Le matin, je suis très angoissée, encore plus que d'habitude. Mitch le voit dès que je monte dans le bus, son sourire s'évanouit dès que nos se croisent.
- Et bien Kristen, ça ne va pas ?
- Si je vais bien... Si je suis juste un peu... Nerveuse. Réponds-je en croisant mes bras comme pour me réchauffer.
- Qu'est-ce que tu as ?
- Je ne veux pas... Je ne préfère pas... Bégayé-je.
- Bien, je respecte ton choix.
Contrairement à d'habitude, le trajet se passe en silence. J'ai envie de pleurer tellement je redoute cette étape de ma formation.
Je devrais peut être en parler, mais à qui ? Comment ? Tout ça ne rimes à rien, je n'arrive pas à en parler à Mitch, mon chauffeur de bus, un sage, un homme contre la violence, un homme qui ne juge jamais personne.
Le trajet, bien que passer dans le plus grand calme a été plus rapide que d'ordinaire. Je laissais passé tout le monde sans arriver à bouger de mon siège.
- Kristen, tu es arrivée, me signale Mitch.
Je regarde Mitch, les larmes aux yeux. Je le prie même en silence de ne pas me laisser descendre.
- Tu peux y aller, tu ne risque rien, m'encourage t-il.
- À ce soir Mitch.
Si je suis toujours en vie d'ici là.
Mitch me sourit et je descend du bus, avec une tension palpable. Je me dirige vers le mur pour me mettre en rang, James et les élèves m'attendent.
- Kristen, merci de nous faire honneur de ta présence, me sermonne James.
- Pardon, monsieur, lui murmuré-je.
Je me place avec les autres.
- Rentrez, ordonne James.
Nous nous exécutons. Quand je passe devant James, il me regarde et me fait signe de m'arrête.
- Tu as raté le bus, Kristen ?
- Non, monsieur.
- Tu t'es perdu dans ce cas ?
- Non, monsieur.
- Tu as une excuse pour ton retard ?
La moutarde me monte, j'en ai assez.
- Je vous ai déjà demandé pardon, vous voulez que je réitère mes excuses ? Parfais, je suis désolée cela ne se reproduira plus.
- Tes yeux...
- Quoi mes yeux ? Qu'est-ce qu'ils ont mes yeux ?
- Tu utilises ton don... S'étonne t-il. Tu as un problème Kristen, je peux t'aider ?
J'ai tellement peur du cours et des semaines qui s'annoncent que je fais appelle au don pour ne pas m'enfuir en hurlant ? Plus courageuse çà existe cela ne fait aucun doute.
- Kristen ? Insiste James.
Je dois lui expliquer. Peut-être comprendra t-il ?
- Je ne... J'ai peur des... Je ne préfère pas…
Voilà une phrase bien cohérente.
- Vas en cours Kristen mais tu dois savoir... Si tu as besoin, je suis là pour ça. Tu peux me parler de n'importe quoi, je ne suis pas là pour te juger, je suis là pour te guider et pour t'aider si tu as besoin.
Je ne sais pas quoi répondre, je me contente donc d'un hochement de tête et je me dirige. Avant d'y entrer, je regarde James pour savoir dans quelle salle des combats je dois entrer.
- Tes yeux sont de nouveaux noirs Kristen.
- Oh, merci. Dis-je dans un souffle.
Je n'y pensais plus, à vrai dire, ça ne fais aucune différence pour moi mais je suis rassurée de ne pas montrer aux autres que c'est une torture pour moi de rentrer dans cette pièce.
- Allez, rentre, nous avons pris assez de retard comme ça me dit-il en ouvrant la porte.
Je rentre un premier avec James derrière moi.
- Excuse-moi, je devais parler à Kristen de son retard, annonce James à Léo.
- Ne t'en fais pas.
Le cours avec Léo commence, la première semaine nous nous battons contre des sacs.
- Je vais vous faire une démonstration, cette année, nous n'allons pas faire comme les années précédentes. Nous nous sommes mis d'accord et nous allons diviser la classe par deux, James supervisera le premier groupe et moi le second. Mais je serais le seul à vous noter pour l'examen blanc et ensuite votre superviseur corrigera vos points faibles. Dit Léo.
- Et si on n'en a pas ? Demande David.
Léo éclate de rire, j'entends également James ricaner.
- Mon cher, tu n'es pas courageux, tu es stupide, ignorant et vantard, sans oublier arrogant. Tout le monde ici a des points faibles, nous pouvons t'aider à les corriger mais pas à les supprimer. Nous allons simplement changer tes grosses erreurs en des erreurs qui ne te seront pas fatales.
- Je n'ai pas de point faible, je vous le répète, insiste David.
- Rien que l'arrogance est un point faible, te croire invincible peut te conduire directement à ta perte.
David pâlit à cette annonce. Personne n'a bougé, personne n'a rien dit, nous attendons, tous alignés, dans la posture des braves. Pour ma part, je connais mon point faible, les contacts physique.
- James, choisis tes élèves, reprend Léo.
- Aurore, Josh, Savannah, Kristen, David, Fabien, Steven, Léna, Stacy, Justine, Suzanne, Patrick, Kelly, Achille et Quentin, venez avec moi.
Nous partons tous les quinze avec James. Je ne sais pas si je suis contente et soulagé ou si je suis triste et anxieuse d'être supervisé par James. Tout comme la première salle, celle-ci est blanche avec un immense, gigantesque tatami vert bouteille au sol. Il y a des sacs accrochés aux crochets prévu à cet effet, hors du tatami, sur ma droite de la pièce ainsi qu'au fond de l'endroit où je me trouve. Sur ma gauche il y a un banc, assez grand pour nous contenir tous assis.
- Placez-vous devant un sac et faîtes comme moi, ordonne James.
Quand j'ai compris qu'on ne se battrait que contre des sacs – du moins pour l'instant – c'est pour moi, une vraie délivrance. Si bien que j'en oubliais mes angoisses et me concentrais sur... James. Entrain de retirer sa veste, il se trouve maintenant en tee-shirt. Il nous fait une démonstration. J'adore sa façon de bouger, ses muscles taillés que je vois grâce à son tee-shirt moulant. Ses bras tout aussi musclés.
Une masse musculaire sur pattes, il est beau à tomber... Mais qu'est ce que je dis ? C'est mon professeur, c'est pas n'importe qui. C'est James, je ne dois pas avoir des pensées comme celles-ci. Si mon père savait ce qui se passait dans ma tête quand je pense à cet homme, il me ferait une leçon juste avant de faire une crise cardiaque. Je n'y peux rien si je pense à lui... Comme ça. Ça ne m'étais jamais arrivé avant lui, c'est vraiment une sensation étrange, d'être envoûtée à ce point par quelqu'un, je pense tout le temps à James.
James me sors de mes pensées quand il se met à parler, il ne frappe plus le sac devant lui, il nous regarde un à un mais reste plus longtemps à me détailler moi, enfin, je crois.
- À vous, nous réveille-il en montrant nos sacs d'un geste de la main.
Je m'exécute, comme les autres. Au bout de quelques minutes, il s'approche de moi, je le sens sans le voir, car à nouveau je ressens cette intensité.
- Tu es rapide, tu dois t'en servir, me dit-il gentiment.
Sa voix est grave, rauque et magnifique... Et là, il pose sa main sur mon épaule. Je m'arrête, un frisson de dégoût me traverse et je le regarde.
- Vous pouvez me le dire sans me toucher ! Lui dis-je méchamment.
Oups ! C'est sortit tout seul mais pourquoi il m'a touché ? Je déteste qu'on me touche. Bien sûr, ce n'est pas de sa faute, je ne lui ai jamais dit.
Je pince mes lèvres, consciente de ma brusquerie. Heureusement pour moi, il continue à observer les autres élèves, comme si il ne m'avait pas entendu. Le visage, toujours impassible, seuls ses yeux, devenus durs comme du silex, le trahissent.
- Tu sais que tu es folle de lui parler comme ça ? C'est ton professeur, il voulait juste t'aider.
J'adore Aurore, sa voix est toujours enfantine. Je la regarde me fixer, ses grands yeux bleus rempli de stupeur, ses cheveux blonds regroupés dans une queue de cheval qui lui tombe sur l'épaule. Elle paraît presque... Choquée.
Je comprend sa question, en temps normal, je déteste me faire remarquer mais j'ai mes limites et ça, c'en ai une.
- Je sais, mais je déteste être touchée.
J'essaie de garder une voix contrôlée mais ça m'est difficile, j'ai encore l'impression que la main de James est sur mon épaule. Mon sang s'est encore glacé, mon cœur s'est arrêté et mon cerveau s'est mis en pause.
- Pourquoi ? Je veux dire, c'est bizarre. Ricane t-elle.
- Non, c'est comme ça. Je...
Un frisson me traverse le corps, encore. Aurore me regarde et comprend que j'ai vraiment eu peur, que je ne rigole pas. Je vois que son visage redevient sérieux.
- Hé, vous avez fini de parler toutes les deux ? Nous engueule James.
Je le regarde, ses yeux sont toujours aussi durs, je déteste de plus en plus ce regard. Nous reprenons, Aurore sourit.
- Voilà tu nous l'a mis de mauvaise humeur. Me dit Aurore.
- Je suis désolée mais il ne m'aurait pas touché, je ne lui aurait rien dit.
Je n'en démords pas, sa main... J'ai vraiment eu peur.
Aurore s'arrête à nouveau et lève les deux mains.
- D'accord, d'accord. Me dit-elle. Allez on reprend.
Après une dizaine de minutes à peine, James frappe dans ses mains pour nous stopper.
- Alignez-vous devant moi.
Nous nous exécutons, nous nous plaçons tous devant le banc, en position de braves.
Ma stratégie est très simple. Partir vite, loin et en courant.
- Le cour est terminé. Vous pouvez rentrer chez vous. Kristen, pas toi. Me dit sévèrement James.
Aurore s'approche de moi, elle tend la main vers mon bras mais là encore, j'ai peur. Je me recule et prétend remettre une mèche de cheveux derrière mon oreille. Aurore voit bien que son geste m'a fait peur.
- Et bien, tu as vraiment peur qu'on te touche toi. Constate-elle.
- Excuse-moi, je t'expliquerai un jour, OK ?
- Ça m'étonnerai.
- J'essaierais promis.
- Vu comment le prof t'a appelé je ne suis pas sûre que tu survivras à votre entretien. En tout cas, je suis contente de t'avoir connu, je pleurerai énormément ta mort.
Je comprend ce qu'elle veut dire, moi aussi je pense que je vais me faire tuer. Je sais avoir été dur dans mes paroles mais je ne les regrettent pas. Ma façon froide est dure de parler l'a fait reculer, non ? Je me suis protégé, j'en avais besoin, si il faut en vouloir à quelqu'un c'est à lui !
À peine Aurore a t-elle refermer la porte que je sens le regard pesant de James sur moi. Je me redresse, dans la posture des braves, droite, le menton relevé, les mains jointes dans le dos les pieds à peine écartés, devant le banc, je lui fait face.
- Monsieur ?
James ne me regarde pas, il range ses affaires situé à l'autre bout du banc. Le visage toujours impassible, ce regard que je déteste...
Je hais quand on s'adresse à moi et qu'on ne me regarde pas. C'est un manque de respect flagrant et je n'ai pas l'habitude de l'irrespect, même si je l'ai presque mérité.
- La prochaine fois que tu m'envoies chier devant tout le monde pour une raison ou pour une autre c'est la porte, c'est clair ?
Sa voix est tellement calme qu'elle en ai menaçante.
- Limpide, monsieur. Ce sera tout ? Dis-je, d'une voix sans timbre.
Il finit de ranger ses affaires et se positionne devant moi, les bras croisés. Moi je n'ai pas bougée. Je le regarde, simplement, impassible à mon tour. Je suis encore plus effrayée aujourd'hui que je ne l'ai été auparavant quand j'étais seule avec lui. Je déglutissais avec peine, attendant qu'il m'autorise à sortir d'ici.
Pourvu qu'il ne me frappe pas... Par pitié... Qu'il ne me frappe pas...
- Non, je veux savoir pourquoi tu as eu cette réaction ?
- Je ne veux aucun contact physique, je déteste ça.
Mes paroles étaient claires, nettes, précises.
- Ce n'était ni pour que tu aimes, ni pour que tu détestes, tu n'étais pas sur tes gardes, je voulais simplement de positionner... Argumente-il.
- Vous me l'auriez dit, je l'aurai fait, tout simplement, surenchéris-je.
- Ne recommence pas. Gronde t-il.
Il a un regard froid, le visage fermé. Je trouve le professeur dangereux mais je ne me laisse pas intimidée. J'ai très peur, mais je me sais courageuse, je suis une brave pas une mauviette. J'ai mes limites comme tout à chacun et j'aimerais qu'on les respectes, lui en particulier.
- Je ne recommencerai que si vous en faites de même.
- Pardon ? S'étonne t-il.
- Je vous enverrez « chier » si vous me retouchez. Vous détestez vous faire rembarrer, moi je déteste être touchée. Il me semblait avoir été clair, depuis le premier jour.
- Non, tu n'as pas été clair parce que tu ne me dis rien.
Bon ce n'est pas faux, mais il a bien vu que j'avais eu peur tout à l'heure ? Au point d'utiliser mon don.
- Un autre professeur t'aurait déjà viré de son cours pour ton comportement inadmissible, reprend-il.
- Et bien, faites le si ça vous chante, je préfère être virée qu'être touchée. Si vous voulez bien m'excuser.
Je préfère partir, je traverse la pièce en contournant les tatamis, sans lui laisser le temps de parler avant qu'il décide de vraiment me virer, sans même claquer la porte, sans même attendre sa permission.
J'ai été calme tout le long de la conversation, il n'y aurait aucune raison de claquer la porte, même si j'en ai envie.
Je rejoins Aurore dans le réfectoire, je ne met pas longtemps à la repérer avec ses grands signes de main. Elle s'approche de moi et nous partons prendre un plateau pour nous servir. Alors que nous sommes entrain de choisir notre repas, pour ma part, une salade avec des tomates, du melon, du jambon, du fromage et des croûtons... Aurore entames la conversation.
- Hé, Kristen, tu es en vie. C'est formidable, non ?
- Oui, pourquoi ?
- Vu comment tu l'as...
- Écoute, je ne veux pas en parler.
- Tu t'es excusée ?
Je réfléchis puis j'opte pour la vérité, tout en gardant une voix contrôlée. Le plus possible. Aurore et moi nous installons à table avec Josh et Savannah.
- Non, je n'aurais pas dû lui parler comme ça, mais lui, n'aurait pas dû me toucher, dis-je butée dans un hochement d'épaules.
Lorsqu'il m'a touché, j'ai été mal à l'aise, je ne saurais pas dire si c'était de la peur ou autre chose... Je pense que j'étais juste... SUPER mal à l'aise, surtout qu'avec du recul, je me souviens avoir ressentie une sorte de... Courant électrique entre lui et moi, comme si ce geste était une chose naturelle entre nous. Une sorte de déjà vu.
- OK, on n'en parle plus. Mais tu sais que cet après-midi aussi il va nous entraîner ?
- Oui, je sais.
- Il ne t'as pas viré ?
- Pour l'instant, non.
À l'instant même où je lève la tête, James arrive à son tour à la cafétéria, il me regarde méchamment.
- Si un regard pouvait tuer, je serais morte.
Je baisse la tête et mange, Aurore, Josh et Savannah discutent mais je ne l'ai écoute pas. Je suis extérieur à tout ça. Après le repas, nous retournons en cours. Je suis plutôt nerveuse, surtout en constatant que les traits de James étaient d'une dureté qu'il ne cherchait même pas à dissimuler.
- Bon, reprenez vos places. Ordonne James.
Nous nous exécutons, en position de brave devant l'immense banc. James me regarde et me montre la sortie d'un coup de tête, avec un air désinvolte.
- Pas toi Kristen. Toi tu vas dehors, pour réfléchir à notre conversation de ce matin.
Bon, je suis virée, très bien. Au moins, je n'aurai pas à affronter se regard meurtrier qu'il m'a lancé tout à l'heure, ni sa main sur moi.
Je sors de ma posture de brave. Il me regarde dans les yeux, comme pour voir si j'allais le défier.
Non, tu rêves en couleur ! Je viens de me faire virer du cours, je ne vais pas en plus te donner une raison de me faire virer tout cours de l'école.
- Bien, monsieur.
Je me tourne vers Aurore qui se trouve être à ma gauche.
- Aurore, on se retrouve après les cours. Dis-je indifférente.
Après tout, mon père m'a appris que l'indifférence aussi était une bonne façon de se battre.
- Euh... D'accord. Me répond Aurore, hébétée.
Je sors, sans ciller, consciente que tous me regardent, j'essaie de ne pas tomber, de me contrôler. J'y parviens parfaitement jusqu'à la porte que j'ouvre.
- Attendez moi ici, j'arrive. Dit James aux autres élèves.
Je sais qu'il va venir me voir, je ne m'arrête pas, je continue de marcher, je descends les escaliers à une vive allure quasiment pour le fuir.
- Kristen, arrêtes toi.
- Je rentre chez moi. Je n'ai plus rien à faire ici.
- Kristen, tu t'arrêtes, c'est un ordre.
Dit comme ça !
Je m'arrête au rez de chaussée, juste au bas des escaliers et lui fait face, en position de brave. Il descend la dernière marche à son tour.
- Monsieur.
- Je voulais te montrer que je suis ton professeur et que ton comportement pendant le cours ce matin m'a foutu en colère et que j'aurai pu te virer mais je ne l'ai pas fait. Ensuite j'ai voulu t'en parler et tu t'es braquée encore plus. Si ça n'avait pas été toi...
D'un coup, mon sang se mit à bouillonner en moi.
- Ça veut dire quoi, ça ?
- « Ça », quoi ?
- Pourquoi vous me traitez différemment ?
Son silence confirme cette hypothèse.
De la pitié ? C'est tout ce que je lui inspire ?
- Je n'ai pas besoin de votre pitié, je sais très bien me débrouiller toute seule.
- Je sais. Mais là n'est pas la question. Me déclare-il d'un geste sec de la main.
- Ah non et elle se situe où alors ? Si ce n'est pas de la pitié, je vais être le mouton noir du groupe ?
- Non... Je suis ton professeur et j'aimerai que tu me respectes en tant que tel. Se défend-il.
- Ah oui, alors pourquoi vous tenez à ce que je vous appelle James en dehors ?
- Parce qu'en dehors, je m'appelle James.
- Vous dites ça à tous vos élèves ?
À nouveau, son silence confirme mes dires.
- Et bien moi, je ne sais jamais à qui j'ai à faire, au professeur ou à James. Vous voulez que je vous respecte en tant que professeur ? D'accord, respectez moi en tant qu'élève. Après ça nous seront d'accord. Maintenant je voudrai rentrer chez moi, puisque vous ne voulez plus de moi dans votre cours, reprends-je.
- Ce n'est pas ça...
- Vous aviez besoin d'un vilain petit canard dans votre classe ! Je veux bien avoir ce rôle si ça peut vous permettre de vous détendre. Mais je me demande, pourquoi m'avoir prise avec vous, si c'est pour me virer ensuite ? Vous avez besoin d'un défouloir, vous vous dites que l'imbécile fille du couple « contre-nature » est trop stupide pour vous défier en publique.
- Ce n'est pas le problème ! S'énerve-il à son tour.
- Je ne suis pas stupide et je sais que vous avez une dent contre moi, sans savoir pourquoi. Je ne suis même pas sûre que vous le sachiez vous-même. Alors réfléchissez déjà à votre problème avec moi et nous aurons réglés 90% de celui-ci.
J'attends qu'il me laisse rentrer chez moi. Il reste silencieux, il réfléchit. Nerveusement, il se gratte la nuque.
- Bon sang, ta mère a une très mauvaise influence sur toi, soupire-il.
- Pardon ?
Cette phrase me calme aussitôt.
Je ne m'attendais pas à ce genre de réflexion.
- Tu es tellement logique... Pourtant au début tu me paraissais plus sage.
- Je suis sage, mon père me l'a enseignée, ma mère elle, m'a appris à me forger une carapace lorsque j'en ressens le besoin.
- Donc, tu ressens le besoin de te protéger de moi.
Il me regarde droit dans les yeux et attend une réponse. Je suis vraiment mal à l'aise, je n'ai pas l'habitude de me dévoiler autant.
- Répond !
- Si c'est ce que vous pensez... Dis-je d'un haussement d'épaules par trop convainquant.
- Oui, c'est ce que je crois, alors pourquoi ce besoin de se protéger ?
Ne dis rien ! En quoi ça le regarde, franchement ?
- Ça ne vous regarde pas.
- Si, ça me regarde parce que c'est avec moi que tu as eu cette réaction. Ce comportement. C'est avec moi que tu as ce genre de réaction à chaque fois.
- Ne vous donnez pas plus d'importance que vous en avez. Vous ou quelqu'un d'autre, il n'y a aucune différence. Quand on me touche, je ressens le besoin de me protéger...
En fait, le fait que lui me touche est encore plus perturbant... Parce que ça m'effraie autant que ça m'attire.
Il se tait, comme pour m'inciter à continuer, mais je ne dis plus rien. Je replie mes bras sur moi-même comme pour me protéger physiquement de lui. Je baisse la tête.
- Rentrons en cours.
- Non.
- Et pourquoi donc ?
- Parce que vous m'avez viré.
- Et bien, je reviens sur ma décision.
- Ça ne va pas vous rendre servir, niveau autorité.
Il hausse les sourcils, me fait un demi-sourire. Ses yeux émeraudes sont toujours aussi saisissant pour mes yeux noirs. Je me sens rougir, l'emprise qu'il a sur moi est intimidante parce que je n'ai aucun pouvoir sur se que je ressens, sur ma façon d'agir. Avec lui, tout vient naturellement sans que je ne puisse me contrôler.
- Et alors ?
- Moi, je m'en fiche, mais si l'envie vous prend de virer quelqu'un d'autre mais cette fois-ci vous ne changez pas d'avis, ils vont penser que vous n'avez aucune autorité sur moi.
- Ils le découvriront à leur dépends. En attendant, tu vas en cours.
Je souris en le regardant, toujours aussi alanguie.
- Quoi ? Qu'est ce que j'ai dis encore ?
- Je suis trop logique et vous, vous ne l'êtes pas assez.
- Moi, je suis juste brave. Mon père l'est et ma mère était culturiste.
- Était ?
- Elle est décédée d'un cancer il y a deux ans. Une connaisseuse a essayer de l'a soigner mais sans succès...
- Le nom ?
- Moi c'est Daniels mais elle avait son nom de jeune fille, Pulsa.
- Je me rappelle de cette femme, ma mère avait essayé de trouver un antidote sans succès.
- Mélanie ? C'est ta mère ?
Sa voix me paraît bizarre tout à coup. Comme s'il connaissait déjà la réponse à cette question. Ou peut être est-ce le fait de parler de sa mère ?
- Mélanie Davis, je m'appelle Kristen Davis.
- Je l'ignorais.
Sa voix est montée un peu dans les aiguës, si je le connaissais mieux, je me permettrai de penser qu'il ment.
- Je n'étais pas à la cérémonie en son hommage, mais ma mère y était, elle m'a dit que c'était vraiment magnifique.
- Exact, il paraît.
- Vous n'y étiez pas ?
- Non, mes parents étaient séparés, donc nous n'y sommes pas allés.
- Je l'ignorais...
D'un coup, un éclair de lucidité me transperce.
- Pardon, je vous pose des questions vraiment trop personnelles, m'excusai-je, gênée.
- Je suis content que tu le fasses, si ça t'intéresse.
- Je ne devrais pas. Vous êtes mon professeur, rien d'autre.
Je ne pense pas ma dernière phrase, ça m'intéresse énormément mais c'est mon professeur et je suis son élève.
Il me regarde à nouveau avec des yeux durs, le visage fermé.
- Bien, si c'est ce que tu veux.
- C'est un fait...
- Tout n'est que fait Kristen. Veux-tu que je sois ton professeur et toi mon élève ? Pas plus, pas moins.
- Mais vous êtes mon professeur et moi votre élève.
- Parfait. Allons en cours et oublions tout.
- Je ne veux rien oublier, je veux juste essayer de comprendre votre point de vue sur...
- Sur nous. Tu peux le dire Kristen. Je veux bien t'aider à comprendre, mon problème c'est que quand j'essaie de t'expliquer tu te braques.
- Je ne me braque pas.
- Tiens tu recommences.
James soupire et se frotte la nuque.
- Une relation professeur-élève te convient n'est-ce pas Kristen ?
Je préfère ne pas répondre parce que je ne sais pas ce que je veux.
- J'ai compris. Va en cours Kristen.
- Nous pourrons être amis. J'aimerais que nous le soyons... Mais après mes examens.
- Nous retournons en cours, naturellement et personne ne releva, même pas Aurore.
Le lendemain, en rang devant le mur dès notre arrivée, James apparaît et semble être de mauvaise humeur, mais pour une fois, ce n'est pas de ma faute, je viens juste d'arriver.
- Bonjour à tous, rentrez.
Je suis la dernière a passer devant James. Je lui souris timidement.
- Bonjour, monsieur, lui dis-je.
Nous nous regardons dans les yeux, en silence, comme la plupart du temps, de l'électricité traverse tout mon corps. James ne me répond pas délibérément, il attend simplement que je passe pour rentrez.
OK ? Il fait ce que je lui ai demandé, mais il n'est pas obligé d'être désagréable. Je lui ai dis que nous ne pouvions pas être amis, mais je lui aussi dis que ce n'étais pas ce que MOI, je voulais.
Je rejoins les autres élèves presque en courant dans la salle des combats. James arrive quelques secondes après moi. Il nous regarde, furieusement.
- Vous vous installez tout seul ou il vous faut une invitation ? Nous demande t-il.
Nous nous installons tous devant un sac, sans broncher devant son humeur massacrante.
- Allez y, hurle t-il.
James examine chacun des élèves, il leur donne des conseils. À tous, sauf à moi. Il me passe devant sans même me regarder. Et son petit manège dure pendant trois heures.
- Tu as vraiment dû le mettre de mauvaise humeur. Me dit Aurore.
- Oui, je crois. Lui réponds-je.
Pourtant quand je suis partit hier, il avait l'air... Normal.
Après le cours, j'attends que tous les élèves sortent pour parler à James.
J'ai besoin de savoir s'il va bien. Je ne devrais pas, mais ça m'est important, voire indispensable pour bien fonctionner.
- Monsieur ?
- Qu'est ce que tu veux ?
Il me répond froidement, sans même prendre le soin de me regarder.
- Juste savoir si vous allez bien.
Il est en effet de très très mauvaise humeur. Qu'est-ce qui lui prend ?
- Ah parce que maintenant, ça t'intéresse ? S'énerve t-il.
Il me jette un regard dur et froid, ce regard affreux que je déteste de plus en plus. Je fronce les sourcils.
Pourquoi il se met en colère pour une simple question ? Qu'est ce que j'ai encore dit ?
- Pardon ? Je ne comprend pas.
Il m'a larguée à des années lumières.
- Hier tu t'en foutais, tu voulais juste que je sois ton professeur, que je me comporte avec toi comme avec les autres et maintenant que je le fais, ça ne te vas pas ? Alors dis-moi, tu veux quoi ? Demande t-il amèrement.
- Mais ce n'est pas ce que je veux ! Dis-je soudainement.
Les yeux de James s'adoucissent.
Bon sang, ses yeux sont d'une merveille !
Pour ne pas me plonger dans son magnifique regard, je poursuis.
- Je n'ai jamais dit que c'est ce que je voulais... C'est un fait, vous êtes mon professeur et moi votre élève, je ne vous ai pas insulté, ni manqué de respect.
- Et tu veux quoi alors ? Me demande t-il, plus détendu.
- Je suis contente que vous vous comportiez avec moi, comme avec les autres, mais…
- Mais, quoi ?
- Mais aujourd'hui vous avez fait comme si je n'étais pas là. Vous vous êtes occupé des autres mais pas de moi.
- Et ça m'ennuie fortement. Je n'aime pas quand tu ne me vois pas, quand tu ne me regardes pas.
- Parce que ça n'en valait pas la peine, dit-il avec amertume.
Je n'en vaux pas la peine ? Si avec ça, j'ai pas compris... J'ai été bête de croire que dans d'autres circonstances, nous aurions pu être amis. Je suis blessée, j'ai dû me faire des idées. À quoi je m'attendais au juste ?
Je sens que ma mâchoire va tomber, je suis estomaquée par cette phrase. Il faut que je réagisse. Je reprend ma posture droite et fière de brave.
- Oh, je vois... Pardon... Monsieur... de vous avoir dérangez. Réponds-je aussi froidement que choquée.
- Kristen...
Il tend le bras vers moi, cette fois ci, aucune aigreur dans sa voix, celle-ci s'est très nettement adoucie, même attendrie mais je préfère partir. Je ne veux pas qu'il me touche et nous nous disputerions encore, mais je ne pense pas avoir assez de force pour me faire rejeter une seconde fois.
Bon sang, qu'est-ce que ça fait mal !
Sans attendre sa permission, je pars et dévale les escaliers et me précipite dans les toilettes et m'enferme dans l'une des cabines.