Nounou pose un verre en céramique rempli d'eau mélangée aux herbes médicinales et s'assoit sur une des chaises en bois qui sont placées autour de la table, au centre de la pièce principale de la maison.
Senapus : Merci.
La peluche ne répond pas, le fait que son créateur lui ait caché l'existence d'un "frère" l'énerve et le perturbe, ajouté au fait qu'il a du mal à comprendre ce qu'il se passe réellement. Il fixe alors le fantôme qui est lui aussi assis à la table.
Fantôme : Bon, Par où commencer.
Nounou : C'est quoi ton nom ?
Fantôme : Pierre ! C'est le nom que j'avais quand j'étais encore un humain.
Nounou : Et qu'est ce que tu faisais en moi ?
Pierre : Eh bien...
Il désigne Senapus du regard.
Senapus : Je ne suis pas sûr mais...
Nounou : Mais ?
Senapus : Je crois que ça a un rapport avec le fait que tu sois, de base, quelque chose d'inanimé… Je pense que le fait que l'existence de Pierre dans ton corps explique le fait que tu puisse exister en tant qu'être vivant.
Nounou : Donc je dois la vie à cette chose ?
Senapus : Je pense que oui…
Nounou : Tu as encore quelque chose à me cacher ?
L'homme soupire profondément.
Senapus : Pour tout te dire, tu es venu à la vie suite à une tentative de résurrection qui ne s'est pas déroulée normalement... Lorsque Pierre est mort d'une maladie, j'ai essayé de contourner la résurrection en utilisant un autre corps à sacrifier. J'aurai ainsi pu revoir mon fils sans avoir à en subir le prix... Et ce corps c'était le tiens, lorsque tu n'était pas encore un être vivant, lorsque tu n'étais qu'un simple jouet. Malheureusement ça n'a pas fonctionné comme prévu et on en est là...
Complètement abasourdi par ce qu'il venait d'entendre, Nounou tente de contenir sa colère et son incompréhension.
Nounou : Pourquoi... Pourquoi tu ne m'as pas parlé de ça ? Pourquoi tu m'a tenu dans l'ignorance ?
Le vieillard est incapable de répondre à sa question et baisse la tête.
Nounou : Réponds-moi... S'il te plaît...
Pierre : C'est parce qu'il n'en était pas capable... Plus le temps passait, plus il se sentait coupable de t'avoir menti, plus il avait du mal à te l'avouer.
Nounou : Donc, pendant toutes ces années... Toutes les fois où je te demandais pourquoi j'étais différent et que tu me répondais que c'était normal et que je ne devais pas m'en inquiéter... Tout ça c'était des mensonges, tout ça parce que t'étais incapable d'affronter la vérité en face...
Il se lève d'un coup, lançant un regard méprisant et attristé à Senapus qui n'avait toujours pas relever la tête avant de quitter la maison en claquant la porte après lui. Pierre pose alors sa main sur l'épaule de Senapus et ce dernier relève la tête et le regarde droit dans les yeux.
Pierre : Je vais le ramener, ne t'inquiète pas.
Il quitte lui aussi la maison et va rejoindre celui qu'il considère comme son frère. Tous les deux errent dans les rues de Tynau qui ont un peu repris leur vie d'avant, sans réel but, ignorant les lourds regards des gens remplis de jugement sur leur nature.
Pierre : Je sais que c'est dur d'encaisser tout ça d'un coup, mais essaye de le comprendre.
Nounou : Je t'ai pas demandé de me suivre...
Pierre passe alors son bras fait de ténèbres au-dessus de l'épaule de la peluche.
Pierre : Je vais pas t'abandonner, t'es mon frère... D'ailleurs, t'aurais pas grandi depuis quelque temps ?
Nounou : Peut-être…
Pierre : Dans mes souvenirs, tu étais légèrement plus petit que les humains.
Nounou enlève le bras qui était posé sur son épaule.
Nounou : Mon corps fonctionne comme celui des humains ou des orcs, c'est pour ça que je fais leur taille… Il y a juste ma peau et certains organes qui sont différents… Et arrête de dire que je suis ton frère.
Pierre : Tu sais, j'ai vécu en toi pendant un moment, donc je sais comment tu fonctionne.
Nounou : Alors pourquoi tu me poses la question ?
Pierre : Hum… Je ne sais pas.
Pierre lui met une petite pichenette à l'oreille.
Nounou : Aie ! D'ailleurs, si tu vivais en moi, est-ce que tu as vu et vécu les mêmes choses que moi ?
Pierre : Ça va peut-être te déranger mais...
Il se met à léviter ce qui fait peur aux passants.
Pierre : Oui, j'ai tout vu et vécu, depuis ta prise de conscience jusqu'à ce qu'il se passé dernièrement. Je ne pouvais juste pas interagir et...
Il se met à faire quelques acrobaties dans les airs.
Pierre : Ca fait du bien de retrouver un peu de liberté.
Nounou : Je suis content pour toi, mais du coup ça te fait quel âge maintenant ?
Pierre : Hum… comme j'ai passé quatorze ans sous forme humaine et environ dix-sept ans en toi, ça doit faire... Hummm… Tr ... Trente et un ans ?!
Nounou : T'as trente et un ans mais tu te comporte comme un adolescent le tout dans un corps qui ne peut pas changer. Quelle ironie... T'as vraiment dû t'ennuyer pendant tout ce temps.
Pierre : Un peu... Mais ces dix sept ans sont passés vite car j'étais rassuré de voir que quelqu'un prenait soin d'une personne qui m'était chère…
Un petit sourire peut se voir sur le visage du fantôme.
Pierre : Merci… Merci pour ce que tu as fait… Petit frère.
Les ténèbres qui m'entourent se dissipent petit à petit. Je me réveille et me redresse lentement avant de scruter le lit sur lequel je suis, dans une chambre, mais je ne sais pas où exactement car elle ne ressemble pas à celle que j'ai à la guilde.
Petra : Tu vas bien ?
Je me tourne vers Petra qui me tend un vers d'eau. Elle est assise sur une chaise près du lit.
Petra : Tiens, ça devrait te soulager, c'est une concoction faite maison.
Jules : Merci.
J'attrape doucement le verre et bois le contenu qui est à l'intérieur. Il y a un léger goût que je ne connais pas mais qui est vraiment très agréable.
Petra : J'y ai dilué de l'extraction d'herbes médicinales. Je pense que ça va soulager tes hallucinations.
Mes hallucinations ?
Jules : Comment ça ?
Petra : Tu ne te souviens pas de ce qu'il s'est passé il y a quelques heures ?
Il y a quelques heures ? Si, ça me revient... Petit à petit... cette voix et ce... Chat...
Petra : Tu as commencé à parler tout seul et tu me disais que tu voyais un chat.
Jules : Oui, je me souviens... Donc ce sont des hallucinations... Ce ne sont que des tours que me joue mon cerveau...
Petra : Je ne pense pas.
Je la regarde, étonné.
Petra : Enfin, tout ce que tu as vu et ressenti n'est peut être pas la cause de ton cerveau. Lorsque que tu te parlais à toi-même, tu devais entendre des voix non ?
Jules : Oui.
Petra : Elles sont bien le fruit de ce qui est dans ta tête... Mais, pour le chat que tu me décrivait, je crois qu'il est bien réel.
Jules : Mais, pourtant vous ne l'aviez pas vu sur le moment.
Petra : Oui mais c'est fort probable que ce chat soit ce qu'on appelle un démon, un être surpuissant aux capacités extraordinaires. Il y en a plusieurs qui existent et ils ont tous une forme physique différente ainsi que des pouvoirs différents. Celui que tu a vu s'appelle Ongul mais il porte aussi le nom de "Chat de la destruction". Selon de vieux textes religieux, il se révèle aux yeux des gens ayant la capacité de changer le monde autour d'eux...
Changer le monde…
Petra : Mais quelque chose m'intrigue chez toi. Tu n'a pas l'air d'avoir eu vent des ces informations auparavant.
Au moment où elle dit ces paroles, je me sens un peu gênée.
Jules : C'est un peu long à expliquer mais pour faire simple, je suis arrivé dans ce monde il n'y a pas longtemps...
Elle n'a pas l'air si choquée que ça, ce qui me surprend mais je pense qu'elle s'y attendait et c'est pour ça qu'elle m'a posé cette question.
Petra : Hmmm, je comprends mieux... Donc personne ne t'a expliqué ce qu'il y a au-delà des mers ?
Jules : Il faut croire que non.
Elle soupire.
Petra : Dans ce cas, ça va être à moi de te l'expliquer... Il faut savoir qu'ici, nous somme sur le continent des mortels, c'est ici que vivent tous les êtres vivants comme les humains, les orcs et d'autres animaux. Sur ce continent il y a six royaumes ainsi qu'une entité religieuse qui dirige tout qu'on appelle "La Papauté". J'espère que je ne t'apprend rien de nouveau pour l'instant.
Jules : Pas vraiment.
Petra : Bien, donc ce continent forme un île que l'on a, pendant longtemps, pensé être seul au milieu de l'océan. Sauf que l'on a appris, il y a bien des années, qu'il y a une bande de terre qui forme un cercle assez large autour de notre continent et que l'on appelle "Le continent des démons". C'est là bas que vivent une grande partie des démons.
Jules : Comment ça ? Je ne comprends pas tout. Il y aurait une autre bande de terre qui entoure celle où nous somme actuellement et qui serait le lieu de vie de ceux que vous appelez "démons".
Petra : Oui.
Des démons… Est ce qu'ils sont liés au parasites ? Et s'ils sont appelés "démons", c'est qu'il doit bien y avoir une raison… Donc je devrais me méfier de ce maudit chat que je vois partout ?
Petra : Entre ces deux morceaux de terre, je t'ai dis qu'il y a la mer mais il y a aussi une sorte de barrière que l'on ne peut pas voir et qui bloque toute entité ayant du mana ce qui empêche les démons de venir ici et d'agir sur nos vies sauf pour une petite partie d'entre eux que l'on nomme "les démons supérieurs"... Et Ongul, celui qui te suit, en est un…
Jules : Donc le fait que je le vois fait de lui un démon supérieur ?
Petra : Pas exactement, c'est surtout le fait qu'il puisse agir sur ta vie, sur la vie de quelqu'un étant sur notre continent, qui fait de lui un démon supérieur. Mais il faut savoir que le contient des démons est lui-même entouré d'une mer et d'une bande de terre assez mystérieuse nommée "continent des omnipotents" qui est, comme toutes les autres, entourée d'eau et d'une autre bande de terre : "Les terres du chaos". Malheureusement, aucun texte religieux ne nous donne d'informations sur ces derniers.
Jules : Je vois, merci.
Ces terres inconnues... Est ce qu'elles pourraient m'être utiles pour sortir de ce monde ? Est ce qu'elles ne seraient pas la clé ? Au même moment, Petra se lève de sa chaise.
Petra : Bon, je vais te laisser te reposer… Je voulais au moins te dire tout ça avant que je l'oublie.
Je me lève du lit, ce qui la surprend.
Jules : C'est bon, ça ira. Je vous ai causé beaucoup d'ennuis et j'aimerai pas vous déranger encore plus. Et merci pour la concoction que vous avez faite, elle m'a bien soulagé.
J'aperçois un léger sourire apparaître sur son visage.
Petra : Si tu le dis...
Je décide de prendre mes affaires et je me dirige vers la porte d'entrée sous les yeux de la mère de Mark. C'est alors que je m'arrête net devant la porte et me tourne légèrement vers Petra.
Jules : Au fait, Petra… Votre fils n'a pas eu le temps de vous le dire mais il vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour lui.
Elle reste silencieuse un moment, se contentant de m'observer. Voyant qu'elle ne répond pas, je sors en silence et c'est alors que j'aperçois le père de Mark, sur ma gauche, qui construit une croix en bois avec le nom de son fils inscrit dessus. Il sait que je le regarde mais il évite de croiser mon regard. "les chasseurs ne vivent pas très longtemps ou arrêtent au bout de quelques années", c'est dur de l'admettre mais Oriolda avait raison… Voir les parents qui creusent la tombe de leur propre fils... Quelle triste vie…