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Chapter 35 - La détective et moi - Normalité.

Quel autre problème ?

De quoi voulait-elle parler ?

Continuant de me regarder de ses yeux gris, elle s'affala dans son fauteuil. Elle attendait sûrement que je lui réponde, mais si je ne savais même pas ce qu'elle voulait dire par là, cela risquait d'être compliqué.

Peut-être comprit-elle que je ne savais pas quoi répondre, car elle finit par reprendre la parole.

« Toi… Tu supportes pas la vue du sang, » dit-elle avec un air très sérieux ; sévère, même. « Alors comment comptes-tu m'assister si tu ne peux même pas garder ton calme face au sang ? »

Elle m'avait presque coupé la respiration, avec des paroles aussi tranchantes que les siennes.

Je me doutais qu'elle avait déjà compris que la couleur du sang déclenchait en moi de sévères crises de panique, notamment après qu'elle ait utilisé mes lunettes de soleil pour me calmer. Mais je ne pensais pas qu'elle aborderait avec autant de force un tel sujet. Surtout qu'au vu de son ton dur et absolu, elle réfléchissait très sérieusement aux conséquences qu'un tel problème pouvait avoir dans son propre travail.

Je ressentis un désagréable pincement au cœur, et compris que ses paroles m'avaient probablement un peu blessé.

Toutefois, j'avais été le premier à parler d'honnêteté. Je me devais donc d'honorer ces paroles, et pris sur moi.

« À vrai dire, ce n'est pas seulement la vue du sang qui m'affecte, mais de tout objet qui a une couleur similaire... » Avouais-je sous le regard inquisiteur de la détective.

Elle cligna lentement des yeux tout en continuant de me regarder calmement, sans dire un mot. Comme si elle buvait entièrement mes paroles. Peut-être était-ce sa façon de procéder, pour mémoriser des informations personnelles sur une personne en particulier.

« Je n'ai jamais su ce qui déclenchait ça, mais j'en souffre depuis aussi longtemps que je m'en souvienne... » Continuais-je d'expliquer. « Et comme vous avez pu le voir, même si l'objet ou la surface est petite, le choc est toujours aussi grand pour moi. »

« Je m'en doutais un peu, mais étant donné que ce n'est pas que le sang, mais carrément la couleur qui te fais te sentir mal, ça te complique la vie au quotidien, pas vrai ? » M'interrompit la détective. « C'est pour ça que tu avais des lunettes de soleil dans ton sac, le jour où on s'est rencontrés ; alors que pourtant, il pleuvait averse et qu'il faisait nuit... »

C'était donc depuis cet instant-là qu'elle avait remarqué que je portais inhabituellement et en permanence des lunettes de soleil, alors ? Aussi, c'était probablement ce qui l'avait fait agir aussi vite, lors de ma crise de panique…

Rapidement j'acquiesçais d'un hochement de tête.

« Et donc ? C'est un assez gros handicap, quand on est mêlé à des affaires comme les miennes... » Reprit la détective. « ça ne dégénère pas toujours, mais tu l'as vu toi-même : les choses peuvent facilement aller pour le pire... »

Certes, c'était un gros handicap. Mais à mes yeux, c'était moins problématique que mon manque d'émotivité. Je savais déjà que cette terreur incontrôlable que je ressentais en voyant cette couleur rouge bordeaux ne serait pas facile à dépasser ; mais c'était quelque chose que j'arrivais un peu à maîtriser, grâce à cette paire de lunettes de soleil.

D'un autre côté, ma passivité et mon attitude froide avec les gens était beaucoup plus terrible à mes yeux. Alors, il fallait que je la convainques.

« Même si ça peut être assez ennuyant au quotidien, je sais que ce que je peux vous apporter dépassera cet inconvénient, » me défendis-je.

« Oh ? Et que m'apporteras-tu, Nijima-kun ? » Demanda-t-elle avec malice tout en levant un de ses sourcils.

Regardant autour de moi tout l'appartement, mes yeux se posèrent sur les sacs poubelle, mais aussi les documents délaissés au sol, et sur les fenêtres poussiéreuses donnant sur la rue en contrebas.

« Je peux vous aider à entretenir les locaux, en plus de vous aider sur le terrain, » lui proposais-je. « Et aussi vous aider pour tout ce qui est administratif... »

Cette fois-ci, elle fronça ses deux sourcils, et pendant un instant, elle leva les yeux vers la gauche, comme pour réfléchir aux avantages et inconvénients de mon offre. Elle fit également la moue, et son expression générale, bien qu'étant celle d'une personne concentrée et confuse ne faisant plus attention aux gens l'entourant, me soulagea.

J'avais la sensation de me sentir bien, à observer son visage graduellement changer, et à ne pas avoir peur de son regard sur moi. J'avais toujours eu la crainte de ce que les gens pouvaient penser à mon sujet, mais la détective semblait bien loin de tout cela. Pour elle, c'était comme si j'étais une personne tout à fait normale, malgré mes défauts et mes manques ; et sur ce dernier point, je l'enviais même un petit peu. Car à ses yeux, tout le monde devait paraître 'normal'…

« Sûr, c'est vrai que j'ai pas forcément le temps de m'occuper du ménage... » Réfléchit-elle à voix haute. « Et j'avoue qu'un peu de classement dans mes dossiers ne serait pas du luxe... »

J'avais sûrement fait mouche avec ma proposition, car avec ses yeux s'ouvrant et se fermant légèrement, je compris qu'elle passait en revue tous les scénarios où je pourrais lui être utile.

J'espérais juste qu'elle n'allait pas en abuser au quotidien…

La détective se leva alors soudainement de son fauteuil, et tendit sa main vers moi.

Un peu pris de court par ce mouvement, et ne sachant pas vraiment ce qu'elle attendait de moi, je fixais du regard la main blanchâtre pointée dans ma direction ; avant de lever le regard vers sa propriétaire.

Elle me souriait, et me regardait droit dans les yeux.

« Nijima Iwao-kun... » Dit-elle. « Je t'ai déjà expliqué que je n'étais pas du genre à me livrer facilement aux autres, pas vrai ? »

J'acquiesçais d'un signe de tête.

Elle avait en effet abordé ce point, qui selon elle, était essentiel pour être un bon détective privé. Mais plus je passais de temps avec elle, et plus je me rendais compte que cela correspondait plutôt à un trait inhérent à sa personnalité : elle n'aimait pas se confier aux autres ni dévoiler sa véritable nature, d'où ce besoin qu'elle avait eu de me faire du chantage. Ce qui était en absolue contradiction avec l'attitude qu'elle pouvait avoir en la présence de ses clients.

Dans le cas de ces derniers, elle voulait se faire remarquer, et être au centre de l'attention. C'était une représentation qu'elle donnait ; aussi, me demandais-je si c'était encore le cas ici et maintenant, ou si j'avais affaire à la 'vraie' détective en face de moi.

La réponse à ma question, si triviale soit-elle, allait rapidement arriver.

« Tu vois, je pense que je peux te faire confiance au moins pour te dévoiler quelque chose à mon sujet, » ajouta-t-elle. « Alors, est-ce que toi aussi, tu me fais suffisamment confiance ? »

Est-ce que je lui faisais confiance ? Je n'étais pas vraiment sûr que ce mot s'applique à notre situation actuelle ; mais si je devais la conforter dans son choix, alors…

Je me levais du canapé où j'étais resté assis durant tout ce temps, et avec précaution, pris d'une main incertaine sa main à elle.

« Je suis Nijima Iwao, et je vous fais confiance, » Annonçais-je en restant complètement immobile. « Et je postule pour être votre assistant... »

La détective me sourit de plus belle, et secouant ma main avec la sienne, se présenta.

« Je suis Hiraoka Misato, et je te fais aussi confiance, » Dit-elle. « Quant au poste d'assistant, il est à toi. »