On a enfin évacuer tout le monde et le soleil, quant à lui, commence à décliner, lentement. Trish s'assoit alors sur un rondin de bois et se tient la jambe, ce qui attire mon attention.
Trish : Argh…
Jules : Tu devrais te reposer un peu, tu l'as mérité.
Trish : Oui, c'est ce que je vais faire…
Elle relève la tête. De là où nous sommes, sur une petite colline en bordure de forêt, on a une vue sur tout le campement. On observe tous les deux les va et vient que font les chasseurs, chacun de leurs mouvements, tel un humain qui observe une fourmilière. C'est alors que j'aperçois Nounou qui se balade avec un panier de nourriture dans les mains.
Jules : Au fait, Geno n'est toujours pas revenu ?
Trish : Je ne sais pas, je ne l'ai pas vu en tout cas.
Jules : Ah… Je vais le chercher.
Trish : D'accord, je vais rester là le temps que la douleur passe, préviens moi quand tu sera de retour.
Jules : D'accord, j'y penserais.
Je m'enfonce donc dans la forêt, guidé par l'aura de celui que je cherche. Je fini par le retrouver après avoir traversé la forêt, il est assis sur un muret de pierre, observant le champ où travaillent des paysans, le tout avec un coucher de soleil au loin. Je vais m'asseoir à côté de lui et j'observe deux hommes qui travaillent la terre.
Jules : Je suis désolé pour sa mort...
Il ne me répond pas, j'aurais peut-être pas dû dire ça, ça ne fait que raviver sa douleur. C'est alors qu'il bouge légèrement.
Geno : Tout à l'heure j'ai affronté un Symviosi qui avait peut être des réponses sur ce que tu cherches.
Jules : La sortie de ce monde ?
Geno : Oui, il semblait avoir beaucoup de connaissances sur ce monde et ce qui l'entoure.
Jules : Et ?
Geno : Je l'ai tué.
Jules : Ah… De toute façon, il ne m'aurait pas aidé… Aucun d'entre eux ne pourrait nous aider, ils ne sont pas comme nous après tout, pourquoi le feraient-ils ?
Geno : On ne sait jamais, peut être qu'ils changeront… Dans le futur.
Un silence s'installe, rythmé par la discussion lointaine des paysans qui labourent le champ devant nous à l'aide de bœufs. J'ai l'impression qu'il n'y croit plus, c'est ce que me décrivent ses paroles, il a abandonné cette idée de revenir à nos anciennes vies. Mais bon...
Jules : Au moins, il y a encore de l'espoir pour revenir chez nous, retrouver notre ancienne vie même si ces souvenirs ne sont pas très clairs... Tous les trois, il faut qu'on mène un combat tous ensemble, un combat pour rentrer chez nous. On ne doit pas perdre espoir et on doit tous combattre… Tous ensemble.
Je lui tends la main en le regardant droit dans les yeux avec un léger sourire. Je suis sûr qu'il acceptera cette poignée de main symbolique. Une poignée de main symbolisant notre combat, une sorte de promesse.
Jules : Alors, qu'en dis-tu ? Tu veux me promettre de combattre avec moi, de garder espoir en l'avenir pour retourner chez nous ?
Il reste un moment à observer la main que je lui tends, surpris, puis il fait un mouvement de la main gauche vers la mienne. Il va accepter cette promesse symbolique ! Nos deux mains se rapprochent, Il va le fai... Non, elle continue son chemin vers son visage. Il baisse alors son cache-cou, il descend ce morceau de tissu et révèle son visage en entier… Je suis totalement paralysé par ce que je vois, c'était donc pour ça qu'il cachait son visage depuis si longtemps... Je… Je n'avais jamais vu ça avant... Du cou jusqu'à son nez, il est couverts de cicatrices, de marques de brûlure, de blessures encore ouvertes… Partout… Son visage est détruit par les marques… C'est une réelle vision d'horreur qui me paralyse.
Geno : Sache une chose… Toi et moi, on a pas les mêmes objectifs. Je m'en fous de sortir d'ici ou pas, tout ce que je veux c'est me venger pour ceci... Je vais tous les tuer... Je vais les éradiquer pour ce qu'ils ont fait, peu importe les moyens que j'utiliserais, peu importe le temps qu'il me faudra, je vais détruire cette maudite race… J'en ai fait la promesse…
Je peux lire la haine et la détermination sur son visage avant qu'il le cache à nouveau et qu'il saute du mur pour partir en direction du camp. Je reste un moment immobile, encore sous le choc de ce que je venais de voir.
Jules : Attends !
Il s'arrête net mais ne se retourne pas vers moi, me tournant simplement le dos.
Jules : Si ton seul but est de détruire les parasites, alors... Pourquoi m'aides-tu ?
Il sourpire
Geno : Tu as un combat qui ressemble au mien... Toi aussi tu te bat contre ces parasites, donc je t'aide, c'est tout…
Jules : Et tu penses qu'il est possible de sortir de ce monde ?
Il reste un moment muet avant de me répondre.
Geno : Je pense qu'il y a bien un moyen de s'échapper… Mais, ça va nous demander beaucoup de temps et d'énergie… Il ne faut juste pas perdre espoir.
Jules : Arrête, tes paroles te trahissent, tu ne le penses pas.
Il tourne légèrement sa tête, me lance un petit coup d'œil.
Geno : J'ai dit ça pour que tu ne perdes pas espoir. Ca serait bête que tu deviennes comme l'autre avec sa faux, à penser que le scuicide te permettra de sortir d'ici. Un soldat sans espoir est un soldat mort et moi j'ai besoin de soldats pour m'aider à éradiquer ces foutus monstres.
Il me lance un dernier regard puis finit par s'enfoncer dans la forêt. Comment il a fait pour en arriver là ? Ne plus vouloir retrouver sa vie au point de l'oublier... C'est cette quête de vengeance, c'est ça qui l'anime ? Et s'il m'aide depuis le début, c'est pour que je l'aide dans son combat ? Il m'utilise ? Non… Je ne pense pas… Cependant, il m'encourage... Il m'encourage à combattre... Et...
Je sens quelque chose venir se blottir contre moi. Je tourne alors la tête et aperçois un chat à mes côtés, sur ce mur. C'est le même chat que la dernière fois, celui ayant les yeux crevé et un pelage noir et blanc. Je tente de garder mon sang froid mais plusieurs questions traversent mon esprit. Comment est-ce que ça se fait qu'il soit là ? Il se met à se blottir contre moi en ronronnant. Comment ça se fait qu'il soit là ? Et puis, pourquoi il me suis ? Pourquoi il se retrouve là ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi putain ?! Il faut... Non... Il doit... Il doit... Il doit disparaître ! Je dois le tuer ! Non ! Qu'est ce qui me prend bordel ?!
Trish : Jules…
Le chat s'enfuis et mon envis de meurtre disparait d'un coup. Qu'est ce qu'il vient de se passer ? J'observe mes mains, c'était quoi cette sensation ?
Trish : Ça va ?
Trish vient s'asseoir à côté de moi. Je reste silencieux, essayant de comprendre ce qui venait de se passer.
Trish : Qu'est ce que tu faisais ?
Jules : Tu… Tu n'as pas vu ce qu'il s'est passé à l'instant ?
Trish : Non, pourquoi ?
Elle ne l'a pas vu ? Ça veut dire que je suis le seul à l'avoir vu… Est ce que je dois lui en parler ? Elle va me prendre pour un fou mais… Non, mieux vaut ne pas en parler, je vais juste oublier ce qu'il vient de se passer.
Trish : Tu es sûr que ça va ?
Jules : Oui, ça va, même si ça pourrait aller mieux…
Trish : C'est vrai qu'avec ce qu'il s'est passé, c'est un peu dur de garder le moral...
Je ne pensais pas spécialement à ça mais elle n'a pas tord.
Trish : Sinon, tu ne m'as pas réellement dit ce que tu faisais ici, "Rien" n'est pas une réponse.
Jules : J'observais le coucher de soleil dans le calme et… Attends, tu ne comptais pas m'attendre d'ailleurs ?
Trish : Si mais comme je n'avais plus mal à la jambe, je suis venu te voir, et puis c'est agréable ici.
On reste un moment, tous les deux assis sur ce mur, sans parler, juste à apprécier le coucher de soleil et le calme ambiant.
Trish : Dis, tu pourrais me parler un peu de "ton monde" ?
Jules : Mon monde ?
Trish : Oui, tu en parlais avec Geno hier soir et ça m'intriguais.
Ah, donc elle a tout entendu…
Trish : Dis, qu'est ce qu'il y a de plus là bas, qu'est ce qui te motive tant à y retourner ?
Ce qu'il y a de plus ? Même si tout est vague, j'ai quand même des souvenirs de ce monde et de son fonctionnement… J'ai juste oublié ce que j'ai vécu… Mes origines et mon histoire.
Jules : Je veux y retourner car c'est là bas qu'est ma place, c'est ma maison... Et puis, la vie est plus agréable là-bas, je n'avais pas besoin de risquer ma vie comme je le fais maintenant. On avait pas de mana donc pas de pouvoirs, certes, mais on avait des objets qui étaient presque magiques dans leur fonctionnement et qui permettent à l'humanité d'aller de l'avant. On peut vivre plus longtemps et les soins étaient bien mieux qu'ici...
Elle m'écoute avec attention, concentrée sur mes paroles.
Jules : On avait le droit à une bonne éducation aussi.
Trish : Tu es en train de dire qu'on est mal éduqué ?
Jules : Non pas du tout, c'était juste un exemple mais... Oui, tout était incroyable... On pouvait même voler !
Trish : Ça doit être incroyable comme sensation !
Jules : Enfin, voler... Dis toi qu'on était dans une grosse boîte faite de métal et que les seules choses qu'on ressentait c'était des tremblements de temps en temps.
Trish : Ça avait un nom ?
Jules : Oui, on appelait ça un "avion".
Trish : Un avion...
Elle a des étoiles plein les yeux, ce qui me choque, elle est très différente de la Trish froide et presque arrogante que j'avais rencontré lors de mon arrivée. Elle regarde la paume de sa main droite et y fait apparaître une petite tornade qu'elle semble maîtriser.
Trish : Il faudrait que je tente de voler...
Jules : Ton mana le permet ?
Trish : Oui mais ça demande un entraînement très long... Beaucoup ont essayé sans jamais avoir de résultats.
Elle ferme alors sa main.
Jules : Ne t'en fais pas, je pense que tu en es capable. Si tu ne baisse pas les bras et que tu t'en donnes les moyens, tu y arriveras... Ne perds pas espoir.
L'espoir... C'est ce qui m'anime et me force à vivre... L'espoir de revoir un monde qui s'éloigne petit à petit alors qu'il est déjà si lointain qu'il se perd dans mes souvenirs... Je ne sais pas si elle cherche encore un but à sa vie ou si elle s'est mise à suivre sa voie, une voie basée sur le fait d'aider les autres, mais une chose est sûre, c'est qu'elle a espoir pour la suite car elle sait que c'est possible... Le soleil disparaît peu à peu derrière les montagnes qui se dessinent à l'horizon, annonçant ainsi le début de la nuit.
Jules : Allez, rentrons...
La nuit finit par tomber et les ténèbres prennent possession du camp qui reste éclairé à certains endroits par les différents feux. Une fois arrivés, on se sépare tous les deux. Trish va rejoindre les autres alors que moi je me dirige vers le cimetière de fortune qui avait été fait rapidement. Pendant que je traverse le campement, je croise le regard de certains chasseurs qui me regardent tous avec dégoût. Je ne comprends pas vraiment pourquoi est-ce qu'ils agissent comme ça mais j'essaye de les ignorer, traçant mon chemin. Arrivé au cimetière, je cherche la tombe de Mark mais impossible de la trouver. J'ai observé attentivement toutes les croix en bois, plantées dans le sol, mais aucune ne porte son nom.
Jules : Étrange...
Voix féminine : Tu cherche celui que tu as tué ?
Cette voix me dit quelque chose, je me retourne et aperçois alors une chasseuse avec de longs cheveux bruns légèrement bouclés.
Jules : Toi ?
C'est elle qui était à nos côtés lors du combat face au Symviosi.
Chasseuse : Tu es surpris de me voir en vie ?
Jules : Non, c'est juste que je m'attendais pas à te voir ici.
Chasseuse : Oh…
Son regard dérive et vient se poser sur une croix ne portant aucun nom.
Chasseuse : Sa tombe est juste là.
Aucun nom n'est inscrit… ce n'est pas la seule, d'autres aussi n'en ont pas.
Jules : Pourquoi il n'y a aucun nom sur la tombe ?
Chasseuse : Personne le connaissait... Il faisait partie d'une escouade composée uniquement de nouveaux chasseurs, des jeunes que personne ne connaissait et qui ont tous perdu la vie. Voilà pourquoi il n'y a pas de noms, c'est parce qu'ils sont morts lors de leur première mission… Aucun d'entre eux n'à eu le temps de graver leurs noms au plus profond de nous.
J'observe longuement cette tombe anonyme, en silence.
Jules : Comment tu sais que c'est lui ?
Chasseuse : Car je l'ai enterré moi même... D'ailleur, le général Nerelli avait apporté ça avec, sachant pertinemment qu'il y aurait des morts
Elle me tend alors un marteau ainsi qu'une sorte de pieu en métal.
Chasseuse : Je pense que c'est à toi de le faire, t'es la seule personne à avoir gravé son nom au fond de toi.
Et c'est à cause de moi s'il a fini comme ça… C'est à moi de lui rendre honneur, il s'est sacrifié pour me stopper, pour me ramener à la raison. J'attrape les outils et écris le nom.
Chasseuse: "Mark", tu n'as pas son nom de famille ?
Jules : Non, malheureusement…
Je lui rend les outils et admire, dans la pénombre, la pauvre petite sépulture qui ne lui rend, malheureusement, pas hommage.
Jules : Et toi, quel est ton nom ?
Chasseuse : Andra, Andra Tolmac.
Jules : Moi c'est…
Elle me coupe.
Andra : Jules, je sais.. Ton nom n'est plus inconnu ici et il n'est pas très bien perçu.
Je vois, c'est pour ça que tout le monde me regardait mal lorsque je suis revenu avec Trish, ils ont eu vent de ce qu'il s'est passé.
Andra : C'est aussi pour ça que je viens dte voir, vous feriez mieux de vite partir toi et ton escouade, j'ai peur que les autres se défoulent sur vous à cause de la merde que vous avez ammené toi et ton pote le masqué.
Elle se met alors à quitter le cimetière sans rien dire mais s'arrête un instant et se tourne vers moi.
Andra : J'oubliais.
Jules : Quoi ?
Andra : Tu n'as pas à te sentir coupable, il n'est pas mort par ta faute.
Comment est-ce qu'elle peut dire un truc pareil ?
Andra : Ce n'était pas toi au commandes, on l'a bien vu tous les deux et puis il avait conscience des risques qu'il prenait en te demandant d'utiliser ton pouvoir… Même si tu as tué une personne, tu en as sauvé d'autres donc reste l'esprit tranquille. Je pense que de là où il est, il ne veut pas que tu te sentes coupable.
Au même moment, je revois le sourire de Mark lorsque ma lame l'a transpercé.
Andra : Aussi, tenter une résurrection n'aurait fait qu'amener des problèmes en plus et je ne pense pas que c'est ce qu'il aurait voulu.
Jules : Tu as raison…
Elle reprend alors sa marche, s'enfonçant et disparaissant dans les ténèbres, me laissant seul face à toutes ces sépultures.