Kael progressait dans l'immensité chaotique de ce désert microscopique, une mer infinie de sable où chaque grain cachait ses propres mystères. Franchement, il n'avait jamais ressenti une telle solitude, un tel désarroi. Ce n'était pas juste hostile ; c'était un univers où tout semblait marcher à l'envers, où même la logique se faisait la malle. Un endroit où la réalité, c'était un peu comme la pâte à modeler, malléable, changeante. Parfois, tu crois marcher droit et tu te retrouves à faire du surplace.
Les Épurateurs rôdaient, toujours quelque part, comme des chacals invisibles. Ces créatures, Kael les avait déjà croisées. Froides, implacables, elles traquaient toute conscience qui osait braver l'ordre bancal de ce monde. Il avait survécu à leur première rencontre, mais il se doutait bien que ce n'était que le début. Dans ce désert où la matière se confondait avec l'esprit, chaque mouvement, chaque pensée devait être millimétré, calculé. Un peu comme jouer aux échecs avec quelqu'un qui change les règles en plein milieu de la partie. Kael savait qu'il n'avait que son cerveau et un brin de chance pour se sortir de là.
Plus loin, des lueurs vacillantes éclataient dans le ciel bizarre comme des éclairs silencieux, des flashes sans bruit qui éclairaient un instant les dunes mouvantes. Kael savait que ces phénomènes n'avaient rien de naturel. C'était comme si le monde lui-même faisait sa propre tambouille, mélangeant l'espace et le temps à sa sauce, tordant la réalité jusqu'à ce que plus rien n'ait de sens. Un terrain miné de pièges, où tout pouvait partir en vrille d'une seconde à l'autre.
Il s'arrêta devant une formation étrange : un mur de sable compacté, dense et presque impénétrable. Ça ressemblait à une falaise de grains serrés les uns contre les autres, mais il ressentait autre chose. Un frémissement, un champ d'énergie que seuls ses sens désorientés pouvaient percevoir. Pas juste un obstacle. Un truc vivant. Un piège, ou une sentinelle silencieuse posée là pour filtrer ce qui osait s'approcher. Ça ressemblait à un de ces rêves bizarres où tu cours mais où il y a toujours un mur qui se dresse devant toi.
Kael pensa à ses années en labo, aux simulations sur les particules quantiques qui faisaient n'importe quoi quand on les observait de trop près. Peut-être que ce mur, c'était un truc du même genre : une barrière érigée par la matière elle-même, réagissant à sa présence comme une vieille porte capricieuse. Bon sang, il se disait parfois que toutes ces années de recherche ne l'avaient pas vraiment préparé à ça. Mais bon, on fait avec ce qu'on a.
Il s'approcha prudemment, sondant la structure comme il aurait étudié une nouvelle molécule instable. Le champ d'énergie émettait une fréquence basse, presque une note de musique qui vibrait dans l'air. Kael tenta de synchroniser ses propres pensées avec cette résonance, un peu comme essayer d'accorder une guitare en désaccord. Au bout de plusieurs essais ratés, il sentit enfin une réponse. Le mur vibra doucement, les grains s'écartant juste assez pour le laisser passer. Une petite victoire, un moment de satisfaction vite balayé par un grondement profond, venu de sous ses pieds.
Le sol se mit à trembler et les dunes ondulèrent comme une mer agitée. Kael comprit qu'il venait de déclencher quelque chose. Une forme sombre jaillit du sable, une spirale effrayante qui se déploya en un éclair : un autre Épurateur, mais différent de celui qu'il avait vu avant. Plus petit, plus vif, comme un serpent de cristal affûté pour la chasse. Une créature qui semblait tout droit sortie d'un cauchemar techno-organique, belle et mortelle à la fois, avec des pointes brillantes prêtes à l'épingler comme un papillon.
Il n'eut qu'une fraction de seconde pour réagir. La créature fondit sur lui, ses pointes scintillantes déchirant l'air. Kael, sans corps à proprement parler, focalisa ses pensées pour créer une barrière d'énergie, détournant l'attaque de justesse. L'Épurateur heurta son bouclier mental et explosa en fragments, mais se reconstitua presque immédiatement. Un genre de Lego vivant qui ne connaissait pas le bouton « Off ».
Ce n'était pas une lutte physique, c'était une bataille d'esprits. Kael pensa à ces heures passées à potasser la mécanique quantique, ces concepts d'interactions particule-conscience qu'il avait toujours cru rester de la théorie pure. Eh bien, maintenant, c'était pas du papier, c'était sa réalité. Il devait penser comme un scientifique, prévoir les mouvements de l'Épurateur comme s'il résolvait une équation vivante.
Il se mit à manipuler le sable autour de lui, modifiant les vibrations pour créer des interférences. Chaque geste mental, chaque calcul était une tentative de déstabiliser la créature. L'Épurateur, perturbé par les fluctuations, vacilla brièvement, laissant une fenêtre d'action à Kael.
Il ne perdit pas de temps, intensifiant ses ondes mentales pour désintégrer la créature un instant. L'Épurateur se dispersa en une myriade de particules scintillantes, s'évaporant dans l'air avant de se reconstituer plus loin. Pas vaincu, juste repoussé. Kael savait que c'était une victoire temporaire. Les Épurateurs, ces sales bêtes, ne s'arrêtaient jamais. Toujours à chasser, toujours à surveiller.
L'affrontement laissa Kael épuisé, les pensées en charpie, mais avec un enseignement crucial en tête : ici, la survie n'était pas une question de force brute. C'était une question d'intelligence, d'adaptation, de ruse. De science, même si le monde autour de lui semblait parfois se moquer des lois établies. Il n'avait pas de corps à défendre, mais son esprit, sa conscience restaient sa seule arme. Chaque duel était une danse entre l'existence et l'effacement.
Il reprit son chemin, plus vigilant, scrutant chaque formation de sable, chaque ombre comme un potentiel piège ou une opportunité cachée. Dans ce désert où la réalité elle-même semblait jouer contre lui, il n'avait d'autre choix que de continuer à avancer. Utiliser chaque bribe de savoir, chaque leçon apprise pour naviguer cet enfer microscopique où rien n'était jamais vraiment ce qu'il semblait être.