Chereads / Tendresse Mort-Vivante / Chapter 39 - Dossier N°2: Le fantôme dans la fenêtre - Je peux le voir.

Chapter 39 - Dossier N°2: Le fantôme dans la fenêtre - Je peux le voir.

L'orage était déchaîné dehors, la pluie martelant les vitres et le vent secouant les volets en bois.

La température avait déjà un peu baissé dans la pièce où nous nous trouvions, mais ce n'est pas la météo qui nous fit frisonner à ce point, ni même l'obscurité ambiante.

Je savais déjà que ce déplacement professionnel n'allait sûrement pas être de tout repos. Devoir se lever à 5 heures du matin pour embarquer à bord du petit van blanc nous amenant à destination sortait déjà de mes habitudes, et donc, de ma zone de confort.

C'était également la première fois, depuis le collège et le lycée, que je m'embarquais dans ce qui s'approchait le plus d'un voyage de groupe. Toutefois, je savais faire la différence entre cette activité de jeunesse, et la présente mission : il s'agissait de travailler, et non de s'amuser à visiter tel ou tel lieu touristique.

Pourtant, simplement travailler allait s'avérer difficile, avec une telle tempête faisant rage à l'extérieur.

Un éclair illumina momentanément le jardin à l'extérieur, comme l'aurait fait un flash géant d'appareil photo ; attirant momentanément les regards de tous ceux présents dans la pièce. Le disjoncteur n'avait pas encore été ré-enclenché, et je sentis rien qu'à l'attitude agitée de certaines personnes, que ces dernières commençaient à perdre patience.

L'éclairage de sécurité et les lampes d'appoint ne devaient probablement plus assez les rassurer, et je les comprenais.

Être coincés au milieu de nulle part, à devoir subir les aléas de la météo pouvait vous faire ça.

Toutefois, ce qui avait fait trembler tout le monde dans la pièce n'était ni le froid ambiant et l'humidité, ni le tonnerre grondant à l'extérieur.

Ce qui avait pétrifié, comme pris dans une transe toutes les personnes présentes, n'était autre qu'une voix.

Je m'imaginais alors comment la détective aurait réagi, en pareille situation.

Peut-être aurait-elle rigolé bruyamment, ou tenté de détendre l'atmosphère avec une blague douteuse.

À moins qu'elle ne se contente de sourire, confiante et imperturbable.

J'en oubliais presque que cette expression était réservée aux moments où elle était absolument sûre d'elle, et en savait déjà bien plus que quiconque sur la situation présente.

Mais pas de chance.

La détective n'était pas là, que ce soit pour rassurer ou au contraire, affoler les gens l'entourant. Il n'y avait que monsieur Nakatsuki, les gens de l'équipe de production, l'employée nous servant d'aide, et moi-même. Autant dire que nous étions tous mal à l'aise et ne savions pas comment réagir face à la situation dans laquelle nous nous trouvions.

« Yazawa-san, vous allez bien ? » Demanda l'employée de la pension où nous nous trouvions; talkie-walkie en main.

Nous écoutions tous avec anxiété la conversation, attendant que l'homme à l'autre bout de la communication ne donne un quelconque signe de vie.

Les secondes passaient, et toujours aucune réponse.

Qu'est-ce qui avait bien pu l'interrompre aussi brusquement dans ses paroles?

Un moment il nous parlait, et l'instant d'après, c'était le silence total.

À cause de cela, un sentiment d'inconfort – d'appréhension, même – s'était emparé de tout le monde.

Même moi, qui faisais preuve d'un certain recul quant à ce qui se déroulait sous mes yeux, ressentais une boule nerveuse s'installer dans mon estomac.

Quelque chose n'allait pas.

« Nous devrions aller à sa rencontre, » proposa soudainement monsieur Nakatsuki. « Le vieil homme a peut-être fait une mauvaise chute, dans cette obscurité. »

« O...Oui, sans doute, » concéda avec anxiété la jeune employée, toujours avec le talkie-walkie silencieux en main.

L'équipe de tournage resta indifférente, probablement car ses membres se sentaient peu concernés par le sort de la personne dont nous n'avions plus de nouvelles. Néanmoins, cette attitude passive poussa justement à l'action notre petit trio.

S'emparant d'une des lampes d'appoint posées sur le comptoir en bois de la cuisine ouverte sur la pièce, monsieur Nakatsuki s'apprêtait à ouvrir la porte donnant sur le couloir et les escaliers, quand un fort grésillement retentit.

Stoppés nets dans notre progression alors que nous emboîtions le pas à mon responsable, la jeune employée et moi-même fixèrent du regard le talkie-walkie, avant de rapidement reprendre nos esprits.

« Yazawa-san ? Vous m'entendez ?! » S'exclama la jeune femme, inquiète.

Il y eut encore un grésillement, puis une voix se fit entendre.

« Je… Je peux le voir... » Entendit-on monsieur Yazawa prononcer d'une voix tremblante et terrifiée. « Il… Il me regarde... »

Sa voix effrayée glaça le sang à toute personne assez censée pour comprendre que les choses venaient de terriblement se compliquer.

De qui parlait-il de façon aussi confuse? Et pourquoi semblait-il pétrifié par ce qu'il voyait, au point d'en perdre ses mots ?

Monsieur Nakatsuki semblait tout aussi perdu que les autres personnes assistant à la conversation ; car il fronça les sourcils sous le coup de l'incompréhension.

Nous nous regardâmes, nous demandant silencieusement l'un et l'autre si nous pensions à la même chose ou non.

Ça n'existait pas, les fantômes... Pas vrai ?

« Écoutez Yazawa-san, nous venons à votre rencontre, d'accord ? » S'empressa de dire la jeune employée.

Mais encore une fois, pas de réponse ; seul un long grésillement provenant du haut-parleur de l'appareil.

Tout ça, ce n'était que des histoires à dormir debout.

« Yazawa-san ? » L'appela-t-elle avec doute.

Toutefois, si monsieur Nakatsuki en était persuadé, ce ne fut pas mon cas.

Un doute insidieux s'était installé dans mon esprit.

Et si c'était réel ?

Après tout, j'avais déjà vu des choses pouvant me prouver le contraire.... Que le surnaturel existait bien en ce monde.

Et comme pour marteler ce fait troublant dans mon esprit, la voix du vieil homme se fit à nouveau entendre.

« Il me regarde… » Râla-t-il avec la détresse palpable dans ses mots ; une voix enrouée par les larmes s'adressant à nous. « Suspendu dans les airs… »

Affolée, la jeune employée poussa monsieur Nakatsuki sur le côté et ouvrit précipitamment la porte donnant sur le couloir.

Et soudainement, avant qu'elle ait le temps de faire un pas de plus, un grand fracas se fit entendre au-dessus de nos têtes ; faisant sursauter de peur tous les occupants du grand salon.

Comme si on avait violemment poussé un meuble, ou un quelconque objet très lourd, sur le plancher.

Là, je devais dire que même ma nature calme et imperturbable en avait pris un sacré coup, car immédiatement, je lançais un regard alerte à monsieur Nakatsuki ; qui réciproqua en hochant de la tête.

Sous les regards affolés de l'équipe de tournage, nous nous élançâmes tous les trois dans le couloir et vers les escaliers menant aux étages avec un sentiment désagréable nous tordant le ventre.

Quelque chose venait de se passer.

Mais quoi, exactement ?

Qu'allait-on trouver, là-haut ?

Montant les marches quatre à quatre, nous croisâmes le chemin de ce jeune homme – c'était quoi son nom, déjà ? - sortant avec un air hagard de sa chambre.

« C'est quoi tout ce raffut ? » Parvint-il à dire encore à moitié endormi, avant que nous ne le dépassions en courant.

Il n'y avait pas de temps à perdre avec ce type aux cheveux encore en bataille et à l'air perdu.

Et déjà, nous arrivions devant la porte de la chambre de monsieur Yazawa, et nous précipitâmes à l'intérieur sans réfléchir une seule seconde ; monsieur Nakatsuki devant moi lampe à la main, et la jeune femme juste derrière moi.

À peine eu-je posé le pieds dans la pièce, que je heurtais un mur, ou plutôt, le dos de mon responsable, qui s'était arrêté net dans sa folle course.

C'est à ce moment-là, en voyant la forme allongée sur le sol devant nous, que je compris l'ampleur de ce qui s'était produit.

C'est à ce moment-là, que je me mis à regretter sincèrement que la détective ne soit pas là.