Ravina chevauchait aux côtés du Seigneur Steele et trois gardes les suivaient de près.
"Avez-vous parlé à Sa Majesté aujourd'hui ?" demanda Ravina.
"Oui."
"J'espère qu'il ne vous a pas fait la leçon sur le fait de prendre soin de moi."
"Un peu. Il veut que vous soyez entre de bonnes mains." dit le Seigneur Steele.
"On dirait qu'il est inquiet depuis qu'il a amené le nouveau prisonnier."
"J'ai entendu dire qu'il est de sang royal, il y a donc un certain danger à le garder en vie."
Ravina acquiesça.
"Avez-vous découvert plus de choses à son sujet ?" demanda-t-il.
"Je n'ai pas le droit de descendre là-bas." dit-elle.
"Je doute que vous obéissiez."
Elle se tourna vers lui et il la regarda malicieusement. "Ne vous inquiétez pas, je ne le dirai pas à votre oncle."
"Je n'ai pas encore découvert grand-chose. C'est Bram qui a découvert qu'il est du clan Azar. C'est leur roi."
"Comment ça ?"
"À moins qu'il n'ait voulu prouver quelque chose à son père, un prince ne se laisserait pas capturer, et s'il avait disparu pendant plusieurs jours, son père le chercherait à coup sûr. Mais si c'est le roi, il pourrait avoir donné des ordres à son peuple pour ne pas le chercher."
"Il peut toujours être un prince. Nous ne connaissons pas son plan."
"Il n'a pas réagi quand je l'ai appelé roi et il a admis qu'il a tué son père. Il a aussi dit qu'il possédait le sang le plus pur parmi les mâles, ce qui me fait d'autant plus croire que son père est mort et que sa mère est en vie, ayant un sang plus pur." expliqua-t-elle.
Le Seigneur Steele acquiesça. "Vous avez vraiment analysé ça de près."
Ravina changea la conversation pour en savoir plus sur lui. "Vous avez travaillé avec mon père. Comment vous êtes-vous connus ?"
"Votre père cherchait des guerriers quand il a décidé de repousser les dragons. Il est venu aux îles et il m'a trouvé, moi et mon équipage. Nous allions en prison après avoir été capturés, mais votre père nous a libérés en échange de notre travail pour lui."
"C'est toute une histoire." dit-elle.
"En effet. Votre père voulait des hommes qui étaient experts dans l'utilisation d'armes à feu et au cours de nos pillages, nous avons rencontré de nombreuses armes à feu de derniers cris. Il avait besoin de ce savoir-faire."
"Vous l'avez aidé à développer les armes à feu."
"Oui."
"Pourquoi vous a-t-il nommé gouverneur ?"
Il sourit à sa question. "Parce que je suis bon dans ce que je fais."
Ravina détourna son regard de lui et regarda devant elles sur la route. Mais elle savait qu'il continuait à la regarder.
"Depuis quand vous souvenez-vous de moi ?" demanda-t-il en attirant l'attention sur elle.
Ravina essaya de se rappeler. "Je pense que j'avais treize ou quatorze ans. Et vous, quel âge aviez-vous à ce moment-là ?" réfléchit-elle à voix haute.
"Quand vous aviez quatorze ans, j'en avais vingt-sept."
"Vous semblez toujours le même." dit-elle.
"Vous avez beaucoup changé."
"Les gens grandissent et changent, sauf vous, apparemment."
Il rit, amusé. "Je ne vous révélerai mon secret pour rester jeune qu'une fois que nous serons mariés."
"Ça me donne certainement plus envie." dit-elle avec sarcasme.
Tout à coup, il devint sérieux et ralentit l'allure. "Vous avez peut-être des idées sur notre mariage, mais je peux dire avec certitude qu'il ne sera rien de ce que vous imaginez en ce moment."
"Comment savez-vous ce que j'imagine ?"
"Je sais pourquoi vous voulez vous marier et je vois que cela ne vous enthousiasme pas." dit-il.
Elle le regarda, réalisant que son comportement pouvait être blessant. "Je suis désolée, Mon Seigneur." dit-elle avec un froncement de sourcils.
Un sourire consolateur courba ses lèvres. "Je ne m'attendais à rien d'autre en venant ici." assura-t-il.
Ils s'arrêtèrent lorsqu'ils approchèrent d'un lac. Pendant que le Seigneur Steele l'aidait à descendre du cheval, les gardes commencèrent à préparer le pique-nique que le Seigneur Steele avait organisé pour eux. Ils déployèrent une couverture et placèrent les paniers de nourriture dessus.
Ravina n'avait jamais fait une telle chose auparavant. Elle avait entendu dire que les dames étaient courtisées, emmenées à des bals et des pique-niques, et recevaient des fleurs envoyées à la maison. Elle n'avait jamais fait aucune de ces choses avant.
Le Seigneur Steele prit sa main et la mena pour s'asseoir pour leur pique-nique près du lac. Les gardes se tournèrent de l'autre côté pour leur donner de l'intimité.
"Je ne sais pas ce que vous aimez manger. J'ai apporté des fruits et quelques douceurs."
"J'aime les deux." dit-elle.
Il ouvrit le panier et elle prit une poire pendant qu'il prenait une pomme.
"Mon Seigneur, pourquoi ne vous êtes-vous pas encore marié ?" demanda-t-elle en mordant dans le fruit.
Il regarda la pomme dans ses mains, la tournant de part et d'autre. "J'ai été très occupé ces années-ci et j'ai toujours reporté le mariage. Je pensais qu'une famille me retiendrait, mais je ne peux plus tarder." lui dit-il.
Tout le monde voulait fonder une famille malgré les problèmes en cours, manifestement elle était la seule étrange à ne pas le vouloir. Mais elle allait le faire de toute façon.
"Et votre famille ? Vos parents ?"
Il regarda en direction du lac. "Je n'ai jamais connu mes parents. J'ai grandi dans les rues, puis j'ai travaillé comme mousse, devenant petit à petit membre d'un équipage de pirates avant de devenir capitaine."
Ravina se sentit triste pour lui. Au moins, elle connaissait ses parents et gardait de bons souvenirs d'eux.
"Ça a dû être difficile et… solitaire."
Il haussa les épaules puis se tourna vers elle avec un sourire. "Je suis là maintenant, avec une belle dame." Il plongea son regard dans le sien, la rapprochant de lui avec son propre corps. "Une fois mariés bientôt, je ne serai plus solitaire."
Il porta sa main à son visage, permettant doucement au dos de ses doigts d'effleurer sa joue. Ravina retint son souffle en se souvenant des mots d'Ester à propos d'un possible baiser prochain.
Un baiser ?
Son regard descendit vers sa bouche et elle observa ses lèvres se courber en un délicat sourire. Ravina leva de nouveau les yeux vers les siens, sentant son visage s'enflammer parce qu'il l'avait prise en flagrant délit de contemplation. Elle voulait détourner le regard, gênée, mais il la maintint en place avec une douce emprise sur son menton. Puis, il se pencha de plus en plus près…
Ravina devint parfaitement immobile et ferma les yeux jusqu'à ce qu'elle sente le contact de ses lèvres sur les siennes. Son souffle chaud et ses lèvres douces envoyèrent un frisson le long de son épine dorsale. La sensation était inattendue et la tension dans son corps se dissipa tandis que sa bouche bougeait contre la sienne.
Il avait un goût de pomme, prohibé. Mais qui s'en souciait ? Elle allait de toute manière se marier avec lui et elle ne tenait à préserver ou à prouver aucune innocence.
Quelle importance cela avait-il quand elle n'avait pas ressenti autant de chaleur depuis longtemps ? Son cœur n'avait pas été aussi actif depuis un certain temps. Ses sens glacés s'éveillèrent d'un sommeil léthargique. Qui aurait cru que le contact physique qu'elle évitait ferait une telle chose.
Le Seigneur Steele caressa sa bouche de ses lèvres, chaque contact augmentant sa griserie et instillant en elle un désir obsessionnel pour davantage.
Ses mains atteignirent ses épaules, puis s'enroulèrent autour de son cou. Sa bouche devint plus pressante sur la sienne, et elle se retrouva allongée sur la couverture avec la moitié de son corps la recouvrant. Ses mains plongèrent dans ses cheveux doux, l'attirant plus près, voulant plus de ce sentiment étrange et nouveau qui faisait battre son cœur d'excitation. Mais la sensation prit fin rapidement lorsque le Seigneur Steele arracha ses lèvres des siennes.
Il se recula, ses yeux montrant une pointe de surprise lorsqu'ils la regardèrent. Ravina était à bout de souffle, rouge et un peu embarrassée de s'être laissée emporter. Elle ne savait pas quoi dire ou faire si ce n'est que de rester là à le regarder fixement.
Le Seigneur Steele se redressa et s'assit. Ravina s'assit lentement également, puis resta rigide à regarder devant elle.
"Voulez-vous aller marcher ?" demanda-t-il après un moment de silence.
"Oui."
Ou peut-être pourraient-ils simplement rentrer à la maison pour qu'elle puisse se calmer et réfléchir à cela.