Je les entendis prendre place à table et Numéro 2 vint me voir dans mon bureau.
« Maître, vos invités sont arrivés. »
Je lui fis signe d'aller les servir alors que je rangeais mes recherches. Je m'assurais une dernière fois que mon visage était parfait avant de sortir les rejoindre. Ils étaient dont quatre à ma tablée. Pour mon plus grand plaisir, elle était venue accompagnée de ses parents ainsi que de ma douce. J'étais ravi, je m'installais donc assis avec eux, le dîner pouvait commencer.
Je commençais donc par les présentations.
« Je suis ravi que vous ayez pu vous libérer, laissez-moi me présenter. Mon nom est Zarkhaïm. »
Le père de la jeune femme avait des yeux ronds devant tout le luxe qui s'étalait devant lui. Numéro 2 s'approcha avec un apéritif, il s'agissait d'un vin blanc pétillant. Ces gens n'en avaient jamais vu ni bu, je m'étonnais qu'elle sache ce qu'était cette bouteille. Elle avait choisi les bons verres, la bonne tenue, elle avait dû dénicher cette bouteille dans ma cave mais sa culture était supérieure à ce que j'aurais pu croire. L'homme tenta de parler avec assurance mais je sentais qu'il était tendu, sa femme restait silencieuse à ses côtés tandis que les jeunes filles m'observaient avec une pointe d'admiration.
« Je suis Frédéric Jones, voici Teresa mon épouse et notre fille Amanda ainsi que son amie Tara. Pardonnez-moi, je dois dire que je suis étonné par votre invitation, comment puis-je vous aider sire Zarkhaïm ? »
Je pris une gorgée et souris doucement.
« J'ai discuté avec votre charmante fille et il s'avère que j'ai besoin d'un professeur pour les enfants que j'ai adoptés. Amanda possède les critères que je recherche pour le poste et je souhaite l'engager, elle m'a dit que je devais demander la permission à son père. Je vous demande donc s'il serait possible d'engager Mademoiselle pour quelques heures par jour, disons deux heures par jour tous les jours ? Elle pourra venir quand elle le souhaite pour effectuer ses heures dans la journée. Qu'en dites-vous ? »
Je sentis soudainement de l'excitation chez cet homme, l'idée de faire du profit avec sa fille lui plaisait beaucoup, il me dégoûtait. Ils me dégoûtaient tous à vrai dire.
« Je vais être honnête avec vous. Le futur époux de ma fille ne veut pas qu'elle travaille, Amanda arrêtera d'être professeur après son union. Il ne peut donc pas s'agir d'un poste sur le long terme à moins que vous ne puissiez convaincre son mari mais j'en doute. Je ne pense pas non plus qu'il voie d'un bon œil qu'elle se rende seule chez vous pour enseigner. Vous comprenez... »
Je dois dire que j'étais régulièrement surpris par les talents de numéro 2, elle était une maîtresse de maison hors pair.
Elle nous servit une entrée fantastique qui ravit tout le monde, je me servis donc un toast.
« Je comprends, Amanda pourrait venir avec Tara dans ce cas. Je paierai pour vous deux. Après son mariage je négocierai avec son époux. Qu'en dites-vous ? »
Le père semblait frémir, la question de l'argent lui brûlait les lèvres et je m'amusais de le faire languir.
Numéro 2 apporta le plat principal. Il était constitué de cuisses de canard confites et de pommes de terres au four. Tout était fabuleux, grandiose.
Il craqua.
« De combien parlons-nous ? Comprenez que ma fille et son amie ne seront pas présentes pour faire leurs corvées, cela est un manque pour nos familles. »
Je pris une autre gorgée. Numéro 2 apporta le dessert, elle avait compris que je m'amusais à le faire attendre et m'interrompis au moment où j'allais répondre. Le pauvre homme bouillonnait.
« Je parle de 20 pièces d'or par heure et par fille. »
Je sentis le sang de l'homme affluer d'un coup vers son cœur. J'ai bien cru qu'il n'y survivrait pas.
« C...c...c...Combien ? Je suis payé 2 pour une journée complète !
- Mes enfants me sont précieux. » répondis-je.
La femme bu son verre d'une traite tandis que les filles ne prononcèrent plus un mot. J'ajoutais alors.
« J'ai une condition à ce salaire. L'argent reviendra à mes employées et non à leur famille. C'est à elles de décider ce qu'elles en feront par la suite. Avons-nous un accord ? »
L'homme secoua la tête frénétiquement. Le reste du dîner se passa dans le calme. J'observais ma douce. Son nom était donc Tara. Elle était si raffinée, si élégante. Je n'apportais que peu de valeur aux choses du monde, mais j'admirais la douceur et la gentillesse.
Ses yeux se perdaient dans les miens de temps en temps et j'étais ravi. Amanda quant à elle avait un sourire jusqu'aux oreilles. A ce moment, je peux dire que j'étais content de moi. Je venais sûrement de sauver cette femme, j'en étais sûr. Avec tout cet argent elle serait capable de subvenir à ses besoins seule, de prendre son envol loin de son futur mari. Elle serait sauve et son avenir serait devant elle.
Mes invités me quittèrent après le repas. Numéro 2 nettoya la table. Je la complimentais alors pour son ingéniosité.
« Puis-je savoir d'où vient tout cet argent ? »
Je ris en lui proposant de s'asseoir à mes côtés.
« Le Royaume au Nord m'appartient complètement, les mines en font partie. J'ai des réserves illimitées d'or à ma disposition et puisque l'or n'a aucune valeur là-bas il ne sert à personne. Quand les damnés qui y vivent désirent partir et tenter leur chance parmi les humains, ils emportent tout ce qu'ils veulent, en échange, ils me raffinent l'or brut en pièces. C'est un commun accord. »
La jeune femme avait des étoiles dans les yeux. Elle n'avait jamais entendu parler de cette histoire. Je commençais à la regarder avec un peu plus d'estime.
« Après ce soir je propose que tu me dises ton nom. Tu as été remarquable. Comment as-tu appris l'art de la table ? »
Elle prit alors un verre et le bu d'une traite.
« Mon nom est Miranda. J'ai été vendue comme esclave mais je viens en réalité d'une famille noble. J'ai perdu ma famille dans une bataille pour je ne sais quel dictateur et je ne sais quelle raison. Il ne reste plus que moi. »
Je pris sa main dans la mienne. Ce soir, je me sentais plus humain que la plupart des humains et cela réchauffa mon âme perdue.
« Il se fait tard Miranda. Terminez le nettoyage demain. Allez tous vous reposer. »
Elle sourit, me remercia et s'éclipsa suivie de Numéro 1 et Garde. Je repartis dans mon bureau mais il m'était impossible de me concentrer sur mes recherches. Mon cœur était léger. Je décidais donc de sortir ce soir et profiter de la lune. Je revêtis ma cape, mon masque et passait par la fenêtre pour sortir.
Je me déplaçais en silence tel un oiseau de nuit cherchant une proie. Je cherchais ma douce, je voulais la voir avant de dormir mais je tombais par hasard sur le prétendant de son amie. Il ne me vit pas, j'étais camouflé dans les ombres, mais moi je le vis très bien.
Je le vis prendre une fille de joie par la taille et l'embrasser goulûment. Je le vis aller dans une ruelle avec elle pour faire son affaire, je le vis gorgé de vin, sortir de la ruelle une fois fini avec un air satisfait. La pauvre jeune femme le suivi avec des marques de coups sur le visage et le corps. Mon esprit jovial disparu. Il partit, laissant la femme pleurer. Elle s'agenouilla sur le sol, mettant sa tête dans ses mains et à ce moment je me sentais désolé pour elle. Archanium se serait ri de moi en me voyant m'impliquer dans des sentiments si puérils. Il aurait très certainement passé son chemin sans même remarquer ce qui se passait. Il m'était impossible de faire la même chose. Je m'avançais donc et je pris la main de la pauvre fille pour l'aider à se relever. En me voyant, elle hurla de terreur. Si mon masque cachait le haut de mon visage, il ne cachait pas mes yeux rouges ni mes traits durcis autour de mes lèvres et encore moins mes canines.
Je la lâchais, elle se mit à courir aussi vite qu'elle le put en hurlant au monstre.
Dès le lendemain, on entendit parler du monstre qui rôde le soir. Ils m'attribuèrent les marques de coups sur la malheureuse. Ils dirent que je m'en prenais aux femmes seules le soir pour les agresser.
J'étais furieux. J'aurais vraiment dû passer mon chemin…