Ravina remarqua les gardes debout à une distance convenable et détourna le regard tandis que le Seigneur Steele l'aidait à se relever de la couverture.
"Ne t'en fais pas. Ils sont sourds et aveugles." Le Seigneur Steele l'assura.
Elle n'était pas inquiète. Juste... quelque chose.
Le Seigneur Steele l'emmena se promener dans les bois et les gardes suivaient derrière. Ils marchèrent en silence un instant et elle saisit l'occasion pour se calmer. Le Seigneur Steele semblait perdu dans ses propres pensées. Son visage redevenait sombre et sa mâchoire était serrée alors qu'il marchait les mains croisées derrière le dos.
Pourquoi s'était-il arrêté? Cela ne lui plaisait-il pas? Essayait-il d'être gentleman? Et pourquoi la regardait-il avec surprise? Alors qu'elle tentait d'enjamber les racines des arbres, il lui tendit naturellement la main, qu'elle accepta.
"Suis-je trop audacieux avec vous ?" demanda-t-il soudainement.
"Je n'attendais pas moins de vous." Elle répondit.
Il sourit encore en l'aidant à franchir les racines épaisses et les grosses pierres.
"Protéger votre honneur sera mon devoir. Vous n'avez pas à vous soucier de mes intentions."
Était-ce pour cela qu'il s'était arrêté? L'honneur, elle s'en moquait bien. Elle s'arrêta, l'arrêtant aussi. Il la regarda avec curiosité.
"Je ne suis pas inquiète, Mon Seigneur. Je ne suis pas une petite fille et si je me souciais de mon honneur, je ne serais pas ici avec vous. J'ai dépassé l'âge du mariage et si je ne vous épouse pas, je n'épouserai personne d'autre." Elle voulait qu'il sache qu'il ne possédait pas ce pouvoir.
Il plissa les yeux. "Je me moque de votre âge. Vous méritez toujours d'être honorée et toute expérience est nouvelle, quel que soit l'âge."
Pourquoi essayait-il de démanteler ses défenses? Elle se sentait soudainement dure sans raison.
"Je ne voulais pas être dure, Mon Seigneur."
"Je n'attendais pas moins de vous." Il taquina.
Ravina fronça les sourcils et il se mit à rire.
"Pouvons-nous arrêter les formalités à présent ?" demanda-t-il.
Elle acquiesça alors qu'ils reprenaient leur marche.
"Vous souvenez-vous de mon prénom ?"
"Arès." Cela lui semblait étrange de dire son prénom. Elle ne l'avait jamais appelé par son prénom auparavant. Elle l'avait seulement entendu son père l'appeler ainsi.
Arès l'emmena faire une courte promenade, lui parlant un peu de sa future maison et ville. Peu à peu, les choses commençaient à s'assembler, comme le fait qu'elle allait bientôt quitter le château. L'endroit où elle avait grandi. Une tristesse profonde s'installa dans son cœur.
Quand ils revinrent au château, Arès se joignit à eux pour le dîner. La reine qui ne l'appréciait guère prétendait être très aimable et parlait de Ravina comme si c'était sa propre fille.
"Je suis enfin heureuse que Ravina ait trouvé quelqu'un. Il est important d'avoir une famille." Elle dit.
Arès lui fit un signe de tête de cour.
"Je l'ai encouragée auparavant, mais elle est si têtue." Elle rit. "J'espère que vous n'aurez pas trop de mal avec elle et que vous prendrez bien soin d'elle."
Ravina mastiqua sa nourriture vigoureusement, pour s'empêcher de dire quelque chose de grossier. Arès était poli mais ne lui accordait pas beaucoup d'attention. "Je le ferai, Votre Majesté." Répondit-il puis se remit à se concentrer sur son repas.
Quand la reine eut terminé, ce fut au tour de son fils de harceler Arès.
"Je suis surpris que vous ayez accepté d'épouser notre Ravina." Commença-t-il.
Notre ? La nourriture dans sa bouche devint subitement amère et elle avait envie de la cracher sur son visage.
"J'espère que vous n'avez pas trop grand rêve que vous essayez de réaliser," dit Andrew.
Ravina se raidit. Sous-entendait-il que Arès convoitait le trône? Mais alors elle ne devrait pas être surprise. Andrew était paranoïaque et pensait que tout le monde convoitait la couronne qui n'était même pas encore la sienne.
Arès était un homme riche qui possédait déjà beaucoup de pouvoir, ce qui lui accordait également une certaine liberté. On le connaissait comme un esprit libre amoureux de l'aventure. Il ne voudrait pas de quelque chose comme le trône qui le restreindrait à bien des égards.
Elle pouvait se tromper, mais cela ne la dérangeait pas. Son désir pour le trône n'avait aucun effet sur ses plans. En fait, rester au château était bien plus favorable.
Malgré la remarque absurde d'Andrew, Arès resta calme. "Votre Altesse, à quoi bon avoir de grandes aspirations si ce n'est pour les réaliser ?" dit-il.
"Je ne veux juste pas que vous vous retrouviez déçu et blessé," lui dit Andrew. "Certains rêves sont dangereux à avoir et pourraient se transformer en cauchemars."
Arès rit. "J'étais un pirate. Je prospère dans les cauchemars."
Ravina sirota son thé, appréciant la conversation. Voilà pourquoi elle avait choisi cet homme.
Après avoir dîné, Arès la raccompagna à sa chambre.
"Avez-vous une belle chambre ?" lui demanda-t-elle.
"Oui. Sa Majesté s'assure que je sois à l'aise."
Elle hocha la tête et s'arrêta devant sa chambre. "Merci pour le pique-nique aujourd'hui."
"Merci pour votre temps," dit-il.
"Passez une bonne nuit."
"Bonne nuit." Il lui fit une révérence brève et s'éloigna. Elle le regarda disparaître dans le long couloir puis entra dans sa chambre.
Ester avait déjà mis du feu dans la cheminée et était en train de fermer les fenêtres et les rideaux.
"Ah, vous êtes de retour." Dit-elle avec un sourire.
"Oui," dit Ravina, alors qu'elle commença à se déshabiller sans attendre l'aide d'Ester. Elle garda simplement sa chemise puis se retira dans son lit, épuisée.
C'était probablement dû au fait qu'elle était sortie après une si longue période.
"Comment s'est passé votre temps avec le Seigneur Steele ?" Demanda-t-elle.
"Il m'a embrassée," répondit Ravina avec nonchalance.
Ester se retourna de la fenêtre avec les yeux écarquillés. "Oh mon Dieu!" Dit-elle en se couvrant la bouche de ses mains. Puis elle se hâta de venir s'asseoir à côté d'elle sur le lit. "Je vous l'avais dit, Ma Dame. Comment vous sentez-vous ?"
Sentir ?
Confuse.
Elle haussa les épaules et Ester fronça les sourcils. "Était-ce si mauvais ?" Demanda-t-elle l'air attristé.
Mauvais ? Oh non.
"Non. Le baiser était bon."
Le sourire d'Ester revint rapidement sur ses lèvres.
Ravina se laissa tomber sur le lit et fixa le plafond. "Je ne comprends pas. C'était bon et je lui ai rendu son baiser. Je ne voulais pas qu'il s'arrête." Elle avoua, la peur s'insinuant lentement dans son cœur. "C'était intense, excitant, et effrayant."
Le sourire d'Ester se changea en un air triste. "Oh ma dame," Elle prit ses mains dans les siennes. "Il est normal de se sentir ainsi. C'est même bien de ressentir cela envers l'homme que vous allez épouser."
"Je ne sais pas. Cela m'a fait oublier le monde et… juste ignorer tout et …juste agir sur…" Elle chercha le mot juste.
Le point qu'elle essayait de faire était qu'elle ne voulait pas perdre la raison. Son esprit était son arme et si quelqu'un la faisait se sentir de cette manière, elle perdait son outil le plus puissant.
"Vos désirs." Ester termina pour elle.
Désirs ? Non! Ce ne pouvait pas être cela. Elle fit un petit mouvement de tête involontaire. "Je ne devrais pas agir ainsi."
"Ma Dame. Imaginez offrir de la nourriture à un homme affamé. Mangerait-il comme un jeune garçon timide ? C'est ce qui vous arrive." dit-elle.
Ravina cligna des yeux et se redressa. "C'est une analogie absurde."
"Ce n'est pas le cas. Les humains aspirent à la chaleur et à l'intimité, à l'amour et à l'affection tout comme nous aspirons à la nourriture et vous vous êtes privée de ces choses."
"Nous avons besoin de nourriture pour survivre. Ce n'est pas la même chose."
Ester se leva et marcha vers la commode. "Peut-être que c'est un besoin de survie plus urgent, mais je ne pense pas que nous ayons moins besoin des autres." Elle prit la brosse et revint vers elle.
Ravina se retourna pour se faire peigner les cheveux.
"Aussi triste que je serai lorsque vous partirez, je serai heureuse que vous quittiez cet endroit et découvriez le monde. Et vous-même. Vous êtes bien plus qu'un esprit avec une mission."
Ravina frissonna à cette idée. Elle quitterait cet endroit et Arès l'emmènerait dans un nouveau monde, la confondrait, lui donnerait envie d'autres choses, et la ferait oublier sa mission.
Elle ne pouvait laisser cela se produire ! Elle ne pouvait oublier qui elle était et ce pour quoi elle avait tant travaillé.
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A/N
Comment prononcer les noms :
Malachi: Ma-la-kai
Arès: Air-eez