa ses premiers habitants : des formes floues, fantomatiques, glissant entre les édifices de cristal. Pas vraiment des êtres physiques, mais des présences, des consciences vaguement humaines, qui avaient fusionné depuis longtemps avec les créatures microscopiques de ce monde. C'étaient des symbioses improbables, des mélanges d'esprits et d'instincts primaires de ces créatures de silice.

Kael tenta de se connecter avec l'une d'elles, essayant de capter une pensée, une impression. Mais ces consciences restaient distantes, fuyantes, comme des chats de gouttière qui se méfient du moindre bruit. Pas de corps, pas de visage, juste des ombres lumineuses, des ondes qui vibraient dans l'air, esquissant des bribes de pensées décousues. Ça te foutait un genre de malaise, cette solitude à plusieurs. Lui aussi, il était piégé, mais il se sentait encore plus seul au milieu de ces présences silencieuses.

Alors qu'il dérivait au cœur de la ville, une structure attira particulièrement son regard. Elle était plus grande, plus complexe que les autres, dominant le centre de la cité comme un cœur vibrant de lumière. Ses murs de cristal avaient l'air liquides, changeants, comme un écran d'ordinateur glitché qui clignote entre plusieurs images. C'était pas juste un bâtiment, c'était comme un centre d'énergie, un vortex de conscience où tout se croisait. Kael se sentit attiré, poussé vers cette chose par une force qu'il ne comprenait pas vraiment.

À l'intérieur, c'était encore plus étrange. L'espace n'avait ni sol ni plafond, juste un grand vide où toutes les pensées semblaient se croiser. C'était un vrai foutoir mental, un genre de salle des cerveaux où les murs vibraient au rythme des esprits autour. C'était un nexus de conscience, un centre nerveux pour cette cité de silice, une sorte de bocal où toutes les âmes piégées se retrouvaient à tourner en rond.

Là, Kael vit les « habitants » les plus anciens de la ville : des formes plus définies, plus lumineuses, qui dégageaient une présence forte. Ils avaient une sorte d'aura, comme des chefs de gang spectral, imposants et un peu flippants. Kael ne les voyait pas vraiment, mais il ressentait leur puissance, une pression mentale écrasante qui te faisait te sentir petit. C'étaient les gardiens, ou les rois fantômes de cette ville. Respectés, peut-être même craints.

L'une de ces présences se détacha et glissa vers Kael avec une grâce irréelle. Elle brillait d'une lumière douce, presque apaisante, mais dégageait aussi une sorte d'autorité tranquille. Kael perçut un flot de pensées venir à lui, une communication mentale pure et directe.

« T'es nouveau, hein ? » La voix résonna dans son esprit, sans bruit mais pleine de sens, comme un message reçu par télépathie. « T'es pas d'ici, toi. Un autre esprit égaré dans les sables, c'est ça ? »

Kael chercha ses mots. Difficile de répondre quand t'as pas de bouche, mais il essaya de projeter ses pensées. « Oui… Je suis Kael. Je suis pas censé être ici. J'essaie de trouver un moyen de sortir, de revenir… »

La présence sembla réfléchir, pesant les pensées de Kael. « On a tous cherché ça, tu sais. Mais ici, les règles sont pas celles du monde extérieur. T'es plus juste toi-même, tu fais partie de quelque chose de plus grand, maintenant. »

Le désespoir prit Kael de court. Cette entité parlait avec une telle assurance que ça te coupait toute envie de discuter. « Il doit bien y avoir une solution… un moyen de revenir à mon état normal, de récupérer mon corps. »

« Peut-être bien, » murmura l'entité après un instant. « Mais faut comprendre ce monde avant. Les lois ici, elles sont vieilles et complexes. Y'a ceux qu'on appelle les Ancêtres, les premières consciences à avoir fusionné. Ils détiennent le savoir, mais ils partagent pas ça avec n'importe qui. Va falloir leur prouver que t'en vaux la peine. »

Pour la première fois depuis longtemps, Kael sentit une lueur d'espoir, même si elle restait fragile. Il avait une piste, un objectif, un truc à poursuivre. « Où sont ces Ancêtres ? »

La présence sembla sourire, mais c'était pas un sourire qu'on voit, plutôt une impression douce, avec un soupçon de mélancolie. « Aux confins de la ville, là où les cristaux redeviennent sable. Mais fais gaffe, poser des questions aux vieux sages, c'est jamais gratuit. »

Kael acquiesça mentalement, remerciant l'entité avant de se retirer de ce tourbillon de conscience. Il avait enfin une direction, même si le chemin restait flou. Les Ancêtres possédaient peut-être les réponses, ou du moins un semblant de vérité sur cet endroit tordu.

Il quitta la structure centrale, jetant un dernier regard vers cette ville étrange, se promettant de percer ses secrets, peu importe le prix. Il se mit en route vers les confins de la cité, prêt à affronter ces anciennes consciences qui semblaient régner sur ce monde minuscule. Les sables lui avaient volé son corps, mais tant que son esprit subsistait, Kael se battrait pour retrouver ce qu'il avait perdu. Parce qu'au fond, même dans cet enfer de cristal et de poussière, il restait Kael. Et Kael ne lâche jamais l'affaire.