Le lendemain donc j'attendais avec impatience l'heure à laquelle l'école du village fermait pour voir arriver Amanda et Tara. On frappa à la porte et j'ouvris. Tara était venue seule. Je lui proposais d'entrer, elle me suivi timidement dans le hall principal.
« Amanda ne viendra pas. Son futur époux a dit qu'il annulerait le mariage si elle travaillait pour vous. Son père a donc accepté sa requête. Elle a aussi laissé tomber son poste à l'école, elle m'a envoyée discrètement vous en avertir. Elle est sincèrement désolée de la situation. »
Je déglutis ma rage. Cet immonde monstre l'avait prise en otage. Je m'assis dans un fauteuil.
« C'est moi qui suit désolé pour elle. »
Tara semblait très très attristée. Je remarquais sa mine désolée, cela m'affectait beaucoup.
« Que c'est-il passé exactement ? »
Des larmes se mirent à couler sur ses joues.
« Elle a surpris son époux avec une autre, il s'est énervé quand elle lui a demandé d'arrêter. Il s'est tellement acharné sur elle que j'ai eu du mal à la reconnaître. Je ne pense pas qu'elle tienne longtemps à ses côtés. »
Ma main se crispait sur l'accoudoir de mon fauteuil.
« Alors pourquoi n'est-elle simplement pas partie ? Mon salaire serait suffisant pour elle. »
Tara s'assit sur le fauteuil à mes côtés.
« Cher Sire. Vous ne le savez pas, mais ici les femmes n'ont aucun pouvoir. Si elle avait accepté votre offre après désobéir à son époux et ses parents, elle aurait été bannie du village complètement. A quoi bon avoir un salaire si on ne peut plus circuler comme on le veut ? »
Je comprenais, bien sûr que je comprenais, mais je trouvais les humains si fragiles. Leur vie était si éphémère, comment pouvaient-ils perdre du temps ainsi ? Comment pouvait-elle accepter ce sort funeste ? À l'entendre, il n'y avait rien à faire. Tara m'observa longuement.
« Je sais ce que vous avez essayé de faire et je vous en serais éternellement reconnaissante. C'est juste que… le monde ne fonctionne pas ainsi par ici… Je l'aurais souhaité. Je me faisais une joie de venir étudier ici tous les jours avec vos enfants. »
Je comprenais qu'il était impossible pour une femme seule de venir chez un homme pour travailler. Mon plan était entièrement tombé à l'eau, mais je l'entendais parler. Ce petit bout de femme en face de moi désirait apprendre plus que tout. Elle m'avoua n'avoir pas pu aller à l'école, car son père le lui avait interdit.
Je me levais donc de mon siège et pris sa main. Elle me suivit, interloquée.
Si ma peau était intacte, ma main, elle, me brûlait de l'intérieur mais cela en valait la peine. Je l'amenais dans une pièce sombre. Au début je sentis la peur en elle puis je pris une torche au mur et allumais un petit récipient d'huile.
Peu à peu, la pièce s'illumina complètement. Mon observatoire était en réalité une représentation des étoiles de la galaxie. J'aimais me perdre à observer le ciel encore et encore.
Le sombre de l'infini était devenu une passion pour moi car je sentais que, quelque part, j'étais né de quelque chose dans le noir absolu.
J'avais des points de lumière dans le plafond pour représenter chaque étoile que j'avais découverte et un immense télescope trônait au milieu de la pièce. Tara fut bouche bée. Elle lâcha ma main et s'avança au centre de la pièce tel un papillon attiré par la lumière, elle caressa l'appareil avec une douceur inouïe. Je la trouvais splendide. Elle n'avait jamais vu pareil objet avant et semblait découvrir la plus belle merveille du monde.
J'actionnais un levier. La nuit était tombée, le plafond s'ouvrir pour laisser observer le ciel. Je réglais ma machine et invitais Tara à regarder à l'intérieur. Elle plaça son visage dans l'œillet pour voir à l'intérieur. J'enroulais mes bras autour d'elle, l'enlaçant doucement pour la guide, à ce moment elle se blottit sur mon torse.
Si chacun de mes contacts avec elle me brûlait d'une douleur intense, je n'en regrettais absolument rien et chaque contact était pour moi une bénédiction.
Elle s'écria lorsqu'elle vit le ciel dans l'appareil.
« C'est tellement beau ! »
Je ris. Malgré la mauvaise nouvelle qu'elle m'avait annoncée, j'étais toutefois heureux.
« J'étudie le ciel régulièrement. Quand je trouve quelque chose, je l'inscris dans le plafond pour ne jamais le perdre et lorsque je repartirai, si quelqu'un vient prendre mon domaine, alors il aura accès à mes recherches. Elles ne seront jamais perdues et accessibles à tous. »
Je sentais son cœur battre pour moi à ce moment. Nous étions proches l'un de l'autre, peut-être trop. Lorsqu'elle s'en rendit compte, elle recula et bafouilla.
« Il se fait tard, je devrais rentrer. Il paraît qu'un monstre rôde dans les rues. »
Je l'accompagnais dans le hall et pris mon manteau.
« Laissez-moi vous raccompagner chez vous. »
Bien sûr, à mes côtés, elle ne risquait rien puisque la rumeur me concernait moi, mais cela, elle l'ignorait.
Nous marchions côté à côté en silence jusqu'à sa maison. Sa petite maison que j'observais si souvent. Elle voulut me dire au revoir, elle me regarda avec regret, me soufflant ces mots avant de rentrer.
« J'espère vous revoir bientôt… »
Je posais ma main sur mon torse, je brûlais d'un feu ardent et pourtant, les seuls mots que j'avais sur les lèvres étaient : Moi aussi.
Je montais sur le toit en face de sa maison discrètement et m'assis dans la pénombre. J'observais ses mouvements dans sa chambre. Je la regardais se mettre au lit et s'endormir paisiblement en regardant le ciel par sa fenêtre ouverte avec des rêves plein la tête. Elle souriait.
Je rentrais au manoir avant les premières lueurs du soleil pour ne pas être aperçu. Miranda m'attendait avec un verre de sang.
« Sire, vous n'avez pas bu depuis longtemps. »
Je la remerciais, elle était si prévenante. J'étais vraiment heureux d'être tombé sur elle. En effet, je commençais légèrement à m'affaiblir. Les marques de brûlures sur mes mains provoquées par Tara commençaient à être visibles.
J'allais directement dans mon laboratoire. Lorsque nous observions les étoiles j'avais discrètement coupé l'avant-bras de ma douce sans qu'elle ne s'en rende compte. Il s'agissait d'une toute petite entaille, presque invisible, mais suffisante pour faire perler deux gouttes de sang sur mon ongle, j'avais ensuite récolté ces précieux échantillons avant de mettre mon manteau pour la suivre.
Je m'empressais donc de mener le plus de tests possibles avec le peu que j'avais récupéré en gardant à l'esprit que c'était peut-être la dernière fois que je la voyais en tant que Sire Zarkhaïm. Je ne devais pas me tromper. Je devais comprendre pourquoi son contact me brûlait et ce qu'avait fait mon frère ?
Malheureusement, après une journée complète de tests et d'examens, je ne trouvais rien. Je mélangeais mon sang et l'approchais. Il ne régissait pas. Ses particularités ne venaient pas de son sang. Se pourrait-il que cela vienne de sa peau ? Ses cheveux ? Je ne pouvais définitivement pas lui arracher un bout de peau. Si une goutte de sang était relativement facile, le reste était bien trop compliqué.
Je ne comprenais pas, comment pouvait-elle avoir ce pouvoir sur moi ? Rien ni personne, hormis mes frères, n'avait pu me blesser jusqu'à présent. Tara devenait mon obsession.