Note : Lorsque vous voyez "~" cela annonce une pensée de personnage. Bonne lecture !
La semaine qui suivit notre inscription au club de littérature fut banale.
La veille, Chizu s'était endormie tard et était nichée dans son lit. Seul, dans cette maison silencieuse, je contemplai les nuages à travers la fenêtre et me demandai si Shimizu viendrait en cours aujourd'hui. Je ne l'avais pas revu depuis qu'elle m'avait lancé ces regards angoissants.
Devant le portail de mon établissement, je balayai du regard la cour à la recherche de ma camarade de classe et la découvris à côté d'un cerisier. Elle accourut à toute vitesse dans ma direction. Son écharpe flottait dans sa course.
~Un cerisier... cette écharpe, quel est ce sentiment étrange ?~
Elle s'arrêta devant moi. Sans aucune force, elle posa son poing sur mon front, par peur, je fermai les yeux.
— Ne me fais plus jamais une chose pareille !
J'ouvris les yeux, devant moi se dressait cette normie. Des larmes coulèrent lentement sur ses joues.
~Chizu m'avait confié qu'il suffisait de s'excuser pour dissiper nos regrets, c'est bien ça, sœurette ?~
J'écoutai son conseil et m'inclinai pour me faire pardonner.
— Excuse-moi, Shimizu-chan.
Elle se retourna, et me précisa.
— On va être en retard si on reste ici, idiot.
~Tu n'as pas tort.~
Je relevai la tête et découvris un sourire remplaçant ses larmes.
Elle attrapa ma main et me traîna jusqu'à notre salle de classe.
Après m'être assis, obsédé par le fait de suivre les conseils de ma sœur, je réfléchis à un moyen de me faire davantage pardonner.
~Quand bien même suis-je solitaire, insociable ou apathique, cette fille fait partie de mon club de littérature. Dans la semaine, elle est censée venir chez moi pour travailler sur notre journal. Je dois à tout prix trouver un procédé pour me faire gracier.~
J'avais peut-être la solution. Notre jeu, celui dans lequel nous nous transmettions des messages par le biais de petit bout de papier, était ma réponse.
Avec conviction, je sortis mon carnet et écrivis : que puis-je faire pour me faire pardonner ?
Je déchirai un bout, et le posai sur la table de Shimizu, à ma droite. Elle le récupéra, puis le lu.
~Là, j'ai fais une action de normie, ça devrait lui plaire, soupirai-je.~
La jeune fille leva les yeux en l'air, sourit, puis écrivit quelque chose avant de me le rendre. Je le récupérai, et lus.
~Tu n'as qu'à m'emmener à la plage, idiot.~
~Le dernier mot était obligatoire ?~
~À la plage, comme Ota-senpai, marmonnai-je discrètement.~
~C'est ça ce que ma sœurette appelle de la jalousie ?~
Je tournai mon visage vers Shimizu et hochai de la tête.
Le soir même, notre professeure principale me rappela que sa fille passerait chez moi demain soir, pour mes cours particuliers.
J'attendis Shimizu au portail de notre lycée, pour aller à la plage.
— Yamazaki-kun !
~Crie pas mon nom si fort, idiote.~
Elle s'approcha de moi.
— Je suis trop contente que tu m'aies invité !
~Je n'avais pas le choix.~
Sur notre chemin, nous discutâmes des cours, du club de littérature et de tout ce qu'ils nous passaient par la tête. Elle riait, s'amusait et semblait passer un bon moment.
~C'est ça l'univers de la 3D ? C'est étrange comme quotidien, non ?~
Nous nous assîmes sur une butte, non loin de la plage. Elle retira son écharpe et l'enroula autour de mon cou. Affligé subitement par sa douceur, je ne pus retenir ces semblants d'émotions qui évoluèrent sur mon visage.
~Tu es beaucoup trop près de moi, me répétai-je inlassablement.~
— Cadeau, me chuchota-t-elle timidement.
J'eus des frissons inexplicables parcourant mon corps.
~J'ai baissé ma garde face à cette héroïne de shōjo.~
~Mais pourquoi m'offre-t-elle son écharpe ? Dans quel but ? Elle ne la quitte pourtant jamais.~
Lorsque la nuit tomba, la jeune fille posa sa tête contre mon épaule et pointa du doigt les étoiles.
— Elles sont jolies, non ?
— Euh... oui, sans doute.
— Elles semblent si lointaines et pourtant, j'aimerais pouvoir les toucher un jour, murmura-t-elle.
Shimizu me remercia, avant de repartir à toute vitesse sans même que je puisse lui rendre son écharpe, ni que je puisse lui dire quoi que ce soit d'ailleurs.
De retour à mon sanctuaire, Chizu, curieuse me demanda.
— Pourquoi tu as ce visage débile, grand frère ?
~Dé... Débile ?~
— Je n'en sais rien.
— T'es bête. J'ai préparé le repas, tu as faim ?
— Oui !
Nous mangeâmes tous les deux et Chizu me rappela.
— N'oublie pas ton cours particulier, c'est demain, grand frère.
~J'en ai pas envie, soupirai-je.~
Le lendemain, tout le long de la journée, dès que je croisais Shimizu, elle souriait puis m'esquivait.
~Le retour à la solitude, tant mieux.~
Malgré tout, la douce odeur de menthe se dégageait de son écharpe m'enchantait et me fit oublier toutes mes questions.
~Quelle douceur irrésistible.~
~Ça ne me ressemble pas d'être sous l'emprise d'une simple odeur, que m'arrive-t-il ?~
À la fin des cours, Shimizu accourut vers moi.
~Que dois-je faire ?~
J'étais paralysé, mes pieds étaient enracinés dans le béton.
— Tu as un cours particulier ce soir, Yamazaki-kun ?
Je hochai de la tête. Elle reprit son souffle et ajouta.
— Je dois me joindre à vous, notre professeure principale m'a demandé d'y prendre part.
~Pas d'explication, rien du tout, soupirai-je.~
~Une fille qui va entrer dans ma chambre ? Encore une activité en 3D.~
~Génial.~
Arrivés à mon sanctuaire, j'attrapai la poignée de la porte et fus coupé dans mon élan en entendant des filles rirent à l'intérieur.
— C'est... c'est ton appartement ?
— Oui, je vis ici, avec ma sœur depuis que nos parents nous ont abandonnés.
— A... Abandonné ?
La porte s'ouvrit brusquement.
— Grand frère, tu es rentré !
Derrière ma sœur, je découvris notre présidente du club qui me saluai de la main timidement.
~Qu'est ce qu'il se passe ici ?~
J'inspectai les lieux et tentai de comprendre la situation. La cuisine était en désordre, de la farine étalée sur le plancher, des coquilles d'œuf et des saladiers formaient une sorte de sculpture dans l'évier.
Elles essayaient de faire un gâteau ? déplorai-je.
— C'est elle qui s'occupera de tes cours particuliers, grand frère.
Je m'approchai d'Ota et gardai le silence.
— Désolé, Yamazaki-kun, je ne t'ai pas prévenu, mais je suis la fille de Tamura-sensei.
— Sa... sa fille ?
~Je ne veux plus faire de cours particulier, soupirai-je.~
— Oui ! Shimizu-chan est là aussi ?
— Oui, elle est derrière moi.
Je me retournai et observai Shimizu qui esquivait mon regard.
Chizu sauta et s'accrocha à moi comme un koala s'agripperait à une branche. Elle leva la tête et m'expliqua.
— J'ai croisé Ota-senpai devant notre appartement, alors je l'ai invité à rentrer, tu m'en veux pas, grand frère ?
~Un ange, cette sœur.~
— Suivez-moi, on va aller dans ma chambre pour travailler.
~Quelle plaie.~
Je m'agenouillai et constatai que j'étais encerclé par les deux filles.
Notre présidente toussa avant de commencer nos leçons.
~Je haïs les cours. Les racines carrées les théorèmes et les textes bien trop philosophiques pour moi, une vraie galère.~
— Fait pas cette tête, tu vas y arriver, Yamazaki-kun, me confia notre professeure.
Chizu entra dans la chambre.
— Ota-senpai tu peux m'aider pour mes devoirs ?
~Quelle sotte. Demander de l'aide à une invitée, il faut que je m'occupe de son éducation délaissé par nos parents.~
— J'arrive Chizu. Vous deux, là, terminez vos exercices avant que je revienne.
~Sacrée ambiance, ici.~
Seul avec Shimizu, la gêne s'amplifia dans un silence presque effrayant.
Cette maladroite fit tomber son crayon. Je me penchai pour le ramasser et ressentis au même moment une chaleur glissée délicatement sur ma main. Du coin de l'œil, j'observai sa main posée sur la mienne. Lorsqu'on releva la tête, nos visages, si proches l'un de l'autre, s'empourprèrent. Notre embarras cessa lorsque la porte de ma chambre s'ouvrit de nouveau. Nous remarquâmes Chizu et Ota qui devinrent témoins de la scène, elles observèrent nos mains, superposées.
— Grand frère, c'est... c'est ta copine ?
~Elle se rend compte que ce qu'elle dit est impossible ?~
— Dit pas n'importe quoi !
Shimizu retira sa main et se retourna.
~Première chose à faire, dissiper la confusion.~
— Ce n'est qu'un malentendu !
~Quel calvaire.~
Ma sœur comprit mon désespoir et proposa.
— Vous voulez mangez ? Vous devez être épuisée !
Merci, Chizu.
Nous nous assîmes autour de la table et dégustâmes silencieusement ces ramens d'une saveur délicieuse.
~C'est aussi bruyant qu'au chapitre 383 du tome 42 de mon manga favori.~
Les filles semblèrent toutes focalisées sur leurs assiettes. Seul le bruit des baguettes et le son lorsque nous sirotâmes notre bouillon, brisaient quelque peu ce silence si pesant.