Mes journées étaient rythmées en fonction de ses désirs. Nous allions déjeuner dans la cour, nous observions les étoiles, nous lisions de vieux livres que j'avais oubliés depuis longtemps.
J'avais la vie que j'avais toujours rêvée.
Nous étions dans les jardins lorsque l'un de mes enfants accouru vers nous. Il était essoufflé, il criait, pleurait, je ne comprenais rien. Tara avait plus de patience avec les enfants, elle prit donc le temps de le calmer pour comprendre ce qui s'était passé.
« Miranda ! Miranda ! Ils l'ont emmenée ! »
Je ne voulais pas comprendre, je me hâtais vers le hall. Je constatais alors que la porte avait été enfoncée violemment, mes bibelots étaient explosés sur le sol, il y avait des traces de lutte partout et du sang au sol.
L'homme que je nommais garde était étalé sur le sol, inconscient. Je m'approchais de lui, la gorge serrée. Je ne sentais rien, je mis ma main sur son poignet pour le confirmer… Toujours rien. Garde était mort.
Tara était stupéfaite, elle était en état de choc devant tant de violence. Je cherchais alors numéro 1, je la retrouvais blessée en cuisine, elle essayait de se faire un bandage tant bien que mal en pleurant. Elle avait des hématomes partout sur le visage et les bras. Par chance, 1bis avait emmené les autres enfants à l'étage pour se cacher. La scène s'était déroulée trop vite et les agresseurs n'avaient pas pris le temps de fouiller le manoir. S'ils l'avaient fait, j'aurais été alerté…
Je sentais la colère monter en moi. Je devais aller chercher Miranda. Tara comprenait l'urgence de la situation, elle s'approcha de moi et me serra dans ses bras. Puis, elle se mit sur la pointe des pieds et m'embrassa.
Je sentais ses lèvres sur les miennes, un nouveau sentiment m'envahit. Je me sentais plus fort que jamais malgré le fait que je n'avais presque plus mes pouvoirs.
Je courrai donc comme un simple humain à la recherche de Miranda. Il faisait bientôt nuit et il n'y avait personne au village. Je suivais l'odeur du sang et je pense qu'à ce moment, j'étais terrifié. Je traçais sa piste jusqu'à une maison, j'enfonçais la porte et je vis une pauvre femme prendre ses enfants dans ses bras en pleurant de peur en me voyant.
Je trouvais sans difficultés une cave et je descendis les marches. Au fur et à mesure que je descendais, j'entendais des râles, les odeurs de la sueur, du sang et de l'humidité ambiante mélangées était quasiment insoutenable.
Une fois en bas, je vis Miranda. Je ne pouvais pas en croire mes yeux. Ses mains étaient percées par un crochet accroché au plafond de la cave, ses pieds ne touchaient presque pas le sol et elle était ainsi pendue par les mains. Sa tête retombait, ses cheveux étaient détachés masquant son visage. Tout son corps avait été battu, fouetté, ses vêtements avaient été déchirés laissant apparaître de multiples plaies profondes. Je sentais de la rage en moi. Je m'empressais de la décrocher, elle respirait à peine. Je savais qu'elle ne tiendrait pas longtemps. Je sentis des larmes couler sur mon visage. Elle ouvrit les yeux, son regard... était déjà vide, elle me parla sans être là.
« Ils savaient que vous viendriez pour moi. Vous devez retourner au manoir vite. »
Je réalisais subitement qu'il n'y avait personne d'autre dans la cave. Miranda n'était qu'une diversion. Je la regardais, j'étais affolé.
« Miranda, je suis désolé ! Je suis tellement désolé ! »
Elle leva sa main tant bien que mal vers ma joue et me caressa avec toute la douceur dont elle savait faire preuve. J'étais anéanti, j'avais été leurré, je venais de tout perdre en si peu de temps. Miranda me sourit.
« Prenez mon sang et courrez les rejoindre. »
Elle était très sérieuse, c'était la seule solution pour que je puisse aller les sauver tous. Si Tara m'avait presque rendu humain, c'était la créature de la nuit dont elle avait besoin maintenant.
Je plaçais la main de Miranda proche de ma bouche et bus son sang. Je ne savais plus arrêter les larmes de mes yeux couler. Mes traits de monstre réapparurent instantanément. Je sentais mes forces me revenir au fur et à mesure que Miranda me quittait. Elle s'est éteinte dans mes bras, le sourire aux lèvres.
Je la déposais doucement sur le sol et me relevais. En une fraction de seconde, j'étais au manoir. Ma vitesse était inégalée, ma force implacable et ma cruauté sans nom.
Je retrouvais les hommes en question dans mon salon, cherchant pour Tara, numéro1 et les enfants. Je sentis leur pouls, ils étaient cachés dans le manoir, effrayés, mais sains et saufs.
Je massacrais les intrus.
J'attrapais le premier et je lui arrachais la gorge, me délectant de son sang. Les autres me regardèrent d'un air effaré, ils avaient des doutes quant à ma nature humaine, mais ne se doutaient pas un instant de ce que j'étais. Ils l'apprirent bien vite. L'horreur était visible dans leurs yeux. Ils essayèrent de fuir, mais je ne leur laissais aucune chance. J'attrapais le deuxième par la colonne et la lui retirait. Il tomba net comme une masse informe avant de s'éteindre à son tour.
Le troisième était pétrifié, il s'étala sur le sol et se mit à me supplier. Je me mis à son niveau et je pris mon temps.
« As-tu aimé la tuer ? »
L'homme se mit à hurler.
« Non, ce n'était pas moi, pas mon idée ! Je vous jure ! »
Je riais en le regardant droit dans les yeux.
« Moi, je vais aimer te tuer. »
La bête en moi avait repris des forces, j'attrapais l'homme, d'abord, je brisais ses membres un à un, puis je plantais mes crocs dans son torse, perforant sa cage thoracique au passage. Il hurlait, pleurait, suppliait avant de s'évanouir. Je le laissais inconscient, mais vivant. J'étais dans un état second, ivre de toutes ces saveurs, je ne me maîtrisais plus. Je voulais qu'il souffre autant qu'elle avait souffert. Je l'attrapais donc par une cheville et le traînais dans mon bureau. J'étais un véritable monstre, cruel, sans une once d'humanité en lui. J'attachais l'homme sur mon bureau de bois avec des cordes et j'attendis. Il se réveilla doucement, lorsqu'il ouvrit les yeux, j'étais juste en face de lui et je riais.
Oh comme je riais de son sort. Je murmurais alors à son oreille.
« Je vais anéantir tout ton village, mortel, et tu vivras assez longtemps pour le voir. »
L'homme pleurait à chaudes larmes, il n'avait plus rien de digne, se trémoussant comme il pouvait sur mon bureau.
Soudain, j'entendis un hurlement déchirant.
Tara était dans le salon. Elle courut vers le bureau et me vit.
Elle vit mon vrai visage. J'étais couvert de sang avec un sourire jusqu'aux oreilles. Des rides lasures sombres parcouraient mon visage, mes crocs étaient largement apparents, mes doigts étaient griffus et mes ongles étaient longs en argent. Mes yeux pétillaient d'excitation, rougis par la fureur. Je tournais mon regard vers elle, mais avant que je puisse dire un mot, elle s'enfuit à toute allure vers le village.
Je sentis mon cœur se déchirer. L'homme avait tout vu, il comprit et je le surpris à sourire légèrement. Je lui collais une gifle qui le plongea dans le coma avant de courir retrouver Tara.
Elle était sur le chemin et je n'ai eu aucun mal à la rattraper. Je m'arrêtais devant elle pour lui bloquer la route. Elle hurla en me voyant, elle était horrifiée, terrorisée. Je lui attrapais les mains.
« Lâche-moi monstre ! »
Je me sentais brisé. J'avais honte de ce que j'étais à ce moment et l'excitation avait complètement disparu. Je voulais lui expliquer, je voulais qu'elle comprenne, si elle réagissait ainsi, c'était simplement parce qu'elle ne m'avait pas reconnu. Si elle savait, alors tout serait arrangé !
« Tara, c'est moi, je suis Zarkhaïm. J'ai voulu vous protéger. »
Elle pleurait en criant.
« Ne dis pas ces horreurs ! Ce n'était pas pour me protéger ! Laisse-moi démon ! »
Je me sentais dévasté. Je lâchais mon emprise sur elle, elle me poussa pour partir aussi vite que possible en hurlant à l'aide. Je restais là, sur le chemin, en la regardant partir.
Pourtant... Tara... C'était moi... Zarkhaïm...
Et je posais une main sur mes lèvres, là, où, plus tôt, elle avait déposé un baiser...