-C'est le signal ! s'exclame Bertyl en descendant à l'aide du long du fil de son araignée.
Nous mettons un petit temps avant de réagir et de faire de même. Une fois arrivée au rez de chaussée, nous sommes maintenant tous les six au milieu d'une douzaine d'ennemis.
-Tu avais raison. Il n'est pas venu seul. Tu veux t'occuper de lui et moi du menu fretin? demande l'elfe à Héliotrope.
-Oui, répond-il en ruminant comme un animal avant de nous charger tous les quatre en même temps.
Je roule sur le côté alors que ses jambes immenses passent à côté de moi et viennent plaquer le capitaine contre la cuve qui se trouvait derrière nous. Un peu de métal en jaillit à cause de la secousse. Mais je n'ai pas le temps de m'en occuper car l'elfe fait apparaître une hallebarde dans ses mains, comme par enchantement. A peine a-t-il produit cet exploit que Bertyl se précipite sur lui, la rapière en avant. Le combat commence et les ouvriers prennent avec eux tout ce qui pourrait servir d'arme: pelle, clef, marteau et ils nous chargent à leur tour. Je tire dans l'épaule du premier qui m'approche puis je pare le coup de clef du second avec mon épée. Mon cœur bat à cent à la seconde et tout va si vite autour de moi. Susane, Hirion et Elise se battent aussi à mes côtés. Ils se débrouillent plutôt bien et depuis quelques secondes, je remarque aussi un des ouvriers qui se bat à nos côtés.
-Ne frappez pas le gars avec la pelle! Je le contrôle avec mon pouvoir! s'exclame Susane en plantant sa lame dans la jambe d'un de nos ennemis.
Le combat fait rage et je prends quelques coups. Mais je ne me résous pas encore à me servir de ma montre car je veux la garder pour une situation critique. Même si les blessures que je subis me font mal, elles ne me mettent pas encore hors de combat. Il est donc inutile de gâcher mon pouvoir maintenant.
Le capitaine Okata de son côté est plutôt mal mené par Héliotrope qui a une force incroyable. Il est capable de fracasser en morceaux un mur à la seule force de ses poings. Alors, le capitaine décide privilégier au maximum l'esquive à la parade. Pour ne pas risquer de se voir briser comme de la craie.
De son côté, la capitaine Bertyl se bat avec férocité contre l'elfe qui semble contrôler son arme par la pensée. Il ne fait que reculer tandis que sa hallebarde pare les coups sans qu'il ne la tienne en main. Malgré tout, elle n'abandonne et elle décide de mettre toute sa force et son énergie dans la bataille. Les coups s'enchaînent alors en accélérant le rythme de plus belle. L'elfe commence alors à être obligé d'esquiver certaines de ses attaques.
Enfin, les ouvriers commencent à perdre courage et ils sont totalement déstabilisés par le pouvoir d'Hirion qui s'est transformé en cactus pour tirer ses épines dans tous les sens. Le combat commence à tourner en notre faveur, nous avons presque battus tous les ouvriers, il ne reste plus que les deux chefs à défaire et la partie sera gagné.
Okata se bat comme une bête avec ses cestes, alors que son adversaire le frappe avec ses poings dans son armure. Héliotrope semble perdre l'avantage et commence à recevoir de nombreux coups dans le ventre et dans le visage. L'enchaînement semble sans fin. Même son casque se déforme du côté droit à cause des coups. Puis, il se retrouve acculé contre un des murs pour finalement être projeté au travers. Oui! Plus qu'un adversaire. Le capitaine Okata rejoint donc Bertyl pour lui prêter main forte et elle semble en avoir besoin. Elle a reçu plusieurs coups, elle saigne au visage et à la main droite qui peine à tenir encore sa rapière. Notre capitaine se met à ses côtés pour faire face à l'elfe alors qu'il n'a pas le moindre blessure.
-Vous faites une grave erreur, s'exclame Cirse, très calme.
-On en reparlera quand tu seras derrière les barreaux, lui répond le capitaine.
-Je ne parlais pas de moi. Mais de mon équipier qui n'en a pas encore terminé avec vous.
-Ton ami est dans les décombres et lorsqu'il se réveillera, ce sera pour se nourrir à la paille.
-Il n'est pas de votre avis, lui réponds l'elfe en souriant.
Au même moment, une des cuves est projeté vers nos deux capitaines qui n'ont pas le temps de la voir venir. Seul l'esquive de l'elfe leur fait comprendre le danger. Bertyl arrive à plonger en avant pour l'esquiver mais Okata la prend de plein fouet et se retrouve écrasé dessous alors que le métal en fusion se répand au sol. La situation est critique et aucun de nous ne sera capable de déplacer cette cuve. Je décide donc d'utiliser ma montre pour revenir dans le passé.
Nous sommes pile au moment où le capitaine rejoint Bertyl.
-Capitaine Okata, Héliotrope va se relever, faites attention ! je crie.
Le capitaine se met donc dos à Bertyl et voit l'homme sortir de dessous les décombres et marcher comme s'il n'avait pas reçu la moindre blessure.
-C'est un vrai monstre, ce gars-là ! s'exclame Hirion alors qu'il projette au loin le dernier ouvrier encore debout avec son bras en tronc d'arbre.
-Je m'occupe du mastodonte ! Vous, vous vous débarrassez de l'elfe avec la capitaine, s'exclame le capitaine en lançant une plaque de métal torsadé au visage d'Héliotrope.
Lorsque nous rejoignons la capitaine, l'elfe semble moins confiant.
-Cinq contre un. Quel défi ! sourie-t-il en rapprochant sa hallebarde contre lui.
Il la lance contre un des murs et saute dessus pour s'en servir de plateforme pour monter sur les grilles au premier étage.
-Faites bien attention ! Il cherche à nous emmener dans un endroit pour réduire notre avantage du nombre, s'exclame Bertyl en le suivant grâce à son araignée.
Nous grimpons au fil avec la seule force de nos bras et nous rejoignons la capitaine qui a déjà commencé à engager le combat. Je ne sais pas comment l'aider car avec mon pistolet, je risque de la blesser dans le feu de l'action. Hirion arrive au même moment à ses côtés et essaie de de créer une ouverture pour Bertyl, mais l'elfe esquive avec grâce tous ses coups, tandis que sa hallebarde tranche même les grilles au sol quand il tente de blesser la capitaine. Je finis par tenter ma chance en visant le torse de l'elfe. Le coup part au moment où il est dans les airs pour éviter le coup de poing épineux d'Hirion qui s'écrase contre le mur.
Le coup atteint son but et arrive en plein dans son épaule gauche. L'impact le fait tomber au sol avec douleur, tandis qu'Elise et Susane finissent de grimper au fil. L'elfe semble fatigué et la capitaine confiante de son prochain coup. Elle serre sa rapière et la plante en direction de son cœur. Malheureusement, au même moment son hallebarde fissure une nouvelle fois le sol et on entend une série de craquement. Toutes les attaques qu'il avait portées jusqu'alors ont dangereusement abîmé la structure qui se tord et commence à se plier sous son propre poids. Nous sommes précipités sur le côté gauche, entraîné par la chute de la grille. Il n'y a qu'Hirion qui a le réflexe de créer une liane pour s'accrocher à un barreau contre le mur.
Toute la ferraille tombe avec fracas au sol. Elle soulève beaucoup de poussière et je ne vois plus les autres. Je sens aussi ma jambe me faire souffrir, elle est coincée entre deux plaques de métal. Je regarde ma montre et il lui reste encore huit secondes avant d'être à nouveau utilisable. Il faut que j'économise son utilisation et que je sorte ma jambe au plus vite de ce bourbier.
Finalement, je vois la capitaine se relever devant moi alors qu'elle aide Hirion à se relever au milieu des décombres.
-Elise, Susane, Myo, est-ce que ça va ? hurle la capitaine.
-Je vais bien. Mais Susane est dans les pommes, sa tête a heurté une poutre dans sa chute, s'exclame Elise derrière moi.
-Je vais bien. Mais j'ai la jambe coincée ,capitaine! je lui crie.
La capitaine fait signe à Hirion de venir m'aider tandis qu'elle cherche du regard l'elfe. Hirion réussit tant bien que mal à soulever les morceaux de métaux qui écrasent ma jambe. A l'instant même où Elise nous rejoint avec sous son aile Susane qui est inconsciente, nous remarquons l'elfe assis sur sa hallebarde planté dans le mur. Il panse sa blessure, mais il semble ne pas nous prêter attention. Il regarde plus en avant, nous nous retournons alors et nous voyons le capitaine Okata en train de mettre à mal Héliotrope qui un genou à terre essaie de ne pas tomber au sol. Mais c'est peine perdue, le capitaine a raison de lui et il tombe en avant alors que le capitaine a des bleus au visage et a le bras gauche torsadé.
Le capitaine cambre son dos et regarde en l'air en prenant enfin une longue expiration. Il avance vers nous en titubant, mais il a le sourire aux lèvres.
-Un de moins, s'exclame-t-il.
-Maître, votre bras ! s'exclame Hirion horrifié par la vue de celui-ci qui a fait plus d'un tour sur lui-même.
-Oh ! ça ?! Ce n'est pas très grave, dit-il alors qu'il tourne dans le sens inverse et reprends une forme normale.
L'elfe ne semble pas acculé, seulement pensif.
-Abandonne et on ne sera pas obligé de t'amocher plus que nécessaire, lâche Bertyl en se servant de sa rapière comme d'une canne.
-Vous ne semblez pas avoir pris la mesure du pouvoir de mon coéquipier, réponds l'elfe en se relevant.
Je me retourne instinctivement pour voir Héliotrope, mais il ne bouge pas d'un muscle. Il ne fait que respirer.Jusqu'à ce nous entendions un râle et une voix bien plus grave que celle qu'il avait au début du combat :
-Espèces d'incapables ! Pas capable de battre un simple capitaine ! Mais je vais te déchiqueter le poulpe ! hurle-t-il en se relevant une nouvelle fois.
-C'est impossible, lâche Elise.
Il craque sa nuque et marche comme si de rien n'était. Pourtant son armure est brisée en grande partie et son casque laisse entrevoir son œil gauche, un oeil vert injecté de sang. Comment peut-il être à nouveau prêt au combat ? Et quel est son pouvoir ?
-Je vais vous faire une petite faveur étant donné que vous allez mourir. Mon pouvoir est du type Henkan, je possède celui du cerbère. Il faudra donc me tuer trois fois, si vous voulez vous débarrasser de moi définitivement, dit-il en prenant un morceau de métal comme une épée.
Trois fois ! C'était déjà suffisamment difficile pour notre capitaine de le vaincre deux fois mais une nouvelle fois cela tiendrait du miracle. Et c'est peut-être ce qui risque d'arriver. La porte de l'aciérie s'ouvre, ce sont Wistom, Ylady, Lyra et Kurara qui viennent d'entrer en scène.
-Alors comme ça, on commence la fête sans nous ! s'exclame Wistom alors que son samouraï apparaît à ses côtés.
-Capitaine Bertyl, on prend le relais, dis Kurara en regardant sa chef qui tient à peine debout.
Il commence alors à se transformer en une sorte de yéti à la peau bleuté et à la fourrure blanche. Lyra est là, au milieu d'eux. Alors qu'elle me voit boiter, elle empoigne son épée avec force et courage. C'est aussi le cas pour Ylady qui sort deux pistolets alors que sa cape se fend en deux pour former les ailes d'une immense chauve-souris dans son dos.
Alors qu'elle s'élève dans les airs, Kurara s'exclame :
-On s'occupe de monsieur muscle avec Wistom. Vous les filles, occupez-vous de l'elfe.
Tous les deux chargent alors Héliotrope qui pousse un râle en leur fonçant dessus. Ylady de son côté commence à tirer sur l'elfe qui fuit par les restes de grilles au premier étage. Alors que Lyra coure sur une vague de bulle qui apparaît du sol et commence à former une sorte d'escalier pour qu'elle puisse rejoindre Cirse. Mais, je me refuse à n'être que spectateur et je tire à plusieurs reprises sur Héliotrope tandis qu'il se bat contre Kurara, Blade et Wistom. Il est encore plus violent qu'auparavant, mais la force de Kurara est presque son égal désormais.
De son côté, le capitaine hésite à rejoindre le combat, mais son sang ne fait qu'un tour et il bondit sur Héliotrope en lui assénant un terrible coup de poing au visage. Malgré toute la force qu'il a mis dedans, il ne semble pas avoir été vraiment affecté et il continue de se battre avec toute sa rage en brisant Blade avec un coup de pied en plein thorax. Je vois bien que mes balles ne lui font rien et je préfère donc me tourner vers l'elfe qui est en train de se battre avec Lyra et Ylady. Je remarque aussi Bertyl qui envoie son araignée en l'air pour l'aider à grimper au mur et ainsi, continuer à les aider. J'hésite à lui dire de laisser tomber mais je vois bien que dans ses yeux, il n'y a que de l'inquiétude. Celle-ci est dirigée vers nous.
Je pense d'ailleurs à Elise pour voir comment elle va. Je la vois finalement au chevet de Susane, tout en commençant à la soigner. Je sais bien que grimper, serait une perte de temps alors je cours vers le fond de l'usine pour voir où ils se battent et si je peux leur venir en aide. Après un long sprint, je les vois enfin sur une des grilles autour de fours en train d'échanger des coups alors qu'Ylady tente de lui tirer dessus. L'elfe se bat à main nue avec Lyra, alors que sa hallebarde pare tous les tirs d'Ylady. Son pouvoir est phénoménal, il faut que je trouve une ouverture pour réussir un tir sans toucher Lyra. Il est extrêmement mobile et j'ai du mal à bien voir au travers de la grille. Malgré le fait que j'ai ma montre, je n'ose pas tirer tout de suite. Il me faudrait un meilleur angle de vue.
-Les filles, essayez de l'amener vers un des rebords de la plateforme pour que je puisse avoir une ouverture! je leur crie.
-Facile à dire, s'exclame Lyra.
-On va essayer, poursuit Ylady.
Au même moment, Bertyl arrive en marchant sur la plateforme avec son araignée sur l'épaule. Je ne sais pas ce qu'elle s'apprête à faire. Mais cela a intérêt à aider Lyra car elle commence à perdre l'avantage, malgré son épée. Cirse réussit à la frapper sous le bras, ce qui la fait lâcher son arme. A ce moment précis, mon cœur va comme pour éclater et sans réfléchir je tir pour blesser Cirse. Malheureusement, la balle qui me restait heurte la grille. Je prends alors ma montre dans le creux de ma main et je commence à tourner le cadran. A peine a-t-il ramassé l'épée que j'actionne le mécanisme.
Je reviens pile au moment où je finis ma course. Que dois-je faire, maintenant ? Je sais que tirer est inutile et brailler sur Lyra ne va faire que la déconcentrer... Le seul moyen de la sauver, c'est de lui dire de se désengager du combat.
-Lyra, laisse tomber et recule! Arrête de te battre contre lui, je l'ai vu dans le passé.
-Quoi ?! crie-t-elle avant de bondir en arrière en mettant sa lame entre lui et elle.
-Je t'ai vu te faire désarmer dans dix secondes. Attendez toutes les deux que la capitaine arrive! je leur crie.
Elles s'éloignent alors toutes les deux de lui tandis que Bertyl arrive à côté de Lyra.
-Il semblerait qu'il y en a un qui pense avant d'agir. C'est vraiment dommage, lâche Cirse.
-Et tu vas voir qu'on est deux ! s'exclame Bertyl en le pointant avec sa rapière.
Je remarque grâce à ce cours instant de répit, une échelle sur ma gauche que je m'empresse d'escalader pour les rejoindre au plus vite. Nous sommes maintenant tous les quatre face à Cirse, deux de chaque côté de la plateforme tandis qu'il ramène lentement sa hallebarde contre lui. Nous serrons les poings et hésitons tous à nous ruer dans un assaut commun. Tout le monde s'observe et se jauge, il n'y a que l'elfe qui semble confiant. Il fait cependant quelque pas en arrière, se rapprochant ainsi du rebord.
C'est finalement un bruit sourd qui vient perturber notre sursis. L'un des murs en dessous de nous a volé en éclat. C'est Kurara qui y est passé au travers. Il est sacrément mal en point. Il a plusieurs dents manquantes et surtout la marque d'un poing dans ses côtes. C'est alors que sortant de la fumée; Héliotrope avance lentement en traînant derrière lui Wistom inconscient.
-Je me suis occupé de ces deux-là. Mais le capitaine se refuse à mourir! crie Héliotrope à son équipier.
-Les miens aussi ne se laissent pas faire. Qu'est-ce qu'on fait ? demande Cirse.
-On a perdu trop de temps et la garde ne va pas tarder. Il faut qu'on s'en aille maintenant, lui réponds Héliotrope en nous tournant le dos.
A ces mots, Cirse se colle à sa hallebarde qui tournoi à toute vitesse pour se planter à côté d'Héliotrope. Il en descend tranquillement et nous salut en partant.
-Désolé, messieurs, dames. Mais nous ne pouvons pas nous éterniser plus longtemps. A jamais.
Soudain, Héliotrope est propulsé en avant et fait plusieurs tonneaux avant de s'écraser dans un tas de ferrailles. C'est le capitaine Okata qui vient de bondir. Il se tient debout avec beaucoup de mal, juste à côté de l'elfe. Celui-ci va pour le trancher avec sa hallebarde, mais il s'arrête brusquement aux ordres de son équipier :
-Laisse-le moi ! C'est à moi d'en finir avec lui. Ce salopard était présent sur l'île, lâche Héliotrope en se relevant lentement.
-D'accord. Mais dépêche-toi. Je comprends que tu veuilles te venger, mais si on ne quitte pas cet endroit rapidement, tout cela n'aura servis à rien, répond l'elfe en plantant son arme à l'horizontal dans un mur et en s'asseyant dessus comme-ci de rien n'était pour observer simplement le spectacle.
-Tu ne sais rien de moi ! s'exclame Okata.
Son attitude a changé, elle est sauvage, presque bestiale. Son regard n'est plus du tout le même qu'auparavant.
-Tu as détruit ma femme, ma famille, mon foyer, mon pays... Tout ce que j'avais, tu me l'as pris, toi et les tiens. Vous avez détruit notre monde ! hurle Héliotrope en fonçant sur le capitaine.
Les coups qu'ils se portent sont d'une extrême violence et désormais, il ne cherche plus à esquiver ou à parer. Ils sont tous les deux obséder par une seule chose. Détruire leur adversaire.
-Il n'y a pas une journée sans que je regrette ce jour-là! hurle Okata alors qu'il continue à se battre.
-Ma femme, mes enfants sont morts à cause de vous et de votre cupidité! hurle Héliotrope en pulvérisant le capitaine au travers du sol.
-Tu veux que je leur dise, hein ?! Tu veux qu'ils découvrent qui tu es vraiment ?! continue de s'exclamer Héliotrope.
-Arrête, implore Okata en essayant de ne pas être écrasé par le pied d'Héliotrope.
-Tu veux que je leur dise ce que tu as fait il y a dix ans sur l'île d'Heiwa ?!
-Je t'en supplie, arrête, supplie Okata en respirant avec difficulté.
Héliotrope soulève alors le capitaine avec sa main droite en le prenant au col, tandis que Bertyl hésite à intervenir. Lorsqu'elle agrippe la rambarde pour s'élancer, Cirse lui fait un non de l'index comme pour lui faire comprendre qu'il serait alors obligé de s'en mêler à son tour. La situation semble sans issue. Mais le capitaine semble reprendre des couleurs, petit à petit. C'est peut-être mon esprit qui me joue des tours, mais à mesure que les secondes passent, il semble respirer avec moins de difficulté.
-Je n'ai pas voulu ce massacre. Je n'ai fait que suivre les ordres. On ne savait pas que le gaz était mortel, dit le capitaine Okata.
-Tes paroles ne sont que des mensonges. Le noble de la Vérité voulait notre précieux minerai. C'est pour cela qu'il avait envoyé des émissaires pour négocier avec mon peuple. Mais nous avons refusé, car nous ne voulions n'avoir aucun lien avec les hommes. Alors le baron a cherché un autre moyen de l'obtenir. Il s'est servi de ses relations en tant que noble et il a prétendu qu'un complot visant l'empereur était en train de se préparer sur l'île, à l'abri des regards. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que celui-ci pris de colère décide d'en finir avec nous qui avions toujours refusé de nous soumettre. Vint alors le jour maudit, vous avez gazé notre île. Femmes et enfants sans distinction. Mon peuple a péri dans l'indifférence d'un monde rongé par l'avarice. Nous sommes peu à avoir survécu à ce jour, mais nous nous sommes unis et avons promis d'un jour nous venger de ceux qui s'en étaient pris à notre nation. C'est pourquoi j'ai intégré la pègre de la drogue. Pendant dix longues années, j'ai préparé ce plan pour me débarrasser de celui qui avait commandé ce génocide et qui est maintenant à la tête de cette ville. Mais il a fallu que vous veniez vous mettre sur notre route et que vous fassiez échouer dix longues années de recherches pour obtenir ce fameux gaz dont vous vous étiez servis contre nous. Vous auriez ainsi reçu exactement ce que vous aviez offert à notre nation et les miens auraient enfin été vengés.
Tandis qu'il finit son discours, lLe capitaine s'efforce de contenir la pression sur sa gorge et dit :
-Tu veux venger la mort de ta famille en tuant des milliers d'innocents. Tu deviendras exactement le monstre que tu as juré de combattre.
-Tais-toi !
-Si tu n'es pas capable de t'en prendre uniquement à l'homme qui t'a fait souffrir alors tu ne vaux pas mieux que lui.
-Je t'ai dit de te taire ! hurle Héliotrope en refermant sa main sur la gorge du capitaine, nous entendons alors sa nuque se briser et sa tête se pencher lourdement en avant, le menton posé sur le dessus de la main de son meurtrier.
Il est mort.
Le capitaine a le teint qui perd peu à peu ses couleurs.
Plus personne n'ose même bouger d'un cil et le temps semble s'être arrêté alors qu'une légère brise semble s'être levé dans l'usine.
Le sang coule lentement de sa bouche. Ses traits sont tristes et je crois même distinguer une larme se répandre le long de sa joue droite.
Quand soudainement, ses yeux s'ouvrent alors que son poing gauche frappe violemment dans le coude d'Héliotrope qui se brise net et le fait lâcher instantanément le capitaine. Celui-ci tombe à quatre à pattes en massant rapidement sa gorge qui se remet en place en se torsadant à la manière d'un serpent.
-Salopard ! Si tu crois que cela va m'arrêter ! hurle Héliotrope en tenant son bras cassé.
-C'est une mise en bouche. Je t'ai brisé deux fois. Je peux encore le refaire.
A ces mots, une fumée noire naît sous les pieds du capitaine et commence à se propager dans toute la pièce. Cette fumée opaque les fait bientôt tous les deux disparaître alors qu'on distingue à peine Cirse, toujours assis sur sa hallebarde.
De notre côté, on entend plusieurs chocs violents, puis des craquements dans le sol. Alors que celui-ci tremble à plusieurs reprises, nous entendons les râles d'Héliotrope.
-Arrête de jouer à cache-cache. Viens te battre comme un homme!
-Avec plaisir, lui répond le capitaine.
Un coup de vent balaie toute la fumée, c'est une violente frappe du capitaine en plein dans le torse de son adversaire qui a produit cela. Celui-ci a été projeté dans le sol. Son dos et ses épaules sont rentrés d'un mètre à même la pierre, alors que ces bras et ses pieds reposent à la surface. Il répond de manière saccadée et son casque fait résonner ses paroles. Il prend un moment avant de se relever, tandis que le capitaine crache beaucoup de sang.
Je rage de ne pas pouvoir intervenir car si je le fais, son allié entrera en scène et il est d'un tout autre niveau comparé à moi. Il a même failli battre Bertyl, si nous n'avions pas été là pour lui venir en aide durant l'affrontement.
Héliotrope se relève alors, mais ses jambes peinent à le garder debout. A peine s'est-il relevé que le capitaine se redresse pour le frapper dans la mâchoire avec le sommet de son crâne. Le coup le déstabilise grandement et permet à Okata d'agripper avec ses deux mains sa nuque pour le frapper en plein visage avec cette fois-ci son front. Le coup est d'une telle violence que même le visage du capitaine porte les marques de son attaque. Une partie du casque se tord et se brise. On voit ainsi se dessiner quelques traits derrière cette armure. Un visage couvert de cicatrices, mais aussi un visage étonnement calme, presque serein avec des yeux verts perçants. Sa tête bascule légèrement à gauche puis à droite, le voilà sonné et ses jambes décident de l'abandonner pour le laisser tomber à genou face au capitaine.
Le capitaine met alors sa main gauche sur son épaule et le menace de son poing droit trempé dans le sang.
-Abandonne. S'en est finis pour toi. Et toi l'elfe, descends de ton perchoir ou je devrais demander à mes hommes de t'y contraindre, s'exclame le capitaine en jetant un œil vers Cirse qui n'a pas bougé du combat.
-J'accepte ma défaite, lâche Héliotrope avec une voix tremblante d'épuisement alors qu'il respire avec difficultés.
Le capitaine semble étonné par la reddition de l'homme qu'il venait de combattre de toutes ses forces. Héliotrope a du mal à parler, ses mots sortent lentement de sa bouche alors que Cirse se lève sur sa hallebarde.
-Je vous laisse mon corps... Mais pas mon esprit... Cirse, je t'ai toujours admiré. Prends soin d'Emily pour moi.
A ces mots, l'elfe saute pour s'agripper à une échelle au-dessus de lui alors que sa hallebarde sort du mur en tournoyant à toute vitesse vers le capitaine, celui-ci arrive sans trop de difficulté à l'esquiver mais il n'était pas la cible. La hallebarde se plante en plein dans le torse d'Héliotrope qui est transpercé de part en part.
-Merci, mon ami.
Ce sont les dernières paroles de notre ennemi. Il tombe face contre terre alors que la hallebarde disparaît dans son ombre. Son corps est désormais totalement inerte et l'elfe s'est enfui sans que l'on ne puisse tenter de l'en empêcher.
Le combat est terminé et le capitaine s'autorise enfin à s'asseoir sur des débris alors que je m'avance vers Wistom. Je n'avais pas pu m'approcher de lui durant le combat, mais il respire. Son pouls est faible et Hirion m'aide à panser ses plaies tandis qu'Ylady soigne Kurara. Susane de son côté a repris connaissance et a laissé Lyra s'éloigner quelques peu pour soigner la capitaine Bertyl.
Cette victoire a un goût amer, mais elle nous a permis d'empêcher un massacre. Chacun d'entre nous a du mal à complètement reprendre ses esprits. Petit à petit les plaies sont soignées et nous nous rassemblons autour de Kurara qui est dans un sale état, mais sa vie n'est pas en danger. Cependant, il faudra un moment avant qu'il soit en capacité à nouveau de se battre. Mais en y réfléchissant avec quelqu'un comme le capitaine Enjinto, tout semble plus simple. Etant donné sa capacité à soigner des cas qui semblent désespérés, il est peut-être possible qu'il reprenne du service plus tôt que prévu.
Le capitaine Okata fait le tour du bâtiment et va voir dans l'atelier où les ouvriers ramenaient les cuves de métal. Je décide de le suivre car je ne suis d'aucune utilité pour Hirion qui prend grand soin de Wistom. Le bâtiment est sans-dessus-dessous et il y a un peu partout des impacts de balles ou d'armes. C'est un drôle de spectacle que j'observe en m'approchant du capitaine. Il est debout, immobile, penché vers un trou creusé dans le sol. Lorsque j'arrive à son niveau, je comprend qu'il donne sur les égouts, on voit les eaux se déverser sous nos pieds à une dizaine de mètres.
-Qu'est-ce qu'ils étaient en train de faire à votre avis, capitaine ? je lui demande.
-Je ne sais pas trop, mais ils comptaient déverser les cuves à travers ce trou pour les diffuser dans l'eau des égouts. Il me répond en analysant les cuves de métal encore chaudes, ainsi que toutes les fioles, creusets, ampoules et cristallisoir qui font plus penser à un laboratoire qu'à une aciérie.
Cette salle m'intrigue énormément. Il y a là, beaucoup de matériel pour chimistes ou scientifiques. Ils n'ont rien à faire ici. A quoi pouvait bien servir cet espace et comment comptaient-ils se servir de ces cuves remplies de métal en fusion? Le capitaine semble aussi circonspect que moi. Mais pas nous n'avons pas le temps de nous attarder que des bruits provenant de l'entrée de l'usine nous parviennent.
-Ce doit-être la garde. J'imaginais bien qu'il se rendrait ici après le foutoir que nous avons créé. Il faut que j'aille à leur rencontre pour qu'ils ne voient pas Kurara dans son état. De ton côté, essaie de découvrir ce qu'ils prévoyaient de faire avec tout ce matériel, me dit le capitaine Okata avant de s'en aller vers l'entrée de l'usine.
Je m'exécute donc et je commence à fouiller parmi les manuscrits et les parchemins qui sont sur une des tables. Tout ceci dépasse de loin mes compétences scientifiques, mais j'essaie quand même de déchiffrer et de comprendre ce qui y est écris. Il est question d'un catalyseur de chaleur et d'un propagateur de chaleur liant et développant les actions entre les liquides. C'est assez flou mais je m'efforce à étudier leur système. Il semble qu'ils aient mélangé trois substances mères : le métal en fusion mélangé à du Rodium qui sert de catalyseur, un élément nommé Exorus qui permet la propagation de la chaleur et enfin de la sève du buisson du diable. Je connais ce dernier élément. Mon père me disait toujours de faire attention à cette plante. C'est un buisson constitué exclusivement d'épines venimeuses. On l'appelle le buisson du diable car au printemps il se transforme en un bouquet de fleurs violettes magnifiques mais absolument mortelles lorsque l'on hume leur pistil.
Ainsi comme le diable, il sait être séduisant mais il ne change pas sa nature mauvaise et meurtrière pour autant. Je commence à comprendre leur plan. Je farfouille au milieu des plans, des schémas. La plupart sont incompréhensibles mais je tombe finalement sur un très explicite. Ils cherchaient à déverser un mélange de métal en fusion lié à de la sève de buisson du diable dans les égouts pour créer un brouillard de mort dans toute la ville. Etant donné que les égouts passent partout sous la ville, tout le monde aurait été touché en un peu plus d'un quart d'heure. Plus de cent mille personnes auraient ainsi été tués sans que personne ne puisse se défendre ou fuir.
Tout ce plan me rend malade. La simple idée que des gens puissent imaginer une folie pareille me retourne l'estomac. J'ai envie de vomir. J'essaie de me ressaisir et je découvre qu'Héliotrope et Cirse ne travaillaient pas seuls. Ils avaient un employeur. Ce n'est nul autre que la pègre de la drogue.
Mais quel est le rapport entre un groupe de terroriste et la vente de drogue? Cette découverte me procure encore plus de questions qu'elle n'en a résolues. Je continue donc mon enquête jusqu'à ce que le capitaine Okata ne revienne me voir. Lorsqu'il rentre dans la salle, il est accompagné d'un garde en armure. Il semble plutôt perplexe quant à la découverte de ce lieu. C'est un homme d'une quarantaine d'année, au cheveux grisonnants. Il a une moustache qui rejoint la racine de ses cheveux et je découvre qu'il est un poil maniéré dans sa manière de me saluer.
-Myo, je te présente le lieutenant Edgar. Il est en charge de la sécurité de la ville. C'est pour cela qu'il va prendre les rênes de cette enquête. Tu ne prends avec toi que ce qui est en rapport avec la pègre, m'ordonne la capitaine alors qu'il s'avance dans la pièce pour lui montrer le trou creusé dans le sol.
Je continue à fouiller dans tous ces papiers, mais j'ai eu l'impression avec le timbre de sa voix que le capitaine n'avait pas envie de laisser cette enquête au lieutenant. Durant leur discussion, je prête un peu l'oreille pour en apprendre un peu plus sur leur relation.
-Sachez capitaine que je ne porte nullement dans mon cœur l'ordre d'Artémis. Certains dans mon entourage pensent que vous êtes un mal nécessaire, mais je ne suis pas de cet avis. En tant que membre du conseil des douze, ma famille a toujours été opposé à la mise en place de votre organisation clandestine, dit le lieutenant en faisant face au capitaine.
-Je comprends votre méfiance et vos doutes quant à notre travail, mais je puis vous assurer...
-Laissez-moi finir. Je trouve que donner autant de pouvoir à des militaires a toujours été une erreur que le peuple finissait par amèrement regretter. Et je ne pense pas que vous ferez exception. Cependant, aujourd'hui vous avez rendu un fier service à notre ville et pour cela je vous remercie.
-Nous n'avons fait que notre devoir sire de la Vérité, répond humblement le capitaine.
-Ne m'appelez pas ainsi. Je suis le lieutenant Purple Sun, rien de plus, interrompt immédiatement le noble.
-Comme vous voudrez. Nous allons récupérer les documents liés à la pègre et pour le reste, vous serez maître de vos décisions.
-Je vais demander à mes hommes de sécuriser la zone tout en veillant à mettre sous les verrous tous les hommes que vous avez capturé.
-Puis-je vous demander une faveur ?
-Hum... Disons que c'est celle que je vous dois pour ce que vous avez fait aujourd'hui.
-Je souhaite garder tous les prisonniers et les emmener avec moi, demande calmement Okata.
-Quoi ?! Comment voulez-vous que je puisse enquêter dans ces conditions ?!
-Ils sont liés à la pègre et comme vous le savez, l'ordre d'Artémis a pour priorité absolue la destruction de la pègre, répond le capitaine.
Le lieutenant mord alors ses lèvres avant de répondre énervé :
-Allez au diable avec vos prisonniers! Je vous donne dix minutes à vous et vos hommes pour déguerpir d'ici.
-Je vous remercie, répond le capitaine alors que le lieutenant repart en colère hors de la pièce.
-On peut dire qu'il ne nous porte pas dans son cœur, capitaine, lui dis-je.
-ça tu peux le dire. Mais assez perdu de temps, prends avec toi tous les documents liés à la pègre.
-Je laisse ceux qui sont liés à la concoction des cuves ? je lui demande.
-Malheureusement, oui. La loi ne nous autorise pas à récupérer des documents qui ne sont pas liés stricto-sensu à la pègre. Ceux-là sont du domaine de la sécurité du pays. La police s'en chargera. Mais fait une copie des documents qui tu penses essentiels. J'aimerai pouvoir informer le commandant Wolgen avec du concret. Me réponds le capitaine en mettant lui aussi le nez dans toute cette documentation.
Nous faisons donc un tri dans tout ce bazar. Finalement, peu avant que les dix minutes ne soient écoulées, nous rejoignons le reste de notre groupe.
Lorsque nous arrivons auprès d'eux, je remarque que Kurara n'est plus là et Susane non plus d'ailleurs.
-Où sont passés Susane et Kurara ? je demande à Hirion.
-Ils sont partis juste avant que le lieutenant rentre car Kurara restait transformé en yéti, me répond Hirion.
Je remarque aussi Wistom qui est assis dans les bras de Lyra. J'accours alors vers lui pour voir comment il va.
-Alors grand-frère, toujours en train de chercher des excuses pour se retrouver dans les bras de jolies filles ? je lui demande en souriant.
-Ahah! Aie, aie. Ne me fait pas trop rire, ça me détruit les côtes. Tu aurais dû voir le combat face à Héliotrope. On a tout donné tous les trois avec Kurara et le capitaine Okata, me répond Wistom en tenant les bandages qui entourent son torse.
-Il nous a fait une sacrée frayeur, mais il va s'en remettre. Et vous de votre côté, vous avez découvert quelque chose ? m'interroge Lyra.
-Oui, on a pas mal de d'infos. Mais aussi plein de questions, je lui dis.
-J'ai demandé un rappel, il y quelques secondes. Cela ne devrait plus tarder, dis Bertyl en se tenant à Susane et à sa rapière.
-Parfait, de mon côté avec l'aide de Myo, on a réuni pas mal de documents. Dès que nous arriverons au centre, va te soigner avec le reste du groupe. Je vais amener tout cela au commandant Wolgen, s'exclame le capitaine Okata en lui montrant les parchemins que nous avons récupéré.
Bertyl remarque comme nous que le capitaine est à bout de force et qu'il essaie tant bien que mal de faire semblant de ne pas être blessé mais peu à peu son corps a du mal à suivre.
-Tu vas venir avec nous pour te faire soigner, Okata et cela n'est pas négociable!
-Je n'ai pas le temps, il faut que j'aille informer le commandant Wolgen...
-Et moi, je n'ai pas envie d'enterrer un autre ami! Alors pour une fois, tu vas obéir et tu vas nous suivre à l'infirmerie ! crie-t-elle alors qu'un portail s'ouvre devant nous.
Le capitaine s'avance alors en premier sous le regard inquisiteur de la capitaine. Elle semble d'ailleurs la seule dont le capitaine semble craindre les foudres, malgré le fait qu'elle soit blessée.
Lorsque nous traversons tous le portail, nous arrivons dans le hall avec plusieurs médecins qui nous attendaient. Ils mettent alors la capitaine sur un brancard et ils font de même pour Wistom. Nous les suivons donc jusqu'à l'infirmerie où d'autres médecin et infirmières prennent soin de chacun d'entre nous.
Cela me fait un bien fou de pourvoir me poser. Je n'ai que quelques égratignures et l'infirmier qui me soigne le fait avec beaucoup de douceur. Je peux voir par la fenêtre un paysage idyllique. Un splendide printemps où les oiseaux se rassemblent pour dessiner dans le ciel toutes sortes d'illusion. Cet accalmie me permet de penser à notre vie d'avant. A ces journées ennuyeuses à l'école où j'étudiais sans fin sans réel but. Et me voilà aujourd'hui, soldat de l'empereur. Qui l'eut cru? Je n'ai pas pu encore prévenir nos parents de la situation. J'espère qu'ils vont bien et que maman ne se fait pas trop de soucis pour nous. Heureusement, dans trois jours nous allons rejoindre notre famille pour les rassurer. Je me demande comment on va pouvoir leur expliquer la situation. Il est d'ailleurs fort probable que nous ne puissions pas leur parler de ce que nous sommes et ce que nous faisons désormais. C'est peut-être mieux ainsi.
Finalement, après mettre perdu dans mes pensées, on toque à la porte. L'infirmier me laisse donc un instant pour aller voir ce qui se passe. Il sort un instant hors de la pièce puis il revient avec dans sa main plusieurs rouleaux de parchemins. Lorsqu'il me les tend, je les reconnais. Ce sont ceux que nous avons récupéré dans l'usine.
-La capitaine Bertyl veut que vous alliez les donner au commandant Wolgen en main propre et que vous lui fassiez un topo sur ce qui s'est passé à G-Shokunin, me dit l'infirmier en me tendant les parchemins.
Je les prends donc et je saute de la table pour me dépêcher de trouver le commandant. En sortant, je regarde si mes amis ont déjà été soigné, mais aucun d'entre eux n'est sorti. Je continue donc ma route pour rejoindre les escaliers et atteindre le niveau 1.
Lorsque je l'atteins enfin, je tombe nez à nez avec le capitaine Vorka, toujours occupé à signer et lire des documents en buvant une tasse de thé violet. J'hésite un instant avant de l'interrompre dans son travail. Finalement, j'ose lui dire :
-Capitaine Vorka, je dois délivrer un message au commandant Wolgen. Pourriez-vous m'indiquer l'endroit où il se trouve ?
Le capitaine lève lentement les yeux de ses documents pour m'observer.
-Couloir de droite, deuxième porte à gauche. Il y a deux bouddhas sur les côtés de la porte, tu ne peux pas te tromper.
Puis il retourne à sa paperasse.
-Merci, capitaine. Et je me dépêche de me diriger vers le couloir de droite derrière le bureau du capitaine.
Il n'y a pas énormément de monde dans ce couloir et comme indiqué, il y a bien deux statues de bouddhas en bronze devant la porte. J'utilise le heurtoir pour prévenir ma présence et j'ouvre lentement cette porte qui semble peser une tonne, au moins. Après avoir poussé comme un fou, celle-ci finit par s'ouvrir soudainement. C'est le commandant qui l'a déplacé. C'est un homme plutôt impressionnant, toujours en train de fumer sa pipe.
-Bonjour, Myo. C'est bien ça ? me demande Wolgen avec un léger sourire.
-Euh... oui, commandant.
Je suis surpris qu'il connaisse mon prénom alors que je ne suis qu'un petit soldat.
-J'imagine que tu viens m'informer de votre mission à G-Shokunin.
-En effet, mon commandant.
-Eh bien entre. Tu ne vas pas rester sur le pas de la porte toute ta vie, me répond-il en m'invitant à avancer et à m'asseoir dans un fauteuil.
C'est un bureau très spacieux qu'a le commandant. Il a une cheminée qui réchauffe la pièce, avec aux murs bons nombres de trophées de monstres. Je reste estomaqué par la prolifération de ceux-ci et de la monstruosité des créatures qui peuvent exister.
-C'est vous qui avez tué toutes ces créatures ? j'ose lui demander.
-Oui, j'étais un chasseur dans ma vie d'avant. Finalement, le Nuage de Rey n'a pas totalement changé mes habitudes. Je suis toujours payé pour chasser des nuisibles en faisant en sorte qu'ils laissent en paix les honnêtes gens.
-Vous n'étiez pas militaire à la base ?
-Non, non. Comme bon nombre de gens ici, je suis arrivé par accident. Au tout début de son apparition, je fus touché par le Nuage de Rey et j'ai intégré le premier corps de l'Ordre d'Artémis. Nous n'étions qu'une quinzaine à ce moment-là. Encadré par des officiers qui n'avaient pas de pouvoirs. Ce fut une drôle d'époque. Mais assez parlé du passé. Qu'as-tu à me raconter ? me demande-t-il en s'asseyant dans son fauteuil en cuir.
Je fais de même et je lui raconte ce qui nous est arrivé. Comment nous avons suivis Héliotrope et Cirse avec Susane. Comment nous avons appris ce qu'ils comptaient faire à G-Shokunin et comment nous avons vaincu Héliotrope et malheureusement laissé s'échapper Cirse. Le commandant Wolgen boit mes paroles sans rien dire. Lorsque je finis mon récit, il met un petit temps avant de laisser s'échapper quelques mots.
-Sais-tu si Héliotrope était bien celui qui a tué Roy ?
-Euh... eh bien, je n'en suis pas certain. Vous avez peur que le capitaine Okata reparte à la recherche de son assassin ?
-Non. J'essaie de comprendre les raisons qui ont poussé Kugutsu à nous donner si facilement le nom d'Héliotrope. D'après ce que tu m'as dit, il n'avait rien d'un simple sous-fifre et il ne travaillait pas non plus dans la même organisation que Kugutsu. La drogue et les œuvres d'arts ne semblent liés d'aucune manière...
Le commandant fume sa pipe à plusieurs reprises en ayant le regard perdu. Il semble pensif et il y a de quoi. Malgré le fait que nous ayons obtenu certaines informations, il en reste toujours de nombreuses en suspens.
-Je pense que le seul qui puisse nous répondre n'est autre que Kugutsu lui-même. Je vais me rendre à la prison pour l'interroger. Dès que j'en saurai plus, je vous ferai convoquer, le capitaine Okata et tout votre groupe. Félicite les pour ce que vous avez réussi à faire. Arrêtez un massacre de civils innocents est ce que l'on peut espérer de plus fort pour notre organisation. Je pense pour ma part qu'il est inutile de stopper la pègre si l'on n'est pas capable de protéger notre population. Notre priorité doit être malgré tous les ordres, la vie de notre peuple. Même si parfois cela implique de laisser filer l'un de nos ennemis.
-Ce sera fait, commandant.
Dès que je lui ai répondu, Wolgen se lève et m'accompagne en dehors du bureau. Nous marchons ensemble jusqu'aux escaliers, sur le chemin nous échangeons encore quelques mots. Il me demande notamment comment je me fais à la vie ici et comment j'appréhende le fait de revoir ma famille dans trois jours. La conversation se termine par une brève salutation lorsque je descends au -1 alors qu'il s'en va vers le hall.
Une fois l'infirmerie atteint, je me dirige vers le bloc où était soigné Wistom. Il est requinqué et il discute tranquillement avec Lyra devant la salle d'opération numéro 4.
-Salut, frérot. Comment vas-tu ? je lui demande.
-Je me porte comme un charme, me répond-il.
-Et le capitaine Okata ? je poursuis.
-Il est en train d'être soigné par le capitaine Enjinto mais il semblerait que cela prenne plus de temps que la dernière fois car son corps a été poussé dans ses limites à la suite du soin préc��dent. Il lui faudra donc un petit temps de convalescence nous a dit une des infirmières. Me répond Lyra.
-ça nous laissera peut-être le temps de souffler. Souris Wistom.
Il y a du vrai dans ce qu'il dit. Nous n'avons pas cessé de nous agiter dans toutes les directions et si cela nous permet de nous reposer un peu, ce ne sera pas plus mal. Mais je ne me fais pas trop d'illusion.
Après quelques dizaines de secondes, la porte du bloc s'ouvre. Le capitaine Enjinto s'essuie les mains dans un mouchoir blanc et il nous dit :
-Le capitaine voudrait vous voir.
Nous le suivons donc et nous voyons le capitaine assit sur le lit la tête baissée. Son bras gauche est transformé en tentacule et plusieurs autres sortes de son dos et descendent jusqu'au sol. Je remarque facilement l'inquiétude et la stupeur qui se lit sur le visage de mes amis et elle est tout à fait naturelle. Notre capitaine qui semblait invincible lors de notre première rencontre a des limites comme tout le monde et elles sont r��vélées au grand jour aujourd'hui.
-Ne soyez pas inquiet pour moi. Je vais m'en sortir. Mon corps est un peu fatigué. C'est pour ça que j'ai du mal à gérer ma transformation. Mais d'ici quelques jours tout sera rentré dans l'ordre. D'ici là, vous serez sous les ordres du capitaine Tonka. Vous verrez, il a à peine vingt et un ans, mais il est extrêmement doué. C'est lui qui vous entraînera le temps que je puisse retourner sur le terrain. Je vous demande de lui obéir aveuglément comme vous le feriez avec moi. Suivez scrupuleusement ce qu'il vous dit et vous ferez de nets progrès en un rien de temps.
-Oui, capitaine, nous lui répondons avec Wistom.
-Prenez soin de vous, dis un peu timidement Lyra.
Nous ressortons alors du bloc opératoire alors qu'Enjinto aide le capitaine à se rallonger péniblement.