Ces deux dernières semaines s'étaient écoulées à une vitesse vertigineuse, comme si le temps lui-même voulait m'arracher à cette vie sans me laisser une seconde pour reprendre mon souffle. Durant cette période, je n'avais parlé à personne de mon lien avec Jace. Je gardais ce secret enfoui au plus profond de moi, comme un trésor empoisonné que je ne voulais partager avec personne. Mais aujourd'hui marquait la fin d'une ère ; c'était le jour de la cérémonie de remise des diplômes.
Dans le grand hall du lycée, l'euphorie était palpable. Mes amis, Miles et Stella, rayonnaient de joie à mes côtés, riant et plaisantant à l'idée de quitter enfin les bancs de l'école. Ils s'échangeaient des souvenirs, riaient aux éclats et parlaient d'avenir, imaginant toutes les aventures qui les attendaient. Je les écoutais, partageant leur enthousiasme en apparence, mais mon cœur se serrait en silence. Comment leur annoncer que, moi, je ne les suivrais pas dans ces futurs partagés, que ma vie prenait un tournant qu'ils ne pourraient comprendre ?
Miles, toujours l'ami bienveillant, remarqua mon silence et posa une main chaleureuse sur mon épaule. Son regard inquiet croisa le mien. « Ava, tout va bien ? Tu sais que tu vas me manquer, hein ? » lança-t-il avec un sourire doux, mais ses yeux trahissaient une réelle inquiétude.
Je forçai un sourire, hochant la tête pour le rassurer. « Oui, bien sûr, tu me manqueras aussi, Miles. » Si seulement il savait combien tout cela allait bientôt changer…
Mes parents étaient assis non loin de moi, leur visage rayonnant de fierté, et à leurs côtés, Alpha Elyas me lançait un sourire rassurant. Son regard pénétrant me donnait l'impression qu'il savait tout, qu'il percevait même les pensées que j'essayais de cacher. Il était comme un pilier de force, une présence rassurante, mais même lui ne pouvait pas deviner ce qui se jouait vraiment en moi.
La cérémonie elle-même se déroula rapidement, comme dans un flou indistinct. Les discours, les applaudissements, les rires, tout semblait se fondre dans un brouillard d'émotions confuses. Puis, quand le dernier nom fut appelé, quand la dernière ovation résonna dans le hall, Jace apparut près de moi, silencieux, le regard dur. Sans un mot, il me fit signe de le suivre, et je savais ce qui allait se passer. Ce moment que j'appréhendais tant était enfin arrivé.
Il m'emmena à l'écart, loin de la foule, vers le terrain de football. Les gradins étaient déserts, et un silence pesant régnait, comme si le monde entier retenait son souffle. Le cœur battant à tout rompre, je le suivis, sentant déjà le poids de ce qu'il allait dire.
Il se tourna brusquement vers moi, ses yeux sombres étincelant de cette dureté que je n'avais jamais vue auparavant. « Allez, faisons vite, j'ai une fête à organiser ! » lâcha-t-il avec un sourire froid, comme si tout cela n'était qu'une formalité pour lui, une corvée à expédier.
Je fermai les yeux un instant, tentant de retenir les émotions qui menaçaient de déborder. Puis, sa voix claqua dans l'air, nette et implacable :
« Moi, Jace Erickson, futur alpha de la meute du Croissant de Lune, je te rejette, Ava Klarks. »
Les mots s'insinuèrent en moi comme des lames de glace. Une douleur fulgurante envahit ma poitrine, un déchirement brutal qui me laissa vaciller. Pourtant, je me redressai, tentant de masquer mon malaise, de garder un semblant de dignité.
« Moi, Ava Klarks, j'accepte ton rejet, Jace Erickson. »
À cet instant précis, il me sembla que mon corps tout entier se fracturait, que chaque parcelle de moi-même se disloquait sous l'impact de ses paroles. Une douleur insupportable m'écrasa, me poussant à genoux. Mon souffle se fit court, haché, et mes mains tremblaient tandis que j'essayais de m'accrocher à quelque chose, n'importe quoi pour ne pas sombrer complètement.
Je levai les yeux vers Jace, et je crus discerner une lueur de souffrance dans son regard, comme si lui aussi ressentait cet arrachement, cette déchirure. Mais il détourna le regard rapidement, et l'expression froide et impassible reprit place sur son visage. Avant que je ne puisse réagir, des bruits de pas retentirent derrière moi. Je tournai la tête, et mon cœur se serra davantage.
Ils étaient là, tous les élèves, rassemblés pour être les témoins silencieux de mon humiliation. Comme une scène de tragédie, ils me regardaient à distance, leurs yeux brillants de curiosité et de mépris. Avery, en particulier, était là, triomphante, un sourire cruel illuminant son visage. Elle était la première à éclater de rire, suivie par quelques autres. Son rire cristallin résonnait comme une cloche de jugement, rendant ce moment encore plus insupportable.
Les larmes me piquaient les yeux, mais je refusais de leur donner ce plaisir. Je ravalai ma peine, tentant désespérément de ne pas laisser mes émotions déborder. Soudain, deux paires de mains chaleureuses m'attrapèrent par les épaules, m'empêchant de sombrer davantage. Miles et Stella étaient là, leurs visages marqués par l'inquiétude et la compassion. Ils me redressèrent, me soutinrent, m'entourant de leur force silencieuse.
Je fermai les yeux, me laissant emporter par cette étreinte réconfortante. Tout devenait flou autour de moi, les rires, les murmures, la douleur… Je ne ressentais plus rien, seulement l'apaisement que me procuraient mes amis, mes véritables amis.