Il y avait cinq grandes fosses à patates douces et une trentaine de pots remplis de patates séchées étaient alignés sur les étagères.
La récolte de patates douces avait été abondante cette année.
Il était clair qu'ils n'auraient aucun problème de nourriture jusqu'à l'été prochain.
De plus, elles étaient sucrées et délicieuses. Il était donc compréhensible que les villageois soient excités.
Les aliments au goût sucré étaient considérés comme une nourriture de luxe durant l'époque Sengoku.
"Des patates~ des patates rôties~"
Shizuko marmonnait joyeusement alors qu'elle regardait une assiette remplie de patates douces rôties.
La douce odeur titillait son estomac.
Les villageois, de même, déglutissaient en voyant la pile de patates rôties.
"On dirait que tout le monde est là, prenez tous une patate~"
Se servant des mots de Shizuko comme signal, les villageois se jetèrent sur la montagne de patates douces rôties.
La pile de patates disparut en moins d'une minute.
"Cheffe, faites-nous un discours, s'il vous plaît !"
Shizuko avait pensé que les villageois se mettraient immédiatement à manger, mais contre toute attente, ils s'étaient tous tournés vers elle.
Elle avait voulu faire un Ondō, mais elle fut dissuadée par les regards de plus de 30 personnes.
"Euh~ eh bien, je vais pas faire quelque chose de long ou compliqué."
Shizuko dit ces mots en se raclant la gorge, elle était étonnamment de bonne humeur.
"Merci à tous pour votre dur labeur. C'est grâce à vous qu'on a droit à toutes ces patates douces. Alors on va boire, manger et s'amuser tout notre soûl ! Et espérer une bonne récolte l'année prochaine ?!"
"OUI !"
Lorsque Shizuko leva sa patate douce vers le ciel, les villageois en firent de même comme pour lui répondre.
D'une certaine manière, c'était surréaliste, mais la motivation était la chose la plus importante. Chipoter sur le moindre détail n'était pas une bonne chose.
Leur cri fut le signal pour commencer le festival.
"Allez, voyons voir quel goût tu as, ma chère patate douce dorée~"
Shizuko éplucha lentement sa patate douce en regardant les villageois s'étouffer après avoir mangé leur patate avec la peau.
La vue de la belle patate douce dorée après avoir retiré sa peau l'excitait à chaque fois.
"Oh, voilà une couleur qui attire le regard."
Au moment où elle avait retiré un tiers de la peau, une voix surgit de derrière.
Elle tenta de se retourner en direction de la voix, mais sa main qui tenait la patate fut tirée.
"Hum. Une douceur délicieusement modérée."
L'homme qui avait tiré la main de Shizuko mordit la patate douce dans sa main sans aucune hésitation.
La moitié de la partie épluchée avait disparu en un clin d'œil.
Cependant, elle ne formula aucune plainte envers cette personne, au contraire, elle était effrayée et tremblait de partout.
"M-MMMMMMonseigneur ?!"
La personne qui avait sa patate douce était son seigneur, Oda Nobunaga.
***
"La patate séchée. Cette texture modérée et cette douceur sont un délice."
"Oui…"
Shizuko regarda Nobunaga, qui avait mangé sa patate, avec une expression stupéfaite.
Cette surprise n'avait rien d'étonnant car elle n'avait reçu aucun message, la visite était beaucoup trop soudaine.
"Euh, monseigneur. Que me vaut votre visite ?"
"Je vais profiter de la source chaude avant de partir au front. Et j'ai une tâche à te confier."
Au front… Ah, la conquête du Mino.
Il était dit qu'Oda Nobunaga était devenu un daimyo qui régnait sur deux provinces, Owari et Mino, en l'an 10 de l'ère Eiroku (1567).
Selon la première biographie de Nobunaga, le [Shinchō kōki], la province de Mino aurait été conquise aux alentours du mois d'août.
La période exacte est inconnue, mais on raconte qu'au 9 novembre de l'an 10 de l'ère Eiroku, l'empereur Ōgimachi aurait transmis l'ordre de restauration du goryō-sho (domaine du shogunat) à Nobunaga lorsque celui-ci était au Mino.
Sur cette base, on pouvait déterminer qu'en l'an 10 de l'ère Eiroku (1567), la province de Mino était sous le contrôle de Nobunaga.
Bien sûr, il y avait eu diverses escarmouches avant que cela ne se produise.
Shizuko comprit que l'une de ces escarmouches allait bientôt arriver.
"… Hein ? À moi ?"
Elle avait compris qu'il y aurait la guerre, mais elle ne comprenait pas son rôle là-dedans.
Ignorant quel genre d'affaire importante son seigneur allait lui confier, Shizuko ne put s'empêcher de pencher la tête.
"Pour commencer, il y a les villageois ici et les 50 paysans que je ferais venir. Ils ne seront pas emmenés sur le champ de bataille. Au lieu de cela, tu vas les utiliser pour faire de cet endroit une base de production vitale."
"Hein ? Hein ?"
"Et je vais prendre ces patates séchées."
"Oui… ce n'est pas un problème. Mais pourquoi nous ordonner de construire une base de production ?"
Shizuko avait elle aussi pensé à augmenter la production, elle y avait pensé par elle-même, sans que Nobunaga lui en donne l'ordre.
Par conséquent, elle avait trouvé cela étrange que Nobunaga lui ordonne soudainement de transformer le village en base de production.
"… Que penses-tu de ce pays ?"
C'était une question soudaine.
Bien que Shizuko était prête à lui répondre, Nobunaga n'en attendait rien, il voulait simplement lui poser la question.
Par conséquent, Nobunaga se remit à parler sans se soucier de si Shizuko avait une réponse.
"Aujourd'hui encore, les conflits entre les daimyos persistent. Le pays et ses habitants sont épuisés. Nous devons vite unifier le pays. Sinon, nous ne pourrons pas tenir tête au Nanban et au Ming."
Après avoir pris un air pensif pendant un moment, Nobunaga se remit à parler.
"C'est pourquoi je pense que nous devons commencer par ce [Fukoku Kyōhei] dont tu m'as parlé. Unifier le pays est impossible sans une base solide."
Après avoir dit cela, Nobunaga prit une grande inspiration, et expira lentement.
"Shizuko, il n'y a probablement aucun seigneur qui soit capable de réaliser l'étendue de tes exploits. Mais moi, je les connais. Ainsi que les difficultés d'une production massive avec si peu de gens."
"Merci beaucoup."
"C'est pourquoi je t'ordonne de produire massivement du riz. C'est à toi que je confie ce rôle."
Shizuko baissa profondément la tête en réponse aux paroles de Nobunaga, qui arborait un léger sourire.
Shizuko fut prise d'une sensation étrange.
Ce que Nobunaga lui avait dit était un ordre, et il n'y avait aucune garantie qu'elle soit récompensée en cas de réussite.
Mais cette sensation étrange n'était pas désagréable.
Au contraire, elle voulait savoir jusqu'où Nobunaga irait.
"Une fois que nous aurons unifié ce pays, nous le développerons au point où il surpassera le Ming et le Nanban. Ensuite―"
Mais Shizuko savait. Elle savait que Nobunaga, qui était en train de parler de son rêve, n'unifiera jamais le pays.
Qu'une rébellion frappera durant son rêve et mettra fin à sa vie.
Mais malgré cela, elle voulait tout de même savoir. Jusqu'où il serait capable d'aller s'il continuait sur cette voie.
Shizuko voulait intensément savoir comment Nobunaga avait mené sa vie.
Je veux savoir le Nobunaga qui se tient devant moi, pas celui qui est décrit dans les livres d'histoire.
***
Au final, Nobunaga avait emporté la majorité des patates séchées avec lui.
Mais cela était mieux que d'être conscrit.
Normalement, la récolte était saisie en tant qu'impôt et tous les paysans étaient envoyés sur le champ de bataille.
"Augmentez les récoltes en suivant les ordres de Shizuko. Voilà votre rôle !"
Nobunaga, du haut de son cheval, proclama cet ordre aux villageois.
Shizuko comprit intuitivement. Nobunaga avait l'intention de renforcer les fondations de son pays.
Est-ce qu'il a l'intention d'établir une fondation nationale qui va au-delà du bon sens durant les années précédant la marche vers la capitale ?
Durant l'époque Sengoku, le rendement des récoltes variait en fonction du nombre de paysans et de la terre.
Les concepts de production massive et de techniques agricoles efficaces n'existaient pas encore.
Les récoltes les plus abondantes n'atteignaient même pas les récoltes les plus faibles de l'époque moderne, ils laissaient constamment la chance en décider.
"Regardez bien, seigneur. Dans un an, nous aurons récolté assez de riz pour vous surprendre."
Mais Shizuko était différente.
Elle connaissait une technique d'agriculture qui avait été développée entre l'époque Sengoku et l'époque moderne.
Combinée avec ses connaissances des temps modernes, le rendement serait immensément différent.
"Hoho, j'attends cela avec impatience."
Nobunaga grimaça face à Shizuko qui le regardait droit dans les yeux.
La plupart des villageois avaient eu envie de pleurer en voyant cela, tandis que Shizuko souriait légèrement.
Ce n'était pas qu'elle avait confiance.
Le bon sens de l'époque moderne ne pouvait pas être appliqué à l'époque Sengoku.
Même si elle avait apporté des outils du monde moderne avec elle, ils n'auraient pas été omnipotents au point de résoudre tous ses problèmes.
Et elle ne pouvait pas les utiliser à profusion car s'ils se cassaient, leurs substituts ne seraient pas aussi performants.
Et pourtant elle souriait.
Elle s'amusait.
Cultiver une vaste terre agricole et faire pousser de nombreuses cultures était amusant pour elle.
"Nous verrons si une fois mes connaissances appliquées, il y aura une région qui soit capable d'égaler notre kokudaka."
"Tu as bien confiance. Tâche de faire de ces paroles une réalité."
"Je ne serais pas capable de dire cela si j'étais seule. Ces gens m'ont suivi pendant près de 6 mois. Si nous continuons ensemble, nous pourrons y arriver."
Shizuko dit cela en tournant son regard vers les villageois.
La réussite de sa récolte était due au fait qu'elle n'était pas seule.
Elle avait réussi à récolter autant de maïs et de patates douces uniquement grâce à la coopération des villageois.
La plupart d'entre eux semblaient avoir moins de 20 ans, mais ils l'avaient suivie en silence.
Au départ, ils l'avaient suivie à contrecœur sous la menace, mais aujourd'hui, un lien solide s'était formé entre eux.
C'est pourquoi Shizuko était convaincue qu'elle n'échouerait pas.
"J'attends cela avec impatience !"
Sur ces mots, Nobunaga fit tourner le cou de son cheval, marquant la fin de la conversation.
Shizuko, en voyant cela, baissa profondément la tête, et les villageois s'empressèrent de s'incliner à leur tour.
Shizuko ne releva la tête que lorsqu'elle ne pouvait plus entendre les galops du cheval.
Nobunaga n'était plus là, naturellement.
"Haaa, on va avoir plein de problèmes sur les bras~"
Sa voix était si détendue qu'on ne pourrait pas croire qu'elle avait parlé à Nobunaga avec assurance.