La saison des pluies avait pris fin et l'été était arrivé, faisant transpirer la peau de Shizuko sous une chaleur torride.
La charge de travail de Shizuko n'avait pas diminué, au contraire, elle continuait d'augmenter.
"Il fait tellement chaud…"
Shizuko se plaignit tout en s'hydratant avec l'eau d'une gourde faite en bambou.
Elle avait envie de prendre un bain et de tout oublier. Elle le ferait immédiatement si elle n'était pas surveillée.
C'était différent de s'éclabousser le visage, mais elle n'avait pas le droit de le faire.
L'onsen était en pleine rénovation sous ses yeux, mais le bâtiment ressemblait davantage à une forteresse.
De plus, Shizuko était le superviseur de la construction, un poste qu'elle ne pouvait pas abandonner pour aller s'amuser.
"Ça fait vraiment bizarre d'avoir un bâtiment pareil dans ce village… bah, ça ira."
Peu importe à quel point la source chaude était magnifique, le sentiment d'étrangeté avec les bâtiments environnants donnait l'impression qu'elle n'avait pas sa place ici et attirait la suspicion.
Par conséquent, Shizuko demanda à ce que les maisons autour soient également modifiées.
Résultat, elle reçut l'autorisation de rénover entièrement le village.
Les maisons étaient propres et étaient généralement bien reçues par les villageois, mais Wittmann se sentait inconfortable dans sa nouvelle maison.
Il s'était mis à passer la plupart de ses journées sous le soleil.
"Ah, c'est bientôt l'heure de la chasse."
Elle avait beau être superviseur, elle avait simplement besoin de donner des instructions le matin et rien d'autre.
Contrairement aux villageois, elle n'était pas désespérée, elle pouvait se permettre de reporter les problèmes d'aujourd'hui à demain.
C'était la seule chose à laquelle Shizuko était reconnaissante.
"Préparons-nous…"
Shizuko retourna chez elle après avoir murmuré ces mots.
Wittmann n'était pas présent, mais elle pensait qu'il était près de la rivière et commença les préparatifs.
Elle appelait cela des préparatifs, mais elle n'avait rien pris de spécial.
Elle avait pris une gourde d'eau en bambou pour l'hydratation, un couteau pour drainer le sang, une corde de chanvre pour capturer le gibier, un sifflet pour donner des ordres à Wittmann et une arbalète pour la chasse.
Il y avait plusieurs raisons au fait qu'elle avait pris une arbalète plutôt qu'un arc qui avait été créé en tant qu'outil de chasse avant de devenir une arme.
Les arcs avaient un certain problème : leur puissance dépendait de la capacité de traction de l'utilisateur.
Cependant, une arbalète, de par sa structure, était capable d'utiliser des mécanismes et des dispositifs tels qu'un levier ou un palan.
Ce genre de dispositif pouvait même faciliter l'utilisation d'un arc puissant au point où il était difficile à manier avec la force humaine.
Et la précision pouvait également être améliorée en installant un viseur à la base.
Une arbalète, à la base, possédait déjà une grande précision, mais installer un viseur le rendait encore plus précis.
Un autre avantage de l'arbalète était que la période d'entraînement nécessaire à sa maîtrise était plus courte que celle d'un arc.
Elle n'avait pas non plus besoin d'un bon artisanat comme pour un arc, elle était utilisable même avec une structure simple.
En revanche, sa structure faisait qu'elle perdait sa capacité à tirer rapidement.
Cependant, la base de la chasse était de tuer en un seul coup, alors la cadence de tir n'était pas nécessaire.
De plus, sa puissance était faible même si elle était toujours considérée comme une arme dans le monde moderne, tandis qu'à l'époque Sengoku, où même un fusil était un objet d'une immense valeur, elle serait une bonne arme.
Pour résumer, les avantages de l'arbalète étaient qu'elle ne faisait presque aucun bruit, pouvait tirer des munitions autre que des carreaux, pouvait être fabriquée à bas prix, était hautement fiable, était légère car elle était fabriquée exclusivement avec du bois, facile à entretenir et à réparer, et avec un peu d'entraînement, sa précision pouvait atteindre les 100 mètres, et ce n'étaient là que les points qu'elle pouvait mentionner.
D'un autre côté, les inconvénients mentionnables étaient qu'elle ne convenait pas aux tirs à longue distance, qu'elle ne pouvait pas enchaîner rapidement les tirs, que sa puissance ne pouvait pas dépasser un certain niveau et que sa force était inférieure à celle du métal.
Shizuko avait choisi une arbalète plutôt qu'un arc parce qu'elle était relativement facile à utiliser et qu'elle saisissait plus facilement l'image d'un tir horizontal.
Elle n'était pas douée avec les arcs pour commencer.
Il était plus facile pour elle de tirer avec une image similaire à un lance-pierre militaire.
Même avec ces avantages en tête, elle avait dû s'entraîner plusieurs fois lorsque l'arbalète avait été terminée.
Grâce à cet entraînement, elle était devenue capable d'atteindre facilement une cible immobile à quelques dizaines de mètres.
"Est-ce que je devrais prendre seulement une poignée de flèches ?"
Elle ne prévoyait pas de chasser un grand nombre de gibiers, alors elle ne ressentait pas le besoin de prendre suffisamment de carreaux pour devoir les mettre dans un carquois.
Tout ce qui lui fallait à présent, c'était une corde d'arbalète et elle était prête à partir.
"Voilà, je suis prête. Il n'y a plus qu'à appeler Wittmann."
Après avoir murmuré cela, Shizuko sortit son sifflet et souffla dedans.
***
C'était techniquement de la chasse, mais Shizuko s'en prenait principalement aux jeunes faons.
En faisant cela, la communauté des cerfs vieillirait et la fertilité diminuerait.
Cependant, leur nombre était immense. Il y avait une limite au nombre de cerfs que Shizuko était capable de chasser seule.
De plus, elle ne pouvait pas se permettre de perdre une source de protéines en abattant inutilement trop de cerfs.
Il y avait une limite à la quantité de viande qu'elle pouvait conserver en la transformant en viande séchée.
Réduire le nombre de cerfs tout en évitant de gaspiller leur viande demandait un équilibre précis.
"Ah, des traces de cerf. Et elles sont plutôt nouvelles… ils doivent être dans les parages."
Shizuko, accroupie, avait murmuré ces mots alors qu'elle observait les traces laissées par les cerfs.
Elle confirma que le vent soufflait sur elle par rapport à la direction des traces, faisant qu'elle n'aurait pas à craindre que son odeur soit découverte durant la chasse.
"2 faons et 1 adulte… ils doivent être parent et enfants. Wittmann, vise un faon."
Elle avait prédit le nombre de cerfs via leurs traces.
Puis elle progressa en faisant le moins de bruit possible et se rendit à un endroit légèrement plus ouvert.
Il semble que le parent et les enfants étaient à la recherche de broussaille à manger dans une zone d'alimentation.
"Ils sont… là."
Elle regarda autour d'elle et vit 3 cerfs un peu plus loin.
La distance semblait être d'environ 30 mètres à vue d'œil, ils étaient dans la portée de l'arbalète.
Mais ils étaient dans une mauvaise direction, elle avait besoin de regarder verticalement plutôt qu'horizontalement.
"(On peut rien y faire. Wittmann, tu vas attaquer le faon à droite, et moi, je viserai celui qui est à l'arrière.)"
Après avoir transmis ses ordres, via des gestes de la main, à Wittmann, Shizuko s'équipa de son arbalète.
Elle avait déjà bandé la corde avant de gravir la montagne, elle n'avait plus besoin que d'y mettre un carreau.
Après avoir vérifié de nouveau la direction du vent, Shizuko visa un faon tout en ayant son sifflet dans sa bouche.
Elle appuya sur la détente au moment où sa visée était stable.
Le carreau dessina un arc de cercle et transperça l'arrière de la tête du faon avec précision.
Le cerf adulte et l'autre faon réalisèrent la présence d'un ennemi et fuirent vers la forêt à toute vitesse.
Shizuko siffla de toutes ses forces. C'était le signal pour dire « GO ! » à Wittmann.
Wittmann, qui avait compris l'ordre donné par le sifflet, bondit hors du buisson.
Comme c'était une bataille courte et décisive, il avait immédiatement couru à une vitesse de 70 km/h.
Un cerf adulte avait une vitesse maximale similaire à celle des loups, mais le corps d'un faon n'était pas encore capable de courir aussi vite.
Le deuxième faon fut incapable de rattraper sa mère et fut tué sans avoir pu opposer la moindre résistance.
"Aucune contre-attaque, hein ?"
Elle avait préparé son arbalète au cas où la mère aurait contre-attaqué, mais elle s'était inquiétée pour rien.
La biche avait rapidement disparu dans la forêt.
Shizuko retira le carreau de l'arbalète et siffla à nouveau. Cette fois-ci, elle siffla avec un léger intervalle.
Traduit en japonais, ce sifflement était un ordre qui signifiait « Rapporte la proie ».
Les loups avaient une hiérarchie plus stricte que celle des humains, ils n'étaient pas autorisés à manger avant leurs aînés.
De ce fait, ce n'est qu'après que Shizuko ait traité et goûté la viande que Wittmann se mettait à manger.
Dans le monde moderne, il y aurait des gens qui feraient des remarques comme quoi cela était « pitoyable » ou « cruel », mais si une personne voulait élever un loup, elle se devait de comprendre leurs habitudes et leur écologie.
Shizuko avait appris cette leçon à la dure lorsqu'elle avait été mordue par son chien durant son enfance.
Elle draina le sang des deux faons, les attacha à des branches suffisamment solides et les porta.
Elle descendit de la montagne et effectua le reste du processus et le refroidissement à l'endroit habituel.
Elle avait uniquement drainé le sang dans la montagne car les organes devaient être retirés en moins d'une heure.
Il était possible de les jeter, mais ils pouvaient être utilisés comme matériaux pour le compost, alors elle voulait en ramener autant que possible.
"Ce sont encore des enfants, alors ils n'ont pas beaucoup de viande."
Elle ne pouvait pas obtenir autant de fourrure et de viande qu'avec les cerfs adultes, mais cela restait une quantité correcte.
Cependant, Shizuko ne démantela qu'un seul faon, l'autre servirait de repas pour Wittmann.
Elle retira le foie, le saupoudra légèrement de sel et le fit griller.
C'était un repas modeste, mais tout aliment capable de fluidifier le sang était précieux.
Elle voulait le manger pendant qu'il était encore mangeable.
"Voilà, j'ai fini de manger, au tour de Wittmann."
Shizuko sortit l'autre faon de la rivière dès qu'elle eut fini de manger le foie.
Elle retira la fourrure et le présenta à Wittmann.
"Voilà ta viande."
Wittmann, qui avait compris ses mots, mordit énergiquement la viande.
Il arracha la chair sans se soucier des tendons ou du cartilage.
"La puissance de la morsure d'un loup de 180 kg est vraiment impressionnante…"
Shizuko fut impressionnée par Wittmann qui avait englouti le faon en un clin d'œil.
***
La viande de faon fut coupée en tailles modérées et distribuée aux villageois.
C'était un acte de « partage des bénéfices ». Cela résulterait en une amélioration de la nutrition des villageois et une augmentation de leur motivation.
Les chasses ne réussissaient pas toujours, il était possible de ne pas attraper de cerf pendant plusieurs jours.
Et même si elle trouvait un cerf, elle ne réussirait pas forcément à l'attraper. Si elle manquait de chance et que le vent était contre elle, son odeur serait immédiatement remarquée.
Une chasse ne pouvait réussir que si le chasseur était dans la bonne direction du vent et qu'il remarquait le cerf avant que celui-ci ne le remarque.
"Je me demande bien où est ta partenaire."
Shizuko, qui était allongée au sol, parla à Wittmann.
Au départ, Wittmann regarda Shizuko avec une expression étrange, mais il finit par détourner le regard, semblant avoir perdu intérêt.
Vu sa taille, il doit venir d'une région froide. Je pense que le mâle et la femelle ont été apportés ensemble.
Bien sûr, elle ne pouvait pas nier la possibilité que la louve soit morte. Après tout, Wittmann était mourant lorsqu'elle l'avait trouvé.
Shizuko était sûre que Wittmann serait mort si elle ne l'avait pas aidé.
Pour commencer, le taux de réussite d'une chasse était d'environ 10 %, et ce, même si les loups chassaient en meute.
Et comme il était seul, son taux de réussite était réduit à environ 1 %.
"Est-ce qu'elle a survécu en mangeant des carcasses d'animaux, ou est-ce qu'elle est morte ? … Est-ce qu'une femelle a été amenée ici, pour commencer ? Rah, oublions ça…"
Shizuko savait qu'aucune réponse ne viendrait peu importe à quel point elle réfléchissait, alors elle secoua la tête pour y mettre fin.
La réponse finirait tôt ou tard par arriver, c'était la conclusion qu'elle avait toujours adoptée.
"Demain aussi, on doit se lever tôt, alors il faut dormir."
Elle étendit la natte de couchage, ôta son kimono et s'en servit comme couverture.
"Allez, bonne nuit, Wittmann."
Dès qu'elle ait dit cela, elle s'endormit en l'espace de quelques dizaines de secondes.
***
Début août, l'été avait commencé à battre son plein.
Le moment de la récolte pour les tomates, le maïs doux et les citrouilles était arrivé ; pour les patates douces et les cannes à sucre, il était encore trop tôt.
Grâce aux efforts des villageois, les cultures furent abondantes, mais ils hésitaient à manger des aliments inconnus.
"Hum, les tomates sont couci-couça. La pollinisation est bonne et elles ont une bonne taille parce qu'on a arraché les bourgeons excédents. On devrait pouvoir les manger bientôt."
Certaines tomates n'étaient pas encore rouges, mais la plupart d'entre elles étaient d'un rouge vif.
Après en avoir récolté quelques-unes pour évaluer leur croissance, Shizuko se rendit au champ de citrouilles.
"La peau est vert sombre, le liège forme une bonne tige. Et la taille est raisonnable, peut-être que c'est le bon moment."
La bonne période pour la récolte d'une citrouille était entre 30 et 40 jours après l'apparition des fleurs, si l'on prend en compte la pollinisation artificielle effectuée en juillet, il n'y avait aucun problème à les récolter maintenant.
Cependant, une récolte d'essai était nécessaire pour s'assurer que la récolte principale n'aurait aucun problème.
"Et du côté du maïs doux~"
Elle se rendit au champ de maïs après avoir récolté environ 3 citrouilles convenables.
Elle récolta quatre épis de maïs avec des poils bruns à leur pointe et les ramena au village.
Comme elle avait dit aux villageois de préparer de l'eau chaude à l'avance, elle s'était épargnée la peine de devoir la préparer elle-même à son retour.
"Saki-san, Osora-san, est-ce que c'est prêt ?"
Lorsque Shizuko appela les femmes chargées de la préparation, l'une des deux se tourna vers elle.
Elle était un peu maigre, mais elle était une belle femme avec un visage bien formé.
"L'eau chaude est prête. L'autre préparation est également terminée, mais… pour être honnête, je suis plutôt inquiète."
L'expression qu'elle avait lorsqu'elle a répondu était mignonne même aux yeux de Shizuko, qui était elle aussi une femme.
C'est trop mignon.
Elle lava le maïs et les tomates, coupa le maïs en tailles raisonnable et les jeta dans la marmite.
Le maïs immédiatement récolté n'avait pas besoin d'être assaisonné. Il avait meilleur goût lorsqu'il était bouilli et mangé tel quel.
Cependant, Osora était légèrement intimidée par le jaune vif des grains de maïs.
"On coupe les tomates comme elles sont et on taille les citrouilles en bouchées. Les graines sont utilisables, alors on va les mettre de côté… et on fait bouillir avec du venaison. Puis on assaisonne avec du saké et du miso."
Normalement, il était recommandé de laisser sécher au soleil pendant 7 à 10 jours, mais ce processus avait été omis afin d'inspecter la situation de la récolte.
Elle sortit les graines de citrouille et les plongea dans un seau rempli d'eau. Cela servait à nettoyer les graines pour quand elles seront récupérées plus tard.
Elle coupa le sarcocarpe des citrouilles en morceaux de la taille d'une bouchée, puis elle coupa le venaison en morceaux de taille raisonnable et fit bouillir le tout.
Puis elle ajouta du saké et du miso et couvrit la marmite. Tout ce qu'il restait à faire, à présent, était de laisser mijoter.
"Et, c'est fini. Maintenant, on attend de voir ce que ça va donner."
Shizuko regarda la marmite en train de bouillir et attendait le nabe avec impatience.