Elle était en colère contre moi, d'accord… Mais pour quoi, exactement ?
Je n'avais fait qu'ouvrir une porte. Était-ce si grave que cela ?
Déjà, elle m'avait tiré par le bras en arrière, et avait refermé l'accès à la pièce sombre sans que je puisse en voir plus de son contenu.
Puis, me faisant me tourner vers elle, elle lâcha enfin mon bras. Ses ongles s'étaient légèrement enfoncés dans ma peau, et je ressentais à présent une sensation de brûlure sur mon avant-bras.
Elle ne s'était peut-être pas rendu compte de sa poigne sur le moment, et j'en avais fait les frais.
Toujours avec les sourcils froncés, mais avec une voix déjà moins agressive, elle s'adressa à moi :
« N'ouvre jamais cette porte, d'accord ? » M'ordonna-t-elle sous forme de question. « Tu peux aller partout, sauf là-bas, c'est compris ? »
Je hochais silencieusement de la tête pour lui répondre, encore un peu secoué par cette expression que je n'avais encore jamais vue chez elle.
Elle dût ressentir que j'étais légèrement dérangé par son comportement, et les traits de son visage se relaxèrent, avant qu'elle ne se mette à me sourire péniblement.
« Désolée, Nijima-kun, » s'excusa-t-elle en plissant légèrement les yeux, cette fois avec tendresse. « J'ai peut-être réagi un peu brutalement, et je m'en excuse... »
Non, ça me rassurait qu'elle adopte cette attitude, mais je savais aussi qu'elle avait sûrement une bonne raison pour réagir comme elle l'avait fait. Il y avait très certainement des choses dont elle ne voulait pas parler.
Moi-même, il y avait des choses que je ne voulais pas aborder. Alors je la comprenais, en un sens.
Je sentis une pression sur mon épaule gauche, et levant le regard que j'avais baissé sans m'en rendre compte, je vis qu'elle avait posé sa main là.
« Ne le prends pas personnellement, d'accord ? » Me rassura-t-elle.
Elle baissa ensuite les yeux, et suivant les contours de mon bras, son regard se posa sur mon avant-bras découvert où des traces rouges étaient apparues.
« Oh… C'est moi qui ai fait ça ? » S'exclama-t-elle, surprise.
Elle passa alors sa main dans mon dos pour m'entraîner vers le canapé et me forcer à m'asseoir ; avant de disparaître dans une pièce que j'identifiais à présent comme la salle de bain.
Puis, revenant vers moi, elle ouvrit un tube de pommade et appliqua un peu de crème sur mon avant-bras. Le contact de sa main froide sur ma peau me fit frissonner, et le produit qu'elle étalait me causa rapidement des démangeaisons.
La détective semblait également être un peu gênée par la situation, mais je ne sus dire si c'était à cause des conséquences de son geste impulsif – les entailles laissées par ses ongles dans ma peau – ou si c'était parce qu'elle était embarrassée par notre soudaine proximité.
Pour ma part, j'avais apprécié ce petit frisson me parcourant le corps, même si je ne savais pas vraiment à quoi il correspondait.
C'était surprenant et excitant à la fois, car même si ça faisait peu de temps que j'étais à ses côtés, elle arrivait déjà à déclencher des réactions chez moi dont j'ignorais tout.
Toutefois, je ne pus profiter de cela plus longtemps, car déjà, elle s'était à nouveau levée, sûrement pour aller ranger la pommade. Puis, revenant vers moi, elle tendit la main vers moi.
Intrigué, je fixais sa main, avant de lever les yeux vers son visage, ne sachant pas trop ce qu'elle attendait de moi.
« Ton téléphone, Nijima-kun, » Dit-elle simplement.
Mon téléphone ? Pourquoi faire ?
Voyant mon hésitation, elle sortit alors son propre smartphone, et me le tendit.
« Ré-enregistre ton nom dans mes contacts, je vais devoir faire pareil avec ton répertoire. » M'expliqua-t-elle.
C'est vrai. Je n'avais pas pensé à changer son nom de contact, et seul le surnom que je lui avait trouvé sur le moment était resté. Mais il semblait qu'elle aussi, ne m'avait pas vraiment enregistré sous mon vrai nom.
Échangeant les deux appareils, je la vis rapidement pianoter sur le clavier tactile.
« J'ajoute aussi un second numéro dont tu vas avoir besoin, » ajouta-t-elle.
Un second numéro ?
Elle dût voir que je me posais des questions et était intrigué, car elle précisa rapidement ce qu'elle voulait dire par là.
« Tu t'en es rendu compte pendant notre première enquête en commun, mais le travail de détective demande parfois d'avoir accès rapidement à certaines informations, sans pour autant quitter les lieux. »
Je hochais de la tête. Elle voulait parler de tous ces messages qu'elle avait échangés avec quelqu'un, alors ?
« Tu ne dois absolument pas partager ce numéro, c'est d'accord ? »
D'accord. Je comprenais que cela devait peut-être rester confidentiel.
Elle termina de taper, et commença à parcourir mes contacts pour trouver son nom.
Sauf que… Je n'avais pas son nom sur le moment, et j'avais mis ce qui me semblait le plus approprié. Ce n'était pas sûr qu'elle se reconnaisse, à moins de voir son numéro de téléphone.
Je la vis alors froncer des sourcils, son pouce immobile suspendu dans les airs à quelques millimètres de la surface de l'écran.
Elle leva la tête pour me regarder, puis regarder à nouveau l'écran du téléphone, avant de me fixer à nouveau.
« 'Brute épaisse' ? Vraiment ? » S'offusqua-t-elle en relevant un sourcil réprobateur.
Pour moi, le surnom faisait sens. Elle m'avait mis K.O., m'avait fait du chantage… Comme une sorte de gangster. Et puis, elle n'était pas en reste.
Je lui montrais alors son propre écran de téléphone, avec un surnom qu'elle aussi m'avait trouvé.
« Parce que 'mur de briques', c'est mieux peut-être ? » Demandais-je à mon tour, sans la moindre émotion.
Elle grimaça légèrement.
« Pas faux... » Dit-elle pour toute excuse.
Nous nous empressâmes chacun de notre côté de rectifier notre nom, non sans un certain amusement de la part de la détective. Puis, échangeant à nouveau nos téléphones, je parcourais mes contacts pour voir quel numéro elle avait ajouté.
« Qui est 'TXT' ? » Finis-je par demander après quelques secondes, l'étrange nom apparaissant dans ma liste.
Madame – ou mademoiselle ? - Hiraoka secoua alors la tête.
« Pour certaines raisons, tu ne peux pas encore rencontrer cette personne, » m'expliqua-t-elle. « Mais je lui ai déjà parlé de toi, donc j'espère que ça ira. »
À peine avait-elle dit cela, que mon téléphone se mit à vibrer.
Je venais de recevoir un message, de la part de ce mystérieux 'TXT'.
'Je t'ai à l'œil.'
C'était peu, mais je savais déjà grâce à cela que cette personne se méfiait de moi. Je ne lui en voudrais pas pour ça, même moi, je savais à quel point je pouvais paraître suspect.
Et puis, ce n'était pas ce qui m'intriguais le plus, sur le moment.
Relevant la tête vers la détective, je lui posais alors une question qui me trottait dans la tête depuis un petit moment.
« Dites, je suis désolé de vous demander ça… Mais je ne sais pas trop comment m'adresser à vous. Comment est-ce que je devrais vous appeler ? »