Point de vue de Rylan, Elyra et Lyam
La nuit était tombée depuis longtemps, et nous étions tous les trois blottis dans un coin de la cuisine, les yeux fatigués par la lueur des flammes du feu de camp. Elyra avait les bras autour de Lyam, qui serrait un vieux chiffon contre sa poitrine, ses yeux grands ouverts et pleins d'inquiétude. Nous n'osions pas parler trop fort, de peur qu'Estelle ou l'un de ses bêtas ne nous entende.
Depuis des semaines, la vie dans la meute avait changé. Il y avait une tension constante, un poids qui pesait sur nos épaules, et chaque journée semblait une épreuve. Les tâches que nous imposait Estelle étaient de plus en plus dures, et même si nous les accomplissions sans broncher, nous savions tous qu'elle ne cherchait qu'une chose : nous briser.
"Je déteste ça," murmura Elyra, sa voix à peine audible dans la pièce sombre. Elle posa son menton sur le sommet de la tête de Lyam, ses yeux brillants de colère. "Pourquoi Papa ne fait rien ? Pourquoi ne voit-il pas ce qu'elle nous fait ?"
Je savais pourquoi. Notre père, Adrien, ne voyait rien parce qu'il ne voulait pas voir. Depuis la disparition de Maman, quelque chose en lui avait changé, comme si une partie de son âme s'était éteinte. Il avait confié la gestion de la meute à Estelle, et, même s'il restait notre père, il semblait de plus en plus distant. Je sentais son amour, mais c'était comme s'il ne savait plus comment être là pour nous.
"On ne peut pas lui dire," répondis-je finalement, d'une voix rauque. "Il ne comprendrait pas. Et... et si Estelle le savait, elle trouverait un moyen de nous punir."
Lyam renifla doucement, ses yeux humides se tournant vers moi. "Mais... Rylan, c'est injuste. Elle est méchante. Elle m'a dit que Maman ne reviendrait jamais et que personne ne se soucierait de nous si on ne faisait pas ce qu'elle dit."
Je serrai les poings, le cœur serré. C'était ce que je redoutais. Estelle n'était pas seulement cruelle dans ses actions, mais aussi dans ses paroles, semant le doute dans nos esprits, jouant sur nos peurs. J'avais envie de hurler, de crier à notre père qu'elle mentait, que tout ce qu'elle faisait était mauvais, mais je ne pouvais pas. Je devais être fort pour Elyra et Lyam, même si je ne savais plus comment.
"Papa nous aime toujours," dit doucement Elyra, comme pour se convaincre elle-même. "Je... je le vois dans ses yeux quand il nous regarde. Mais il est aveuglé par Estelle. Elle... elle est devenue si proche de lui. Que pourrait-on dire pour le convaincre ?"
Je n'avais pas de réponse. Je ne savais pas quoi faire. Et pourtant, je sentais que quelque chose devait changer, que nous ne pouvions pas continuer ainsi. Si seulement Maman était là... Elle savait toujours quoi dire, comment nous protéger. La pensée de Maman me serra la gorge, et je retins mes larmes. Il n'était pas question de pleurer devant les plus jeunes.
"Peut-être que... peut-être que Maman reviendra," chuchota Lyam d'une voix pleine d'espoir. "Je... je la sens parfois, comme si elle était proche. Elle ne nous abandonnerait pas, pas vrai ?"
Mon cœur se serra. J'avais envie de le croire, moi aussi, mais chaque jour qui passait rendait cette idée plus difficile à accepter. Notre lien avec Maman semblait s'affaiblir, comme si elle s'effaçait peu à peu de nos souvenirs. Et pourtant, je savais qu'il ne fallait pas abandonner, que, d'une manière ou d'une autre, nous devions rester forts pour elle.
"Il faut qu'on garde espoir," murmurai-je, serrant les épaules de mes frère et sœur. "On ne doit rien dire à Papa pour l'instant, mais... on trouvera un moyen de lui montrer la vérité. On doit rester unis. Ensemble, on est plus forts."
Elyra hocha la tête, ses yeux bruns brillants de détermination, même si une larme roula silencieusement sur sa joue. Lyam se blottit un peu plus contre elle, cherchant la chaleur et le réconfort que Maman lui avait autrefois apportés.
"Je vous promets," dis-je en regardant mes frère et sœur, "je trouverai un moyen de nous sortir de là. Maman serait fière de nous, et je ne la décevrai pas."
Nous restâmes ainsi, dans le silence de la nuit, écoutant les bruits du feu qui crépitait dehors, et les rires de la meute qui festoyait autour des flammes. Nous savions que nous étions seuls, isolés dans cette grande maison, mais nous avions quelque chose qu'Estelle ne pourrait jamais nous prendre : notre amour fraternel et notre lien avec Maman.