Lorsqu'elle avait vu la scène se dérouler devant elle, Shizuko ne pouvait que laisser échapper un rire sec. Oda Nobunaga était bien plus colérique qu'elle ne l'avait pensé. Il avait laissé une impression si forte qu'il l'avait submergée d'une vigueur aussi forte qu'une rivière boueuse.
Elle regarda l'homme à côté d'elle. C'était un homme, à cheval, d'environ 50 ans, mais son visage ne montrait pas de vieillissement sévère. Il s'appelait Mori « Sanzaemon » Yoshinari, et il était l'un des officiers militaires les plus fiables de Nobunaga. On disait que quelle que soit l'adversité, Nobunaga n'avait rien à craindre avec Yoshinari à ses côtés. En fait, le premier vassal à qui Nobunaga avait donné un château était Mori Yoshinari.
Il ressemble vraiment à un vieil homme humble… mais si je dis ça à voix haute, je me ferais tuer.
Quand elle se retourna vers l'avant, elle vit une trentaine de personnes, hommes et femmes, en train de se prosterner. Ils appartenaient à l'un des nombreux villages agricoles qui pouvaient être trouvés n'importe où à cette époque. Mais il y avait une raison au pourquoi ils étaient allés dans ce village-ci.
"Cette année aussi, le tribut que vous avez envoyé est inférieur à la moitié du montant demandé. Qu'est-ce que ça veut dire ?"
Un soldat avait dit cela en regardant de haut un vieil homme qui semblait être le chef du village.
C'était comme il l'avait dit, le tribut annuel de ce village était mauvais. Ils n'avaient pas pu payer la moitié du montant demandé, et chaque année semblait être pire que la précédente. La situation avait atteint un stade où elle ne pouvait plus être ignorée, alors Nobunaga avait l'intention de détruire le village. Mais il était tombé sur Shizuko.
Faire payer le village le tribut annuel. Ou envoyer un grand nombre de récoltes… c'était un ordre de ce genre.
Lorsque Shizuko avait été invitée au château et que Nobunaga avait proclamé qu'il la prenait à son service, ses officiers militaires s'y étaient naturellement opposés. Bien sûr, Nobunaga semblait avoir compris leurs préoccupations, alors il avait souri à pleines dents et dit :
"Je ne m'intéresse pas aux vieilles traditions. J'utilise tout ce qui peut être utilisé… et si quelque chose ne l'est pas, je le jette sans aucune pitié. Shizuko possède les techniques d'agriculture du Nanban. Elle va s'en servir pour montrer sa valeur."
Ces seuls mots avaient fait taire toutes les voix de l'opposition. Nobunaga lui accordait une chance, alors ses officiers militaires ne pouvaient pas se plaindre. Certains étaient même soulagés d'entendre qu'il n'allait pas utiliser Shizuko comme commandant d'une force militaire.
Pour commencer, une femme ne peut pas servir en tant qu'officier militaire… ou plutôt, je n'ai jamais touché à un sabre !
Ma sœur, elle, serait sûrement ravie de se jeter dans un champ de bataille avec un sabre en main, mais je ne suis pas une fana de la guerre comme elle. Elle était ce que les gens pouvaient considérer comme une roturière très ordinaire, une fille avec des connaissances agricoles et une légère expérience dans la mise en œuvre de ces connaissances.
"Normalement, nous vous aurions exécutés, mais notre seigneur est très généreux."
Puis le soldat regarda Shizuko. Celle-ci comprit qu'elle devait s'avancer et se tint à côté du soldat.
"Vous allez obéir à cette fille, Ayanokōji Shizuko, et faire pousser des cultures selon ses instructions."
"Hein ?!"
Les paysans poussèrent des cris surpris. Cela était évident car la personne qui leur avait été présentée était une jeune fille. Il était impossible de ne pas être étonné.
Eh bien, j'aurais fait la même chose, à leur place…
"Cela ne vous plaît pas ? Dans ce cas, nous pouvons directement vous tuer."
Alors qu'elle était dans ses pensées, les soldats sortirent soudainement leurs sabres de leurs fourreaux. Shizuko était effrayée car elle n'avait que deux choix entre la vie et la mort, et elle devait prétendre être calme car la moindre grimace risquait de lui donner l'air suspecte.
"N-Non, non ! Nous n'avons aucun problème !"
"Bien. Dans ce cas, commencez immédiatement."
Hein ?! Si soudainement ?!
Elle avait beaucoup de choses à dire, mais comme elle n'avait pas le choix, Shizuko dut faire ce que les soldats lui avaient ordonné.
"A-Ahem. Pour commencer, montrez-moi les champs. Ensuite, le village. Et pour finir, nous inspecterons les alentours."
Il n'y avait pas d'autre choix possible. Comme Shizuko ne connaissait aucun moyen de rentrer chez elle, elle n'avait pas d'autre choix que d'être sous la protection de Nobunaga.
Shizuko, qui avait compris sa situation, fit un pas en avant et commença son adaptation à son nouvel environnement.
***
Shizuko inspecta les champs, les maisons et les alentours du village. Cela lui permit d'apprendre beaucoup de choses.
Le sol n'est pas mauvais… mais la terre penche vers la rivière, alors quand il pleut, tous les nutriments s'échappent là-bas.
Pour commencer, il y avait une rivière d'une taille raisonnable au milieu du village. Les maisons étaient construites sur le côté ouest de la rivière tandis que les champs agricoles se trouvaient sur le côté est. Cependant, le côté du village était plat tandis que le côté des champs était légèrement penché. En fait, il y avait des traces où l'eau avait coulé et formé une rigole vers la rivière. À cause de cela, peu importe à quel point ils labouraient la terre, le sol fertile nécessaire s'amincissait.
Heureusement, l'inclinaison du terrain n'est pas trop raide, alors on peut régler ce problème en faisant des rigoles. Mais le sol fertile est devenu quasiment inutile, alors on doit d'abord faire du compost.
Il leur restait une semaine avant la période de plantation. D'ici-là, ils devaient fabriquer du compost, mais il y avait un problème du côté des matériaux.
Il n'y a que deux vaches dans ce village. Les villageois les ont probablement mis en propriété commune. Mais deux animaux ne suffiront pas.
Le compost était généralement fabriqué avec du fumier de bétail, tel que les poulets, les vaches ou les porcs, avec des matériaux supplémentaires tels que la paille de riz et le son de riz. Comme les déchets humains pouvaient également être mélangés dedans, Shizuko pensa qu'un compost fait avec des excréments d'animaux domestiques pouvait être fabriqué sans faute.
On ferait mieux de préparer un grand seau. Il ne devrait pas y avoir de problème à le place près des vaches…
"Alors, Shizuko-dono ?"
"Uhya !!"
Alors que Shizuko réfléchissait, quelqu'un l'appela dans son dos et elle poussa un cri étrange. Quand elle se retourna, le visage légèrement rougi, elle vit Mori Yoshinari sur son cheval.
"Ah, ah, ah… ! Pour commencer, il est nécessaire d'effectuer un entretien du sol. Si nous ne produisons pas une terre en bon état, nous ne ferons que répéter les mêmes échecs."
Shizuko avait immédiatement répondu en se mettant en dogeza. Yoshinari affichait un doux sourire, mais il restait un officier militaire de l'époque Sengoku. Shizuko, qui était originaire du monde moderne, pouvait sentir une pression incroyable émaner de lui.
"Mon seigneur a de grandes attentes pour vous. Tachez d'y répondre."
"O-Oui !"
Yoshinari hocha la tête face à la réponse de Shizuko, puis il parla aux soldats autour de lui.
"Retournons au château !"
"Oui !"
Sous ce cri, les soldats quittèrent le village avec Yoshinari. Mais ils n'étaient pas tous partis. Quelques soldats étaient restés.
Ah, ils sont probablement là pour me surveiller. Ils ne peuvent pas vraiment me faire immédiatement confiance… meh.
Tout en se disant que c'était le problème de quelqu'un d'autre, Shizuko commença à organiser ses plans.
***
Comme les villageois étaient rassemblés, elle avait décidé de commencer par faire une brève introduction. Une fois cela fait, elle avait appris qu'il y avait 20 hommes et 10 femmes. Et parmi les hommes, il y avait un forgeron et 3 artisans du bois pour faire de la menuiserie ou de l'architecture. Comme le chef du village était un vieil homme au début de la quarantaine, ils n'avaient qu'environ 15 hommes en guise de main d'œuvre pure.
On va devoir faire des groupes de 5 pour faire l'entretien de la terre, la récolte de bois et la fabrication de compost. Je me demande si les artisans pourront fabriquer des outils de substitution. Cette époque a tous les outils agricoles nécessaires, mais le village n'en a pas assez…
Elle regarda les villageois, ils étaient tous maigres à cause de la malnutrition. Même l'ancien chef du village, qui avait 40 ans, avait déjà l'air d'approcher le vieil âge.
Pour cette année, je vais me concentrer sur les patates douces. Elles sont assez nutritives pour être utilisée durant la famine… de ce fait…
"E-Euh, cheffe ? Que devons-nous faire…"
"Ah, désolée. Alors, pour commencer, que tous les hommes, exceptés les artisans et le forgeron, forment des groupes de 5."
"Entendu."
Les villageois savaient que Shizuko partageait le même destin qu'eux, alors aucun d'entre eux n'avait fait de grimace de dégoût parce qu'ils étaient commandés par une femme. Si elle échouait, elle mourrait avec eux ; dans un certain sens, cela était la menace ultime. Consciente de sa situation, Shizuko échafauda son plan.
Quand elle vit que les 3 groupes avaient été formés en environ 5 minutes, elle leur transmit les ordres suivants :
"On va donner des noms faciles à comprendre aux groupes. À partir de la gauche, vous serez les groupes A, B et C. Les artisans seront le groupe D. Souvenez-vous bien du nom de votre groupe."
"Oui. Nous comprenons !"
Les jeunes garçons et les jeunes hommes qui étaient devant elle répondirent énergiquement.
"Pour commencer, l'équipe A sera chargée de préparer la terre. Enfin, tout ce que vous avez à faire, creuser légèrement le sol des champs. Mais il faudra creuser un peu plus profond que d'habitude. Ensuite, le groupe B, vous irez ramasser du bois. Le groupe D sera chargé de fabriquer des outils, alors on va vous demander de travailler ensemble. Le groupe C, lui sera chargé de fabriquer du compost. Pour ça, préparez un grand seau. Faites-en 3, si possible, mais je peux me contenter d'un seul."
"O-Oui…"
"Entendu, nous commençons immédiatement les préparatifs."
"C-Compris !"
Les quatre groupes détalèrent comme des lapins et s'attelèrent à leurs tâches.
"Euh, que devons-nous faire…"
Alors que les hommes partaient travailler, ce fut maintenant au tour des femmes de poser timidement une question.
"Préparez un seau en bois. Et mettez-y de la terre. La terre peut provenir de n'importe où. Après ça, mettez-y également de l'eau."
"O-Oui."
Sous ces mots, les femmes partirent récolter les objets demandés. Shizuko pensa que même si les villageois ne comprenaient pas la plupart de ses ordres, tout irait bien pour le moment.
Pour le moment, je n'ai pas d'autres [choses importantes] à leur faire se dire… allez, il faut que j'aille m'occuper des graines de patates.
Trente minutes plus tard, les villageois qui avaient préparé les objets nécessaires s'étaient rassemblés au même endroit qu'avant. Un seau en bois pour planter les graines, un pot rempli d'eau, trois autres seaux en bois pour faire du compost, et des sets d'outils de fermier et de bûcheron. Ils étaient plutôt archaïques, mais Shizuko pensait que c'était mieux que rien.
"Bien. Pour commencer, je vais expliquer travail des femmes. Ce sera quelque chose de facile à faire. D'abord, vous creusez un trou dans la terre, puis vous plantez ça…"
Pendant qu'elle parlait, Shizuko enterrait des semis de patates douces dans la terre. Les villageois l'écoutaient tout en regardant avec curiosité.
"Ensuite, vous les arrosez d'eau. Ce sont des semis, alors vous n'avez besoin de le faire qu'une fois par jour. Après ça, plantez-les dans un endroit suffisamment ensoleillé. Et le travail des femmes se termine avec ça. Pour le reste, faites comme d'habitude."
"C'est… c'est tout ?"
"Oui. Sur ce, je vous laisse vous en occuper. Au tour du groupe A et de l'entretien des sols. Allons aux champs. Les autres groupes, attendez ici."
Sur ces mots, Shizuko se dirigea vers les champs.