Chereads / Le Nuage de Rey, Tome 1: L'Ordre d'Artemis / Chapter 11 - Combattre la peur

Chapter 11 - Combattre la peur

Nous sortons alors de la grotte par la herse et nous montons les marches depuis le hall pour atteindre le niveau 2. Il y a pas mal de monde sur le chemin. Mais cette fois-ci, nous ne traversons pas le musée. Nous allons sur le côté droit et nous découvrons une porte fine en bois blanc. Elle est finement ouvragée avec de nombreux engrenages qui font pensés aux mécanismes d'une horloge. Le capitaine l'ouvre donc en tournant la poignée en métal et nous arrivons sur une plaine verte en haut d'une colline. Cependant, nous ne sommes pas seul. Nous voyons Pold, Zoé et deux autres personnes du même âge qui s'entraînent avec le commandant Prométhy.

Lorsqu'il nous remarque enfin, le commandant stoppe l'affrontement et va vers le capitaine en lui disant.

-J'ai demandé à avoir le lieu pendant dix heures.

-Je sais, Promethy. Mais j'ai fait une demande spéciale au commandant Tom-Tom. Tu peux toujours te plaindre à lui, répond le capitaine Okata.

-Je te rappelle que j'ai un Sekaï à entraîner et tu sais comme moi, à quel point on en a besoin.

-Oui, je sais. Mais moi, dès demain, je pars en mission accompagné de mes jeunes recrues.

-Et c'est pour ce genre de choses que tu déranges l'entrainement de mon unité ?

-Oui... et parce que je savais que ça allait te mettre en rogne.

-Espèce de...

-Hop pop pop... Tu ne voudrais pas faire mauvaise impression devant tes élèves? D'autant plus que tu es commandant.

-Tu resteras toujours un gamin puéril, Okata. C'est pour ça que tu ne seras jamais commandant.

-Non. C'est parce que je ne me prostitue pas auprès des nobles pour gagner leurs faveurs.

C'en est trop pour le commandant qui n'a cessé de retenir sa colère. Il lui décroche un crochet ultra violent dans la mâchoire, ce qui fait valser le capitaine sur plusieurs dizaines de mètres. Après avoir roulé par terre, il s'écrase le dos contre un arbre qui s'effondre avec fracas en stoppant net sa course.

-Tu es peut-être capitaine. Mais je reste ton supérieur et cela à tout point de vue. On s'en va vous autres ! On va s'entraîner dans l'arène du capitaine Haka, s'exclame le commandant fou de rage.

Son groupe le suit, Zoé et Pold nous salut tandis que nous accourons vers le capitaine pour voir comment il va. Étonnement, il semble aller bien. Mis à part le bleu qu'il a à la joue, il se porte comme un charme.

-ça va, capitaine ? s'inquiète Lyra.

-Oui. J'ai simplement quelques courbature, c'est tout. Pas besoin de vous inquiéter, répond le capitaine Okata, presque comme si de rien n'était.

-Mais, bon sang! Qu'est-ce qui vous a pris de le provoquer ainsi ? demande Wistom.

-C'est vrai que là, vous l'avez carrément cherché, poursuit Hirion.

-Disons qu'avec Promethy, on a pris le temps d'apprendre à se chamailler depuis tout petit. Alors je ne peux pas résister à le voir perdre les pédales. Ça doit être à cause de sa tête de premier de la classe.

-Vous le connaissez depuis longtemps ? s'interroge Lyra.

-Plutôt, oui. C'est mon frère jumeau.

-Vous êtes jumeaux ? Mais vous ne vous ressemblez carrément pas, s'exclame Hirion.

-C'est normal, on est faux jumeau, réponds le capitaine en se relevant tout en faisait quelques mouvements avec son épaule droite en la faisant craquer à plusieurs reprises.

-Vous ne voulez pas qu'on prenne le temps de vérifier que vous n'avez rien de cassé ? demande Wistom.

-Non, non. Ça m'a réveillé, voilà tout. Mais assez perdu de temps. Vous allez tous vous mettre en face de moi. Même toi, Elise. Je veux voir si tes entraînements avec Wolgen ont porté leurs fruits, réponds le capitaine.

Nous obéissons alors et nous nous mettons face à lui, les armes à la main. Chacun d'entre nous a sorti la sienne et se prépare à l'affronter.

-Bien. Maintenant que vous êtes fin prêt. Nous allons pouvoir commencer par une petite mise en bouche. Vous allez avoir affaire à cinq bandits. Ils seront équipés légèrement et chercheront à vous tuer. Débrouillez-vous pour les en empêcher ! s'exclame Okata avant de frapper les paumes de ses mains entre elles, faisant sortir du sol cinq hommes à l'allure plutôt inquiétante.

Le premier a une dague entre les dents et en tient deux autres dans les mains. Le second a un énorme marteau à deux mains. Quant au troisième, il a une rapière avec laquelle il fait des mouvements dans les airs. Le quatrième est plutôt calme de son côté et se contente de tendre la corde son arc avec une flèche vers nous et pour finir, le dernier a une hache et un bouclier qu'il frappe violemment comme pour se préparer au combat.

A peine sont-ils tous apparus, qu'ils s'élancent vers nous. Instinctivement, nous choisissons un adversaire. Celui qui me fait face est celui avec le bouclier. Je tire une première balle qui ricoche contre son bouclier. Il me faut donc esquiver sa charge en sautant sur le côté. J'en profite pour foncer vers ses côtes où j'enfonce la lame qui se trouve au bout de mon fusil. Le choc est suffisamment violent pour qu'il tombe un genou à terre et je n'en attend pas plus pour lui envoyer la crosse en bois de mon arme en plein dans sa mâchoire. Cette fois-ci, il perd connaissance et je peux prendre un instant pour voir comment les autres s'en sortent et le spectacle n'est pas si désastreux.

Wistom pare les coups de l'homme avec les dagues et lui file un grand coup de bouclier en plein dans le nez, ce qui le déstabilise. Son samouraï en profite alors pour le planter avec son katana et le clouer au sol.

Hirion est moins à l'aise face à son adversaire. Celui-ci a un marteau et tente de l'écraser de toutes ses forces. Hirion arrive cependant à l'esquiver et finalement, il saute sur lui en se changeant en plante. Ses membres commencent à se transformer en racine et bientôt tout le corps du bandit disparaît dans un arbre qu'Hirion a fait naître. Seul la tête du bandit à moitié sonné ressort du tronc de ce saule pleureur. C'est un drôle de spectacle qu'il vient de nous offrir tandis que je jette mon regard vers celle que j'aime.

Lyra se bat quant à elle contre le bandit à la rapière. Elle l'attaque violemment avec son épée pour l'empêcher de riposter et elle ne cesse de faire apparaître des bulles avec sa main droite pour qu'il ne puisse pas ouvrir vraiment les yeux. Après une dizaine de parade, elle finit par toucher au but et le coup au ventre le tue net.

Enfin, c'est Elise qui est la plus incroyable. Depuis le début, elle n'a pas avancé et elle se contente de trancher les flèches que lui envoie le brigand. Lorsqu'elle remarque qu'ell est la dernière à se battre elle en attrape une au vol et elle la relance dans la gorge de celui-ci qui s'effondre en braillant une phrase incompréhensible.

-Pas mal. Mais les prochains seront plus coriaces. Préparez-vous, dit Le capitaine qui s'est assis pour manger sa pomme verte.

Mais pas le temps de rêvasser. Je recharge mon fusil et nous nous remettons en position.

-Deuxième manche ! crie Okata.

Rien. C'est étrange.

-Derrière toi, Myo ! crie soudain Lyra.

J'ai à peine le temps de me retourner qu'un grand type en armure m'assène un coup avec son épée. Elle me tranche nette le bras et je m'effondre au sol. La douleur est abominable et j'ai du mal à garder mes esprits.

-Non, Myo ! hurle Wistom.

Dans un dernier élan de lucidité, je tourne le cadran de ma montre.

-Deuxième manche !

-Tout le monde, ils arrivent de derrière nous ! j'hurle en me retournant et en effet, des guerriers en armure sortent du sol, derrière nous tous.

-Restez toujours attentif, le danger peut venir de partout ! proclame le capitaine avant de croquer dans sa pomme.

Heureusement, les autres ont eu le réflexe de se retourner sans trop réfléchir et personne n'est blessé. Mais là, les choses se corsent. Mes balles n'auront aucun impact sur un gars dans une armure pareille. Je prends donc mes distances avec mon adversaire pour éviter de me battre avec la lame de mon fusil. Il est assez limité dans ses mouvements et je remarque des faiblesses dans sa défense, au niveau des jointures. Si je veux le blesser, je vais devoir viser à l'intérieur de ses coudes et de ses genoux.

Il me charge alors l'épée en avant comme pour m'empaler, mais je saute en arrière sur le dos au dernier moment pour tirer dans son coude gauche. Manque de chance, la balle arrive un peu trop haut et ricoche. Je suis allongé, alors qu'il s'apprête à m'empaler. J'ai à peine le temps de rouler sur le côté et je tente une nouvelle fois ma chance en tentant de frapper son genou qu'il vient de plier. J'y enfonce la lame de mon fusil qui y pénètre profondément.

Il lâche un cri et ressort sa lame rapidement hors de terre pour mon donner un coup à l'horizontal. Je ne m'attendais pas à ce qu'il réagisse aussi rapidement après avoir été blessé et le coup heurte le manche de mon fusil que je viens de retirer de sa plaie. Celui-ci se coupe net, tandis que je suis projeté en arrière par l'impact. Je glisse sur le sol avant de me relever avec douleur. Les autres aussi ont l'air de galérer face à leurs adversaires. Mais pas le temps de penser à eux. Il faut que je me débarrasse de lui et vite, si je veux venir en aide à mes amis.

Le guerrier se relève aussi mais semble ne pas pouvoir totalement s'appuyer sur sa jambe droite. Ce qui veut dire qu'il va être encore plus ralenti dans ses déplacements et c'est tant mieux. Je lâche la partie de mon arme avec la gâchette car elle ne me sera d'aucune utilité maintenant. Seule la fine hache au bout de mon fusil pourra me permettre d'en finir avec lui. Il marche maintenant lentement vers moi, d'un pas déterminé. Il laisse la pointe de son épée effleurer le sol pendant qu'il se rapproche. Mais je ne peux pas lui donner l'opportunité de frapper le premier. Je cours donc sur lui et je saute la tête la première entre ses jambes. Sa riposte ne s'est pas fait attendre mais je l'ai évité de justesse. Son coup a tranché l'air tandis que je plonge ma hache dans son entre-jambe, là où je ne vois que de la cote de maille.

La lame s'enfonce une nouvelle fois très profondément mais pour la première fois, il lâche un cri d'effroi. Son hurlement retentit dans mes oreilles et me fait hésiter quelques instants tandis qu'il sert sa blessure en laissant tomber son arme. Cependant, je n'ai pas le temps pour de la compassion.. Je ramasse ainsi son épée et après avoir pris une grande inspiration, je lui tranche la tête. Celle-ci vole au sol et roule jusqu'aux pieds du soldat qui affronte Wistom.

Ils semblent qu'ils soient capables d'éprouver des émotions car il semble choqué par la vue de cette mort, plus que Wistom. Mon frère se bat à l'aide de son samouraï et ces quelques secondes d'inattentions lui permettent de le transpercer à la fois avec son invocation mais aussi avec sa propre épée. Le soldat est transpercé depuis ses deux côtés. Il n'émet pas un son alors qu'il se laisse tomber sous le poids de son armure, désormais dépourvu de vie.

Elise quant à elle a déjà fini son combat contre un guerrier qui possédait un fléau alors qu'Hirion tire des épines contre un chevalier en armure qui s'en protège avec son bouclier. Mais c'��tait sans compter sans les talents de l'homme-plante qui attendait simplement qu'Elise contourne son adversaire pour l'attaquer dans le dos. Le chevalier dépassé, décide de ne pas se laisser faire et baisse son bouclier pour affronter Elise qui plonge dans son dos. Celui-ci pare son assaut au détriment en nombreux épines grandes comme un doigt qui s'enfonce dans son armure et dans sa chair. Il échange plusieurs coups avec elle, alors qu'Hirion cesse ses tirs de peur de toucher aussi Elise. Elle se défend plutôt bien malgré la force de son adversaire et elle réussit à le frapper sous le coude, ce qui le casse net et le fait lâcher prise sur son arme. Ne lui laissant aucun répit, elle fait un léger tour sur elle-même pour lui transpercer le ventre alors qu'elle lui tourne le dos. L'attaque est fatale et lui aussi tombe face contre terre.

Enfin, c'est le combat de Lyra qui m'inquiète le plus. Elle ne cesse de faire apparaître des bulles sous les jambes du chevalier qu'elle affronte pour l'empêcher d'avancer. La méthode est peu orthodoxe mais elle semble porter ses fruits, malgré l'agacement visible de son adversaire.

-Arrête de jouer Lyra et bats-toi ! ordonne le capitaine.

-Je ne peux pas ! crie Lyra tout en essayant de cacher ses larmes.

-Si tu n'es pas capable de te défendre alors tu seras un boulet pour ton équipe et tes amis. Si tu deviens un fardeau pour eux sur le terrain, c'est leur vie que tu risques de sacrifier à la place de tes soi-disant idéaux. Ce n'est que de la lâcheté que je vois chez toi ! Redeviens cette fille forte que j'ai vu dans la forêt quand il fallait affronter les serpents. continue le capitaine Okata.

Son discours est dur, mais il semble qu'il ait touché Lyra. Elle lève sa main droite en l'air et l'a fait tourner. Ses bulles en font de même et soulèvent le chevalier en l'air comme un tourbillon et il s'envole alors sur quelques mètres avant de retomber lourdement sur deux bras qui se brisent en morceaux. Il est lui aussi mis hors combat, d��sormais, tous nos adversaires ont été battus.

-Pas mal ! lâcha le capitaine.

-T'es trop forte Lyra ! crie Wistom en bondissant de joie.

-On est trop fort, continue Hirion.

-Bien joué, Hirion. Toi aussi frérot, mais ne vous emballez pas trop tôt. Le capitaine doit encore en avoir des plus coriaces en réserve, lui dis-je.

-Myo a raison. J'attends de voir la suite, souligne Elise.

-Vous avez été de véritable héros les amis, nous souris Lyra en se rapprochant de nous.

-C'est vrai qu'avec Blade on a été plutôt fortiche, dis Wistom en s'appuyant sur son samouraï.

-Encore ta modestie légendaire. Mais ne me dit pas que tu as donné un nom à ton invocation, lui dis-je.

-Ben si pourquoi ? Et c'est super comme nom Blade, me réponds Wistom.

-Oui, autant qu'appeler un cheval Selle ou éperon ou même fer... énonce Hirion.

-C'est bon on a compris, coupe Lyra en lui mettant la main sur la bouche.

-J'ai quand même le droit de m'exprimer bon sang ! râle Hirion.

-Bon, bon. Je vois qu'il vous reste encore beaucoup d'énergie. On va donc faire un dernier round. Dis le Capitaine en finissant sa pomme.

-Cette fois-ci donnez-nous des adversaires un peu à la hauteur de notre niveau, capitaine, réponds Wistom.

-D'accord. Voyons comment vous allez vous débrouiller avec ceci.

La terre commence à se disloquer sous nos pieds, alors que des rugissements proviennent des failles et qu'un liquide noir commence à en sortir.

-Il faut toujours que tu te fasses remarquer ! lui dis-je.

-C'est toujours bien pour impressionner les filles, frérot.

-Je te préviens Wistom. Ce qui est en train de sortir du sol a intérêt à être un truc mignon et inoffensif sinon je te jure que je te massacre, crie Lyra.

-Et après, c'est moi qu'on fait taire, continue de râler Hirion.

La substance comme à s'agglomérer entre elle et bientôt, elle prend forme sous nos yeux. Une espèce de fantôme bossu avec pour visage, un masque sans bouche. Juste deux trous pour les yeux et celle-ci tourne sans cesse sur elle-même. Il fait ma taille et semble attendre tout en nous observant.

-Vous avez sous vous vos yeux ce qu'on appelle un esprit errant. Ils peuvent prendre diverses apparences. Celui-ci est plutôt tranquille mais il en existe des beaucoup plus maléfiques. Un petit conseil avant que les réjouissances commencent. Ne le laissez pas toucher votre corps. Au risque de revivre des moments traumatisants ou de vieilles blessures ancrées en vous. C'est parti !

A ces mots, il bondit sur Elise. De grandes pinces semblables à celles d'araignées sortent de dessous sa tunique noire. Elles se déploient comme pour l'empoigner, mais elle ne panique pas et le tranche en deux à la verticale. Les deux parties de son corps tombent au sol et se réunissent à nouveau sous les jambes d'Elise pour la capturer à l'intérieur même de son corps.

-Mais c'est quoi ce monstre ? hallucine Hirion.

Celui-ci déplace son visage dans son dos pour sauter cette fois-ci sur Lyra en déployant de nouveau six pinces. Lyra d'un éclair de courage fait jaillir des tonnes de bulles par sa main et celles-ci se collent à lui, l'empêchant de se mouvoir, étant comme englué.

-Wistom, c'est notre chance. On fonce sur lui. Hirion, il nous faut tes racines pour le garder au sol. Wistom t'occupes de ses pinces avec ton samouraï et moi j'essaie de poignarder son visage ! je crie.

Des ronces et des racines sortent alors immédiatement du sol et viennent se faufiler entre les bulles pendant que nous nous précipitions sur lui. Malgré les efforts combinés d'Elise et d'Hirion, il réussit à faire sortir ses pinces qui essaient de détruire toute la mélasse dans laquelle il est.

-Les gars, faites quand même gaffe. Il y a Elise qui est prisonnière dans son corps. Hurle Hirion paniqué.

-Il a raison. Wistom, fait gaffe à ne frapper que les pinces.

-Je sais Myo. Compte là-dessus.

Wistom et son samouraï arrivent les premiers et commencent à lui tailler ses pinces, tandis que de nouvelles sortent à nouveau de son corps à mesure qu'il se l'est fait trancher.

De mon côté, je fais le tour et je cherche son visage. Mais je ne le vois nulle part.

-Hirion et Lyra, lâchez prise pour que je vois où se trouve son visage, je leur crie.

-T'es malade. Il va aussitôt t'attaquer, hurle Lyra.

-Ne t'inquiètes pas, j'ai ma montre. Je veux voir où il se trouve pour pouvoir le planter quelques secondes avant que vous ne le délivriez. je lui réponds.

Malgré leurs doutes évidents, ils s'exécutent. Les racines s'écartent en même temps que les bulles éclatent et je vois enfin son visage, caché près du sol. Je tente malgré tout de le poignarder en pensant qu'il n'aura pas le temps de réagir, mais son visage s'écarte de quelques centimètres de ma lame et elle se plante dans le tissu.

Tout devient noir devant mes yeux. Mince, ce doit être le pouvoir de ce monstre. Je regarde ma montre pour retourner dans le temps. Mais ! Elle n'y est plus ! Comment c'est possible ? Il a réussi à me l'arracher sans que je m'en rende compte.

-Pourquoi ?

Une voix roque résonne derrière moi. Je me retourne alors mais je ne vois personne.

-Pourquoi ?

-Qui êtes-vous bon sang ! Montrez-vous ! Je hurle tout en regardant autour de moi. Finalement, une voix dans mon dos me terrorise en disant.

-Pourquoi m'as-tu laissé mourir mon fils ?

-Père ? Je reconnais sa voix, mais elle est faible et semble étouffé.

-Tu aurais pu me prévenir ? Pourquoi m'as-tu laissé mourir ?

Je me retourne une dernière fois et je vois mon père face à moi. Il a la tempe dégoulinante de sang. Sa chemise blanche en est totalement imbibée et il reste là accroupi au sol tandis que je l'observe sans un mot. Les larmes ne cessent de couler le long de mes joues. Je n'arrive pas à me faire à cette vision d'horreur. Il tient dans ses bras ma mère qui a toujours le poignard dans sa poitrine. Son regard semble se perdre dans l'immensité obscure qui nous entoure alors que mon père continue à me fixer.

-Tu aurais pu me sauver.

-Père. Je te demande pardon. Je ne savais pas quoi faire, j'étais terrifié.

Le visage de ma mère se tord en me regardant et elle me dit :

-Tu m'as laissé mourir sans rien dire Myo. Tout est ta faute.

-Non, maman je...

-Tu aurais pu appeler à l'aide, mais tu n'as rien fait.

-Tu aurais pu sauver ton père. Mais tu étais trop lâche pour faire quoi que ce soit. Encore aujourd'hui, tu es trop lâche pour venir en aide à tes amis.

-Tu n'es pas digne d'être notre fils. Tu as été ramassé par un simple policier pour servir de bouche trou à homme incapable d'avoir d'enfants.

-Non. J'aurais tant voulu vous sauver. Je vous demande pardon à tous les deux. Leur dis-je tandis que je m'effondre à genoux, les poings serrés contre le sol alors qu'un torrent de larme s'écoule sur le sol.

-Tu n'as même pas cherché à nous venger. Quel fils pathétique tu fais !

-Je sais. Je n'ai pas essayé de vous venger, car j'ai essayé suivre tes préceptes. Ne te venge jamais, c'est ce que tu m'avais dit la première fois où je m'étais battu à l'école contre Jinn. Tu avais fini ta phrase en me disant...

-Si chaque homme se venge de celui-ci qui lui fait du mal alors ce monde n'aura pas assez de terre pour absorber et cacher tout le sang et les larmes versées. Me dit mon père en me souriant.

Leurs visages ont totalement changé. Ils semblent apaisés et un doux sourire se dessine avec leurs lèvres.

-J'essaie tant bien que mal de te ressembler papa.

-Ne cherche pas à me ressembler. Tu découvriras d'ici peu que j'ai fait des erreurs qu'il te faudra porter et réparer.

-Comment cela, qu'est-ce que tu veux dire ?

-Je suis désolé mon fils. Mais nous n'avons pas beaucoup de temps car le sort que t'a lancé l'esprit errant va bientôt cesser.

-Ton père et moi-même sommes très fiers de l'homme que tu es devenu. Je sais que ta vie n'a pas toujours été très facile, mais nous serons toujours à tes côtés.

-Merci, maman.

-Il faut être très fort pour réussir à vaincre un sort pareil et cela tu devras t'en rappeler en permanence. Tu dois avoir confiance en toi et en ceux qui t'accompagnent. Ce n'est que comme ça que tu avanceras, dis ma mère.

-Le sortilège se dissipe alors retient bien cela. L'homme que tu dois chercher s'appelle Wissen. Il se cache quelque part dans les contrée naines, loin des hommes. C'est tout ce que je peux te dire. Me dévoile mon père avant de disparaître avec ma mère, alors que la pénombre disparaît et que je me retrouve à nouveau devant l'esprit errant.

Son visage a l'air d'être au moins aussi confus que le mien. Son visage ne cesse de tourner sur lui-même en dessinant une forme d'ellipse.

-Myo, éloigne toi de lui ! me crie Wistom.

Sans réfléchir, je saute en arrière en passant la main sur mon torse pour vérifier que j'ai toujours ma montre et c'est le cas. Je vois Wistom voler au-dessus de moi, alors que mon bras est tiré en arrière par celui du samouraï. Tout est très confus en moi et je décide de regarder derrière moi pour voir les autres. Mais il n'y a personne. Nous ne sommes plus que deux à se battre contre ce monstre, alors que le capitaine qui sourit légèrement, les bras croisés, le dos contre l'arbre.

-Qu'est-ce qui s'est passé, Wistom ? Où sont les autres ?

-Les autres sont en lui. Il les a tous absorbé. Je me suis battu seul contre lui avec mon invocation depuis plusieurs minutes. Les autres aussi vont apparaître ?

-Je ne sais pas. Cela ne dépendra que d'eux, lui dis-je, tout en cherchant une arme par terre.

Mais c'est Blade qui finalement me tend l'un des cimeterres d'Hirion.

-Merci, Blade.

-Il faut que tu trouves une stratégie, Myo et vite parce que là ça urge vraiment! crie Wistom alors qu'il tranche les pinces du monstre qui essaie à tout prix de le serrer contre lui.

Il a par ailleurs bien gagné en taille et il dépasse maintenant mon frère de plusieurs têtes.

-Il faut qu'on se replie, Wistom !

-Quoi ?! On ne peut pas les abandonner !

-On ne peut pas non plus tous se faire capturer. Le seul moyen de le vaincre, c'est de trouver son point faible. Se battre sans réfléchir ne mènera à rien.

Je vois Wistom qui sert les dents. Je sais bien que cela va à l'encontre de son code d'honneur, mais là, il va falloir faire sans.

-Très bien, mais on y retourne aussitôt après avoir pensé à un plan, s'exclame Wistom alors qu'il ordonne à Blade de se battre contre l'esprit sans lui.

Cela devrait nous faire gagner suffisamment de temps pour penser et élaborer une stratégie pour libérer les autres. Nous prenons donc nos jambes à notre cou et nous fuyons vers la forêt qui borde la clairière. Quand nous passons devant le capitaine, il a l'air plutôt interrogatif. Mais il n'a pas l'air du tout paniqué par la situation. Au contraire, il doit être surement un peu amusé de voir le bourrin de la bande s'enfuir alors qu'il y a de cela plusieurs minutes, il fanfaronnait fièrement.

Nous arrivons finalement dans la forêt en jetant quelques coups d'œil derrière nous et il n'a pas l'air de nous poursuivre alors que l'invocation de Wistom a disparu.

-On fait une pause deux minutes car là j'ai un point de côté.

-Il faut que tu fasses un peu de sport, Myo, parce qu'à ce rythme-là, dans cinq ans tu seras déjà un vieux papi.

-Peut-être, mais un vieux papi vivant... Raconte-moi plutôt ce qui s'est passé une fois que l'esprit errant m'a absorbé.

-Une fois que le monstre t'a absorbé, il a un peu grandi et il a perdu en vitesse. Mais ses coups étaient beaucoup plus violents. Avec Hirion et Lyra, on a essayé de briser son visage, mais rien n'y faisait. Il arrivait toujours à le déplacer à la dernière seconde pour le mettre hors de portée de nos assauts.

Hirion a finalement réussit à avoir une ouverture en accrochant une liane autour de son corps. J'ai tiré dessus avec Blade pour le balancer au sol alors qu'Hirion lui a sauté dessus pendant sa chute. Et au moment même où sa lame allait lui d��truire le masque, c'est le visage d'Elise qui est ressorti de son corps. Alors Hirion s'est comme pétrifié et l'esprit errant en a profité pour l'absorber à l'aide de deux de ses pinces qui l'ont enfoncé en lui.

On s'est donc trouvé tous les trois avec Lyra et Blade. C'est pendant que nous nous sommes battus à seulement trois que j'ai pu voir que Blade était totalement insensible à l'absorption du monstre.

Lyra s'est alors mis dans une colère noire et a ordonné à l'esprit de vous libérer en faisant jaillit des dizaines de bulles hors du sol qui lui ont toutes explosé au visage. Cela a été d'une telle violence qu'il a commencé à vaciller tandis que Lyra marchait vers lui. Les bulles n'ont pas cessé d'apparaître et d'exploser jusqu'à ce qu'elle ne soit qu'à quelques pas de lui.

Au moment, où j'ai bien cru qu'il était vaincu, elle a sorti sa dague pour l'achever et il a aussitôt fait jaillir toutes ses pinces sur elle et il l'a absorbé elle aussi. Et ce n'est qu'après quelques minutes de duels que tu es apparu. Voilà l'histoire.

Je prends donc un moment pour penser. Je tente d'oublier que je dois faire vite et je fais le vide dans mon esprit afin de trouver un plan sans être influencé par ma peur. C'est comme dans une partie de Shogi. Même quand on a perdu un grand nombre de pièces, c'est à ce moment précis qu'il faut savoir gérer ses émotions et ne pas se laisser submerger par elles.

-Hum... J'ai peut-être une idée, mais elle est risquée.

-Qu'importe, là c'est le moment ou jamais de foncer.

-Très bien, tu vas me couvrir pour que j'arrive au contact de l'esprit errant.

-Et tu vas faire quoi, ensuite?

-Libérer nos amis, lui dis-je en souriant.

-Comme à ton habitude, tu aimes bien garder une part de mystère. ça me va. Mais va pas te faire absorber une nouvelle fois.

-Ne t'inquiètes pas pour moi. On va le battre, j'en suis presque persuadé.

-Tu as intérêt à l'être, me dit mon frère alors que nous faisons demi-tour pour aller vers l'esprit.

Il n'a pas bougé. Il est recroquevillé sur lui-même avec son visage tourné vers le ciel. Nous marchons d'un pas déterminé avec Wistom, tandis que Blade apparaît dans son dos. Celui-ci fait quelques mouvements de lames dans le vide avant de se mettre à notre hauteur.

-Je vous laisse engager le combat en premier et moi je le prends par derrière.

-ça marche. On y va, Blade !

Tous les deux foncent vers le monstre qui déplace son visage pour leur faire face et puis, il libère ses six pinces et commence à se battre contre eux. Je cours moi aussi vers lui en prenant soin de le contourner à bonne distance pour ensuite fondre sur lui dans son dos. Deux pinces jaillissent quand même de lui pour me barrer la route. J'évite la première en faisant un saut de côté. Elle se plante dans le sol, tandis que je roule en avant pour éviter la seconde qui se plante à son tour encore plus profondément.

Quand j'arrive à son contact, je lâche mon arme et ses pinces restent enfoncés dans le sol sans chercher à m'attaquer. Je plonge donc mes deux mains dans son corps luisant noire et je sens une forme. Je commence à la tirer vers moi alors qu'il pousse un cri aigu et perçant qui manque presque de me vriller les tympans. Il s'extirpe de l'assaut de Wistom en prenant appui avec ses pinces en bondissant en l'air, mais je garde fermement contre moi la chose que je tiens entre les mains jusqu'à ce qu'elle se détache de lui au moment où il saute dans les airs. C'est Lyra que je porte dans les bras. Elle semble épuisée et elle ouvre finalement les yeux en me disant : Je t'aime.

J'écarquille les yeux et je vois se dessiner un sourire sur ses lèvres. Elle commence à reprendre peu à peu des couleurs. Mais je n'ai pas le temps de penser plus à elle car la créature est toujours là.

Wistom s'est rapproché d'elle pour ne pas lui laisser un instant de répit et il échange de violents contre elle tandis que Blade enfonce sa lame dans son corps sans pour autant qu'elle semble en souffrir.

-Wistom arrête! Dépose les armes et ordonne à ton invocation d'en faire d'eux même, je lui crie.

-Quoi ?! Tu veux que je me fasse massacrer.

-Non ! Elle n'attaque pas les gens sans arme. J'en suis persuadé, maintenant.

Wistom hésite une seconde, mais la fatigue le pousse à me faire confiance. Il jette au sol son bouclier et son épée, Blade en fait de même avec son katana.

A cet instant précis, la bête cesse de se battre contre lui et se cambre en cachant ses pinces sous son corps. Mon frère est aussi stupéfait que moi, tandis que Lyra se met lentement debout avec mon aide.

-Bravo. Toute mes félicitations, s'exclame le capitaine en tapant des mains pour nous féliciter.

-Ouf... C'est un sacré monstre que vous nous avez fait affronter, dit Wistom.

-Vous me paraissiez un peu trop confiant. Alors j'ai préféré vous mettre devant une réalité. Le fait est que même avec votre pouvoir, vous allez rencontrer des gens dont vous ne pouvez même pas imaginer la puissance. Certains même ont des capacités qui me surpasse et dans ce cas-là, il n'y a qu'une solution.

-Battre en retraite, je lui réponds.

-Exact. Vous d'apprendre une nouvelle leçon aujourd'hui. Parfois, il vous faudra prendre du recul et même peut-être fuir plutôt que d'amener votre équipe à sa perte, nous révèle le capitaine Okata pendant qu'il s'approche du spectre.

Lorsqu'il arrive à son contact, il plonge ses bras à travers lui et en fait ressortir Elise et puis Hirion.

Ils ont l'air très fatigué et il les dépose par terre pour qu'ils reprennent tranquillement leur esprit.

-Maître, j'aurais une question pour vous.

-Oui laquelle ,Lyra ?

-Qu'elle est cette créature ?

-C'est un esprit errant. De pauvres âmes en peine qui ont gardé une rancœur contre ce monde. Ils n'arrivent pas à aller dans l'au-delà alors ils errent sur Terre à la recherche de la solution à leur malheur. Mais ils ne sont plus eux même. A certains moments, ils pourront reconnaître les leur et tenter de leur parler une dernière fois. Et d'autres fois, ils entreront dans une colère sourde et pourront même allez jusqu'à tuer de sang-froid.

-Vous disiez aussi qu'ils pouvaient prendre différentes apparences.

-Oui, en effet. Suivant ce qu'ils ont vécu. Ils pourront porter des chaînes à l'image de l'étreinte des soucis qui les rendaient prisonniers d'une vie de misère. J'en ai rencontré un, un jour aux abords d'un cimetière. Il traînait une ancre derrière lui qui fendait le sol.

-J'ai entendu des comptines qui parlaient des nocturnes un peu dans vos termes.

-Oui. C'est un des noms que leur a donné la population. Mais ils en ont de nombreux. Comme dans cette comptine qu'on raconte parfois pour effrayer les enfants :

Seul la nuit,

Ne vous en approchez pas,

Aux abords des cimetières, des forêts et des puits,

Ils se baladent sans cesse

A la recherche d'âme en paix

A amener avec eux

Loin de vos familles

Là où aucuns cris

Ne sera entendu

Et où vous mourrez

Sans un bruit

-Maman ne nous racontait pas ce genre d'histoire, avoua Wistom en avalant sa salive.

-Et on voit où cela t'a mené, dit Hirion en réussissant à s'asseoir avec beaucoup de difficulté.

-Hirion, tu as repris connaissance, lâche Lyra avec soulagement.

-Moi aussi, dit Elise en chiffonnant les cheveux blonds d'Hirion.

-Heureux de voir que vous reprenez vos esprits et des couleurs, s'exclame le capitaine.

-Capitaine. J'ai une dernière question pour vous, demande Lyra.

-Vas-y.

-La vision que j'ai eu quand je suis entré en contact avec l'esprit errant. Était-elle réelle ?

-... Chacun d'entre vous, excepté Wistom avez été confronté à une vision cauchemardesque. L'esprit errant rentre en résonance avec votre esprit et lui fait voir toutes sortes de choses affreuses qui vous sont arrivés. Je ne sais malheureusement pas si elles sont réelles. Pour vous dire la vérité, je ne savais pas non plus qu'il était possible d'en sortir par soi-même et pourtant Myo l'a fait, réponds le capitaine.

-ça c'est parce que c'est mon frangin, s'amuse Wistom en me bousculant un peu.

-Vous ne trouvez pas que cela fait beaucoup pour aujourd'hui ? avoue Hirion qui ne semble plus bon que pour une seule chose, dormir.

-C'est vrai que même moi cela m'a épuisé, ajoute Elise assise auprès d'Hirion.

-Très bien, je vous propose une petite pause. Mais je veux que nous puissions nous entraîner une dernière fois avant d'aller nous reposer. Sinon, vous ne serez jamais prêt pour aller sur le terrain, demain. Le capitaine claque finalement des doigts et l'esprit disparaît en fumée.

Je m'assois de mon côté avec Lyra pour papoter tandis que Wistom recommence à taquiner Hirion qui n'a pas encore put se relever sous le regard attendri et rieur d'Elise.

-Ta vision ne t'a pas trop choqué ? je demande à Lyra.

-Je... J'ai revu mon grand-père et ma grand-mère se disputant jusqu'à ce que mon grand-père fasse une crise d'asthme devant mes yeux et celle de ma grand-mère paniquant et hurlant à l'aide. Elle ne cessait de demander pardon, tandis que mon grand-père suffoquait.

-Je suis sincèrement désolé.

-Ne le sois pas. Ce n'est pas ainsi que les choses se sont vraiment passées. Mon grand-père est effectivement mort d'une crise d'asthme mais ma grand-mère ne s'est jamais disputée avec lui et il est parti de manière calme et sereine. C'est ma mère qui me l'a raconté. J'ai même pu leur parler.

-Tu penses que c'était réel ?

-Qu'est-ce que tu veux que ce soit ? Le fruit de notre imagination. Je ne peux pas en être certaine mais je veux croire que j'ai pu leur parler une dernière fois. Qu'une dernière fois, j'ai pu voir le sourire de ma grand-mère me disant : « Il ne faut jamais cesser de dire à ceux que l'on aime à quel point ils comptent pour nous. Car un jour, il sera trop tard et il ne faudra pas que tu aies de regrets. » Aujourd'hui non plus, je ne veux pas avoir de regret. Alors je te le dis une nouvelle fois. Je t'aime Myo.

Mes yeux dégoulinent de larmes de joies et je la sers très fort dans les bras en lui disant :

-Moi aussi, je t'aime Lyra, je t'aime de toutes mes forces.

Nous restons ainsi dans les bras l'un de l'autre pendant quelques secondes. Mais j'ai l'impression de ne plus pouvoir la lâcher et elle non plus. Finalement, elle lâche son étreinte sur moi et tout en me tenant la main, elle me dit :

-Et toi, qu'est-ce que tu as vu ?

-J'ai revu mes parents Lyra. Ils étaient là devant moi. J'ai pu parler à mon père.

-Et qu'est-ce qu'il t'a dit ?

-Il m'a dit que j'allais découvrir d'ici peu qu'il avait fait des erreurs et que je devrais les porter et le réparer.

-... Tu vois de quoi il voulait parler ?

-Non, mais il m'a donné une piste.

-Laquelle ?

-Juste avant que le sort ne s'estompe, il m'a dit de chercher un homme du nom de Wissen qui doit être dans les contrées au Nord.

-Que comptes-tu faire avec cela ?

-Je ne peux pas quitter le groupe pour m'en aller. Mais je vais tout faire pour qu'on nous envoie en mission là-bas. Une fois sur place, j'irais chercher cet homme et j'aurais peut-être ainsi, des réponses sur mon père.

-Je t'accompagnerai, là-bas. Mais avant cela, je veux savoir comment cela se fait que tu connaisses mon père. Dans la forêt, lors du premier entraînement avec le capitaine Okata, tu l'as tout de suite reconnu et tu lui as hurlé que tu voulais te venger. De quoi voulais tu te venger ?

-Je ne peux pas te répondre.

-Si tu m'aimes vraiment et que tu veux que j'aie pleinement confiance en toi, alors dis-moi la vérité. J'ai cherché durant des années à savoir qui étais mon père et ce qu'il est devenu. Toi, tu as un bout de son histoire. Confie là moi, je te promets qu'ensemble, même si elle est très dure à porter, tous les deux on y arrivera.

Ses yeux verts gorgés de larmes me font battre mon cœur encore plus rapidement et m'oblige à prendre une destination.

-Hum... Très bien. Lyra, je suis désolé. Mais je pense que ton père a un lien avec l'homme qui a tué mes parents, il y a neuf ans.

-Quoi ? sa voix est toute tremblotante, alors qu'elle n'ose plus rien prononcer.

-Je te demande pardon, Lyra. Mais c'est bien l'homme que j'ai vu il y a neuf ans tuer mon père et ma mère. Mais tu n'es pas coupable de ses crimes et je...

-Ce n'est pas possible. Comment, pourquoi il aurait fait une chose pareille? dit-elle en plongeant contre moi.

-Je l'ignore. Je ne connais pas les raisons qui l'ont poussé à faire cela. Tout ce que je sais ; c'est qu'il était étonnamment triste de le faire et qu'il m'a demandé pardon. Je ne comprends d'ailleurs toujours pas pourquoi il m'a dit : « Désolé gamin, mais c'est pour notre bien. »

-Je te demande pardon, Myo. J'ai pleinement confiance en toi. Maintenant, que tu m'as révélé cela, j'ai d'autant plus envie de comprendre ce qui lui est arrivé.

-Et nous le découvrirons, nos histoires sont étroitement liées et nous finirons par découvrir la vérité. Je t'en fais la promesse, lui dis-je en tenant contre mon torse ses deux mains jointes.

-Bon les amoureux ont y retourne, s'amuse le capitaine en nous souriant.

-Euh, je... C'est pas... Je tente d'articuler mais les mots ne sortent pas du tout dans le bon sens.

-On arrive, répond finalement Lyra en me prenant par la main tout en essuyant ses larmes.

-Qu'ils ne sont pas trop mignons tous les deux, souligne Elise en nous regardant et en faisant signe à Hirion comme on désignerait deux petits animaux sauvages.

-ça va, on a vu pire, répond-il.

Ce qui fait la fait bien fait rire.

-Capitaine, vous permettez que je laisse mon bouclier de côté, je ne suis pas très à l'aise avec lui, demande Wistom.

-Bien sûr, faites à votre convenance. Si vous avez du mal à manier votre arme, c'est normal et si vous voulez en changer cela peut se faire, lui réponds le Capitaine Okata.

-Quel est le dernier entraînement, capitaine ? je lui demande.

-Le dernier entraînement se fera contre un Croger. Je l'ai affronté, autrefois. Il se nomme Wotan. C'est un criminel qui opérait dans le commerce de drogue. Vous allez affronter le souvenir que j'ai de lui. En outre, il ne sera capable que d'effectuer des attaques qu'il a tenté contre moi. Il n'aura donc pas forcément de répertoire de coups contre vous et ne sera peut-être pas capable de parer tous vos assauts. Comme cela vous aurez un ennemi légèrement plus fort que l'esprit errant, mais vous avez avec vous les armes pour le vaincre car contrairement à l'esprit errant où seul des armes sacrées auraient pu l'intimider, maintenant, vous avez de quoi le blesser.

Lorsqu'il finit son speech, il étend le bras face à nous et un homme sort de terre. Il est très musclé, peut-être un peu plus d'un mètre quatre-vingt-dix. Il est torse nu et il a un cigare en bouche. Ses cheveux sont bruns et il a de splendides rouflaquettes et un pilosité corporel tout aussi imposante.

-Je vous présente, Wotan. Faites bien attention car il a tendance à trancher dans le vif, s'amuse le capitaine alors qu'il fonce directement sur Wistom.

Mon frère arrive à parer son coup au dernier moment. C'est hallucinant! Il frappe à main nue contre l'arme de Wistom sans blesser ses mains.

-Tout le monde ! On l'encercle pendant qu'Elise, tu le prends par derrière, je leur crie.

Tout le monde s'active tandis que Wotan continue de frapper Wistom qui peine à parer ses assauts et reçoit de nombreux coups au visage et dans le ventre. Avant qu'il ne puisse en donner un de plus, Elise saute dans son dos et plonge sa lame vers sa colonne vertébrale. Mais une énorme main en os apparaît et bloque avec entre ses phalanges la lame, elle fait facilement un mètre. On dirait des pattes d'ours. La main droite tient l'épée d'Elise comme on tiendrait une plume tandis que la main gauche nous fait face en recroquevillant ses doigts comme prêt à frapper.

-J'aurais bien besoin d'un coup de main les amis, avoue Elise qui tente de garder son arme en main.

-On arrive! crie Hirion qui se transforme en cactus. Il projette tous ses pics vers Wotan qui lâche instantanément Elise et colle ses deux griffes contre son dos créant ainsi un bouclier, derrière lui.

-Il faut que j'en finisse avec toi car tes petits camarades ne veulent pas me laisser m'amuser, dis Wotan en empoignant Wistom à la gorge et en le balayant au loin en lui donnant un violent coup de pied dans le ventre.

Il se retourne alors face à nous et ses deux griffes se plantent alors dans le sol et le propulse d'un coup vers nous. Pour esquiver, je plonge au sol en prenant contre moi Lyra, alors qu'Hirion reste sur place avec de nouveaux pics tous alignés face à lui.

-Mauvais calcul, l'ami, dit Hirion alors que le poing de Wotan approche.

-Tu es un peu trop prétentieux à mon goût, lui réponds le criminel alors que son poing l'atteint en plein visage.

La tête d'Hirion vole en charpies, des bouts de plantes tombent un peu partout au sol et un liquide verdâtre se répand le long de son cou. Le capitaine Okata se précipite alors sur Wotan et le frappe de toutes ses forces avec l'un de ses cestes en plein dans son dos. On entend un violent craquement et il est projeté sur plusieurs dizaines de mètres avant de disparaître dans un nuage de fumée.

-Non, Hirion... articule Lyra.

-Dites-moi que c'est un cauchemar, lâche Elise.

-J'ai bien peur que non, lui dis-je.

Nous sommes tous autour du corps, sauf Wistom qui peine à se relever après le coup qu'il a pris dans le ventre. Mais quelque chose nous ramène à la réalité, ce sont les jambes d'Hirion qui se mettent à bouger sans raison. Puis ses épaules et enfin ses mains.

-C'est quoi ce délire ? dit Lyra.

-Je crois que notre ami a plus de ressources que nous ne l'imaginions, leur dis-je.

-Je le crois bien aussi, souligne le capitaine.

-ça fait un mal de chien ce truc, dit Hirion.

La voix provient d'une petite fleur rouge qui ressort de son cou. Un visage s'y dessine et petit à petit grandit pour redevenir la bonne bouille que nous connaissons tous.

-On peut dire que tu nous en a fais une sacrée frayeur, dit Elise.

-C'est clair, continue Lyra.

-Content de voir que tu as toujours la tête sur les épaules, lui dis-je.

-On peut dire que tu sais faire tes entrées en scène, s'amuse le capitaine.

-Je ne sais pas trop ce qui est arrivé. Je pensais que mes pics le stopperaient mais pas du tout. J'ai eu super mal au nez durant quelques secondes, puis plus rien. Ne me dites pas que je suis tombé dans les pommes et que vous avez gagné sans moi, s'alarme Hirion en regardant à gauche et à droite pour voir l'ennemi vaincu.

-Non, on ne l'a pas battu. C'est le capitaine qui l'a fait dégager, dit Elise.

-Et tu n'es pas non plus tombé dans les pommes. C'est ta tête qui a littéralement éclaté, continue Lyra.

-Quoi ?! se choque Hirion.

-Oui. On a bien cru que tu y étais resté, lui dis-je.

-J'ai faillis mourir, lâche Hirion en gardant le regard fixé dans le vide.

-Je trouve vos entraînements un poil dangereux si vous voulez mon avis capitaine, s'exclame Wistom alors qu'il est en train de se relever tant bien que mal en se dépoussiérant.

-C'est vrai que vos exercices sont plutôt excessifs. Hirion a failli y laisser sa peau. Vous avez un sacré problème quant à la définition d'entrainement capitaine, s'énerve Lyra.

-Non, non. Ne vous méprenez pas. Si vraiment le cas d'Hirion avait été très grave, il aurait simplement fallu le sortir de cette salle et il serait à nouveau en bonne santé. Cette salle a été conçu exprès pour ce genre d'exercices où nous poussons nos soldats dans leurs derniers retranchements. Avoue le capitaine tout en essayant d'apaiser la colère de Lyra.

-Ben, on peut dire qu'on a clairement échoué, dit Wistom d'un ton déprimé.

-C'est clair, ça fait deux fois qu'on perd le combat, dit Elise.

-Ne vous mettez pas dans un tel état. Je ne connais personne qui dès son premier jour dans le centre fut capable d'affronter Wotan ou même un esprit errant. Au contraire, vous avez fait preuve de courage face à l'esprit errant et d'esprit d'équipe. Pour ce qui est de Wotan, je ne m'attendais pas à ce qu'il se donne autant dès le début du combat. C'est plutôt ma faute pour ne pas vous avoir trouvé un combattant à votre hauteur que vous auriez pu vaincre. Mais face aux brigands vous vous êtes très bien débrouillés, nous félicite le capitaine.

-Vous le pensez vraiment, dit Lyra avec des étoiles dans les yeux.

-Bien sûr et je suis très fier de faire équipe avec vous, nous dit le capitaine.

-Et nous d'avoir un capitaine aussi fort, réponds Wistom.

-C'est clair. Vous l'avez pulvérisé d'un seul coup, souligne Elise.

-On peut dire que demain, on n'aura pas trop à s'inquiéter avec vous à nos côtés, lui dis-je.

-Arrêtez, vous allez me faire rougir. Pour ce qui est de la mission de demain, je vous brieferai le matin. Mais ce sera simplement une mission d'enquête. Je ne veux pas non plus que vous vous blessiez pour votre première sortie, nous dis le capitaine avec un petit sourire paternel.

-ça marche. Mais d'ici là, je veux faire une grosse sieste. Histoire de faire disparaître mon mal de crâne. Avoue Hirion en gardant la main collée à sa tête.

-Bien sûr. Vous avez quartier libre, on va laisser la salle à Promethy qui doit encore m'en vouloir. De votre côté, vous pouvez faire ce que vous voulez dans le centre jusqu'au couvre-feu à vingt-deux heures. Après, il vous faudra vous rendre dans vos dortoirs respectifs, nous dis le capitaine avant de s'en aller. Ah et surtout ne faites pas trop de bêtises pendant mon absence.

-Oui, capitaine, nous lui répondons à l'unisson.

-Moi de mon côté, je vais allez me reposer, dis Hirion.

-Je vais le suivre. Avec son mal de tête, je ne voudrais pas qu'il se perde dans le centre, dis Elise en le prenant par la main et en sortant de la salle.

-Je crois que je vais retourner sur le terrain avec le capitaine Haka et vous ? nous demande Wistom.

-Je te suis frérot et toi, Lyra ?

-Je vais lire un peu à la bibliothèque. On se retrouve ce soir pour le dîner ? dit Lyra.

-ça marche, Lyra. A tout à l'heure, lui dis-je en suivant Wistom.

Nous sortons donc de la salle, alors que le capitaine semble se faire réprimander par un officier alors que Promethy est à ses côtés, comme satisfait. Je remarque que Wistom n'a plus aucun bleu quand nous nous retrouvons dans le hall et d'ailleurs, mon fusil s'est réparé tout seul.

-C'est drôlement étonnant comme endroit, lui dis-je.

-C'est clair. C'est plein de petit miracle. Un peu comme toi avec Lyra, n'est-ce pas frérot ? me dit Wistom en me souriant.

-Euh, eh bien je...

-Laisse tomber. On vous a bien vu avec les autres. Vous vous lancez sans cesse ces petits regards. Ne t'inquiète pas pour moi, tu peux me l'avouer.

-Je ne voulais pas te faire de peine, tu sais.

-Bien sûr. Mais ne t'inquiètes pas autant pour moi. Concentre-toi plutôt sur la mission. Il faut qu'on soit à la hauteur pour demain.

-Oui, tu as raison. Essayons de nous entraîner, car de mon côté j'ai pas du tout le physique d'un guerrier.

-Ce n'est pas ce que l'on te demande. Toi tu es là pour penser pendant qu'Hirion et moi on se rue dans la mêlée, alors que Lyra les incendies de bulles.

-ça m'a l'air pas mal comme plan.

-Wow.

-Quoi ?!

-C'est la première fois que tu valides l'un de mes plans, Myo. Ça me fait tout bizarre. Elle a une sacrée influence sur toi.

-Dis pas de bêtises.

-Ce n'en est pas une, frérot. Tu commences déjà à changer. Grâce au pouvoir de l'amour.

-Bon, quand tu auras fini de te moquer de moi. Tu me diras ce qu'on va faire sur le terrain d'entraînement où il y a le capitaine Haka. On ne serait pas plus tranquille en bas dans les quartiers des sous-officiers pour s'entraîner ?

-C'est vrai. Mais je veux qu'il nous fasse travailler. Vu comme il est fort, il aura des tas de trucs à nous apprendre.

-Pas bête.

-Encore. Tu changes beaucoup trop vite, Myo.

-Ok, là tu en fais vraiment trop.

-A peine, s'amuse Wistom.

Nous continuons de marcher, en dépassant le musée d'armes et en terminant notre chemin face à l'arène où le capitaine Haka continue de se battre mais cette fois-ci les yeux bandés face à quatre guerriers avec des haches, dont deux femmes que nous devinons grâce à la forme des armures.

-Tu ne crois pas qu'il en fait un peu trop là ? je demande à Wistom.

-Euh, peut-être un tout petit peu, me répond-il.

Le capitaine est pied nu et il fait des mouvements lents avec ses bras comme pour sentir l'air autour de lui. Il fait un premier cercle devant lui avec son pied droit puis un deuxième avec la jambe gauche avant de plier légèrement ses jambes et d'attendre tout en continuant de bouger lentement ses bras qui dessinent des sortes de vagues.

Puis soudain, l'un des guerriers fonce dans son dos, la hache pointée vers le ciel, mais avant qu'il ne puisse porter son coup. Celui-ci envoie sa jambe gauche en plein dans sa mâchoire en ne se tenant au sol qu'avec une jambe et sa main droite. Le guerrier vrille en l'air et retombe lourdement au sol, inconscient.

-Votre nombre est une force. Servez-vous-en, au lieu de me ménager, leur ordonne le capitaine Haka.

A peine a-t-il finit sa phrase que tous les trois le chargent, chacun d'un des angles de l'arène, excepté bien sûr celui qui est au sol. Le capitaine a un léger rictus avant qu'ils ne le frappent, mais il part d'un seul coup, leurs trois frappes avec ses mains recouvertes de diamants.

-Du nerf, ne me facilitez pas en plus la tâche en m'offrant une ouverture pareille, leur dit-il.

Puis, il balaie l'un d'entre eux avec sa jambe et il se dégage de cette position en frappant dans le torse de la guerrière. Sa main a quand même laissé une trace sur son armure de métal, mais elle ne faiblit pas et cours avec le second, tandis que le troisième se relève vexé et sali par cette attaque. Les coups volent de toutes parts et on assiste à un vrai concert de lames qui s'entrechoquent contre la peau diamantée du capitaine.

Mais ses adversaires semblent être d'un certain niveau car il ne fait que parer et semble ne pas réussir à trouver de nouvelles ouvertures. Cependant, ce n'est pas un mince exploit que de pouvoir affronter trois personnes avec des haches à deux mains alors que l'on est à mains nues et en plus sans pouvoir voir.

-Mettez-y plus d'ardeur, bon sang! J'ai l'impression que vous faites exprès de ne pas me blesser, leur crie-t-il.

Le combat s'éternise un peu et ses adversaires commencent à manquer de souffle.

-A quoi vous sert vos armures face à un homme désarmé, leur dit-il.

-Eh bien, c'est pour éviter de nous blesser, maître, dit l'un des trois.

-Enlevez-les. Elles vous handicapent plus qu'autre chose. Si quelque chose vous alourdit et vous empêche d'avancer, alors il faut s'en débarrasser. Il en va de même pour vos armures. Si vous n'êtes pas capable d'affronter un vieillard comme moi, qui de surcroît ne peut pas voir; alors à quoi serez-vous bon sur le champ de bataille ? Alors dites-le moi ? s'exclame le capitaine en haussant encore plus le ton.

-Si on s'allège, on va vous blesser, capitaine, dit la femme en défaisant ses épaulettes et son plastron.

-ça c'est la Selia que j'aime. Allez les autres! Faites de même et mettez un terme à cette humiliation devant tout ce monde. Vous êtes quand même mon unité, que diable un peu de vanité! ordonne le capitaine Haka.

Son discours a plutôt l'air de les avoir requinqués, ils défont tous leurs armures et ils se jettent sur lui comme un seul homme. Après seulement quelques coups, leur vitesse est telle que nous peinons à suivre tous leurs assauts et puis soudain, ils s'arrêtent. Tous les trois restent immobiles, tandis que le capitaine passe lentement sa main contre sa joue. Elle saigne. Étonnamment, c'est un sourire et un éclat de rire qu'il lâche tandis qu'il enlève le bandeau qu'il avait sur les yeux.

-Ah ! ça ce sont les petits gars que j'ai entraîné. Vous pouvez ��tre fier de vous et surtout toi Emy. Ce dernier coup juste après celui de Selia a porté ses fruits. Vous avez gagné le droit de vous décrasser et ce soir je vous paie à tous les quatre une bouteille de Namé. Titus aussi malgré le fait qu'il se soit fait sécher le premier, il n'a pas démérité.

-Ouais.

-Merci, capitaine.

-J'ai hâte de boire ça ce soir, dit Emy avant de saluer le capitaine avec ses camarades et de repartir en emportant avec eux leur ami tombé dans les pommes.

Finalement, toute la foule qui s'était amassé autour de l'arène retourne à ses occupations, alors que nous nous approchons du capitaine qui se débarbouille le visage avec sa serviette après ce rude combat. Il nous remarque alors et nous dit :

-Encore vous, vous voulez une autre leçon ?

-Ah vrai dire. Nous espérions que vous accepteriez de nous entraîner un peu cette après-midi, avoue Wistom.

-Hum... J'ai un conseil d'ici deux heures... Je peux vous donner une heure d'entraînement, mais pas plus.

-C'est déjà très bien, capitaine, répond Wistom.

-Oui merci beaucoup, je poursuis.

-Attendez la fin des exercices avant de me dire quoi que ce soit. Vu votre niveau, on va commencer par les bases. On verra ensuite ce que l'on peut en faire, nous réponds le capitaine Haka.

Il finit de s'essuyer le visage, puis il récupère dans un coffre en étal, trois sabre en bois et en tend un à chacun d'entre nous.

-Prenez le vôtre et mettez-vous face à moi.

Nous obéissons sans dire un mot et nous l'observons.

-La première chose à savoir. C'est comment bien se tenir sur ses appuis et comment frapper efficacement son adversaire. Le but est de s'en débarrasser le plus rapidement possible car il peut être accompagné et il faut donc pouvoir réagir vite en cas d'attaque surprise. A tour de rôle, vous allez me charger et je vais parer votre premier coup. Ensuite, vous essaierez de me toucher avant que je ne puisse riposter et on s'arrête là. C'est compris ? nous dit-il.

-Oui, capitaine, nous répondons.

Le premier à tenter sa chance, c'est Wistom. Il attend que le capitaine lui fasse signe et puis il le charge sur quelques mètres avant de le frapper à la tête. Sans surprise, le capitaine Haka le pare avec son sabre. Il ne se démotive pas pour autant et au lieu de le frapper simplement avec son sabre une nouvelle fois, il lui donne un coup de pied en même temps que son bras soulève son sabre pour le frapper dans les côtes. Le capitaine a l'air surpris de cette initiative et arrête la jambe de Wistom au dernier moment en soulevant son tibia au-dessus de sa hanche. Après ce coup, Wistom s'arrête et le capitaine lui dit :

-Bonne esprit d'initiative, petit. Fait quand même attention à ne pas trop créer d'ouverture lorsque tu attaques avec l'un de tes membres. Mais dans l'ensemble, ce n'est pas si mal. Au suivant, la craie, c'est à toi, s'amuse le capitaine.

Il se moque un peu de moi, mais cela ne doit pas me déstabiliser. Je me met en garde face à lui et je fais quelques pas dans sa direction quand il me fait signe. Malheureusement, je ne suis pas assez musclé pour me risquer à foncer comme Wistom. Je vais plutôt essayer la ruse. J'effectue donc quelques pas en avant tout en veillant toujours à garder les deux pieds proches du sol, en glissant simplement. Tout en faisant cela, je tourne légèrement autour de lui sur la droite. J'observe sa jambe droite s'avancer et j'attaque aussitôt en tentant de le frapper d'estoc, il dévie avec la lame sur la gauche, en la frappant sur le dessus. J'en profite donc immédiatement pour m'enfoncer dans sa garde et je rentre ma jambe derrière la sienne pour lui tirer la manche. Je réussis ainsi à le déstabiliser. Il chute alors sur le dos tandis que je tire ma lame pour qu'elle se pose sur sa gorge lorsqu'il touche le sol.

Je vois un petit sourire qui se dessine et il rit à tue-tête.

-Aahahhaha! Vous êtes très inventif tous les deux. On va peut-être pouvoir faire quelque chose de vous finalement.

Il se lève tranquillement et nous continuons ainsi l'entraînement sans se rendre compte du temps qui passe. Je suis étonné par la patience dont fait preuve le capitaine à notre égard. Je l'aurais pensé plus rude. Comme quoi, les premières impressions ne sont pas toujours les bonnes. Il fait attention à ne pas trop nous bousculer et nous en apprenons beaucoup sur le maniement des armes et il nous conseille à tous les deux de nous focaliser sur une et même arme pour pouvoir être efficace plus tard sur le terrain. Une épée et un bouclier pour Wistom et une épée à une main pour moi ainsi que mon fusil si les ennemis sont loin.

-Gardez bien à l'esprit que vous ne devez arriver au corps à corps quand cas de dernière nécessitée car vous êtes là pour appuyer vos amis et faire en sorte que les tireurs ennemis ne les prennent pas pour cible, me dit le capitaine Haka avant de poursuivre. Je vais devoir vous laisser maintenant, messieurs, car il va bientôt être l'heure pour moi de rejoindre mon conseil et je ne vais pouvoir y assister dans une tenue et un état pareil. Je suis plutôt satisfait de ce que vous avez fait aujourd'hui et on se reverra sans doute pour un autre petit entraînement.

-Merci beaucoup, capitaine, dit Wistom.

-C'était très gentil de votre part de nous offrir un peu de votre temps, lui dis-je.

-Mais ne vous méprenez pas. Je ne l'ai pas fait que pour vous. Je l'ai fait pour Okata. Il mérite une équipe à la hauteur de son courage et de son talent. Et puis... Je ne voudrais pas que cela lui arrive une seconde fois... Au revoir, messieurs.

Et le capitaine s'en va, sa serviette sur les épaules en murmurant un petit air de musique.

-Tu as compris à quoi il faisait référence ? demande Wistom.

-Je n'en suis pas tout à fait certain et de toute manière celui qui pourra nous répondre, c'est le capitaine Okata lui-même, je lui réponds.

-Ouaip. On continue l'entrainement quand même ? me demande-t-il.

-Allez. Il faut bien que tu t'améliores, je lui réponds.

-Ah. Tu ne manques pas d'air toi.

Nous continuons ainsi à nous entraîner sans vraiment faire attention à l'heure et c'est le départ de quasiment tout le reste de l'arène qui nous fait prendre conscience de l'heure. Il est dix neuf heures quinze. Tout le monde doit être à table pour le repas à dix neuf heures trente en tenue. Nous nous dépêchons donc de nous doucher aux thermes pour être prêt pour le repas. Nous nous pressons de nous rhabiller tout en allant jusqu'au troisième étage.Puis, lorsque nous l'atteignons, nous remarquons que nous sommes les seuls qui n'avons pas la tenue de sous-officier, mais simplement des vêtements pour le combat. Comprenant bien que nous avons commis une erreur, nous entrons derrière un petit groupe de caporal pour essayer de ne pas nous faire remarquer, mais c'est peine perdue. Un des capitaines nous remarque et nous fait signe de venir vers lui. C'est un grand homme noir très musclé, chauve et qui a plusieurs piercings aux oreilles.

-Messieurs, vous n'êtes pas dans la bonne tenue pour siéger ici.

-Veuillez nous excuser, capitaine, on est arrivé aujourd'hui et on n'était pas au courant.

-Hum... Bon, je vous fais une fleur pour aujourd'hui. Mais sachez qu'à l'avenir vous ne serez pas accepté pour le dîner. C'est bien compris tous les deux ?

-Très bien, capitaine, nous lui répondons.

-Ah, au passage, c'est quoi vos noms que je me les note.

-Je m'appelle Wistom et lui c'est mon frère Myo.

-Très bien, au fait, je suis le capitaine Azazeri. Ce n'est certes pas mon centre, mais il vous faut comprendre dès à présent qu'il y a des règles à respecter. Maintenant filez manger avec les autres.

Nous obéissons et nous nous dépêchons d'entrer dans la salle du banquet. Nous remarquons vite Lyra et Hirion qui nous font des signes avec les bras, au milieu des autres sous-officiers qui cherchent à savoir à qui ils sont adressés. Quand nous arrivons tous les deux auprès de nos amis, Hirion est le premier à dire :

-J'ai comme l'impression que vous n'êtes pas très raccord avec la tenue que tout le monde porte.

-Oui, merci Hirion. Je crois qu'on l'avait un peu remarqué quand on a été sur le point de rentrer, réponds sèchement Wistom, plutôt stressé.

-Où vous étiez passé tous les deux ? demande Lyra.

-On est allé s'entraîner avec le capitaine Haka, puis juste tous le deux et on n'a pas vu le temps passer, je lui réponds.

-Eh bien de mon côté, j'ai lu des choses plutôt passionnantes, dit Lyra.

-Ah oui, quoi ? je lui demande tout en m'asseyant à côté d'Elise qui s'amuse avec les cheveux d'Hirion.

-J'ai trouvé quelques livres qui parlaient de comment avait été fondé l'ordre d'Artémis auquel nous appartenons maintenant. Officiellement, c'est une organisation qui fait partie intégrante de l'armée de l'empereur mais qui a accès à des ressources beaucoup plus importantes comme le montre notre base. En lisant un livre qui décrit la hiérarchie, j'ai appris qu'il y avait dans chaque région, 1 général qui a sous ses ordres 4 colonels qui dirigent 16 commandants qui dirigent quant à eux 64 capitaines qui sont les seuls officiers qui peuvent ne pas avoir de pouvoir, tout le reste des officiers en a forcément un.

-Intéressant. Tu as appris d'autres choses ?

-Oui, j'ai discuté avec la capitaine Miel qui est très sympathique et elle m'a dit que le capitaine Okata a refusé à deux reprises d'être nommé commandant au moment même où son frère jumeau l'acceptait.

-Ils sont frères jumeaux tous les deux, mais ils ne se ressemblent pas du tout, dis Wistom étonné.

-Faux jumeau Wistom... souligne Hirion.

-Le plus étonnant, c'est qu'il a refusé de monter en grade, je leur dis.

-Et ce n'est pas tout. J'ai aussi appris qu'il y a cinq ans, il a perdu son équipe lors d'une mission d'infiltration pour faire tomber un baron des casinos. Toute l'escouade est morte sauf lui qui est revenu avec le baron en question qu'il avait ramené totalement broyé et à peine en vie. Jusqu'à aujourd'hui, il avait aussi refusé de retravailler en équipe, mais il semblerait que le commandant TomTom l'ait obligé cette fois-ci à accepter notre présence auprès de lui, continue Lyra.

-Cela en fait des nouvelles et une particulièrement triste, je lui dis.

-Cela explique aussi sa réaction lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, dit Hirion.

-Oui, plutôt, soupire Wistom.

-Eh bien, on en aura appris des choses aujourd'hui, dit Wistom.

-C'est clair. Je vote pour une longue sieste, soupire Hirion.

-C'est vrai que pour un premier jour, vous en avez vécu des aventures. Même pour moi, ça commence à faire, s'amuse Elise.

Nous finissons donc le repas en écoutant les histoires que nous racontent Elise pendant qu'Hirion reste suspendu à ses lèvres. Elle nous fait découvrir des lieux que nous n'imaginions même pas ou même des légendes qui sont en réalité que bon nombre de personnes cherchaient à ne pas voir. Comme par exemple, le raid de plusieurs loups-garous sur des villages ou alors des gobelins qui ont attaqué des voyageurs dans les forêts et que l'on a fait passer pour ce simples attaques de brigands.

Toutes ces choses-là n'avaient été pour nous que des histoires pour effrayer les enfants le soir. Mais il semblerait qu'au fil de la conversation que ces légendes et rumeurs soient fondées. Mon esprit très pragmatique a du mal à l'idée de croire aux sorcières et aux fées mais après tout, ce n'est pas plus tiré par les cheveux qu'un nuage porteur de pouvoirs.

Elise nous explique aussi que les nobles veulent avant tout que leurs sujets ne soient pas inquiétés par ces choses-là, quitte à leur mentir. C'est ainsi que bon nombre d'incidents sont passés sous silence et que l'Ordre est intervenu sous couvert de secret militaire. Ils ont d'ailleurs remarqué une recrudescence de ces incidents un peu partout dans l'empire. Certains pensent que cela est dû au Nuage de Rey et qu'il pourrait même avoir infecté d'autres races.

Et pour finir, elle nous raconte aussi ce qu'elle sait sur les autres continents. La plupart ont de très bonnes relations avec nous et nous commerçons facilement avec eux comme le Royaume des Warfs qui est peuplé d'humanoïde ours, félin et canin. Il en est de même pour le Royaume Leff et Askaïd ainsi que la République Tird. Des êtres très raffinés qui vivent sur une île aux abords de A-Humi. Les relations sont plus compliquées avec le peuple Flogg qui est plutôt disparate mais il semblerait qu'enfin un accord soit sur le point d'être signé.

Mais c'est très différent concernant les Squals et les Cyonn qui ont toujours eu des relations tendues, voire ambigu, notamment dû aux raids marins que les Squals effectuent parfois contre des vaisseaux humains. Bien sûr, sans que l'on ne puisse prouver quoi que ce soit. Enfin, il y a les nains au Nord qui restent très solitaires et rare sont ceux qui en ont déjà vu de leurs propres yeux. On dit qu'ils sont de petites tailles, dépassant rarement le mètre-vingt et s'adonnant à toute sortes d'expériences et de recherches en quête de minerais et de pierre précieuses.

Il y a notamment un conte qui dit que dans la mine de la grande cité de Kalea-Almas, un mineur assoiffé de richesse minait sans cesse et ne se reposait même plus pour dormir. Fut un jour visité par ses amis qui étaient venus pour lui demander de se reposer. Mais il répondit qu'il ne pouvait pas, qu'il était trop près du but pour s'arrêter maintenant. L'un d'eux lui demanda de quoi il approchait. Il répondit alors qu'il recherchait la puissance du Dragon Barkan et qu'il allait bientôt la trouver, la source de son pouvoir.

Malheureusement, ses amis comprirent trop tard que ce pouvoir n'était nulle autre que l'ancien volcan éteint depuis des siècles. Il piocha une dernière fois et le sol commença à rougir sous ses pieds. Une lumière jaune nacrée de rouge illuminait la cavité qu'il avait créé et soudain un geyser de lave en jaillit. Tuant sur le coup le nain, tandis que ses amis tentèrent de fuir par le tunnel pour avertir la cité, mais en vain. Sa folie avait créé une réaction en chaîne qui envahit bientôt toute la cité et elle fut engloutit sans qu'aucun nain ne puisse en réchapper, cette ville magnifique qui avait été battit en plus de six siècles grâce aux efforts de dizaines de milliers avait été anéanti par l'avarice d'un seul. C'est ainsi que petit, on nous apprenait ce qu'était un nain.

Il faut dire que l'histoire n'est pas très flatteuse mais elle nous permettait de comprendre à quoi ils pouvaient bien ressembler ce peuple des montagnes gelées.

Ce n'est qu'après ce long moment d'histoire et de géographie que nous avons tous finis nos assiettes et que nous allons à nos dortoirs respectifs. C'est le capitaine Mongo qui nous a ouvre la porte avant de nous avertir que nous avons une extinction des feux à vingt-deux heures. Cela me rappelle un peu l'internat avec Hirion et Wistom. Avec des quartiers bien plus agréable que ceux que nous avions autrefois mais aussi avec plus de monde. Nous sommes un peu plus d'une trentaine dans cette pièce et il semblerait qu'il y ait quatre dortoirs chez les hommes et trois chez les dames. Finalement, nous prenons un peu de temps pour discuter de notre arrivée et de ce que nous avons vécu jusque-là avant d'aller dormir.