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Chapter 14 - Comme vous voulez

Adeline a passé une nuit agitée. Elle avait réussi à s'assoupir, seulement pour être réveillée en sursaut par ses terreurs nocturnes. Cette fois, au lieu de marcher dans un couloir sombre, elle parcourait des ruines. 

Des morceaux de marbre effondrés se trouvaient partout où elle regardait, et des bourrasques de nuages d'orage l'entouraient. C'était comme si elle marchait au-delà du sol et au-dessus des cieux. Tout allait bien, jusqu'à ce que le tonnerre frappe le sol sur lequel elle marchait et que du sang apparaisse sur ses mains. 

Bien qu'Adeline fut dans la salle de bal, elle ne pouvait s'empêcher de penser au rêve.

"Pourquoi cette mine des mauvais jours ?" la Tante Eleanor interrogea avec un froncement de sourcils. "Tu as l'air épuisée. As-tu seulement dormi la nuit dernière ?"

Adeline acquiesça faiblement de la tête. Elles se trouvaient déjà dans la salle de bal, mais le fait de regarder le magnifique sol et le paysage lui donnait la nausée. Qu'était-ce donc que ce rêve étrange de ce matin ? Elle s'était réveillée avec le visage strié de larmes, comme si la vue de son rêve était la chose la plus déprimante au monde.

"Oui, j'ai dormi—"

"Alors, comporte-toi comme tel," la Tante Eleanor gronda. "Je t'ai mise dans cette ravissante robe couleur jade, alors le moins que tu puisses faire c'est porter un sourire et trouver un prétendant."

À côté d'elles, Asher se raidit. 

Adeline opina de nouveau, fatiguée. Elle n'arrivait pas à réfléchir correctement avec ses mains moites et son cœur palpitant. Elle sentait le regard inquisiteur d'Asher lui percer le crâne. Il ne cessait pas de la dévisager.

"Puis-je… prendre un peu d'air frais ?" demanda-t-elle hésitante à sa tante.

"Non, absolument pas !" la Tante Eleanor siffla. Elle attrapa le poignet de sa nièce et se rapprocha. "Je t'ai laissé t'échapper hier et tu as disparu toute la nuit, gaspillant ta robe onéreuse."

Adeline détourna les yeux vers la Tante Eleanor. Il y avait de la musique festive en arrière-plan, imprégnée d'élégance et de prestige. Tout le monde souriait et riait, tout en échangeant des conversations les uns avec les autres, qu'il s'agisse de leur conglomérat, ou de leur haute position dans le monde.

Toute cette joie, et elle était malheureuse.

"Je ne suis allée nulle part, je dansais avec un homme, Tante Eleanor," Adeline insista. Elle ne pouvait plus le contenir. "Hier, j'étais sur la piste de danse avec un Pur-Sang. Ne m'as-tu pas vue ?"

La Tante Eleanor recula, abasourdie. "De quoi parles-tu, Adeline ? Je n'ai rien vu de tel !" elle chuchota d'une voix forte. Cela serait problématique si les gens entendaient leur querelle.

Ils supposeraient qu'Adeline était une femme peu accommodante. Elle était déjà impopulaire auprès des prétendants. Ajouter une autre tache à son passif ne lui ferait aucun bien.

"Mais je dansais vraiment—"

"Assez, je ne tolérerai pas tes mensonges," la Tante Eleanor grogna. "Je t'ai cherchée toute la nuit. J'aurais su si ma nièce était sur la piste de danse."

Adeline étouffa un gémissement. Elle détourna le regard, visiblement irritée. La Tante Eleanor méprisait-elle les Vampires au point de refuser de reconnaître la danse ? 

Soudainement, elle se redressa. Il y avait un témoin oculaire juste à côté d'elle ! Elle se tourna précipitamment vers son garde du corps et ami. 

"Asher, tu m'as vue danser avec cet homme, n'est-ce pas ?" Adeline interrogea. Elle avait confiance qu'il ne mentirait pas. Il ne l'avait jamais fait auparavant. Elle lui faisait confiance de tout son être pour une raison.

"Asher ?" la Tante Eleanor piqua. Elle leva un sourcil interrogateur et lui adressa un regard incrédule.

Asher regarda de la Madame à sa petite Adeline. Que devait-il dire ?

"Je crois—"

"Quand je suis revenue de la danse, tu as demandé, 'qui était cet homme' et je t'ai dit que je ne savais pas," Adeline l'interrompit. "Tu te rappelles ?"

Le sourcil de la Tante Eleanor monta encore plus haut. Vraiment maintenant ? 

Ne pouvant laisser Adeline en plan, Asher accepta lentement. "Oui, Dame Adeline dansait avec un homme."

La Tante Eleanor était stupéfaite. Elle posa une main sur sa poitrine et pencha la tête. S'était-elle trompée de vue ? Elle n'était pas si âgée ni sénile. Elle n'avait que la quarantaine. Elle aurait sûrement vu Adeline sur la piste de danse ?

"Vos blagues sont horribles toutes les deux," la Tante Eleanor conclut finalement. "N'implique pas ton garde du corps dans cette discussion, Adeline. Et la prochaine fois, ne le laisse pas mentir pour toi, non plus."

La mâchoire d'Adeline tomba. Elle dansait vraiment avec quelqu'un ! Avant qu'Adeline puisse dire autre chose, la Tante Eleanor secoua la tête, déçue.

"Je vois mon groupe habituel de douairières. Je vais aller converser avec elles dans l'espoir de te trouver l'un de leurs fils," la Tante Eleanor déclara. "Pendant ce temps, essaie de paraître heureuse. C'est une salle de danse, pas un service funèbre."

Les épaules d'Adeline s'affaissèrent. Pourquoi la Tante Eleanor ne la croyait-elle pas ? "Mais Asher n'a jamais menti…"

"Assez," la Tante Eleanor soupira bruyamment. "Je serai de l'autre côté de la pièce, mais je te surveillerai, alors ne t'avise pas de t'échapper à nouveau."

Adeline hocha la tête à contrecœur. 

La Tante Eleanor donna une tape sur l'arrière de son bras à Adeline, puis s'éloigna avec un regard désapprobateur sur le visage.

Une fois que la Madame était en conversation avec les autres femmes de son âge, Adeline se tourna vers Asher. "Pourquoi ne me croit-elle pas ?" s'exclama-t-elle d'une voix basse et maussade.

"Je n'ai jamais menti à la Tante Eleanor, non plus. Penses-tu—"

"Ne t'inquiète pas trop," Asher la réconforta doucement. Il leva la main, la faisant sursauter. Son regard s'adoucit encore. Il posa un doigt sur son front plissé, et lissa ses sourcils.

"Je n'allais pas te frapper, Adeline," dit-il. "Je ne te ferais jamais de mal."

Et tu ne m'as jamais protégée non plus.

Adeline garda la bouche fermée. Où était son garde du corps quand le Vicomte Marden canait l'arrière de ses jambes ? Que ce soit pour bégayer ou pour lire trop. Chaque petite erreur méritait un châtiment. Il supposait que plus la leçon était dure, plus elle apprendrait. 

Jouant avec ses doigts, elle baissa son visage vers le sol. La salle de bal était absolument magnifique avec le sol poli affichant des motifs complexes d'or tourbillonnant. Il y avait d'énormes fenêtres qui atteignaient le plafond, avec des rideaux royaux tirés en arrière pour révéler les jardins glamours entourant le château.

"Tu es contrariée," Asher indiqua.

Adeline secoua la tête avec lassitude. "Ce n'est rien."

"Adeline." 

"J'ai faim," elle admit finalement.

Levant la tête, Adeline lui offrit un sourire ironique. Elle pouvait dire que la Tante Eleanor était entièrement occupée. La Madame était distraite par ses amies alors qu'elles colportaient les derniers potins, ou échangeaient des informations sur leurs enfants.

"Que voudrais-tu manger ?" Asher demanda instantanément. Il était impatient de s'assurer qu'elle recevait au moins une bouchée de nourriture. Ce matin, elle avait bu une seule tasse de thé accompagnée d'un seul scone. Pour le déjeuner, c'était une salade luxueuse avec rien que des légumes. Elle mangeait la quantité d'un petit oiseau. 

C'était malsain. Il avait besoin qu'elle mange plus. Avec la Tante Eleanor surveillant le poids d'Adeline comme un faucon, c'était impossible. Les femmes de chambre apportaient l'assiette d'Adeline et tout était soigneusement surveillé. Ce n'était pas comme si elle avait le courage de demander plus. 

Les commentaires de la Tante Eleanor étaient nuisibles. "Mange moins," "Tu développes un double menton," et "Je serais la plus heureuse si tu sautais le dîner," étaient quelques-unes de ses opinions les plus gentilles. Le reste avait déjà entaché l'estime de soi d'Adeline.

"Je... " Adeline s'interrompit. 

Asher vit la culpabilité apparaître dans ses yeux. Elle hésitait à manger, comme si l'idée la répugnait. Il soupira. "Je pense avoir vu des tartes au citron meringuée près de la table des desserts. Que dirais-tu si je t'en prenais une part ?"

"Non, merci."

"Adeline," il avertit d'un ton sévère. "Tu dois la manger."

Adeline se retira de lui. Ses épaules se contractèrent et elle secoua rapidement la tête. "Je peux à peine respirer dans cette robe, le corset me serre la taille. Si je mange quelque chose, le corset pourrait éclater. Quelle honte serait-ce ?"

Asher resta bouche bée devant elle. Portait-elle un corset ? Sa taille était déjà si mince ! Il rétrécit les yeux sur sa robe. Elle était d'un beau vert printemps, comme la pelouse d'une prairie. La couleur mettait en valeur la beauté de ses yeux à couper le souffle.

Mais ce n'était pas le plus important. "Je peux entourer ta taille de ma main et mes doigts se chevaucheraient," il déclara froidement.

Adeline secoua la tête. "Asher, s'il te plaît… Je vais bien."

Asher leva un sourcil. "Si tu manges la tarte, la prochaine fois que je quitterai le domaine, je t'achèterai plus de livres."

Adeline s'illumina instantanément. Un petit sourire hésitant se dessina sur ses lèvres délicates. "Tu le promets ?"

Asher acquiesça immédiatement. "Je le jure sur ma vie."

Le sourire d'Adeline s'élargit. Elle replaça timidement des mèches de cheveux derrière ses oreilles. La moitié était laissée détachée, tandis que l'autre moitié était remontée en chignon. 

"Alors... si... si cela ne te dérange pas trop, s'il te plaît apporte-moi une tarte au citron."

Asher afficha un grand sourire. "Comme tu voudras, Adeline."

Adeline était excitée par l'anticipation. Un livre et son dessert préféré ! Elle ne pouvait pas espérer mieux. Dans son excitation, elle n'avait pas remarqué les trois paires d'yeux qui l'observaient intensément. Elle n'avait pas non plus remarqué les regards curieux et les chuchotements discrets.