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Chapter 2 - Une lueur dans la nuit.

Je descendis à la cave et pris une bouteille, je remontais pour m'installer bien confortablement dans mon fauteuil, devant la cheminée éteinte. Je me servis un verre et j'eus un sentiment de joie profond, cette idée de vivre ici me paraissait tellement paisible. Comme s'il s'agissait de la fin de mon périple. Je me relaxais comme jamais je n'avais pu le faire. Les cendres froides et grises dans l'âtre me rappelaient la raison, représentation de ce que j'étais, éteint.

Une fois mon verre fini je mis mon manteau. Le soir tombait, la nuit était mon alliée. Je descendis donc au village en donnant ordre à mes sujets de faire leur vie en mon absence. Je la vis, elle allait sur la place. Elle était si joyeuse, son amie était là elle aussi. Toutes deux se serraient la main.

« Ne t'en fais pas, je serais là pour toi » Elle lui parlait doucement, pour la rassurer de ce mariage arrangé. Je savais bien, je voyais le voile noir de la mort rôder au dessus de cette amie perdue. Ma douce serait seule très bientôt. J'espérais seulement que son sourire ne disparaîtrait pas. Mon existence s'illuminait avec elle, ses mains qui venaient caresser ses cheveux soyeux. J'admirais toute cette vie en elle. Elle m'attirait comme un rayon de soleil.

Son amie pleura dans ses bras jusqu'à ce que le clocher retentisse. Chacune repartit dans sa demeure. Je la suivais dans l'ombre, lorsqu'elle passa la porte je montais sur la maison d'en face. Elle vint à sa fenêtre et observa le ciel, les rayons de la lune frappaient son visage et je ne me lassais pas de ce spectacle. Elle finit même par s'endormir sur le rebord de sa fenêtre. Je vins la rejoindre, plaçais mes bras autour d'elle et la déposa sur son lit. Je murmurais à son oreille « je serais là pour toi désormais », elle afficha un sourire dans son sommeil. J'ignore si mes mots vinrent jusque ses songes, j'aimais le croire.

Je rentrais chez moi. Numéro 2 était plantée au milieu de l'entrée avec mon verre dans les mains. Elle tremblait en me regardant. « C'est du sang » dit-elle avec une voix tremblante. J'acquiesçais d'un signe de tête. « Vous êtes un démon », des larmes commençaient à perler sur son visage. Elle était terrifiée, la vraie terreur. Je souris.

« Qu'allez vous faire de nous ? »

Je partis rejoindre mon salon et mon fauteuil en face de ma cheminée éteinte. D'un signe de main, des flammes jaillirent et un feu imposant vint chauffer la pièce.

«Je ne suis pas un démon. »

Elle tendit le verre et s'apprêta à rétorquer, ses yeux ronds étaient maintenant emplis de panique mais je l'interrompis.

« Je suis le tout premier, j'étais là avant même l'humanité. »

J'entendis le verre casser, elle venait de le lâcher. Je continuais.

« Ce que je vais faire de vous ? Mes sujets. Vous allez me servir pour vous avoir sauvé la vie. » Je me relevais, les flammes s'intensifièrent. « Me servir, pour offrir un avenir à ces enfants. Pour votre avenir et vous me serez loyaux jusqu'à ce que votre misérable et courte existence s'achève. Est-ce que c'est clair ? »

Elle se tut et esquissa un oui Mon seigneur qui se perdit dans le bruit des flammes. « Maintenant allez dormir et reposez vous. »

Sur ces mots, elle fit demi-tour et parti dans sa chambre sans trainer. Je me rassis, contemplant les flammes et le sort qui cachait ma monstruosité se leva au fur et à mesure que je me détendais. Mes pensées vagabondaient pour la première fois depuis bien longtemps.

Je me pris à rêver d'une vie que j'aurais pu avoir, une vie avec elle. Une vie douce, remplie de rires de nos enfants. Mes doigts étaient longs et griffus. Ils se resserraient sur mon accoudoir. Je baissais la tête, mes cheveux tombaient sur mon visage maigre, mes canines ressortaient et la douleur me saisit brutalement. J'entendis un « boum » dans ma poitrine. Mes ongles s'enfoncèrent dans la mousse du fauteuil. Des larmes coulaient sur mes joues.

Après tout, de nous trois j'étais le petit frère, celui qui était le plus sensible. Celui qui chercha l'amour de ses parents et ne trouvant rien dans le néant se mit à chercher l'amour de mortels pour combler un vide. Ce même amour qui naît et fane comme un cycle maudit sans fin.

Je souffrais alors que son visage m'apparaissait encore. Je devais connaître son nom… Tout mon être hurlait de tourner les talons, de revenir dans une centaine d'années mais quelque chose dans mes tripes refusait ce sort.

Je ressentais un mélange de colère et de tristesse. Toutes ces fois où je me suis fait avoir par ces sentiments futiles. Toutes ces fois où mon frère aîné a pu rire de mon sort. Il m'appelait le déchu… Celui qui souffre éternellement. Lui, Archanium, qui était le bel ange que tout le monde admirait. Représenté par les mortels dans les peintures comme un Dieu. Admiré de tous, une lance à la main combattant le mal et ce qui les terrorisait. Me combattant moi… J'étais né l'obscur, le sombre, le ténébreux. J'étais né du néant, celui qui personnalisait la peur car je ressemblais à une bête.

Je restais donc ainsi immobile toute la nuit et le jour se leva doucement. Numéro 2 descendit la première.

« Mon seigneur… Vous êtes resté ici toute la nuit, je ne vous ai pas entendu aller vous coucher. »

Elle voulu s'approcher mais elle eut un moment de recul à la vision de mon être, j'étais recroquevillé, hideux et ce boum dans mon torse me tordait de douleur. Je pleurais en silence, incapable de bouger.

« Mon Seigneur… J'ai réfléchis à toute cette situation. Je … Je voulais vous dire que ce que vous faites pour ces enfants… Je vous suivrai partout tant que ma vie perdure, comptez sur ma loyauté. »

En disant ces mots elle s'avança près de moi, je sentais la peur dans ses veines et pourtant elle prit ma main dans la sienne et décolla mes griffes de l'accoudoir.

« Numéro 2. Prépare ma tenue de jour. Je vais sortir. » Dis je en me relevant.

J'allais alors dans ma chambre, elle me suivit. Elle prépara mes affaires tandis que je me dévêtis, je vis à son visage la stupeur en voyant mon corps meurtri de siècles de blessures. Et ces deux marques dans mon dos, ces ailes qui autrefois faisaient ma fierté et que je cachais dorénavant avec tant d'acharnement.

Elle laissa échapper un « un ange ! » en faisant tomber mes vêtements au sol. Elle réalisa sa faute et s'excusa platement avant de m'habiller en silence.

Je pris alors la direction de la porte. Le sort qui cachait mes particularités était bien en place. Je convoquais mes domestiques avant de quitter les lieux afin de leur donner des instructions.

« Je veux que les enfants soient nourris, lavés, habillés pour cet après midi. Un professeur va venir faire cours afin de les éduquer. Tout doit être impeccable. »

Ils acquiescèrent et je partis. Une fois sur place j'allais voir le chef du village.