J'arrivais en ville, le chef me vit et me sourit. Je lui adressais le même sourire. Au fond de moi mes crocs l'avaient desséché plusieurs fois déjà mais soit… Après tout je ne pouvais pas me permettre de trop interférer dans les affaires des mortels. Je préférais rester un temps soit peu discret.
Je me baladais donc et je repérais ce qui semblait être une école. Des enfants jouaient dans une sorte de cour à semi fermée. Je m'approchais doucement et leur demandais, ils confirmèrent. J'entrais donc pour rencontrer leur tuteur. Lorsque j'ouvris la porte je vis l'amie de ma douce assise derrière le bureau. J'avais de la peine pour cette pauvre âme brisée. Elle souriait gentiment.
« Puis je vous aider ? Vous êtes le maître du manoir sur la colline ? »
Je souriais à mon tour et acquiesçais de la tête. Je m'approchais, je sentais son sang se réchauffer. Je sais que mon apparence était plutôt attractive. J'étais grand, élancé, mon visage fin et long était élégant. Mes cheveux étaient soigneusement attachés en une queue de cheval haute. J'avais une bonne musculature imposante mais pas grossière. J'avais tout l'air des nobles de ce temps. Mes yeux en amende verts-gris étaient profonds et mes lèvres fines ne laissaient s'échapper que de doux mots bien pensés.
Tout ceci n'était qu'une image, l'être que j'étais était bien différent de cela… Néanmoins, la jeune femme semblait tomber dans mon mirage avec plaisir. Elle laissait échapper un petit rire stressé.
« Je suis en effet le nouveau maître, je viens d'hériter de mes aïeux. Je découvre la région. Voyez, je viens en aide aux orphelins, j'ai adopté des enfants récemment et je souhaite leur offrir une éducation. Auriez-vous quelques heures par jour de disponibles pour leur dispenser des cours ? Je vous verserai des honoraires bien entendu. »
Ce que je voulais par-dessus tout… Donner une chance à cette femme de s'enfuir si elle le voulait. Si je ne pouvais lui dire réellement que je voyais son destin et que je savais qu'elle allait mourir de chagrin. Je ne pouvais pas non plus lui dire que parce qu'elle était l'amie de la plus merveilleuse des créatures qu'il me fut donné de voir je souhaitais sauver sa vie en lui donnant un choix qu'elle n'avait jamais eu.
Elle semblait interloquée par ma demande. Elle commença à balbutier des choses et à se perdre dans des interrogations.
« Je dois demander la permission… Voyez vous je m'apprête à me marier, mon mari va donc décider si je peux travailler ou non. Mon père doit donner son accord en attendant, je… j'aimerais beaucoup… »
Je m'avançais donc et pris ses mains.
« Je vais demander à votre père. Vous êtes invitée avec votre famille ce soir au manoir. »
Je tournais donc les talons après ces mots. Je repassais la porte, à ce moment nous nous sommes croisés. Elle vint s'écraser contre mon torse puis elle bondit en arrière.
« Pardon ! Je ne vous avais pas vu ! » Elle leva alors les yeux sur moi. « Mais, je vous reconnais ! » Je souriais. Bien sûr qu'elle me reconnaissait, j'avais enlevé mon masque. Je n'avais pas pensé un instant que je resterais dans cette ville à cet instant.
« Je viens d'arriver en ville, je suppose que mon visage est commun. Joignez vous donc à nous ce soir. »
Je saluais donc les jeunes femmes avant de m'éclipser pour de bon. Je hâtais le pas dans une des ruelles à l'abri des regards. La douleur était lancinante, je pressais mon poing sur mon torse. En écartant ma chemise je me rendis compte que la peau à l'endroit où elle m'avait touché était calcinée. Je n'avais jamais vu cela auparavant. Son contact me détruisait donc réellement, ce n'était pas qu'un sentiment. J'eu un doute, je mordis mon bras et je recrachais immédiatement. Mes yeux exorbités voyaient du sang couler. Du sang rouge… Du sang de mortel. Je ne comprenais pas ce qui se passait, devenais-je un mortel ? Une vie serait-elle possible à ses côtés ? J'étais à la fois excité et terrifié. Il n'existait aucun être tel que moi dans ce monde, je n'avais personne à qui poser mes questions. Mes frères étaient très différents de moi. Je ne pense pas qu'ils puissent m'épauler en quoi que ce soit. Pire, je pense qu'Archanium en profiterait pour lancer un assaut.
Le monde actuel était réparti en 4 parts bien distinctes. Les mers appartenaient à mon frère Tridjan. Il vivait dans une cité sous marine, ses enfants étaient des êtres capables de vivre sous l'eau, ils étaient le peuple des océans, des guerriers des mers et les légendes fleurissaient à son égard. Il était le neutre, celui qui défend le monde des forces externes telles que nous. Même nous, ses frères, ne l'avions pas vu depuis au moins un millier d'années. Au Nord, là où les terres sont sombres et dépourvues de lumière. Là où le froid gèle le cœur des hommes et où la barbarie règne, il y avait mes terres. Mon royaume noir et désolé. A mon image. Là où les morts ne restaient pas morts longtemps, où vampires, loups garous, banshees et autres créatures immondes se battaient pour une petite part de chair. C'était un royaume désolé et oublié des vivants, la vallée des fantômes comme certaines l'appelaient. J'en étais le maître, celui qui empêchait les mauvais de sortir et qui accueillait ceux dont personne ne voulait.
Il y avait le Sud, où Archanium était une inspiration de la lumière. Les gens se battaient en son nom, pour sa gloire. Pour obtenir ses faveurs. Il était le beau, celui que tous convoitaient. Et il y avait cette petite province à l'Est. Là où je me trouvais. Une zone neutre, où les Hommes prospéraient sans notre influence. C'était une zone assez récente, qui ne croyait plus en notre magie et à ces vieilles légendes du passé. Ces Hommes là ne se souvenaient plus pourquoi autrefois ils avaient peur du noir. Je me plaisais à venir de temps en temps en secret mais je revenais toujours à temps avant que quelqu'un réalise que le roi de la vallée des fantômes avait déserté le trône. Cette fois-ci je me fichais des conséquences, après tout… Je me laisserai donc emporter par cette douce folie. Je rentrais au manoir comme prévu en fin de matinée. Je donnais donc mes instructions.
« Le professeur viendra ce soir finalement, vous avez l'après midi pour vous préparer. Numéro 1 et 2, partez en ville et faites nous un banquet digne de ce nom. Je compte sur vous. » J'allais donc dans ma bibliothèque, je fermais derrière moi. Je parcourais les livres mais rien ne semblait pouvoir m'aiguiller dans ma transformation. Aucune légende, aucun mythe ne parlait de quoi que ce soit de similaire… Je regardais mon bras, il n'y avait aucune marque, je vérifiais ma chemise, ma peau était intacte. Je pris un coupe papier, ma peau se déchira et un sang noir s'écoula. C'était donc temporaire. J'entrepris d'écrire ce qui m'arrivait afin de trouver une logique à tout cela. Je passais donc le reste de ma journée dans ma bibliothèque à effectuer des recherches. Le soir tombait doucement et j'entendais les servants s'affairer. L'odeur de la nourriture envahissait tout le manoir, étant donné leur destin, cela aurait été un pur gâchis, mes nouveaux sujets avaient tellement de talents… J'entendais mes hôtes entrer. Je sentais l'odeur de ma belle et de nouveau la douleur s'emparait de moi. Bien qu'elle semblait plus douce, je pense que je devais m'habituer à cet effet. Je devais trouver un moyen de prendre de son sang et de le tester sur un vampire. J'étais persuadé que son sang devait avoir des propriétés curatives, elle devait sûrement être bénie par Archanium et inoculer la lumière par contact ou je ne sais quel pouvoir magique. J'allais découvrir ce qu'il lui avait fait, coûte que coûte. C'était sûr. Mon frère devait manigancer quelque chose. Quoi d'autre ?