Avec une allure assurée, Oriane entra dans la boutique et s'arrêta à côté de l'homme qui était harcelé. Un air de surprise agréable apparut sur son visage.
"Oh, mes yeux me trompent-ils ? Du Plumepeu, et ils ont l'air fraîchement cueillis ? Frère, comment as-tu obtenu ces herbes rares ?" s'exclama-t-elle à haute voix. "Hier soir, les gens de mon village m'ont dit qu'il y a eu un glissement de terrain là où on les trouve. Ces herbes sont à présent la chose la plus précieuse !"
L'homme la regarda surpris. "Vraiment ?"
Elle se pencha vers lui, comme si elle tentait de lui dire un secret, mais sa voix était assez forte pour que le marchand puisse également l'entendre.
"La nouvelle n'est pas encore sortie mais c'est vrai. Tu as avec toi ces précieuses herbes. J'ai entendu dire que le marchand voulait les acheter pour seulement trente cuivres alors que le prix du marché actuel est de cinquante. Je suggère de ne pas les vendre tout de suite."
"Ne pas les vendre ?" l'homme demanda à voix basse également.
Oriane hocha la tête. "De plus, la saison hivernale est arrivée. Les gens tombent facilement malades à cette période, donc le prix ne peut que monter, et non descendre. Je te suggère de les vendre après quelques jours encore."
"J'ai besoin d'être payé maintenant. Ma fille n'est pas bien et…" l'homme soupira.
"Ne t'inquiète pas, frère. Je peux acheter tes herbes à un prix plus élevé !"
Elle allait sortir une pile de pièces de sa bourse, quand le marchand les interrompit. "Stop ! Je les achète ! J'achète !" cria-t-il. Se tournant vers l'homme, il sortit un petit coffre où il gardait les revenus de la boutique. "Je vais te donner plus que ce que ce jeune homme donne. Vends-moi les herbes."
"Quoi ?" Oriane s'exclama, les sourcils froncés. "Monsieur, ce n'est pas bien d'interrompre—"
"Hé, je te reconnais, garçon. Tu vends souvent des herbes bien conservées à mon fils. Tu ne devrais pas perturber le commerce."
"L'affaire n'est pas encore conclue, n'est-ce pas ? Je ne perturbe pas."
"Vous avez grossièrement interrompu notre transaction."
"Eh bien, Monsieur, il y a deux acheteurs et un vendeur. Combien pouvez-vous lui donner ?" Oriane argumenta, les yeux moqueurs.
"Plus que toi," répondit le marchand en ouvrant le petit coffre.
"Je lui donne soixante cuivres."
"Je lui donne soixante-dix."
"Tu bluffes," elle se moqua.
Le marchand sortit une bourse de pièces du coffre et se mit à compter devant eux. "Voilà, soixante-dix cuivres, ni plus ni moins. Donne-moi le Plumepeu."
Oriane soupira, l'épaule affaissées. "Hélas, je n'ai que soixante-cinq pièces de cuivre avec moi. Tu gagnes, tu gagnes."
Le marchand obtint les herbes de l'homme et l'homme obtint son sac de pièces. Un sourire reconnaissant orna son visage alors qu'il s'inclinait vers Oriane.
"Je te suis très reconnaissant, jeune homme. Je peux faire soigner ma fille maintenant."
Oriane allait partir mais elle trébucha légèrement et quelques-unes des herbes qu'elle avait dans sa sacoche à la taille se répandirent sur le sol. Le marchand le remarqua, et c'étaient également des tiges de Plumepeu ! Ses yeux s'illuminèrent. "Hah, pas étonnant que tu veuilles acheter ces herbes. Es-tu en train de les accumuler à cause du glissement de terrain, jeune homme ?"
Arlan observait chaque mot et chaque action d'Oriane et découvrit que tout était calculé — de la manière dont elle soulignait la pénurie, de la façon dont elle augmentait la valeur du Plumepeu, et de la manière dont elle exposait 'accidentellement' ses propres herbes en 'trébuchant'.
Oriane s'empressa de ramasser les herbes sur le sol. "Monsieur, comme je l'ai dit, les prix du Plumepeu ne feront qu'augmenter dans les prochains jours."
"Donc tu n'as pas l'intention de les vendre maintenant ?"
"Pas d'intention."
"Je peux te donner un peu plus que ce que j'ai donné à cet homme," répliqua le marchand. "Que dis-tu de soixante-quinze cuivres par paquet ?"
"Quatre-vingt-dix."
"Quatre-vingts."
"Quatre-vingt-cinq. Achète-les, ou pas d'affaire."
Le marchand sourit comme s'il avait gagné et lança rapidement un sac de pièces à Oriane qu'elle attrapa sans faute. Elle lui donna cinq paquets de Plumepeu, et elle gagna quatre pièces d'argent et vingt-cinq cuivres.
"Si tu obtiens plus de ces herbes, revends-les-moi," entendit-elle le marchand dire alors qu'elle sortait de la boutique.
Alors qu'elle rejoignait Arlan, elle lui fit un clin d'œil avant de s'incliner comme si elle était dans une pièce de théâtre. "C'est comme ça qu'on fait des affaires, Jeune Maître. Il faut être rusé avec les rusés."
"Le glissement de terrain n'était pas réel," dit Arlan, mais ce n'était pas une question mais une affirmation.
"Hmm, mais il est vrai que le prix augmentera à cause des jours froids à venir. Le marchand ne subira pas de perte."
Arlan pensa qu'elle était assez impitoyable, mais il réalisa qu'elle avait une ligne morale. Après tout, le marchand pouvait être un peu avide, mais il le faisait aussi pour le profit de sa boutique.
Son esprit vif, allié à sa personnalité audacieuse et à ses prouesses au combat, Arlan se trouva à apprécier et à apprécier de plus en plus Oriane.
'Je devrais envoyer Imbert enquêter sur Oriane. Tant que son passé est propre, je ferai d'elle une de mes personnes de confiance.'
Alors qu'elle marchait devant, il la suivit jusqu'à ce qu'elle se retourne pour lui faire face.
"Jeune Maître, alors, comment était-ce ? As-tu beaucoup appris de notre petite aventure ?"
"En effet, tu m'as ouvert les yeux, Orian."
Oriane hocha la tête, un sourire triomphant sur son joli visage. "Alors, nous nous séparons, Jeune Maître Arlan. J'ai fini de vendre toutes mes herbes. Profite du reste de ton après-midi !"
Arlan haussa un sourcil.
"Orian," dit-il avec un appui profond, "est-ce moi ou on dirait que tu essaies de te débarrasser de moi ?"
"Non, certainement pas !" nia Oriane. "Je... je pensais juste qu'il n'y avait plus rien que je puisse t'enseigner. Un jeune maître intelligent comme toi peut parcourir le marché et tout apprendre par lui-même."
"Hmm, c'est vrai aussi. Alors tu peux juste me tenir compagnie puisque je ne suis pas natif de cette terre. Il y a beaucoup de choses que je veux expérimenter. De plus, je ne t'ai pas encore payé pour être mon guide. Comme je n'ai pas apporté de monnaie avec moi, tu devras venir plus tard à ma résidence."
"Mais…"
"J'ai aussi besoin du couteau que tu as," l'interrompit-il.
"P-Pourquoi ?"
"Pour que je puisse l'utiliser comme référence pour attraper cet intrus qui m'a poignardé. Il avait un couteau similaire."
"Ce couteau, tu peux le trouver partout. Pas besoin de prendre le mien."
Arlan la fixa sans mot dire, et elle soutint son regard, refusant de céder.
Se rappelant que cet homme était un noble, elle sortit à contrecoeur son couteau. Arlan prit le couteau de ses mains légèrement tremblantes. "Je le remettrai à l'équipe d'enquête. Une fois que ce sera fini, tu récupéreras ton couteau."
Elle ne put que pincer ses lèvres en une fine ligne. Elle n'avait d'autre choix que d'accepter.
'Ce couteau est comme un héritage familial. Comment oses-tu me le prendre, toi, ce marmot de noble ?'
Réprimant l'envie pressante de donner un coup de pied à ce gamin noble agaçant, Oriane l'entretint jusqu'après le coucher du soleil.
Elle soupira de soulagement en pensant qu'elle pourrait enfin rentrer chez elle. "Jeune Maître, je dois partir. Il se fait tard—"
"Tu ne peux pas," dit Arlan, son expression dominatrice comme s'il n'acceptait pas de refus. "La journée ne peut pas se terminer sans que nous partagions des verres et tu l'avais promis."
"Des verres ?" elle avala sa salive. 'Qu'est-ce qu'il raconte ? Je n'ai jamais accepté de boire !'
"La nuit est encore jeune. Nous devons boire !"
Oriane souligna l'évidence. "Tu as dit que tu n'as pas de monnaie avec toi."
"Cela ne fait rien. Je peux l'inscrire sur une ardoise et faire livrer nos dépenses à mon domicile."
"C'est… possible ?"
"J'oublie que tu es une vile roturière," Arlan rit de manière désinvolte. "Oui, pour nous les nobles, nous pouvons manger et boire sans devoir payer immédiatement."
'Vile roturière ?' Elle fronça les sourcils face à sa moquerie. Elle était certes une roturière, mais qu'il lui en frotte le nez à plusieurs reprises, c'était désagréable. 'Le sang noble et leur arrogance.'
"Pardon, Jeune Maître. Je ne peux vraiment pas t'accompagner pour boire. S'il te plaît, comprends que j'ai une famille qui m'attend à la maison. Mon grand-père est seul."
"Cela signifie donc que tu ne reviendras pas avec moi ce soir pour obtenir ton paiement ?"
"Pardon."
"Bien, nous pourrons prendre des verres demain. J'ai apprécié ton accompagnement aujourd'hui, donc je t'assure que tu seras satisfait de la somme de ton paiement. Vers cette heure demain, reviens à cette taverne. Je te rendrai aussi ton couteau."
Oriane soupira de soulagement. Enfin, il la laissait partir ! Elle en avait assez de divertir ce nobleman gâté qui ne valorisait pas le temps des autres.
"Tu ne pars pas ? Si ce n'est pas le cas, on peut entrer dans la taverne—"
"N-Non, je pars. Adieu, Jeune Maître Arlan. Prends soin de mon couteau."
"À demain, Petite."
"Quoi ?"
Arlan se contenta de rire en lui faisant signe de partir. Il continua de regarder son dos s'éloigner jusqu'à ce qu'elle disparaisse de son champ de vision.
Arlan caressa la poignée du couteau accroché à sa ceinture. 'Elle reviendra sûrement pour ça. Ça ne semble pas être un couteau ordinaire pour elle.'
Après avoir trouvé que la personne avec son suzerain était partie, Imbert sortit de sa cachette. "Dois-je enquêter sur cette personne ?"
"Oui, mais ce n'est pas une priorité," répondit Arlan et se tourna pour partir. Des chevaux avaient été préparés pour lui par son chevalier.
Lors de leur retour au Domaine Wimark, Imbert l'informa, "Votre Altesse, nous avons reçu des renseignements des espions au sein du palais de Thevailes."
"Qu'est-ce que c'est ?"
"Le Roi de Thevailes a fait venir le peintre royal pour réaliser le portrait d'une femme aux yeux violets."
Arlan fronça les sourcils, "Il n'y a qu'une seule femme avec des yeux violets."
Imbert acquiesça car il savait qui était cette femme- La Reine de Megaris.
Arlan pensa, 'Il semble que cette sorcière noire va utiliser le Roi de Thevailes pour capter Seren Ivanov alors qu'elle n'a pas réussi à l'enlever. Ils ne savent pas combien mon ami Drayce peut être possessif et dangereux quand quelqu'un convoite sa femme.'
"Devons-nous informer le Roi Drayce ?" demanda Imbert.
"Je le verrai bientôt," répondit Arlan et ils continuèrent à chevaucher.